CA AMIENS (1re ch. sect. 1), 13 janvier 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 2881
CA AMIENS (1re ch. sect. 1), 13 janvier 2011 : RG n° 09/04339
Publication : Jurica
Extrait : « Mais attendu que la clause prévue au mandat de vente sans exclusivité, en caractères apparents sous le titre figurant en gras et en grands caractères « obligations du mandant », interdisant la vente sans le concours de l'agent immobilier à une personne à qui le bien a été présenté par lui, est valable comme l'a retenu avec pertinence le premier juge ;
Que l’article 78 du décret du 20 juillet 1972 dispose que « lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité, ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle la commission sera due par le mandant, même si l'opération est conçue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandant dont un exemplaire a été remis au mandataire. Cette clause est mentionnée en caractères très apparents »; qu'en l'espèce, ces prescriptions visent non pas la clause litigieuse par laquelle les mandants s'interdisent de vendre le bien sans le concours du mandataire qui l'a présenté, mais la clause qui stipule que dans l'hypothèse où les mandants ne respecteraient pas l'une des obligations prévues aux alinéas 4 à 6 de l'article 7, ils devraient verser au mandataire à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1142 du Code civil une indemnité forfaitaire d'un montant égal à celui des honoraires fixés à l'article 4 ;
Que la clause 7 paragraphe 5 litigieuse n'a pas pour effet de remettre en cause l'absence d'exclusivité du mandat puisque les vendeurs peuvent toujours vendre leur bien à d'autres personnes qu'à celles à qui il a été présenté par l'agence ;
Qu'elle ne revêt pas le caractère de clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation en ce qu'elle ne crée pas un déséquilibre entre les parties mais assure le respect de la loyauté contractuelle en sanctionnant les pratiques visant à contournant la commission due à l'agent immobilier par qui aurait dû être conclue l'opération » ;
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 13 JANVIER 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/04339. APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SOISSONS du 30 juillet 2009.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS :
Monsieur X.,
né le [date] à [ville]
Madame Y. épouse X.,
née le XX à [ville], représentés par la SCP TETELIN-MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et ayant pour avocat Maître COURT du barreau de SOISSONS
ET :
INTIMÉS :
EURL AB IMMOBILIER,
représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et ayant pour avocat Maître DELPIERRE du barreau de SOISSONS
Monsieur Z.,
Madame W. épouse Z.,
représentés par la SCP MILLON - PLATEAU, avoués à la Cour qui dépose son dossier.
DÉBATS : A l'audience publique du 21 octobre 2010, devant : Madame BELFORT, Présidente, Madame CORBEL, entendue en son rapport et Madame PIET, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la Loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 janvier 2011.
GREFFIER : M. DROUVIN
ARRÊT : PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 13 janvier 2011 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Madame BELFORT, Présidente, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Vu les conclusions déposées pour M. X. et Mme Y., son épouse, le 12 février 2020 ;
Vu les conclusions déposées pour l'EURL AB Immobilier le 1er septembre 2010 ;
Vu les conclusions déposées pour M. Z. et Mme W., son épouse, le 15 juin 2010 ;
Attendu que suivant acte sous seing privé du 28 septembre 2006, les époux X. ont donné à l'EURL AB Immobilier pendant trois mois avec reconduction pour une durée de 24 mois à défaut de dénonciation pour son premier terme, un mandat d'entremise, sans exclusivité, de vendre leur immeuble sis [adresse], au prix de 225.000 euros net vendeur et moyennant une commission de 14.275 euros ;
Que suivant un second avenant du 22 mai 2007, le prix de vente a été fixé à 180.165 euros et la commission de l'agence a été ramenée à 13.300 euros ;
Attendu que le 14 juin 2007, l'EURL AB Immobilier a fait visiter le bien des époux X. aux époux Z. qui ont signé ce jour-là deux actes (pièces n° 4 et 5 de l'agence) ;
Attendu qu'il est constant que l'EURL AB Immobilier a reçu le 14 juin 2007 des époux Z. une offre d'achat de l'immeuble des époux X. au prix de 180.000 euros commission incluse ;
Attendu que le 1er juillet 2007, une promesse de vente a été signée entre les époux Z. et les époux X. par l'entremise d'un autre agent immobilier, l'agence Clovis, au prix net vendeur de 177.000 euros et moyennant une commission de négociation réduite à 8.000 euros.
