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JUR. PROXIM. PLOERMEL, 18 mai 2009

Nature : Décision
Titre : JUR. PROXIM. PLOERMEL, 18 mai 2009
Pays : France
Juridiction : Ploermel (JProx)
Demande : 91-08-000081
Décision : 09/28
Date : 18/05/2009
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 17/12/2008
Numéro de la décision : 28
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2736

JUR. PROXIM. PLOERMEL, 18 mai 2009 : RG n° 91-08-000081 ; jugement n° 09/28

 

Extrait : « Par contre monsieur X. estime abusives les clauses du CLUF qui lui imposent de devoir, à ses frais, c'est à dire pour un portable pesant plus de trois kilos exposer 30 € de port, retourner le portable qu'il vient d'acheter pour un temps indéterminé, alors que ce retour est parfaitement inutile ; ce qui est reconnu finalement par la société ASUS qui, moins de deux mois après l'achat du demandeur, publie une mise à jour le 30 septembre 2008 où il est spécifié que le retour est facultatif et qu'il suffit de retirer avec soin la licence sous le portable et de la lui adresser avec les accessoires, ce que le demandeur vainement avait proposé. L'offre de remboursement du CLUF ainsi apparaît abusive, par sa procédure lourde et coûteuse, car si le remboursement n'est pas refusé il est soumis à des conditions propres à décourager le consommateur moyen. Elle viole son droit et sa liberté d'adhérer à tel ou tel système d'exploitation ou d'utiliser d'autres licences que les systèmes et licences préinstallés par ASUS, ce qui vide l'offre de son sens. La proposition de remboursement forfaitaire étant inopérante, monsieur X. est en droit de reprocher à la société ASUS de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles et de réclamer un remboursement correct. »

 

JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE PLOERMEL

JUGEMENT DU 18 MAI 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 91-08-000081. Jugement n° 09/28. A l'audience publique de la Juridiction de Proximité tenue le 18 mai 2009, Sous la Présidence de M. CAILLOT, Juge de Proximité, assisté de P. MATEU PASTOR, Greffier ;

Après débats à l'audience du 16 mars 2009, le jugement suivant a été rendu ;

 

ENTRE :

DEMANDEUR :

Monsieur X.

[adresse] Comparant en personne

 

ET :

DÉFENDEUR :

ASUS FRANCE

[adresse], Représentée par Maître KUO-ROBERT Li-Chiu, avocat du barreau de PARIS

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] OBJET DU LITIGE :

Le 8 août 2008 monsieur X. a acheté par internet à la société LDLC.Com un ordinateur portable ASUS équipé d'un système d'exploitation Windows vista home premium OEM incluant des licences préinstallées, pour une somme de 843,40 € HT.

Lorsqu'il a allumé pour la première fois cet ordinateur, le contrat de licence utilisateur final (ci-après CLUF) s'est affiché à l'écran. Celui-ci indique à l'acquéreur qui ne souhaite pas utiliser le système Windows OEM préinstallé qu'une procédure de remboursement de ce logiciel est prévue et qu'il y a lieu en ce cas d'en faire la demande à ASUS France (ci-après ASUS).

Le 16 août 2008 monsieur X. demande à la société ASUS, conformément aux termes du CLUF (mise à jour du 1er juillet 2008), de lui communiquer la procédure, le montant du remboursement de la licence Windows OEM et d'autres logiciels préinstallés, possédant déjà une licence pour un autre système d'exploitation, estimant le remboursement à 250 €.

Le 27 août 2008 la société ASUS lui adresse la procédure à suivre pour bénéficier du remboursement de la licence OEM, précisant que les autres logiciels ne sont pas remboursables étant gratuits. Le remboursement de la licence OEM proposé est de 40 €, à condition notamment qu'une demande soit adressée dans les 15 jours de l'achat et que le portable lui soit retourné aux frais de l'acquéreur, sans détermination de la durée d'immobilisation.

Le 5 septembre 2008 monsieur X. met en demeure de défendeur de lui faire une nouvelle proposition plus conséquente, estimant abusive la procédure de remboursement qui selon lui instaure un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du fabricant et du consommateur qui ne découvre les conditions de remboursement qu'après l'acquisition ; procédure qui ne peut avoir pour but que de décourager toute demande de remboursement et de soustraire la société ASUS à son obligation contractuelle de remboursement.

Le 17 décembre 2008, n'obtenant pas satisfaction, par déclaration au greffe, monsieur X. a fait convoquer la société ASUS France devant notre juridiction aux fins de :

- Dire que le CLUF de ces logiciels s'applique aux seules licences logicielles et non au matériel, et que la société ASUS ne saurait subordonner le remboursement des licences à un quelconque retour du matériel.

- Dire que ce contrat aurait dû lui être présenté avant son achat, ainsi que le prix des licences logicielles.

- Condamner la société ASUS à lui verser 109 € à titre de remboursement de la licence de Microsoft Windows vista home premium OEM.

