T. COM. PARIS (1re ch. B), 7 février 1994
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 279
T. COM. PARIS (1re ch. B), 7 février 1994 : RG n° 92/058697
(sur appel CA Paris (25e ch. B), 6 octobre 1995 : RG n° 11280/94)
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 7 FÉVRIER 1994
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 92/058697.
ENTRE :
LA SOCIÉTÉ ANONYME ELT ENTREPRISE LYONNAISE DE TÉLÉPHONIE
dont le siège social est [adresse], DEMANDERESSE, assistée de Maître SPORTOUCH, avocat au Barreau de LYON, comparant par Maîtres VANDEL - SCHERMANN - MASSELIN, avocats.
ET :
LA SOCIÉTÉ ANONYME OFFICE D'ANNONCES
dont le siège social est [adresse], DÉFENDERESSE, assistée de Maître MEYER (E936), avocat, comparant par Maître ORTOLLAND, avocat.
APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Objet du litige :
La SA ELT LYONNAISE DE TÉLÉPHONIE (ci-après ELT) reproche à la SA OFFICE D'ANNONCES la publication d'une annonce non conforme dans des annuaires téléphoniques ;
L'OFFICE D'ANNONCES conteste l'importance de la non conformité et ne s'en estime pas responsable ;
La procédure :
Par assignation du 22 juin 1992, ELT demande au Tribunal de prononcer la résiliation aux torts de l'OFFICE D'ANNONCES du contrat du 15 juin 1991 et de condamner l'OFFICE D'ANNONCES à lui payer :
- 5.000 Francs de dommages et intérêts,
- 3.000 Francs au titre de l'Article 700 du NCPC ainsi que la condamnation de OFFICE D'ANNONCES aux dépens ;
Par conclusions déposées à l'audience du 4 octobre 1993, l'OFFICE D'ANNONCES demande au Tribunal de débouter ELT et de la condamner à lui payer :
- 74.441,22 Francs, correspondant à deux lettres de change impayées, majorés d'intérêts au taux légal à compter du 23 avril 1992,
- 8.000 francs de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 8.000 Francs au titre de l'Article 700 du NCPC,
- et d'ordonner à son profit, dans un délai maximum d'un mois à compter de la date de signification du jugement, la levée du séquestre confié à Maître Z., en application d'une Ordonnance du Tribunal de Commerce de Lyon, et de condamner ELT à tous les dépens ;
Par conclusions déposées à l'audience du 4 octobre 1993, ELT demande au Tribunal de débouter OFFICE D'ANNONCES de ses demandes, maintient sa demande de résiliation aux torts de l'OFFICE D'ANNONCES du contrat du 15 juin 1991, porte ses
[minute page 2] demandes au titre des dommages et intérêts et de l'article 700 du NCPC à 8.000 Francs chacune, demande que les sommes et lettres de change bloquées auprès de la BNP lui soient remises et demande que la décision à intervenir soit assortie de l'exécution provisoire ;
Lors de l'audience collégiale du 4 octobre 1993, l'affaire a été confiée à l'examen d'un juge rapporteur qui a tenu audience le 8 novembre 1993 au cours de laquelle il a entendu les observations verbales des parties puis a prononcé la clôture des débats ;
Les moyens des parties :
Au soutien de ses demandes ELT fait valoir :
Que la publicité parue n'est pas conforme au contrat, qui précisait « sous réserve de parution en décembre 1991 et publicité conforme au contrat », ainsi que l'a admis l'OFFICE D'ANNONCES qui a cependant refusé la transaction qu'elle proposait et a offert seulement une réduction de 10 % du prix ;
Que c'est pourquoi elle a demandé à sa banque de ne pas honorer les deux lettres de change de 37.222,61 Francs chacune, à échéances au 30 janvier 1992 et 28 février 1992, et a bloqué la somme sur un compte spécial a sa banque ;
Que les deux années précédentes la parution n'avait également pas été conforme au contrat ;