Attendu que l'EURL AB Immobilier a assigné les époux X. et les époux Z. en paiement in solidum de la somme de 12.250 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle, subsidiairement sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;
Attendu que par jugement rendu contradictoirement le 30 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Soissons a condamné solidairement les époux X. et les époux Z. à payer à l'EURL AB Immobilier la somme de 12.500 euros au titre de la clause pénale et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2007, date de la mise en demeure, outre la somme de 1.300 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, a rejeté le surplus des prétentions des parties et a condamné in solidum les époux Z. et les époux X. aux dépens ;
Attendu que les époux X. ont formé appel le 13 octobre 2009 ; qu'ils concluent à l'infirmation du jugement et au rejet des prétentions de l'EURL AB Immobilier ; qu'ils rappellent la jurisprudence de la cour de cassation qui subordonne la condamnation du vendeur à payer à l'agent immobilier des dommages et intérêts à la preuve que le vendeur l'ait par sa faute privé de la réalisation de la vente ; qu'ils contestent avoir commis une faute en vendant leur bien à un prix plus avantageux pour eux et écartent toute collusion entre eux et les époux Z. qu'ils ne connaissaient pas ;
Qu'ils soutiennent que la clause prévue à l'article 7 5ème § du mandat est contraire au caractère non exclusif du mandat de vente, qu'elle est abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation et qu'elle est inapplicable faute d'avoir été mentionnée en caractères apparents ;
Que subsidiairement, ils opposent à la demande de l'EURL AB Immobilier la mauvaise exécution par celle-ci de son mandat, en prétendant qu'elle ne lui aurait donné connaissance de l'offre des époux Z. que trois semaines après son émission et de façon inexacte ; que plus subsidiairement, ils demandent de réduire à 1.000 euros le montant de la clause pénale.
Attendu que les époux Z. qui poursuivent l'infirmation du jugement entrepris, concluent au rejet des prétentions de l'EURL AB Immobilier en demandant de déclarer nuls les mandats signés par eux au profit de l'EURL AB Immobilier ; que subsidiairement, ils soulèvent l'exception d'inexécution en reprochant à l'EURL AB Immobilier d'avoir transmis leur offre alors que celle-ci était devenue caduque et en la modifiant ; qu'ils n'ont pas conclu sur la recevabilité de leur appel ;
Attendu que l'EURL AB Immobilier soulève l'irrecevabilité de l'appel incident des époux Z. et conclut à la confirmation du jugement entrepris ; qu'elle fait valoir que les pourparlers entre les époux X. et les époux Z. ont été réalisés par son entremise, que la vente a été conclue sur la base de la dernière offre d'achat qu'elle avait reçue des époux Z. et qu'elle avait transmise aux vendeurs, qu'une fois la vente conclue, les époux Z. ont contacté une autre agence et ont convenu avec les époux X. de faire établir le compromis de vente par l'intermédiaire de celle-ci, laquelle proposait une commission réduite puisqu'elle n'avait entrepris aucune diligence ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel incident formé par les époux Z. :
Attendu que l'EURL AB Immobilier soutient qu'en concluant dans un premier temps à la confirmation pure et simple du jugement et en exécutant celui-ci alors qu'il n'est pas assorti de l'exécution provisoire, les époux Z. ont acquiescé audit jugement ;
Qu'elle ajoute qu'ils ne peuvent se prévaloir de l'exception prévue à l’article 409 du Code de procédure civile lorsque l'acquiescement est antérieur au recours formé par une autre partie puisque l'appel des époux X. a été formé antérieurement à l'exécution sans réserve du jugement par eux et qu'en outre, cette exception ne s'applique qu'à la condition que le recours émane d'une partie ayant des intérêts opposés à la partie qui a acquiescé ;
Attendu que les époux Z. n'ont pas répondu à cette fin de non-recevoir ; qu'ils ont seulement conclu au fond en reprenant leurs arguments développés en 1re instance ;