- Condamner la société ASUS à lui verser 141 € à titre de remboursement des autres licences logicielles : Office one 66 €, Norton 20 €, Néro suite 55 €.

- Condamner la société ASUS à lui verser 500 € au titre de l'article 700 du NCPC.

- Condamner la société ASUS aux entiers dépens.

- Subsidiairement rejeter la demande de la société ASUS au titre de l'article 700 du NCPC.

A la barre monsieur X. confirme ses demandes.

[minute page 3]

Dans ses conclusions, reprises à la barre, la société ASUS réfute toutes les allégations du demandeur estimant d'une part s'être acquittée de ses obligations contractuelles et d'autre part que le montant proposé de remboursement était justifie, et demande à notre juridiction de :

- Rejeter l'ensemble des demandes de monsieur X. comme étant infondées.

- Donner acte à la société ASUS de ce qu'elle propose d'appliquer à monsieur X. la procédure de remboursement Windows vista OEM (home premium) mise en place à compter du 30 septembre 2008.

- Dire et juger que monsieur X. doit respecter cette procédure de remboursement.

- Condamner monsieur X. à payer à la société ASUS la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du NCPC.

 Condamner monsieur X. en tous les dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Préambule :

Après la clôture des débats les deux parties ont adressé au tribunal des notes de délibéré, notes non demandées par le tribunal. Celles-ci seront écartées vu le principe de l'oralité des débats auquel est soumis notre juridiction.

Lors de la vente liée d'ordinateurs et de logiciels il y a lieu de distinguer deux contrats distincts : d'une part un contrat de vente concernant la vente d'un matériel, soumis aux obligations de l'article L. 122-1 du code de la consommation, et d'autre part un contrat de prestation de services, en l'espèce le CLUF, s'appliquant aux seules licences.

L'article L. 111-1 du code de la consommation stipule que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ». Cependant la prestation de services peut échapper à ce principe si elle offre à son client la possibilité de réduire la portée du contrat par la suppression d'une partie des produits composant l'ensemble.

En permettant au client, dans son CLUF, de diminuer la portée du contrat, de bénéficier d'une procédure de remboursement, la société ASUS échappe aux obligations imposées par l'article susvisé.

Par ailleurs, au visa de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif aux prix qui exige que les produits vendus par lots doivent mentionner le prix de chaque produit composant le lot, l'absence d'affichage de la décomposition des prix des différentes composantes du bien acheté, antérieur à la vente, ne peut être imputé au fabricant ASUS, cet article ne visant que le vendeur.

 

La société ASUS s'est elle acquittée de ses obligations ?

Au visa de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel… elles doivent être exécutées de bonne foi.

[minute page 4] Selon les termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat… Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'article L. 122-1 du code de la consommation interdit de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée, ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service, ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit.

La société ASUS estime s'être acquittée de ses obligations, d'une part du fait qu'elle a instauré, depuis 2005, une procédure de remboursement valable à la disposition du consommateur qui refuserait d'acquérir avec le matériel la licence Windows OEM préinstallée, et d'autre part du fait que la vente liée est parfaitement justifiée par l'intérêt du grand public

En ce qui concerne le retour du matériel pour désinstallation, elle l'estimait nécessaire au vu de ses engagements contractuels auprès de la société Microsoft. Précisant que, tenant compte de critiques de consommateurs, après avoir conclu un nouvel accord avec Microsoft, elle a adopté une nouvelle procédure de remboursement alternative à compter du 30 septembre 2008 prévoyant la possibilité, aux frais du client, de ne retourner que la licence Microsoft et le DVD de réinstallation Windows.

La procédure de remboursement à laquelle est soumis monsieur X., lors de son achat du 8 août 2008, est celle prévue au CLUF mis à jour le 1er juillet 2008. Celle-ci stipule que l'acheteur, pour bénéficier du remboursement de la licence Windows vista OEM, doit notamment en faire la demande dans les 15 jours de l'achat, renvoyer le portable à ses frais à la société ASUS, moyennant quoi, après vérification que les conditions sont bien remplies et désinstallation du système effectuée, l'acheteur aura droit à un remboursement de 40 €.

Il est constant que des exceptions à la prohibition de la subordination de la vente sont admissibles notamment lorsque la pratique commerciale présente un intérêt pour le consommateur ou lorsqu'il existe une procédure de remboursement de licence que ce dernier peut refuser.

C'est le cas, en l'espèce, étant « établi que la substitution d'un logiciel par un autre est une tâche particulièrement délicate qui est hors de portée du consommateur moyen qui représente l'immense majorité des acheteurs » (TGI Paris, 24 juin 2008), la demande de produits « nus » étant à ce jour encore confidentielle. La vente subordonnée ne peut donc être retenue.

