CA NANCY (2e ch. civ.), 15 novembre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2953
CA NANCY (2e ch. civ.), 15 novembre 2010 : RG n° 08/02134
Publication : Jurica
Extrait : « La clause qui prévoit l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit est, en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, une clause abusive qui doit être tenue pour non écrite.
En l'espèce, selon l'avenant passé entre les parties le 6 avril 2005, Madame X. veuve Y. a opté pour un crédit utilisable sous forme de découvert disponible à hauteur de 6.000 euros. Ledit avenant ajoute : « Le montant du découvert autorisé par COFINOGA est fixé à 21.500 euros », soit le plafond légal maximum du crédit à la consommation.
Ce faisant, la SA LASER COFINOGA s'est dispensée par avance de proposer une nouvelle offre de crédit à sa cliente en cas de dépassement du découvert de 6.000 euros initialement choisi par cette dernière, la privant ainsi, notamment, de la faculté de rétracter son acceptation qui est pourtant d'ordre public. »
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/02134. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance d'ÉPINAL, R.G. n° 11-07-000305, en date du 15 mai 2008.
APPELANTE :
SA LASER COFINOGA,
prise en la personne de ses représentants légaux pour se domicilier au siège social, sise [adresse], représentée par Maître Thierry GRÉTÉRÉ, avoué à la Cour, assistée de Maître Olivier COUSIN, avocat au barreau d'EPINAL, substitué à l'audience par Maître Aurélie SAMPIETRO, avocat au barreau d'EPINAL
INTIMÉE :
Madame X. épouse Y.,
née le XX à [ville], demeurant [adresse], représentée par la SCP LEINSTER, WISNIEWSKI & MOUTON, avoués à la Cour, assistée de Maître Dominique REICHERT-MILLET, avocat au barreau d'EPINAL (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 09/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Caroline HUSSON ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2010, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 15 novembre 2010, par Madame Caroline HUSSON, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, et par Madame Caroline HUSSON, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant l'offre préalable acceptée le 16 juillet 2003, la SA COFINOGA, devenue en 2006 la SA LASER COFINOGA, a accordé à Madame X. veuve Y. une ouverture de crédit utilisable par fractions au moyen d'une carte de crédit dans la limite d'un découvert en compte de 2.000 euros, le découvert maximum autorisé pouvant être porté à 8.000 euros.
Par avenant signé le 6 avril 2005, le montant du découvert maximum autorisé a été porté à 21.500 euros et le crédit disponible à 6.000 euros.
Certaines échéances de remboursement n'étant plus honorées, la SA LASER COFINOGA s'est prévalue de la déchéance du terme à la date du 20 janvier 2007 et a engagé une action en paiement contre Madame X. veuve Y.
Par ordonnance du 20 juillet 2007, le juge du tribunal d'instance d'EPINAL a enjoint à Madame X. veuve Y. de payer à la SA LASER COFINOGA la somme de 9.616,78 euros en principal, outre les frais et les intérêts.
Cette ordonnance a été signifiée le 27 juillet 2007 à la débitrice qui y a formé opposition.
Par jugement rendu le 15 mai 2008, le tribunal d'instance d'EPINAL a déclaré forclose l'action en paiement de la SA LASER COFINOGY.
Le tribunal a motivé sa décision par le caractère abusif de la clause stipulant le montant du découvert maximum autorisé, distinct du crédit disponible, et par le fait que le montant du crédit disponible avait été définitivement dépassé en mai 2005, soit plus de deux ans avant que fût engagée l'action en paiement, ce qui entraînait la forclusion de ladite action.
La SA LASER COFINOGA a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 6 août 2008. Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de condamner Madame X. veuve Y. à lui payer la somme de 10.053 euros outre les intérêts contractuels et une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle expose :
- que le découvert maximum n'était pas de 6.000 euros mais de 21.500 euros, lequel n'a jamais été dépassé puisque l'arriéré à la déchéance du terme s'élevait à 10.053 euros,
- que la première échéance impayée non régularisée remonte à août 2006, de sorte que la signification de l'injonction de payer à la date du 27 juillet 2007 a utilement interrompu le délai de forclusion de deux ans,
- qu'en outre, le délai de forclusion était suspendu par le plan de surendettement dont bénéficiait la débitrice,
- que si une nouvelle offre devait être exigée pour dépasser le montant initial du crédit, la sanction de son défaut serait la déchéance du droit aux intérêts et non la forclusion.
