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CA NANCY (2e ch. civ.), 14 mars 2011

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch. civ.), 14 mars 2011
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch. civ.
Demande : 09/02693
Date : 14/03/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/11/2009
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2674

CA NANCY (2e ch. civ.), 14 mars 2011 : RG n° 09/02693

Publication : Jurica

 

Extrait : « Or attendu que la clause qui prévoit l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, est, en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, une clause abusive qui doit être tenue pour non écrite ;

Qu'en effet, une telle stipulation, en ce qu'elle dispense par avance le prêteur de proposer une nouvelle offre de crédit en cas du dépassement du découvert initialement choisi par l'emprunteur, créée en effet un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, privé notamment de la faculté de rétracter son acceptation qui est pourtant d'ordre public ;

Attendu que cette analyse ne revient pas à nier l'existence d'un crédit utilisable par fractions alors qu'une telle possibilité est expressément prévue par l’article L. 311-9 du code de la consommation ; que l'emprunteur conserve la faculté d'utiliser par fractions le crédit consenti dans la limite du montant initial ; qu'il apparaît d'ailleurs à la lecture de l'historique du compte de Melle X., qu'elle a usé d'une telle faculté, utilisant 1.500 euros le 28 janvier 2004, 220 euros le 27 mai 2004 puis 180 euros le 4 septembre 2004 ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 MARS 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/02693. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de NANCY, R.G. n° 1549/2008, en date du 23 septembre 2009,

 

APPELANTE :

Mademoiselle X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par la SCP LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON, avoués à la Cour, assistée de Maître Juliette GROSSET, avocat au barreau de NANCY, substitué à l'audience par Maître Christophe GUITTON, avocat au barreau de NANCY (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

 

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE suite à la fusion entre UCB et CETELEM

intervenue le 30 juin 2008 prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SCP Barbara VASSEUR, avoués à la Cour, assistée de Maître Danielle CHAUDEUR, avocat au barreau de NANCY

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 31 janvier 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de Chambre, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Caroline HUSSON ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 14 mars 2011, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 14 mars 2011, par Madame Caroline HUSSON, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, et par Madame Caroline HUSSON, greffier ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte du 17 septembre 2008, la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la SA Cetelem a assigné devant le tribunal d'instance de Nancy Melle X. aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 5.285,95 euros avec intérêts au taux contractuel de 15,24 % à compter du 12 mars 2008 restant due au titre de l'ouverture de crédit qui lui a été consentie le 27 janvier 2004, utilisable par fractions dans la limite d'un découvert maximum autorisé de 12.000 euros, outre une indemnité de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement avant dire droit du 4 février 2009, Melle X. a été déboutée de sa demande tenant à la production par la SA BNP Paribas Personal Finance de l'offre préalable de crédit consentie le 17 mai 1996 ainsi que de l'intégralité des états mensuels actualisés prévus par les dispositions de l’article L. 311-9 du code de la consommation, le tribunal énonçant que, conformément aux clauses relatives à l'objet de l'offre et la désignation du compte, la société Cetelem fait valoir à juste titre que l'offre de crédit utilisable par fractions acceptée par la défenderesse le 27 janvier 2004 s'est substituée et a annulé celle établie antérieurement le 17 mai 1996, après reprise du solde précédent.

Suite à ce jugement, la SA BNP Paribas Personnal Finance a repris ses demandes et conclu au rejet des moyens et demandes développés par la défenderesse.

Melle X. a demandé pour sa part au tribunal :

- de prononcer la forclusion de la demande formée par l'organisme de crédit par application de l’article L. 311-37 du code de la consommation, le dépassement du montant initial du découvert, soit la somme de 3.024 euros, à compter du 24 août 2005 constituant, en l'absence de nouvelle offre préalable, un incident de paiement faisant courir le délai de forclusion de deux ans,

- en tout état de cause, déclarer valable la résiliation du contrat notifiée à la société BNP Paribas Personal Finance le 29 juin 2007 et par conséquent, dire que les sommes mentionnées sur l'historique du compte et postérieures au mois de juin 2009 ne sont pas dues,

- constater la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts,

- subsidiairement de lui accorder les plus larges délais de paiement tels que prévus à l’article 1244-1 du code civil,

- condamner la SA BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens.

