T. COM. PARIS (1re ch. B), 12 juin 1995
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 287
T. COM. PARIS (1re ch. B), 12 juin 1995 : RG n° 93/096051
(sur appel CA Paris (25e ch. B), 4 juillet 1997 : RG n° 95/20134 ; arrêt n° 76)
Extrait : « Attendu que si le démarchage au domicile d'une personne morale se traduit nécessairement par un contact avec une personne physique qui en l'espèce aurait été le gérant de ALPILLES PRESSE, le motif de la démarche était de louer un appareil non à cette personne mais à la société au nom de qui a été établi le contrat pour servir à son exploitation professionnelle, Il en résulte que les motifs d'annulation tirés de ce texte légal sont inopérants ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
PREMIÈRE CHAMBRE B
JUGEMENT DU 12 JUIN 1995
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n °93/096051.
ENTRE :
La SARL ALPILLES PRESSE,
dont le siège social est [adresse]. PARTIE DEMANDERESSE, assistée de Maître Evelyne HEIZMANN (B362) et Maître GASSER, Avocats, comparant par la SCP TUBIANA HUVELIN (P162), Avocats (T).
ET :
La SA WEEK END EN PERIGORD - WEEP FRANCE,
dont le siège social est [adresse]. PARTIE DÉFENDERESSE, assistée de Maître JOUSSEN (D1498), Avocat, comparant par Maître ORTOLLAND (D897), Avocat.
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] OBJET DU LITIGE :
La société ALPILLES PRESSE veut obtenir l'annulation d'un contrat de location d'un appareil distributeur de crème glacée qu'elle a signé le 14 avril 1993 à la suite d'un démarchage dont elle a été l'objet de la part de la société WEEK END EN PÉRIGORD (ci après WEEP FRANCE).
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Elle soutient que ce contrat est nul par application de la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile, aux motifs notamment que WEEP FRANCE n'aurait pas respecté les règles imposées à ce mode de distribution et que son représentant se serait fait remettre un chèque au moment de la signature du contrat. Elle prétend également que WEEP FRANCE avec laquelle elle a cru contracter n'existerait pas et serait une simple enseigne et aussi que l'exclusivité sur la commune de [ville A.] qui lui aurait été promise, n'aurait pas été respectée. Elle a assigné WEEP FRANCE le 30 novembre 1993 aux fins de faire prononcer la nullité du contrat et en conséquence obtenir que soit ordonnée la restitution du dit chèque. Elle demande en outre sa condamnation au remboursement « de toute somme qui aurait été réglée à la SCP Z. huissiers de justice à [ville A.] », à lui payer 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts et 7.116 Francs au titre de l'article 700 du NCPC, l'exécution provisoire étant requise.
WEEP FRANCE a répliqué dans deux jeux de conclusions déposés à l'audience du 20 mars 1995, que la loi du 22 décembre 1972 ne serait pas applicable au cas d'espèce, qu'elle a respecté ses engagements et qu'ayant loué par erreur une machine identique dans le secteur réservé à la demanderesse elle a aussitôt après annulé le contrat et que si la société anonyme WEP FRANCE aurait été transformée en SARL, la personnalité morale de la société serait demeurée inchangée. Elle réclame reconventionnellement à titre d'indemnité de résiliation la somme de 60.000 Francs correspondant au tiers des loyers prévus au contrat, ainsi que la somme de 4.000 Francs en application de l'Article 700 du NCPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que la loi du 22 décembre 1972 selon son libellé et son article 1 a été instituée pour la protection des consommateurs personnes physiques qui sont l'objet de démarchages et elle exclut de son champ d'application selon son article 8-I-e les ventes ou locations ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ou professionnelle,
[minute page 3] Attendu que si le démarchage au domicile d'une personne morale se traduit nécessairement par un contact avec une personne physique qui en l'espèce aurait été le gérant de ALPILLES PRESSE, le motif de la démarche était de louer un appareil non à cette personne mais à la société au nom de qui a été établi le contrat pour servir à son exploitation professionnelle,
Il en résulte que les motifs d'annulation tirés de ce texte légal sont inopérants
