CA PARIS (25e ch. A), 17 septembre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2688
CA PARIS (25e ch. A), 17 septembre 2008 : RG n° 06/17792
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant qu'il ressort des stipulations contractuelles que les contrats de location et de prestations de services sont indépendants l'un de l'autre, l'attention du locataire étant expressément attirée sur ce fait ; qu'elles traduisent bien la commune intention des parties dès lors que le loyer unique perçu par le cessionnaire comprenait « les prestations à charge pour lui de les reverser au fournisseur », le locataire ne faisant pas « de la répartition entre la location du matériel et le coût des prestations une condition de son engagement » et que la société Fontex, qualifiée de « Fournisseur » et non de « bailleur » dans le contrat de location, se voyait confier parallèlement, par le contrat distinct, des prestations de services qui si elles se rapportaient aux appareils donnés en location, n'avaient trait qu'à leur mise à disposition, à leur entretien et à la fourniture de consommables ; qu'il n'est pas démontré par ailleurs que les appareils présentaient des spécificités telles que l'usage en était interdit sans les prestations de la société Fontex ; que bien plus, la société Kbc Lease France verse aux débats les lettres qu'elle a adressées les 31 mai et 16 juillet 2002 à la société Gip 2, lui proposant de lui donner les coordonnées d'entreprises pouvant la livrer sous huitaine dont celle d'une société Egda que la société Gip 2 ne justifie pas avoir contactée ;
Considérant qu'en conséquence, à supposer applicables en l'espèce notamment les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans leur version de l'époque qui prévoient que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnel ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la clause de l'article 5 du contrat de location longue durée du 12 avril 2001 n'apparaît pas abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT-CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/17792. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 septembre 2006 - Tribunal de Commerce de CRETEIL – R.G. n° 2005F00409.
APPELANTE :
SA KBC LEASE FRANCE
représenté par son Directeur Général, [adresse], représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour, Assistée de Maître MOREAU Michel avocat au barreau de Lyon, toque T498
INTIMÉE :
Société GIP 2
prise en la personne de ses représentants légaux [adresse], représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour, assistée de Maître PAYEN Marie Laure avocat plaidant, toque C1531, substituant Maître JOSSERAND Jean François, toque A944
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Pascale GIROUD, Présidente, Mme Odile BLUM, Conseiller, [minute Jurica page 2] Madame Marie Hélène GUILGUET-PAUTHE conseiller, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Marie-Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 12 septembre 2006 par le tribunal de commerce de Créteil qui a :
- dit que le contrat de location a été résilié aux torts de la société Kbc Lease ;
- débouté la société Kbc Lease de ses demandes en paiement et en restitution du matériel sous astreinte ;
- condamné la société Kbc Lease à payer à la société Gip 2 la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et débouté la société Kbc Lease de sa demande de ce chef ;
- condamné la société Kbc Lease aux dépens ;
Vu l'appel relevé par la société Kbc Lease France qui, par ses dernières conclusions du 28 février 2007, demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter la société Gip 2 de ses demandes et, constatant la résiliation du contrat de bail aux torts de la société Gip 2, de :
- condamner celle-ci, en sus des dépens, à lui payer la somme de 4.018,70 euros outre les intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation avec application de l'article 1154 du code civil et celle de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamner la société Gip 2 à restituer le matériel aux lieu et place qui seront fixés par la société Kbc Lease France, dans les deux mois suivant le prononcé de la décision et ce, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, le délai commençant à courir à compter de la date qui sera fixée par la société Kbc Lease France pour la restitution et ce, par application de l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Vu les conclusions du 2 février 2007 par lesquelles la sarl Gip 2 demande à la cour de :
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
- à titre subsidiaire, dire que l'article 5 des conditions générales figurant au dos du contrat de location longue durée constitue une clause abusive et la déclarer non écrite ; débouter la société Kbc Lease France de l'intégralité de ses demandes ;
- à titre très subsidiaire, dire que le montant du dépôt de garantie devra être déduit du montant des sommes éventuellement dues ; vu l'article 1244-1 du code civil, lui octroyer 24 mois de délais pour s'acquitter de sa dette ;