Que le 12 juillet 1991, par lettre recommandée avec accusé de réception, elle avait informé l'OFFICE D'ANNONCES de la non conformité du bon à tirer, ce dont l'agent commercial avait pris note lors d'un rendez vous le 29 juillet 1991 ;
Que le 4 septembre 1991, par lettre recommandée avec accusé de réception, elle avait rappelé d'une part sa lettre précédente et d'autre part qu'elle attendait un bon à tirer conforme à ce qu'avait noté le 29 juillet 1991 l'agent commercial de l'OFFICE D'ANNONCES ;
Que ce n'est que le 19 septembre 1991 qu'elle a reçu un bon à tirer, non conforme à ses demandes, devant être retourné avec corrections avant le lundi 23 septembre 1991, lui laissant ainsi un seul jour ouvrable et qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir été hors délais ;
Que suite à un courrier de sa part du 3 octobre 1991, le 22 octobre puis le 4 décembre 1991 l'OFFICE D'ANNONCES a reconnu la non conformité de l'annonce et qu'elle a donc demandé le 10 décembre 1991 que les lettres de change lui soient retournées ;
Qu'il n'est pas prouvé qu'elle ait eu connaissance, au moment de la commande, de la clause de non responsabilité invoquée par l'OFFICE D'ANNONCES et que de toutes façons cette clause est nulle en ce qu'elle a été établie entre un professionnel, jouissant d'un quasi monopole, et un non professionnel ;
[minute page 3] En réplique l'OFFICE D'ANNONCES fait valoir :
Qu'elle n'a jamais reconnu une quelconque responsabilité ;
Que le seul grief de ELT porte sur une photo qui ne serait pas parfaitement cadrée, ce qui n'altère pas les éléments du message publicitaire, et ce sur l'une seulement des cinq annonces commandées ;
Que les quatre autres annonces consistent en l'impression en lettres grasses dans des annuaires téléphoniques du nom de ELT et que le prix demandé pour l'annonce litigieuse était de 52.845 Francs hors taxes sur un montant total de 62.770 Francs ;
Que ELT lui a fait parvenir hors délais les dernières corrections de son second envoi du bon à tirer et qu'en outre l'envoi d'un second bon à tirer n'est pas prévue contractuellement ;
Qu'à titre subsidiaire, si le Tribunal envisageait sa responsabilité, le paragraphe 4 de ses conditions générales dispose que « toute erreur ou omission dans le corps d'une annonce, ou toute non parution ..., ne peut entraîner la résiliation du présent engagement » et qu'il ne peut y avoir que réduction proportionnelle du prix ;
Que ELT a connaissance de ses conditions générales puisqu'elle a entre ses mains l'original du contrat ;
Que le contrat est un contrat de prestations de services et non un contrat de vente et n'est donc pas soumis aux dispositions de l'article 2 du décret du 17 mars 1978 prohibant les clauses limitatives de responsabilité et qu'en outre ELT n'est pas un consommateur pris au sens strict ;
Que le comportement de ELT qui s'oppose au paiement pour des griefs dérisoires dont elle est à l'origine est constitutif d'une intention dolosive devant être sanctionné par des dommages et intérêts pour procédure abusive ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Discussion :
Sur la demande principale :
Attendu que l'OFFICE D'ANNONCES en ayant laissé à ELT un délai aussi réduit qu'un seul jour ouvrable pour renvoyer le bon à tirer a perdu la faculté de se prévaloir du fait que ELT lui a renvoyé le bon à tirer hors délais ;
Attendu que ce n'est pas parce que l'OFFICE D'ANNONCES est un prestataire de services qu'elle peut s'exonérer de toute responsabilité et qu'au contraire il y a lieu de la considérer responsable de la bonne exécution des ordres qu'elle reçoit ;
