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CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 4 septembre 2008

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 4 septembre 2008
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 07/02379
Date : 4/09/2008
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Numéro de la décision : 417
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2622

CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 4 septembre 2008 : RG n° 07/02379 ; arrêt n° 417

Publication : Juris-Data n° 370796

 

Extrait : « Considérant que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre part, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ;

Considérant que la clause litigieuse qui permet au préteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce ;

Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et que, partant, elle doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Considérant que le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en relevant d'office le moyen tire du caractère abusif de la clause litigieuse dès lors qu'il résulte de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ;

Considérant que, dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, le montant du découvert reste fixé à 5.000 euros ; qu'il a été dépassé depuis le mois d'octobre 2003 sans avoir été régularisé depuis cette époque ».

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE - PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 4 SEPTEMBRE 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. : 07/02379. Arrêt n° 417. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-QUENTIN du 23 mars 2007.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

SA MEDIATIS

[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et ayant pour avocat la SCP BRAUT ANTONINI HOURDIN HANSER du barreau de SAINT-QUENTIN

 

ET :

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville]

Représentés par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et ayant pour avocat la SCP PRUDHOMME du barreau de SAINT QUENTIN

 

DÉBATS : A l'audience publique du 6 juin 2008 devant M. GRANDPIERRE, Président, entendu en son rapport, magistrat rapporteur siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 4 septembre 2008.

GREFFIER : M. DROUVIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Le Président en a rendu compte à la Cour composée de : [minute page 2] M. GRANDPIERRE, Président, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers qui en ont délibéré conformément à la Loi,

PRONONCÉ PUBLIQUEMENT Le 4 septembre 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Statuant sur l'appel interjeté par la société Médiatis contre le jugement rendu le 23 mars 2007 par le Tribunal d'instance de Saint-Quentin qui l'a déclarée irrecevable en ses demandes dirigées contre M. X. et Mme Y., son épouse, et tendant au remboursement du solde d'une ouverture de crédit, ensemble l'a condamnée à payer les dépens ;

Considérant que la société Médiatis, qui poursuit l'infirmation du jugement, demande que les époux X. soient condamnés à lui payer la somme de 8.739,92 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 16,72 % sur la somme de 8.409,16 euros à compter du 13 août 2006 ;

Qu'a l'appui de son recours et après avoir exposé qu'elle a accordé un crédit aux époux X. qui ont cessé tout remboursement et que, le jour de l'audience M. X., qui ne contestait pas le principe de sa dette, sollicitait seulement des délais de payement, la société Médiatis soutient que le juge n'avait pas le pouvoir de relever d'office le moyen tiré du caractère prétendument abusif de la clause permettant l'augmentation du découvert autorisé sans nouvelle offre préalable et, partant, le moyen tiré de la forclusion de l'action ;

Que l'appelante fait encore valoir que l'article L. 311-9 du Code de la consommation qui prévoit qu'en matière de crédit utilisable par fractions l'offre préalable est obligatoire y compris en cas d'augmentation du crédit initial, n'est pas conforme aux directives communautaires ; qu'enfin, elle fait observer que la clause litigieuse n'est pas abusive alors surtout que l'emprunteur, qui n'a pas l'obligation d'utiliser le montant disponible, peut, à tout moment, renoncer au bénéfice de l'offre de crédit ;

Qu'a titre subsidiaire et si la clause est reconnue comme étant abusive dès lors qu'elle autorise une augmentation du prêt sans nouvelle offre, la société Médiatis soutient qu'a titre de sanction, il y a lieu, non pas de faire remonter le point de départ du délai de forclusion au premier dépassement de la fraction disponible à l'origine du contrat, mais uniquement de prononcer la déchéance du droit aux intérêts dans les conditions fixées par l'article L. 311-33 du Code de la consommation ;

Considérant que les époux X. concluent à la confirmation du jugement au motif que le premier juge avait le pouvoir de relever d'office le moyen tiré de la forclusion de l'action engagée par la société Médiatis, que le mécanisme de protection mis en place par la loi du 28 juillet 2005 et, notamment, la nécessité d'une nouvelle offre de crédit qui doit être acceptée en cas d'augmentation du découvert, sont conformes aux directives communautaires ; qu'ils en déduisent qu'il est nécessaire de présenter une nouvelle offre lorsque le montant du découvert initial a été dépassé et qu'en l'occurrence, faute de l'avoir fait aux mois de juin et juillet 2003, lorsque les [minute page 3] montants de 750 euros et de 5.000 euros ont été dépassés, la société Médiatis, qui a fait délivrer une assignation le 12 janvier 2007, est irrecevable en son action comme y étant forclose ;

Qu'ils ajoutent que, quoiqu'il en soit, l'établissement de crédit est déchu du droit aux intérêts pour ne les avoir pas informés annuellement du solde restant dû ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant qu'il est constant que, par offre préalable acceptée le 6 mai 2003, la société Médiatis a consenti aux époux X. une ouverture de crédit par le découvert en compte dont la fraction disponible était de 5.000 euros, d'une carte de crédit et ouvrant droit, pour l'établissement de crédit, à la perception d'intérêts au taux effectif global de 17,51 % l'an qu'a la suite d'incidents de payement, la société Médiatis a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 14 août 2006 ;

Considérant qu'est insérée au contrat une clause selon laquelle « la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de votre part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au recto [12.500 euros] sauf si, depuis l'ouverture de crédit ou la dernière augmentation de la fraction disponible du découvert vous vous trouvez dans l'un des cas visés à l'article 11.6 [suspension du droit à découvert] » ;

Considérant que, comme l'a relevé le premier juge, dès le mois d'octobre 2003, les époux X. étaient débiteurs d'une somme excédant 5.000 euros et qu'a l'occasion de ce dépassement, aucun avenant écrit n'a été conclu ;

Considérant que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre part, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ;

Considérant que la clause litigieuse qui permet au préteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce ;

Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et que, partant, elle doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Considérant que le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en relevant d'office le moyen tire du caractère abusif de la clause litigieuse dès lors qu'il résulte de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ;

[minute page 4] Considérant que, dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, le montant du découvert reste fixé à 5.000 euros ; qu'il a été dépassé depuis le mois d'octobre 2003 sans avoir été régularisé depuis cette époque ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation, les actions en paiement doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance ; que, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le dépassement du découvert convenu constitue, en l'absence de régularisation, un incident qui manifeste la défaillance de l'emprunteur et qu'il constitue le point de départ du délai biennal de forclusion édicté par l'article précité ;

Que la société Médiatis ayant fait délivrer l'assignation le 4 octobre 2006, soit plus de deux ans après le point de départ du délai de forclusion, son action est irrecevable ;

Que, par voie de conséquence, il convient de confirmer le jugement frappé d'appel ;

Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, la société Médiatis sera déboutée de sa réclamation ; qu'en revanche, l'équité ne commande pas qu'il soit donné satisfaction aux époux X. quant à ce chef de demande ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 23 mars 2007 par le Tribunal d'instance de Saint-Quentin au profit de M. X. et de Mme Y., son épouse ;

Déboute la société Médiatis et les époux X., chacun de sa demande d'indemnité sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Médiatis aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Tételin-Marguet et de Surirey, avoué de la société Médiatis, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,