JUR. PROXIM. DIJON, 30 avril 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2733
JUR. PROXIM. DIJON, 30 avril 2008 : RG n° 91-06-000289 ; jugement n° 125
Publication : Lexbase
Extraits : 1/ « Attendu qu'aux termes de l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation applicable en matière de fourniture de prestations à distance, le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit à recours contre celui-ci ; qu'il peut toutefois s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure ; Attendu que Monsieur X. produit plusieurs attestations confirmant le défaut de fonctionnement de son modem Freebox ; que cependant, il ne justifie en aucune manière avoir informé la société FREE de ce dysfonctionnement ; […] ; Attendu que Monsieur X. réclame en outre 500 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ; que cette demande doit être rejetée, l'abonné ne justifiant pas avoir signalé à la société FREE le défaut de fonctionnement du modem ».
2/ « Attendu que dans le jugement rendu le 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de PARIS a alloué à l'UFC QUE CHOISIR 20.000 € de dommages et intérêts ; que les motifs de cette décision évoquent les nombreuses plaintes générées par les carences de la société FREE dans l'exécution des prestations vendues aux consommateurs dans le cadre de son abonnement FORFAIT FREE HAUT DÉBIT, et les frais de personnel, de traitement, de recherche et de publication nécessairement engagés par l'UFC pour informer les consommateurs de leurs droits ; que le tribunal a retenu une atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs abonnés aux services de la société FREE, « lesquels représentent plus de 4.600.000 internautes » ;
Attendu qu'aucune des parties n'a contesté le caractère définitif de ce jugement ; que l'UFC QUE CHOISIR est une association constituée sous forme fédérale, regroupant les associations locales affiliées dont l'UFC QUE CHOISIR 21 ; qu'il y a donc bien identité de parties ; que les griefs formés contre la société FREE sont les mêmes ; que la période prise en compte est celle antérieure au prononcé du jugement ; que la décision rendue par le tribunal de grande instance de PARIS vise l'ensemble des abonnés de la société FREE ; qu'au vu de ces éléments, l'autorité de la chose jugée doit être retenue ; qu'en conséquence les demandes formées par l'UFC QUE CHOISIR 21 dans le cadre de la présente instance doivent être déclarées irrecevables ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE DIJON
JUGEMENT DU 30 AVRIL 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 91-06-000289.
DEMANDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], représenté(e) par Maître RUTHER Eric, avocat au barreau de DIJON
ASSOCIATION UFC QUE CHOISIR
[adresse], représenté(e) par Maître RUTHER Eric, avocat au barreau de DIJON
déclaration écrite au greffe en date du 21 juin 2006
DÉFENDEUR(S) :
SAS FREE [adresse], représenté(e) par Maître DOUCHIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge de Proximité : Madame GAUTHIER Valérie
Greffier : Madame MONNOT Françoise
DÉBATS : Audience publique du : 12 mars 2008
JUGEMENT : contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement le 30 avril 2008.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par déclaration au greffe enregistrée le 21 juin 2006, Monsieur X. a sollicité la convocation devant la juridiction de proximité de la SAS FREE afin d'obtenir la résolution du contrat souscrit auprès de cette société, et sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- 82,72 € en remboursement de prélèvements indus pour la période de juin à août 2005,
- 105,95 € au titre de frais divers,
- 500 € de dommages-intérêts,
- 350 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il expose qu'il a souscrit le 8 juin 2005 auprès de la société FREE un contrat incluant l'accès illimité à Internet et le téléphone gratuit, mais qu'il n'a jamais pu bénéficier de ces services. Il invoque un manquement à une obligation de résultat.
La société FREE conclut au rejet de toutes les demandes, au motif que Monsieur X. ne démontre pas la réalité du dysfonctionnement allégué. A titre reconventionnel, elle lui réclame :
- 201,96 € au titre de factures impayées,
- 500 € de dommages et intérêts pour résistance et procédure abusives,
- 400 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle indique que Monsieur X. l'a contactée à une seule reprise, pour demander des explications sur l'activation du service de téléphonie, étant précisé qu'il avait souscrit à l'offre « dégroupage partiel » permettant l'accès à Internet ADSL. Elle ajoute qu'il a résilié son contrat en décembre 2005.
L'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir de la Côte d'Or (UFC QUE CHOISIR 21) est intervenue volontairement à l'instance, et demande la condamnation de la société FREE à lui verser la somme de 3.500 € en réparation du préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs, outre 850 € en application de l'article 700 du NCPC.