Attendu que si le message publicitaire n'a pas été trahi dans le texte de l'annonce il n'en demeure pas moins que le cadrage et le travail de photocomposition ne sont pas ceux demandés par ELT ;
[minute page 4] Attendu que la réclamation de ELT porte sur l'essentiel de sa commande puisque le prix de l'annonce concernée représente 84% du total de la commande et que le solde doit être considéré comme un accessoire ;
Attendu que les années précédentes ELT avait déjà formulé des réclamations et avait transigé et que ELT était en droit de considérer inacceptable de voir se reproduire plusieurs années de suite le même type de réclamation ;
En conséquence le Tribunal dit que la prestation de l'OFFICE D'ANNONCES n'ayant pas été conforme à la commande il n'y a lieu à sa contrepartie à savoir le paiement et ordonnera donc que les sommes et lettres de change que ELT a fait bloquer auprès de la BNP lui soient remises ;
Sur la demande en dommages et intérêts :
Attendu que ELT n'apporte pas la preuve que l'OFFICE D'ANNONCES lui ait causé, par mauvaise foi, un préjudice distinct de la nécessité d'agir en justice ;
Attendu que ce préjudice sera réparé par le bénéfice de l'Article 700 du NCPC qui sera accordé à ELT ;
En conséquence le Tribunal n'accordera pas les dommages et intérêts demandés ;
Sur l'exécution provisoire :
Attendu que l'exécution provisoire est demandée mais que vu les circonstances de la cause l'exécution provisoire n'apparaît pas nécessaire et qu'il n'y a donc pas lieu de l'ordonner ;
Sur l'article 700 du NCPC :
Attendu que si l'OFFICE D'ANNONCES partie perdante condamnée aux dépens ne peut prétendre au remboursement de ses frais, il parait équitable de mettre à sa charge les frais engagés par son adversaire pour obtenir justice et que le Tribunal estime conforme à l'équité d'en fixer le montant à la somme demandée de 8.000 Francs ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant en premier ressort par jugement contradictoire :
Déboute l'OFFICE D'ANNONCES SOCIÉTÉ ANONYME de ses demandes reconventionnelles ;
Dit que la SA ELT ENTREPRISE LYONNAISE DE TÉLÉPHONIE ne doit aucune somme à l'OFFICE D'ANNONCES SOCIÉTÉ ANONYME au titre du contrat du 15 juin 1991 entre les parties et ordonne en conséquence que les sommes et lettres de change que la SA ELT LYONNAISE DE TÉLÉPHONIE a fait bloquer auprès de la BNP lui soient remises ;
[minute page 5] Condamne l'OFFICE D'ANNONCES SOCIÉTÉ ANONYME à payer à la SA ELT LYONNAISE DE TÉLÉPHONIE :
- La somme de HUIT MILLE Francs au titre de l'article 700 du NCPC ;
Dit n'y avoir pas lieu à exécution provisoire ;
Déboute la SA ELT ENTREPRISE LYONNAISE DE TÉLÉPHONIE du surplus de ses demandes ;
Condamne l'OFFICE D'ANNONCES aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 276,22 Francs TTC (App. 5,25 + Aff. 42,00 + Emol. 184,80 + TVA 44,17).
Confié lors de l'audience du 4 octobre 1993 à Monsieur SCHIFF en qualité de juge rapporteur,
Mis en délibéré le 8 novembre 1993,
Délibéré par Monsieur VANPE, Madame MAHLER-BESSE et Monsieur SCHIFF et prononcé à l'audience publique où siégeaient
Monsieur CHAPULUT, PRESIDENT, Messieurs VANPE, ZIMERAY, LANDRIN, Madame MAHLER BESSE, Monsieur SCHIFF et Madame FELACO, Juge les parties en ayant été préalablement avisées.
La minute du jugement est signée par le président du délibéré et par Monsieur BACHLIN, Greffier.
Monsieur SCHIFF
JUGE-RAPPORTEUR
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