- [minute Jurica page 3] condamner la société Kbc Lease France à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que le 12 avril 2001, la société Gip 2 a conclu, en qualité de locataire, avec la société Fontex, dite « le Fournisseur », un contrat, revêtu du cachet et de la signature de la société Kbc Lease France comme cessionnaire, pour la location d'un appareil distributeur de boissons chaudes et d'une fontaine à eau moyennant un loyer mensuel de 825 francs hors taxes pendant 48 mois ; que le même jour, la société Gip 2 a conclu avec la société Fontex un contrat dit « Service plus » concernant, outre la mise à disposition des deux appareils, des prestations de maintenance et la livraison de produits pour une consommation annuelle de 3.960 boissons chaudes, 12 bonbonnes et 1.200 gobelets, le tout compris dans le « budget mensuel » hors taxes de 825 francs ; que le matériel a été livré et réceptionné sans réserve le 20 avril suivant ; qu'en mai 2002, n'étant plus approvisionnée pour son distributeur de boissons chaudes, la société Gip 2 a vainement mis en demeure la société Fontex d'assurer ses prestations puis lui a adressé, le 10 juin 2002, une lettre l'informant qu'elle résiliait son contrat et se mettait en rapport « avec l'organisme de leasing » afin de suspendre les prélèvements ; que la société Kbc Lease France a alors avisé la société Gip 2 que la société Fontex se trouvait en liquidation judiciaire depuis le 13 mai 2002, que la prestation de celle-ci pouvait être assurée par d'autres prestataires dont la société Edga, que le contrat de location dont elle-même était cessionnaire était indépendant du contrat de prestation, Gip 2 demeurant débitrice d'un loyer mensuel représentant le coût de la seule location ; que se prévalant du lien entre la fourniture des consommables et l'appareillage, la société Gip 2 a cependant cessé tout règlement ;
Considérant qu'après l'envoi, le 5 novembre 2002, d'une mise en demeure visant la clause résolutoire, la société Kbc Lease France a assigné la société Gip 2 en paiement et restitution du matériel en se prévalant des articles 5, 6 et 9 du contrat de location ;
Considérant que pour s'opposer à la demande et conclure à la confirmation du jugement, la société Gip 2 soutient qu'elle n'a pas accepté les conditions générales du contrat de location qui n'ont pas été portées à sa connaissance et lui sont inopposables, que les prestations visées dans le contrat de service, à savoir la mise à disposition des machines, la fourniture des consommables et l'entretien forment un tout indissociable et qu'elle est bien fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution contractuelle de la société Fontex pour s'opposer au paiement des sommes réclamées pour la mise à disposition de la fontaine à eau et du distributeur de boissons chaudes, et ce d'autant que la société Kbc Lease France ne justifie pas que Gip 2 était en mesure de trouver un service de substitution aux mêmes conditions financières ;
Qu'elle fait valoir à titre subsidiaire que les dispositions de l'article 5 du contrat de location sont abusives dans la mesure où elles n'ont pas été négociées, sont en totale contradiction avec les circonstances factuelles, créent au détriment du non-professionnel qu'elle est, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et procurent au cessionnaire un avantage excessif du fait de sa position économique ; que ces clauses doivent être réputées non écrites ;
Mais considérant que la société Kbc Lease France verse aux débats l'original et non, comme prétendu, la copie, du contrat de location, établi en trois exemplaires et portant le cachet de la société Gip 2 ainsi que la signature de son gérant ; que les « Conditions générales de location longue durée » y figurent au verso dans une présentation suffisamment claire pour qu'elles n'échappent pas à la société Gip 2 qui en a dès lors pris connaissance ; que sont donc opposables la société Gip 2 les dispositions du contrat de location stipulant, notamment :
- à l'article 5 « Cession du contrat - Le locataire reconnaît au fournisseur le droit de transférer la propriété des équipements et de céder les droits résultant du présent contrat au profit du cessionnaire et il accepte dès aujourd'hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du [minute Jurica page 4] cessionnaire. Le locataire sera informé de la cession par tout moyen et notamment par le libellé de la facture unique de loyer ou de l'avis de prélèvement qui sera émis. Le cessionnaire procédera à la facturation et encaissera les prestations à charge pour lui de les reverser au fournisseur. Le locataire ne fait pas de la répartition entre la location du matériel et le coût des prestations une condition de son engagement. L'attention du locataire est attirée sur l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur. Il renonce ainsi à toute suspension ou réduction de loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur. À compter de l'acceptation par le cessionnaire, le terme « bailleur » des présentes désignera le cessionnaire » ;