Attendu que les époux Z. ont exécuté le jugement entrepris en versant à l'EURL AB Immobilier la somme de 7.416,60 euros le 20 décembre 2009 par l'intermédiaire du compte CARPA, alors qu'il n'était pas assorti de l'exécution provisoire, ont acquiescé à ce jugement selon les dispositions de l’article 410 du Code de procédure civile aux termes duquel l'acquiescement peut être exprès ou implicite. L'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n'est pas permis ; que la nature du litige autorise l'acquiescement ;
Que l’article 409 du Code de procédure civile dispose que l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours ; qu'en l'espèce, les époux Z. ont conclu dans un premier temps sur l'appel principal des époux X. à la confirmation du jugement entrepris ; que cette position initiale confirme l'acquiescement au jugement et emporte définitivement la perte du droit de contester ce jugement entrepris ;
Qu'il s'ensuit que l'appel incident formé par les époux Z. est irrecevable ;
Sur l'appel des époux X. :
Attendu que l'EURL AB Immobilier verse aux débats un double d'une lettre simple datée du 14 juin 2007 qu'elle a adressée aux époux X. les informant de ce qu'elle avait présenté leur immeuble aux époux Z. ; qu'en outre, elle établit par les factures téléphoniques les diverses tentatives pour entrer en relation avec ses mandants après avoir reçu l'offre des époux Z., démontrant leur comportement d'évitement ;
Qu'elle produit un email adressé le 21 juin 2007 par les époux Z. à l'agence Clovis en ces termes « Bonjour, nous sommes intéressés par la maison référence 191, seulement nous avons été la visiter avec un de vos concurrents beaucoup plus onéreux en commissions. Pouvons nous passer par vous ou sommes nous tenus par le bon de visite » « Vous remerciant par avance », qui démontre que les acquéreurs ont démarché une autre agence pour gagner sur le prix de la commission versée à l'agence ;
Attendu que l'EURL AB Immobilier soutient qu'en vendant en connaissance de cause leur bien immobilier aux époux Z. sans passer par son entremise, les époux X. ont violé l'interdiction stipulée à l'article 7 § 5 du mandat de vente qu'ils ont souscrite avec elle, énoncée en ces termes « le mandant s'interdit de négocier et/ou de vendre, directement ou indirectement, sans le concours du mandataire, le ou l'un des biens désignés à l'article 2, tant pendant la durée du mandat que durant les 12 mois qui suivront son terme avec un acquéreur qui lui aurait été présenté ou auquel son bien aura été présenté par le mandataire durant le mandat » ;
Attendu que force est de constater que les époux X. ne contestent pas ne pas avoir respecté cette interdiction ;
Qu'ils contestent la validité de la clause et soutiennent qu'ils avaient le droit de choisir l'offre la plus avantageuse pour eux, condition sine qua non des mandats qu'ils avaient confiés aux divers agents immobiliers, sans exclusivité ; qu'ils soulignent que l'offre présentée par l'agence Clovis était effectivement la plus avantageuse puisqu'elle leur permettait de recevoir un prix net vendeur de 177.000 euros ; qu'ils font valoir que cette agence a obtenu des acquéreurs qu'ils portent leur offre à 185.000 euros soit 5.000 euros de plus que celle qu'ils avaient faite à l'EURL AB Immobilier et de son côté l'agence Clovis acceptait de réduire sa commission à 8.000 euros au lieu de 12.550 euros exigée par l'EURL AB Immobilier ; qu'ils considèrent que la vente s'est réalisée grâce aux diligences de l'agence Clovis et non à l'EURL AB Immobilier ;
Mais attendu que la clause prévue au mandat de vente sans exclusivité, en caractères apparents sous le titre figurant en gras et en grands caractères « obligations du mandant » , interdisant la vente sans le concours de l'agent immobilier à une personne à qui le bien a été présenté par lui, est valable comme l'a retenu avec pertinence le premier juge ;
