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CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 14 mars 2011

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 14 mars 2011
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 10/02178
Date : 14/03/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/03/2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2660

CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 14 mars 2011 : RG n° 10/02178

Publication : Jurica

 

Extrait : « Si ce mandat n'apparaît pas comporter de clauses abusives générant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la société CGLE en sa qualité de mandataire était tenue d'agir dans l'intérêt du mandant et de lui rendre compte de l'exécution de sa mission ainsi que de l'informer de tous éléments importants. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 14 MARS 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/02178. Jugement (n° 09/00142) rendu le 3 février 2010 par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS.

 

APPELANTE :

SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'ÉQUIPEMENTS

ayant son siège social [adresse], représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour, ayant pour conseil Maître Catherine TROGNON-LERNON, avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

demeurant [adresse]

Madame Y. épouse X.

demeurant ensemble [adresse]

Bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI

représentés par Maître QUIGNON, avoué à la Cour, ayant pour conseil Maître Antoine VAAST, avocat au barreau d'ARRAS

 

DÉBATS à l'audience publique du 27 janvier 2011 tenue par Jean-Marc PARICHET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile ). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Evelyne MERFELD, Président de chambre, Jean-Marc PARICHET, Conseiller, Pascale METTEAU, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 mars 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 décembre 2010

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Afin de financer l'acquisition d'un mobil-home, les époux X.-Y. ont souscrit un contrat de crédit le 28 février 2005 auprès de la Compagnie Générale de Location d'Equipements (ci-après CGLE), accepté le 5 mars 2005 d'un montant de 24.325 euros correspondant au prix du mobil-home.

Le remboursement était prévu en 144 mensualités de 269,05 euros.

Les époux X. ont cessé de payer les échéances à compter du 20 juillet 2007 et la CGLE leur a notifié la résiliation du contrat de prêt par lettre du 28 novembre 2007.

Le 11 décembre 2007, les époux X. ont restitué le mobil-home à la CGLE en lui confiant la mission de le vendre.

La CGLE leur a transmis une offre de rachat d'un montant de 9.000 euros, qu'ils ont refusée estimant que le bien pouvait être évalué à 15.000 euros.

En définitive, le mobil-home a été vendu aux enchères pour un prix de 10.000 euros.

Postérieurement la CGLE a réclamé aux époux X. le paiement de la somme restant due au titre du prêt soit 19.954,79 euros.

Par un jugement en date du 3 février 2010, le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS a condamné les époux X. à payer à la CGLE la somme de 19.954,79 euros, a condamné la CGLE à payer aux époux X. la somme de 6.381,58 euros à titre de dommages et intérêts et après compensation, a condamné solidairement les époux X. à payer à la société CGLE la somme de 13.573,21 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,5 % à compter du 13 novembre 2008, les parties étant déboutées du surplus de leurs demandes.

Le 26 mars 2010, la société CGLE a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 8 novembre 2010, la société CGLE conclut à l'infirmation du jugement, au débouté des demandes des époux X., à leur condamnation solidaire, à lui payer la somme de 19.954,79 euros avec intérêts au taux conventionnel de 7,5 % à compter du 13 novembre 2008 outre celle de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société CGLE considère que le Tribunal a commis des erreurs d'appréciations en estimant qu'elle avait commis une faute en ne portant pas à la connaissance des époux X. la vente aux enchères de leur mobil-home, en ne les informant pas de l'estimation du mobil-home, en ne leur laissant pas la possibilité de fixer un prix de réserve ni d'évaluer les frais de vente et en n'obtenant pas leur accord concernant la déduction des frais d'emplacement et de déplacement au profit du camping sur lequel le mobil-home était installé.

Elle fait valoir qu'elle a mis au courant les débiteurs de la vente aux enchères, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas les avoir consultés sur les modalités de cette vente alors qu'ils lui avaient donné mandat de vendre le mobil-home par tout moyen et au mieux de leurs intérêts et qu'ils ont également été informés de ce que le montant des arriérés dus au camping viendrait en diminution du prix de vente aux enchères. Elle ajoute qu'elle n'avait aucune obligation de porter à la connaissance des époux X. l'estimation faite par le commissaire priseur ni de leur donner la possibilité de fixer un prix de réserve, le mandat indiquant « vente par tous moyens sans autre préavis ». La CGLE précise qu'elle apporte au soutien de son argumentation le mode de calcul opéré pour la vente du bien dont le prix s'est d'ailleurs révélé supérieur à ce qui pouvait être attendu.

En définitive, la société CGLE estime qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et que dès lors le jugement doit être infirmé en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts aux époux X.