Attendu que la demanderesse soutient aussi que la nullité du contrat serait encourue parce qu'elle aurait été trompée sur la personne de son co-contractant qui suivant le contrat serait une société « SA WEP France » qui n'existe pas,
Attendu que le contrat daté du 14 avril 1993 est établi au nom de « WEP France » société anonyme Bureaux commerciaux : [adresse ville B.],
Qu'il résulte de l'extrait K bis d'inscription au registre du commerce et de la publication dans un journal d'annonces légales versés aux débats par la demanderesse que celle-ci a modifié sa forme juridique de société anonyme en Sarl postérieurement à la conclusion du contrat, que sa dénomination sociale est « WEEK EN PERIGORD » sigle « WEP » et qu'elle a un établissement à [adresse ville B.],
Qu'ainsi ALPILLES PRESSE pouvait aisément identifier son co-contractant au moyen de ces indications et qu'elle ne démontre pas avoir éprouvé sur ce point une difficulté quelconque,
Attendu qu'elle reproche également à WEEP FRANCE de n'avoir pas respecté l'engagement d'exclusivité pris à son égard,
Mais attendu que ce grief qui s'applique à l'exécution du contrat et non à sa validité, n'apparaît pas justifié, alors que la mention manuscrite « exclusivité » porté sur le contrat ne précise ni sa consistance ni le territoire auquel elle devait s'appliquer et que WEEP FRANCE reconnaît qu'elle avait conclu par erreur un contrat analogue avec un autre client installé dans la même commune que ALPILLES FRANCE, mais affirme sans être contredite qu'elle avait fait le nécessaire pour y mettre fin,
En conséquence, cette dernière sera déclarée mal fondée en sa demande,
[minute page 4] Attendu qu'ALPILLES PRESSE a refusé de prendre livraison de l'appareil objet de la location et a fait opposition au paiement du chèque de 10.674 Francs qu'elle avait remis au moment de la signature du contrat en indiquant faussement à sa banque, si l'on fait foi à la mention que celle-ci a porté sur le papillon indiquant le motif de non paiement, que le chèque avait été perdu ;
Attendu qu'il est stipulé au contrat que le refus par le locataire d'accepter la livraison du matériel sera considéré comme une rupture unilatérale qui entraînera la résiliation immédiate du contrat et le versement d'une indemnité pénale fixée à la somme correspondant au tiers du montant du prix de la location,
Attendu que cette pénalité n'apparaissant pas manifestement excessive, il y a lieu faisant application du contrat de condamner ALPILLES PRESSE à lui verser la somme de soixante mille francs qui est réclamée, correspondant au tiers des loyers pendant la durée contractuelle de soixante mois, contre restitution du chèque devenu sans objet et il paraît conforme à l'équité de fixer à la somme de 4.000 francs qui est réclamée sa contribution aux frais exposés par WEEP FRANCE et non compris dans les dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant en premier ressort, par jugement contradictoire :
Déclare La SARL ALPILLES PRESSE mal fondée en sa demande ; l'en déboute,
Déclare la demande reconventionnelle de La SA WEEK END EN PÉRIGORD - WEEP FRANCE recevable et bien fondée,
En conséquence, condamne La SARL ALPILLES PRESSE à verser à La SA WEEK END EN PÉRIGORD - WEEP FRANCE la somme de SOIXANTE MILLE FRANCS à titre d'indemnité de rupture contre restitution par celle-ci du chèque de DIX MILLE SIX CENT SOIXANTE QUATORZE FRANCS qui lui a été remis au moment de la signature du contrat,
Condamne La SARL ALPILLES PRESSE à verser à La SA WEEK END EN PÉRIGORD - WEEP FRANCE la somme de QUATRE MILLE FRANCS au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne La SARL ALPILLES PRESSE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le GREFFE, liquidés à la somme de 275,21 Francs TTC (App. 5,25 + Aff. 42,00 + Emol. 184,80 + TVA 43,16),
Confié lors de l'audience du 20 mars 1995, à Monsieur MESNARD en qualité de Juge Rapporteur,
Mis en délibéré le 10 avril 1995,
[minute page 5] Délibéré par Messieurs MESNARD, ALLAROUSSE, BLANCHARD prononcé à l'Audience Publique où siégeaient : Monsieur MESNARD, Président, Messieurs ALLAROUSSE, ZIMERAY, POCQUET du HAUT JUSSE, BLANCHARD, SCHIIFF, LEBOUCHARD, Juges, les parties en ayant été préalablement avisées.
La Minute du Jugement est signée par le Président du Délibéré et par Monsieur OLIVIVERO, Greffier.
Monsieur MESNARD
JUGE RAPPORTEUR