Par jugement en date du 23 septembre 2009, déclaré exécutoire par provision, le tribunal a :

- dit que la demande de la SA BNP Paribas Personnal Finance n'est pas forclose, dès lors qu'il ne résulte pas des documents produits que le découvert maximum autorisé de 12.000 euros ait été dépassé à un moment quelconque avant la déchéance du terme,

- au vu des pièces du dossier (offre préalable de crédit du 27 janvier 2004, relevés de compte pour la période du 25 août 2004 au 23 août 2007 inclus, décompte de la créance et mise en demeure recommandée du 7 mars 2008), condamné Melle X. à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 5.285,95 euros avec intérêts au taux de 15,24 % à compter du 12 mars 2008,

- débouté la défenderesse de sa demande de délais de paiement, en l'absence de toute proposition concrète de règlement échelonné et compte tenu du caractère ancien de la dette,

- condamné la défenderesse aux dépens et au paiement d'une indemnité de 600 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Suivant déclaration reçue le 4 novembre 2009, Melle X. a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières écritures du 23 novembre 2010 :

- de déclarer la SA BNP Paribas Personal Finance irrecevable en sa demande comme forclose par application de l’article L. 311-37 du code de la consommation,

- subsidiairement, constater qu'elle a dénoncé le contrat liant les parties le 29 juin 2007 conformément aux dispositions de l'article II/10 des conditions générales et dire et juger par suite qu'elle ne saurait être tenue au paiement des sommes réclamées par l'intimée au-delà de cette date,

- constater, par application de l’article L. 311-33 du code de la consommation, la déchéance de l'organisme de crédit du droit aux intérêts, pour non-respect des dispositions des articles L 311-9 et L. 311-10 du même code,

- vu l’article 1244-1 du code civil, lui accorder les plus larges délais de paiement et dire que les paiements s'imputeront par priorité sur le capital,

- condamner la SA BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle.

Elle a exposé, à titre principal, que la clause des conditions générales du contrat de crédit litigieux, qui prévoit que l'emprunteur est autorisé à tirer sur son compte dans la limite du montant du découvert maximum autorisé de 12.000 euros, constitue, en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, une clause abusive, réputée non écrite, en ce que, permettant un dépassement du crédit initialement consenti, à hauteur de 3.024 euros, sans émission d'une nouvelle offre de crédit, elle confère un avantage excessif à l'établissement de crédit dispensé de respecter les formalités protectrices du droit de la consommation ; que le point de départ du délai de forclusion prévu par l’article L. 311-37 du code de la consommation court à compter du dépassement du découvert initial non régularisé, soit en l'espèce à compter du mois d'octobre 2004, de sorte que l'action introduite par assignation du 25 août 2008, est tardive.

La SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Cetelem a conclu à la confirmation de la décision entreprise et à la condamnation de Melle X. aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L'intimée a répliqué, sur le moyen tiré de la forclusion :

- que suivant l’article L. 311-37 du code de la consommation, le délai de forclusion court à compter du premier incident de paiement non régularisé ; qu'or, le dépassement du crédit autorisé, s'il ne résulte pas de l'absence de remboursement d'une échéance, ne peut s'analyser comme un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur,

- qu'en tout état de cause, seul le dépassement du découvert maximum autorisé serait susceptible de constituer le point de départ du délai de forclusion, à l'exclusion du dépassement du découvert utile qui n'est que la première fraction du crédit consenti ; que les tirages subséquents opérés par l'emprunteur dans le cadre du contrat utilisable par fractions s'inscrivent en effet dans le champ contractuel de sorte qu'il n'est pas nécessaire de faire souscrire à l'emprunteur une nouvelle offre de crédit,

- que la clause qui prévoit financière dont s'agit, parfaitement claire et compréhensible, est conforme à l’article L. 311-9 du code de la consommation ainsi qu'à l’arrêté du 4 mai 2007 fixant les nouveaux modèles type d'offre préalable de crédit et notamment le modèle type 4, et qu'elle ne saurait être déclarée abusive, seule une augmentation de crédit dépassant le découvert maximum autorisé étant soumise à une nouvelle offre préalable ; que cette clause fait la loi des parties qui doivent l'exécuter de bonne foi,

- qu'en l'espèce, le découvert maximum autorisé fixé conformément à l'accord des parties à 12.000 euros n'a jamais été dépassé et qu'en l'absence de tout impayé non régularisé qui remontrait plus de deux ans avant l'assignation, la demande est parfaitement recevable.