Madame X. veuve Y. demande à la Cour de confirmer la décision entreprise et de débouter la SA LASER COFINOGA de toutes ses demandes. Subsidiairement, elle conclut à la déchéance du droit de la société de crédit aux intérêts. Enfin, elle sollicite l'octroi d'une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir :
- que la clause prévoyant un montant de découvert autorisé supérieur au montant du « crédit disponible » est une clause abusive réputée non écrite,
- que le montant du crédit qui lui a été consenti, suite à l'avenant conclu, était donc de 6.000 euros et non de 21.500 euros,
- que son découvert a dépassé la limite des 6.000 euros pendant le mois de mai 2005, sans plus jamais redescendre en-dessous de ce montant, ce qui caractérise bien le premier incident de paiement,
- que l'action en paiement a été engagée plus de deux ans après, le 27 juillet 2007, date de la signification de l'injonction de payer.
Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'elle soulève le non-respect par la SA LASER COFINOGA des dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation relatives aux conditions de reconduction du contrat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les dernières écritures déposées le 28 mai 2010 par Madame X. veuve Y. et le 23 août 2010 par la SA LASER COFINOGA,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 septembre 2010.
Sur la forclusion de l'action en paiement :
La clause qui prévoit l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit est, en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, une clause abusive qui doit être tenue pour non écrite.
En l'espèce, selon l'avenant passé entre les parties le 6 avril 2005, Madame X. veuve Y. a opté pour un crédit utilisable sous forme de découvert disponible à hauteur de 6.000 euros. Ledit avenant ajoute : « Le montant du découvert autorisé par COFINOGA est fixé à 21.500 euros », soit le plafond légal maximum du crédit à la consommation.
Ce faisant, la SA LASER COFINOGA s'est dispensée par avance de proposer une nouvelle offre de crédit à sa cliente en cas de dépassement du découvert de 6.000 euros initialement choisi par cette dernière, la privant ainsi, notamment, de la faculté de rétracter son acceptation qui est pourtant d'ordre public.
Contrairement à ce que prétend la SA LASER COFINOGA, retenir la somme de 2.000 puis de 6.000 euros comme montant du découvert autorisé et exiger une nouvelle offre pour tout dépassement ne revient pas à nier la possibilité de disposer de façon fractionnée du crédit consenti. En effet, rien n'interdit à l'emprunteur d'utiliser par fractions ce montant de 2.000 ou de 6.000 euros. C'est d'ailleurs ce qu'a fait Madame X. veuve Y. puisqu'il apparaît, à la lecture du détail de son compte, qu'elle a effectué des achats pour 714 euros en août 2003, 1.000 euros en septembre 2003, etc., puis, à compter de la signature de l'avenant d'avril 2005, elle n'a pas franchi d'emblée la limite des 6.000 euros mais a effectué deux achats pour ce faire. L'utilisation par fractions du découvert autorisé à hauteur de 2.000 puis de 6.000 euros est donc non seulement possible mais a été réalisée.
Par conséquent, la clause qui permet de dépasser jusqu'à 21.500 euros la limite du découvert choisie par Madame X. veuve Y. est abusive et doit être tenue pour non écrite, de sorte que seule subsiste la clause fixant à 6.000 euros le montant du découvert autorisé.
L'article L. 311-37 du Code de la consommation dispose que les actions en paiement engagées par le prêteur contre l'emprunteur, en cas de défaillance de ce dernier, doivent être engagées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.
En l'occurrence, il ressort de l'analyse des écritures passées au compte de Madame X. veuve Y. que son découvert a dépassé le montant de 6.000 euros en mai 2005 et n'est plus jamais repassé en-deçà de ce montant. Ce dépassement jamais restauré constitue une défaillance de sa part puisqu'il est une violation de ses obligations d'emprunteur.
Or, la SA LASER COFINOGA n'a déposé une requête en injonction de payer qu'en juin 2007 et la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, premier acte susceptible d'interrompre le délai de forclusion, n'a été faite que le 27 juillet 2007, soit plus de deux années après la défaillance de la débitrice.
La SA LASER COFINOGA allègue une suspension du délai de forclusion au motif que Madame X. veuve Y. aurait bénéficié d'un plan de surendettement, mais elle ne produit pas la moindre pièce attestant la réalité de ce plan et ne fournit même aucune indication sur sa date, ce qui empêche de vérifier si, le cas échéant, ledit plan est intervenu avant que soit acquis le délai de forclusion.
Dès lors, l'action en paiement de la SA LASER COFINOGA doit être déclarée irrecevable par l'effet de la forclusion et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile :
La SA LASER COFINOGA, qui est la partie perdante, supportera les dépens et sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles.
En outre, il n'est pas inéquitable que Madame X. veuve Y., qui bénéficie de l'aide juridictionnelle à hauteur de 85 %, conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager personnellement dans le cadre de cette procédure.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes es dispositions ;
Y ajoutant :
DEBOUTE la SA LASER COFINOGA et Madame X. veuve Y. de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SA LASER COFINOGA aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame HUSSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6636 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 7 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Conformité aux modèles-type