Par contre monsieur X. estime abusives les clauses du CLUF qui lui imposent de devoir, à ses frais, c'est à dire pour un portable pesant plus de trois kilos exposer 30 € de port, retourner le portable qu'il vient d'acheter pour un temps indéterminé, alors que ce retour est parfaitement inutile ; ce qui est reconnu finalement par la société ASUS qui, moins de deux mois après l'achat du demandeur, publie une mise à jour le 30 septembre 2008 où il est spécifié que le retour est facultatif et qu'il suffit de retirer avec soin la licence sous le portable et de la lui adresser avec les accessoires, ce que le demandeur vainement avait proposé.

L'offre de remboursement du CLUF ainsi apparaît abusive, par sa procédure lourde et coûteuse, car si le remboursement n'est pas refusé il est soumis à des conditions propres à [minute page 5] décourager le consommateur moyen. Elle viole son droit et sa liberté d'adhérer à tel ou tel système d'exploitation ou d'utiliser d'autres licences que les systèmes et licences préinstallés par ASUS, ce qui vide l'offre de son sens.

La proposition de remboursement forfaitaire étant inopérante, monsieur X. est en droit de reprocher à la société ASUS de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles et de réclamer un remboursement correct.

 

Sur la demande de remboursement de la licence Microsoft OEM :

En matière de vente d'ordinateurs il existe deux marchés. Celui des professionnels ou des passionnés éclairés qui peuvent trouver, selon leurs besoins, des produits « nus »chez des commerçants spécialisés mais à des prix plus chers s'agissant de petites séries et celui du grand public, celui de la grande majorité des consommateurs qui s'adressent aux grandes surfaces qui les font bénéficier de prix très intéressants dus à leurs achats en masse.

Monsieur X., qui paraît être un consommateur moyen, un peu plus au fait des pratiques commerciales que d'autres, a choisi d'acheter sur le marché grand public, par internet, pour 843,40 € H.T un ordinateur portable, sachant comme tout consommateur moyen que divers logiciels payants ou gratuits étaient inclus dedans ; et sachant certainement, comme quelques consommateurs informés, qu'une procédure de remboursement de logiciel(s) était prévue

Ainsi, d'un côté il est établi que la base de remboursement ne peut être celle des prix publics, d'un autre côté le montant du remboursement proposé de 40 € paraît minime. Un remboursement d'un montant de 80 € apparaît bien plus adéquat. Il y a donc lieu de condamner la société ASUS à payer en remboursement de ce logiciel à monsieur X. la somme de 80 €, avec intérêts légaux à compter du 19 décembre 2008, date de la réception de la convocation du greffe Monsieur X. devant retourner à ses frais la licence et accessoires.

 

Sur la demande de remboursement des autres logiciels ou licences :

Il est observé que ces logiciels, prévoyant un retour ou un contact direct avec le concédant ou le propriétaire du logiciel, sont régis par des contrats ou des conditions d'utilisation autres que le CLUF, et que par ailleurs étant offerts à titre d'échantillon, dans un but publicitaire, ils n'ont pas de valeur marchande.

La demande de monsieur X. sur ce point doit donc être rejetée.

 

Sur les demandes fondées sur l'article 700 du NCPC :

Monsieur X. en souhaitant voir statuer notre juridiction sur le litige l'opposant à la société ASUS n'a pas démontré une mauvaise foi particulière ni une volonté de lucre. Non juriste, le temps consacré à son dossier, à rechercher des conseils, recueillir de la documentation, ses déplacements, face aux sommes réclamées, le démontrent.

Refuser ce type d'action serait dénier au consommateur tout droit d'émettre son désaccord face à des procédures qu'il estime abusives, tout droit d'attirer l'attention d'autorités administratives, voire d'ester en justice pour faire respecter ses droits et par voie de conséquence ceux des autres consommateurs non avertis. Ces clients sourcilleux sont à l'origine parfois de l'assainissement de certaines pratiques commerciales abusives ou équivoques, de modifications de clauses contractuelles, de nouvelles réglementations

[minute page 6] C'est pourquoi il ne paraît pas inéquitable de rejeter la demande de la société ASUS fondée sur l'article 700 du NCPC.

Par contre il est indéniable que monsieur X., bien que seul à l'audience, a dû exposer divers frais pour obtenir des conseils, tels que cotisation à associations, frais postaux de photocopies, frais de recherches Aussi il y a lieu de lui accorder sur le fondement de l'article 700 du NCPC une somme qu'il paraît équitable de fixer à 150 €.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La juridiction de proximité, statuant publiquement, par jugement contradictoire, et en dernier ressort,

Rejette toutes les demandes de la société ASUS France,

Rejette la demande de monsieur X. concernant le remboursement des autres logiciels,

Dit qu'il n'y a pas lieu de donner acte lorsque cela ne tranche pas le fond du litige,

Dit que monsieur X. doit retourner à ses frais, dès la signification de la présente décision, le logiciel refusé et ses accessoires,

Condamne la société ASUS France à payer à monsieur X. :

- la somme de 80 € en principal, avec intérêts légaux à compter du 20 décembre 2008,

- celle de 150 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, avec intérêts légaux à compter du 18 mai 2009,

- les entiers dépens,

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.

La greffière     Le juge de proximité