Dans leurs écritures déposées le 5 octobre 2010, les époux X.-Y. concluent à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, demandent qu'il soit dit et jugé que la société CGLE a commis une faute contractuelle et a gravement manqué à ses obligations et sollicitent sa condamnation au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

Ils rappellent que le bien objet du financement n'avait pas fait l'objet d'un gage, que le prêteur ne disposait donc d'aucune sûreté, que le mandat de vente établi par la société CGLE était un acte type ne faisant mention d'aucun prix ni possibilité de vente aux enchères, qu'en signant ce mandat la société CGLE est devenue un intermédiaire professionnel et que dès lors au titre de ses obligations elle devait rechercher un acquéreur susceptible d'offrir un prix correspondant à ce qu'ils souhaitaient et non pas charger un commissaire priseur sans leur accord de vendre le bien aux enchères. Ils ajoutent qu'ils auraient dû être avisés de l'estimation effectuée par le commissaire priseur et être informés du montant des frais et ne l'ayant pas été ils ont été victimes d'un professionnel qui a commis une faute dolosive et a manqué à ses obligations en ne leur fournissant aucun renseignement sur les conditions de la cession à laquelle il entendait recourir et sur les spécificités de la vente judiciaire qui n'a pas été réalisée au mieux de leurs intérêts de sorte que la responsabilité de l'intermédiaire professionnel est engagée au visa des dispositions des articles 1147 du code civil et L. 132-1 du code de la consommation, la société CGLE n'ayant pas agi dans l'intérêt de ses mandants mais ayant passé outre leurs protestations pour agir dans son propre intérêt.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel ne porte pas sur le premier point du jugement, les époux X. ne contestant pas devoir à la société CGLE la somme de 19.954,79 euros correspondant au solde restant dû au titre du contrat de crédit souscrit par eux. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

L'offre préalable de crédit accessoire à une vente en date du 28 février 2005, acceptée le 5 mars 2005 comportait des conditions générales aux termes desquelles d'une part, le bien financé était affecté et constitué en gage au bénéfice exclusif du prêteur et d'autre part, à défaut de règlement de l'indemnité de résiliation le prêteur pouvait faire procéder à l'appréhension et à la vente du bien en ayant la faculté de faire procéder à sa vente aux enchères.

Cependant les époux X. ont restitué le bien à la CGLE et ont signé le 11 décembre 2007 un mandat de vente aux termes duquel ils donnent à la CGLE mandat irrévocable de vendre le mobil-home restitué par tous moyens sans autre préavis, la vente devant se faire au mieux de leurs intérêts en tenant compte de l'état du mobil-home restitué, le prix de la vente venant en déduction de la dette au titre du contrat de crédit antérieur.

En vertu de ce second acte, seules sont applicables au litige entre les parties les règles du mandat telles qu'elles résultent des dispositions des articles 1991 et suivants du code civil à l'exclusion des règles régissant les relations antérieures des parties et plus spécialement celles relatives au droit de gage et au droit de rétention dans la mesure où le mobil-home a fait l'objet d'une remise volontaire.

Des articles 1991 à 1993 du code civil, il résulte que « le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexécution... le mandataire répond non seulement du dol mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion... et il est tenu de rendre compte de sa gestion. »

En l'espèce, le mandat est irrévocable, la vente peut se faire par tous moyens et sans autre préavis mais au mieux des intérêts des époux X. compte-tenu de l'état du mobil-home, le mandat spécifiant que celui-ci a été remis en bon état.

Si ce mandat n'apparaît pas comporter de clauses abusives générant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la société CGLE en sa qualité de mandataire était tenue d'agir dans l'intérêt du mandant et de lui rendre compte de l'exécution de sa mission ainsi que de l'informer de tous éléments importants.

Plus généralement, le mandataire dès lors qu'il a la qualité de professionnel est tenu envers le mandant d'une obligation de conseil et d'information.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que le 18 janvier 2008, la société CGLE a informé les époux X. de l'existence d'une offre de rachat du mobil-home pour un prix de 9.000 euros et que le 28 janvier 2008 les époux X. lui ont répondu qu'ils n'acceptaient pas cette proposition qu'ils estimaient insuffisante, le mobil-home pouvant être évalué à 15.000 euros. Le 28 janvier 2008, la société CGLE a accusé réception de ladite lettre en indiquant qu'à défaut de réponse et sans offre de rachat à un prix supérieur avant le 8 février 2008, le mobil-home serait vendu à la société qui avait proposé la somme de 9.000 euros. Le 20 août 2008 la CGLE a avisé les époux X. que suite à un courrier de mise en demeure du camping « Les Jardins Z. » le mobil-home serait retiré de ce camping où il se trouvait pour la fin du mois d'août et que le montant des arriérés dus au camping soit la somme de 3.433,19 euros serait réglée au camping et viendrait en diminution du prix de vente aux enchères du mobil-home.