Elle a ajouté que Melle X., d'une part en produisant aux débats un arrêt retenant que le délai biennal de forclusion, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable, assorti d'une obligation de remboursement à échéances convenues, ne court pas lorsque le crédit est utilisé à hauteur du découvert maximal autorisé, le dépassement de la fraction disponible initialement étant sans incidence, d'autre part en se prévalant, pour le même motif tiré du dépassement du crédit initial, de la déchéance des intérêts, a implicitement mais nécessairement admis la recevabilité de l'action en paiement dirigée contre elle.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Vu les dernières écritures déposées le 23 novembre 2010 par Melle X. et par la SA BNP Paribas Personal Finance, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Attendu que suivant offre de crédit acceptée le 27 janvier 2004, Melle X. a opté pour un crédit utilisable sous forme de découvert utile de 3.024 euros, l'emprunteur étant autorisé à tirer sur son compte dans la limite du montant maximum autorisé de 12.000 euros ;

Or attendu que la clause qui prévoit l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, est, en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, une clause abusive qui doit être tenue pour non écrite ;

Qu'en effet, une telle stipulation, en ce qu'elle dispense par avance le prêteur de proposer une nouvelle offre de crédit en cas du dépassement du découvert initialement choisi par l'emprunteur, créée en effet un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, privé notamment de la faculté de rétracter son acceptation qui est pourtant d'ordre public ;

Attendu que cette analyse ne revient pas à nier l'existence d'un crédit utilisable par fractions alors qu'une telle possibilité est expressément prévue par l’article L. 311-9 du code de la consommation ; que l'emprunteur conserve la faculté d'utiliser par fractions le crédit consenti dans la limite du montant initial ; qu'il apparaît d'ailleurs à la lecture de l'historique du compte de Melle X., qu'elle a usé d'une telle faculté, utilisant 1.500 euros le 28 janvier 2004, 220 euros le 27 mai 2004 puis 180 euros le 4 septembre 2004 ;

Attendu par ailleurs qu'il résulte de l’article L. 311-37 du code de la consommation que les actions en paiement du prêteur contre l'emprunteur, en cas de défaillance de ce dernier, doivent être engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion ;

Attendu que conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l’article L. 311-37 du code de la consommation court, dans le cas de crédit utilisable sous forme de découvert en compte, à compter du dépassement du découvert initialement autorisé, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, cet événement constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ;

Attendu en l'espèce qu'il résulte de l'historique du compte de Melle X. que le découvert utile, initialement consenti, de 3.024 euros a été dépassé dès le 13 octobre 2004 et n'est plus repassé en-deçà de ce montant ; que ce dépassement jamais restauré constitue le point de départ du délai biennal de forclusion ;

Que l'action introduite par la société le 17 septembre 2008 est dès lors irrecevable ;

Attendu que la SA BNP Paribas Personal Finance ne saurait sérieusement soutenir que Melle X., en opposant la déchéance des intérêts de l'article L. 311-9 au même motif que la fraction initialement utilisée a été dépassée, a implicitement mais nécessairement admis que l'action était recevable, alors qu'il résulte clairement des écritures de l'intimée que ce moyen a été soulevé à titre subsidiaire, au cas où la cour ne déclarerait pas l'action de la banque atteinte par la forclusion ;

Que pas davantage le fait pour l'intimée d'avoir produit, au nombre de ses pièces, une jurisprudence retenant que le délai de forclusion de l'article L. 311-37 ne court pas lorsque le crédit est utilisé à hauteur du découvert maximal autorisé, le dépassement de la fraction disponible étant sans incidence, ne saurait valoir renonciation à se prévaloir de la forclusion de l'action en paiement intentée par l'organisme de crédit ;

Qu'il échet en conséquence d'infirmer le jugement entrepris ;

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SA BNP Paribas Personal Finance qui succombe en ses prétentions ; qu'elle sera en outre condamnée aux dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Reçoit Melle X. en son appel contre le jugement rendu le 23 septembre 2009 par le tribunal d'instance de Nancy ;

Infirme ce jugement et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme forclose la demande formée par la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la SA Cetelem ;

Déboute la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Caroline HUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,

Minute en six pages