Elle fonde sa demande sur les dispositions de l'article L. 421-7 du Code de la consommation.
Elle soutient que l'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs est caractérisée par les difficultés de connexion des abonnés de la société FREE, la perception des abonnements alors même que les services ne sont pas fournis, l'intervention menaçante des sociétés de recouvrement et des huissiers de justice, le caractère mensonger des annonces publicitaires vantant la disponibilité des conseillers « hot-line ».
[minute page 3] Elle précise que des milliers d'heures de bénévoles et de militants de l'UFC QUE CHOISIR ont été exclusivement consacrées à tenter de résoudre les problèmes de la société FREE, et que les frais des nombreuses correspondances avec la société FREE ont ainsi grevé le budget limité de l'UFC.
Elle souligne que la société FREE est un fournisseur d'accès internet majeur puisqu'il est second en France, et qu'il a donc une responsabilité particulière vis-à-vis des consommateurs. Elle lui reproche des pratiques commerciales agressives, notamment en matière de recouvrement.
La société FREE conclut à l'irrecevabilité de l'intervention de l'UFC QUE CHOISIR, et lui réclame 1 € pour procédure abusive, outre 400 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle se prévaut de l'autorité de la chose jugée, attachée à des jugements rendus par la juridiction de proximité de DIJON les 12 septembre et 12 novembre 2007 ainsi que par le tribunal de grande instance de PARIS le 26 juin 2007.
Sur le fond, elle fait valoir que l'UFC QUE CHOISIR ne démontre pas que la société FREE a porté atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs, et explique que chaque problème technique ou contractuel rencontré ne procède pas d'une volonté de léser les consommateurs. L'infraction doit en effet revêtir un caractère collectif, qui ne peut être déduit de l'action concomitante de plusieurs abonnés.
Elle conteste l'ensemble des griefs formés par l'UFC, affirmant notamment qu'elle rembourse tous les prélèvements correspondant à une période sans connexion dès lors que la faute de l'abonné est exclue.
Elle indique d'autre part que l'UFC ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait engagé des frais afin de défendre les abonnés de la société FREE. Elle ajoute que l'UFC DIJON n'a engagé aucune action auprès d'elle pour faire cesser d'éventuels agissements illicites, et qu'elle s'est contentée d'aider les plaignants à constituer des dossiers.
Sur le cas particulier de Monsieur X., elle souligne que l'intéressé n'a invoqué un dysfonctionnement qu'après réclamation des dernières factures, et que l'UFC n'est pas intervenue avant l'instance.
L'UFC QUE CHOISIR 21 considère que l'autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée, s'agissant de faits différents de ceux retenus par les jugements antérieurs, commis à une autre période. Elle affirme que les fautes contractuelles concernent près de 20 % des clients de la société FREE.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] DISCUSSION :
- Sur les demandes principales :
Attendu qu'il ressort des explications fournies par les parties et des pièces produites aux débats que Monsieur X. a souscrit l'offre Free haut débit permettant l'accès à Internet haut débit et à la téléphonie moyennant le règlement d'une somme de 29,99 € par mois ; que le raccordement a eu lieu le 8 juin 2005 ; que ce contrat a été résilié par Monsieur X. le 23 décembre 2005 ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation applicable en matière de fourniture de prestations à distance, le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit à recours contre celui-ci ; qu'il peut toutefois s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure ;
Attendu que Monsieur X. produit plusieurs attestations confirmant le défaut de fonctionnement de son modem Freebox ; que cependant, il ne justifie en aucune manière avoir informé la société FREE de ce dysfonctionnement ; que sa fille évoque l'envoi de courriers simples, dont elle ne produit pas de copie et dont elle ne donne pas la date ;
Attendu que les témoignages fournis démontrent le manquement de la société FREE à son obligation contractuelle de résultat quant à la fourniture de la prestation ; que toutefois, faute d'avoir été informée du dysfonctionnement, la société FREE n'a jamais été mise en mesure d'y remédier ; que pour cette raison, Monsieur X. doit être débouté de sa demande de remboursement des prélèvements effectués jusqu'en août 2005 ; qu'il doit également être débouté de sa demande de remboursement de frais ; qu'il n'existe d'ailleurs pas de lien entre le paiement de ses factures FRANCE TELECOM et le dysfonctionnement du modem Freebox ;
[minute page 5] Attendu que Monsieur X. réclame en outre 500 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ; que cette demande doit être rejetée, l'abonné ne justifiant pas avoir signalé à la société FREE le défaut de fonctionnement du modem ;