Certes, les époux X. n'ont été ni consultés sur le principe d'une vente aux enchères ni informés sur les modalités de celle-ci ni sur l'évaluation prévisible des frais de vente.

Cependant, il convient de relever que la CGLE à la suite de son courrier du 28 janvier 2008 n'a pas ainsi qu'elle l'avait envisagé procédé à la vente du mobil-home au prix proposé de 9.000 euros et a attendu le 20 août 2008 pour aviser les époux X. de la mise en vente aux enchères et que le prix d'adjudication de 10.000 euros est en définitive supérieur à celui de 9.000 euros proposé par le premier acquéreur, étant relevé que si les époux X. estiment que la valeur réelle du mobil-home pouvait être fixée à 15.000 euros ils ne produisent aucun élément pour en justifier.

Le seul document produit à cet égard intitulé « La cote de l'occasion » l'est par la CGLE et fait état d'une décote annuelle progressive d'un mobil-home de 30 % la première année, 15 % la seconde, 10 % la troisième et 7 % la quatrième, soit une décote de 62 % en quatre ans. Sur la base de ce document, compte-tenu du prix d'achat de 24.325 euros en 2005, le mobil-home pouvait donc être évalué en 2008 à 9.243,50 euros, soit un montant inférieur à celui de 10.000 euros auquel il a été adjugé.

Du prix de la vente aux enchères ont été déduits des frais d'emplacement pour 2.694,18 euros et de déplacement du mobil-home pour 1.524,90 euros de sorte que le prix de vente net du mobil-home s'est élevé à 5.780,92 euros, montant qui a été déduit des sommes restant dues au titre du prêt.

Contrairement à ce qu'ils allèguent, les époux X. ont bien été avisés au préalable de ce que les frais d'emplacement dus au camping viendraient en diminution du prix de vente aux enchères. En outre ils ne sauraient se prévaloir de leur propre carence dans la mesure où ils ont été avisés par la direction du camping « Les Jardins de Z. » où le mobil-home était entreposé, que celui-ci, la terrasse, et l'abri de jardin seraient enlevés de l'emplacement où ils étaient installés en raison de l'importance des arriérés dus au camping (3.433,19 euros) et ce « afin d'éviter d'augmenter la somme déjà importante due et d'éviter d'avoir à payer un montant astronomique ».

S'agissant des frais de déplacement, il est exact qu'aucune information préalable n'a été donnée aux époux X. sur ce point. Cependant, ceux-ci étant propriétaires d'un mobil-home ne pouvaient ignorer que la vente de celui-ci générerait des frais de cette nature.

En outre, la mission très large donnée par le mandat de vendre le bien par tous moyens et sans autre préavis donnait une large latitude de manœuvre à la CGLE dès lors qu'elle agissait au mieux des intérêts des époux X.

Dans la mesure où le véhicule a été vendu par l'intermédiaire d'un commissaire priseur lors d'une vente aux enchères, il s'est nécessairement négocié au prix du marché en tenant compte de l'offre et de la demande et il ne peut être reproché à la CGLE d'avoir choisi cette modalité de réalisation du mandat, ce d'autant que les époux X. ne démontrent aucunement que le prix d'adjudication ait été inférieur à la valeur réelle du mobil-home.

En outre, il appartient au mandant d'établir les fautes de gestion de son mandataire, ce que ne font pas les époux X., l'absence d'indication donnée aux époux X. quant à l'estimation du prix de vente faite par le commissaire priseur et à l'évaluation des frais de vente n'apparaissant pas pouvoir être considérée comme fautive dès lors que les époux X. ont bien été informés en temps utile de ce que le véhicule serait vendu aux enchères.

Dès lors, les époux X. ne démontrent pas que la société CGLE ait manqué à ses obligations de mandataire et qu'elle ait fait preuve de légèreté dans la gestion de son mandat et dans le compte rendu de sa gestion.

En conséquence, il y a lieu de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a estimé que la CGLE avait méconnu ses obligations en tant que mandataire et a alloué à Monsieur et Madame X. des dommages et intérêts.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société CGLE les frais irrépétibles générés par la procédure : la somme de 1.000 euros lui sera en conséquence allouée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux X. qui succombent supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement,

INFIRME le jugement ;

DEBOUTE Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de leur demande de dommages et intérêts ;

LES CONDAMNE solidairement à payer à la Compagnie Générale de Location d'Equipements la somme de 19.954,79 euros avec intérêts au taux conventionnel de 7,5 % l'an à compter du 13 novembre 2008 ;

CONDAMNE in solidum Monsieur et Madame X. à payer à la Compagnie Générale de Location d'Equipements la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les époux X. aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour les dépens d'appel, au profit de la SCP d'avoués DELEFORGE-FRANCHI, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,               Le Président,

Nicole HERMANT   Evelyne MERFELD