- à l'article 9 « Résiliation du contrat - Pour défaut de respect dudit contrat, le contrat de location pourra être résilié de plein droit par le bailleur, sans aucune formalité judiciaire, huit jours après la mise en demeure restée sans effet dans les cas suivants : ...non-paiement d'un loyer ... Le locataire sera tenu de restituer immédiatement le matériel au bailleur au lieu fixé par ce dernier et de supporter tous les frais occasionnés par cette restitution. Outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au bailleur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majoré d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat tel que prévue à l'origine majoré d'une clause pénale de 10% ... » ;
Considérant qu'il ressort des stipulations contractuelles que les contrats de location et de prestations de services sont indépendants l'un de l'autre, l'attention du locataire étant expressément attirée sur ce fait ; qu'elles traduisent bien la commune intention des parties dès lors que le loyer unique perçu par le cessionnaire comprenait « les prestations à charge pour lui de les reverser au fournisseur », le locataire ne faisant pas « de la répartition entre la location du matériel et le coût des prestations une condition de son engagement » et que la société Fontex, qualifiée de « Fournisseur » et non de « bailleur » dans le contrat de location, se voyait confier parallèlement, par le contrat distinct, des prestations de services qui si elles se rapportaient aux appareils donnés en location, n'avaient trait qu'à leur mise à disposition, à leur entretien et à la fourniture de consommables ; qu'il n'est pas démontré par ailleurs que les appareils présentaient des spécificités telles que l'usage en était interdit sans les prestations de la société Fontex ; que bien plus, la société Kbc Lease France verse aux débats les lettres qu'elle a adressées les 31 mai et 16 juillet 2002 à la société Gip 2, lui proposant de lui donner les coordonnées d'entreprises pouvant la livrer sous huitaine dont celle d'une société Egda que la société Gip 2 ne justifie pas avoir contactée ;
Considérant qu'en conséquence, à supposer applicables en l'espèce notamment les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans leur version de l'époque qui prévoient que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnel ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la clause de l'article 5 du contrat de location longue durée du 12 avril 2001 n'apparaît pas abusive ;
Considérant que la société Gip 2 n'était pas fondée à opposer à la société Kbc Lease France l'inexécution par la société Fontex de ses propres obligations et s'est trouvée débitrice des sommes dues au bailleur au titre de la seule location soit, par mois, 96,81 euros hors taxes (635,03 francs) ; que par le jeu de la clause résolutoire, la résiliation du contrat est intervenue de plein droit après la vaine mise en demeure du 5 novembre 2002 ; qu'en application de l'article 9 du contrat, la société Kbc Lease France est bien fondée en sa demande en paiement de la somme de 4.018,70 euros au titre des loyers impayées et des clauses pénales ;
Considérant que la société Gip 2 qui ne justifie pas du règlement au bailleur d'un dépôt de garantie sera déboutée de sa demande tendant à la restitution de la somme de 1.000 francs soit 152,45 euros ; qu'elle sera en conséquence condamnée à payer à la société Kbc Lease France la somme de 4.018,70 euros avec, comme demandé, intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2003, date de l'assignation et capitalisation de ces intérêts conformément à l'article 1154 du code civil à compter de la demande ; qu'il n'y a pas lieu de lui accorder les délais de paiement qu'elle sollicite ;
[minute Jurica page 5] Considérant que la société Gip 2 qui est tenue de restituer les appareils, demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'engage à les restituer à première demande ; qu'elle sera en tant que de besoin condamnée à ce faire ; que la demande d'astreinte qui n'est pas justifiée sera rejetée ;
Considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile, que les dispositions du jugement à ce titre seront infirmées et les demandes des parties à ce titre rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Gip 2 à payer à la société Kbc Lease France la somme de 4.018,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2003 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil ;
Condamne la société Gip 2 à restituer les appareils aux lieu et place qui seront fixés par la société Kbc Lease France ;
Déboute la société Kbc Lease France du surplus de ses demandes ;
Déboute la société Gip 2 de ses demandes ;
Condamne la société Gip 2 aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,