Que l’article 78 du décret du 20 juillet 1972 dispose que «lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité, ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle la commission sera due par le mandant, même si l'opération est conçue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandant dont un exemplaire a été remis au mandataire. Cette clause est mentionnée en caractères très apparents »; qu'en l'espèce, ces prescriptions visent non pas la clause litigieuse par laquelle les mandants s'interdisent de vendre le bien sans le concours du mandataire qui l'a présenté, mais la clause qui stipule que dans l'hypothèse où les mandants ne respecteraient pas l'une des obligations prévues aux alinéas 4 à 6 de l'article 7, ils devraient verser au mandataire à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1142 du Code civil une indemnité forfaitaire d'un montant égal à celui des honoraires fixés à l'article 4 ;
Que la clause 7 paragraphe 5 litigieuse n'a pas pour effet de remettre en cause l'absence d'exclusivité du mandat puisque les vendeurs peuvent toujours vendre leur bien à d'autres personnes qu'à celles à qui il a été présenté par l'agence ;
Qu'elle ne revêt pas le caractère de clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation en ce qu'elle ne crée pas un déséquilibre entre les parties mais assure le respect de la loyauté contractuelle en sanctionnant les pratiques visant à contournant la commission due à l'agent immobilier par qui aurait dû être conclue l'opération ;
Attendu que les époux X. sachant que les époux Z. s'étaient faits présenter le bien par l'EURL AB Immobilier n'ont pas respecté leurs obligations contractuelles en acceptant de conclure l'opération par un autre intermédiaire ; que l'inexécution fautive du contrat a été parfaitement analysée par le premier juge ; que le fait que la violation de leur engagement leur permettait d'obtenir un prix plus avantageux en réclamant une commission inférieure ne saurait valoir cause d'exonération ;
Qu'il s'ensuit que contrairement à ce que les époux X. soutiennent, la violation de ladite clause suffit pour engager leur responsabilité contractuelle ;
Attendu que pour les motifs pertinents du premier juge qu'il convient d'adopter, les époux X. ne démontrent pas une faute de l'EURL AB Immobilier qui aurait pu justifier leur recours à une autre agence ;
Attendu que la violation de ladite clause entraîne dans ce cas la mise en ouvre de la clause pénale prévue audit contrat qui, écrite en caractères très apparents dans les termes rappelés ci-dessus est conforme à l’article 78 du décret du 20 juillet 1972 cité précédemment ;
Attendu que les époux X. sollicitent la réduction de l'indemnité prévue au titre de la clause pénale, sans démontrer son caractère manifestement excessif ; qu'au contraire, le préjudice subi par l'EURL AB Immobilier par la faute de ses mandants correspond précisément à la perte de ses honoraires qu'elle aurait dû percevoir si les parties ne l'avaient pas écartée pour conclure l'opération ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'EURL AB Immobilier la charge de ses frais irrépétibles ; qu'à ce titre, les époux Z., d'une part et les époux X., d'autre part, seront condamnés à lui payer, chacun, la somme de 1.500 euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant après débats publics par arrêt rendu publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, et mis à disposition au greffe,
Déclare irrecevable l'appel incident des époux Z. ;
Confirme le jugement rendu le 30 juillet 2009 par le tribunal de grande instance de Soissons ;
Y ajoutant,
Condamne les époux Z. tenus in solidum à payer à l'EURL AB Immobilier la somme de 1.500 euros ;
Condamne les époux X. tenus in solidum à payer à l'EURL AB Immobilier la somme de 1.500 euros ;
Condamne les époux X. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile par les SCP LE ROY et MILLON-PLATEAU, Avoués, pour la part des dépens dont elles ont fait l'avance sans en avoir reçu préalablement provision.
Le Greffier, Le Président,
- 6053 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Fraudes
- 6331 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence immobilière - Mandat de vente ou de location