- Sur les demandes reconventionnelles :
Attendu que la société FREE réclame le paiement des mensualités de septembre à décembre 2005, outre les frais de résiliation ; qu'il ressort toutefois des attestations versées aux débats que le modem Freebox ne fonctionnait pas ; qu'en raison de l'exception d'inexécution, Monsieur X. était fondé à cesser ses paiements ; que dès lors, la demande reconventionnelle en paiement de factures formée par la société FREE doit être rejetée ;
Attendu que la résistance de Monsieur X. n'était pas abusive, puisqu'il existait bien un dysfonctionnement ; que la société FREE ne démontre pas qu'il a abusé de son droit d'agir en justice, le seul fait d'être débouté ne suffisant pas à caractériser un tel abus ; que la demande de dommages et intérêts formée par la société FREE doit donc également être rejetée ;
- Sur les demandes de l'UFC QUE CHOISIR 21 :
Attendu que l'UFC QUE CHOISIR Côte d'Or intervient volontairement à la procédure et réclame la condamnation de la société FREE à des dommages-intérêts en réparation du préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs ;
Attendu qu'en application de l'article L. 421-1 du Code de la consommation, les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutairement explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 421-7 du même code, les associations susvisées peuvent intervenir devant les juridictions civiles et demander notamment l'application des mesures prévues à l'article L.421-2 (toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites ou à supprimer dans le contrat proposé aux consommateurs une clause illicite), lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale ;
[minute page 6] Attendu que dans le cadre d'une instance engagée devant le tribunal de grande instance de PARIS le 20 mai 2005, l'association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR a demandé à la société FREE 300.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par les pratiques abusives de cette société ; qu'elle invoquait l'inefficacité de la hotline, mais aussi les interventions du service recouvrement même en l'absence de fonctionnement du service ; qu'elle mettait en avant le grand nombre de plaintes reçues, et les actions engagées par elle qu'elle justifiait le montant réclamé notamment par le nombre d'abonnés ;
Attendu que dans le jugement rendu le 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de PARIS a alloué à l'UFC QUE CHOISIR 20.000 € de dommages et intérêts ; que les motifs de cette décision évoquent les nombreuses plaintes générées par les carences de la société FREE dans l'exécution des prestations vendues aux consommateurs dans le cadre de son abonnement FORFAIT FREE HAUT DÉBIT, et les frais de personnel, de traitement, de recherche et de publication nécessairement engagés par l'UFC pour informer les consommateurs de leurs droits ; que le tribunal a retenu une atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs abonnés aux services de la société FREE, « lesquels représentent plus de 4.600.000 internautes » ;
Attendu qu'aucune des parties n'a contesté le caractère définitif de ce jugement ; que l'UFC QUE CHOISIR est une association constituée sous forme fédérale, regroupant les associations locales affiliées dont l'UFC QUE CHOISIR 21 ; qu'il y a donc bien identité de parties ; que les griefs formés contre la société FREE sont les mêmes ; que la période prise en compte est celle antérieure au prononcé du jugement ; que la décision rendue par le tribunal de grande instance de PARIS vise l'ensemble des abonnés de la société FREE ; qu'au vu de ces éléments, l'autorité de la chose jugée doit être retenue ; qu'en conséquence les demandes formées par l'UFC QUE CHOISIR 21 dans le cadre de la présente instance doivent être déclarées irrecevables ;
Attendu que le caractère abusif de l'intervention de l'UFC QUE CHOISIR n'est pas suffisamment établi par la seule déclaration d'irrecevabilité ; que dès lors la société FREE doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
[minute page 7]
- Sur l'article 700 :
Attendu que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La juridiction de proximité, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Constate que le contrat conclu entre les parties a déjà été résilié ;
Rejette l'ensemble des demandes formées par Monsieur X. ;
Déboute la SAS FREE de ses demandes reconventionnelles ;
Déclare irrecevables les demandes de l'association UFC QUE CHOISIR Côte d'or ;
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la société FREE contre l'association UFC QUE CHOISIR ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne Monsieur X. aux dépens.
Ainsi prononcé les jour, mois et an susdits.
Le Greffier Le Juge d'instance,
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