CASS. CIV. 1re, 15 novembre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 3048
CASS. CIV. 1re, 15 novembre 2010 : pourvoi n° 09-11161
Publication : Bull. civ.
Extrait : « Attendu, cependant, que par arrêt du 23 avril 2009 (C-261/07 et C-299/07), rendu sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur, de sorte que l’article L. 122-1 du code de la consommation qui interdit de telles offres conjointes sans tenir compte des circonstances spécifiques doit être appliqué dans le respect des critères énoncés par la directive ; qu’en statuant comme elle l’a fait sans rechercher si la pratique commerciale dénoncée entrait dans les prévisions des dispositions de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales, la juridiction de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 09-11161.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société LENOVO
M. Charruault, président. Mme Richard, conseiller apporteur. M. Pagès, avocat général. SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article L. 122-1 du code de la consommation, interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que M. X. a acheté le 6 décembre 2007 auprès de la société Lenovo un ordinateur portable équipé de logiciels préinstallés pour un prix de 597 euros ; que faisant valoir que le Contrat de licence d’utilisateur final ne permettait que le remboursement intégral de l’ordinateur équipé des logiciels qu’il ne souhaitait pas conserver, M. X. a fait assigner la société Lenovo en paiement de la somme de 404,81 euros au titre du remboursement du prix des logiciels ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour débouter M. X. de sa demande, la juridiction de proximité retient que l’accord des parties s’est fait sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi et que le consommateur avait, l’acquisition effectuée, la possibilité de se faire rembourser les marchandises dans leur globalité ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, cependant, que par arrêt du 23 avril 2009 (C-261/07 et C-299/07), rendu sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur, de sorte que l’article L. 122-1 du code de la consommation qui interdit de telles offres conjointes sans tenir compte des circonstances spécifiques doit être appliqué dans le respect des critères énoncés par la directive ; qu’en statuant comme elle l’a fait sans rechercher si la pratique commerciale dénoncée entrait dans les prévisions des dispositions de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales, la juridiction de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 20 novembre 2008, entre les parties, par la juridiction de proximité de Tarascon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité d’Aix-en-Provence ;
Condamne la société Lenovo France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lenovo France à payer à M. X. la somme de 3.000 euros ; rejette la demande de la société Lenovo France ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief au jugement attaqué d’avoir débouté M. X. de ses demandes à l’encontre de la société LENOVO ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que l’article L. 122-1 du Code de la consommation «interdit à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sans motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit» ; que la subordination de vente ou prestation de service qu’on appelle également la vente par lots, implique qu’un professionnel oblige un consommateur à acheter un ou plusieurs produits ou services autres que celui ou ceux désirés à défaut duquel ou desquels ce ou ces derniers ne lui seront pas vendus ; que le droit de la consommation a pour objectif d’assurer la protection du consentement du consommateur ; que les dispositions relatives au consentement sont contenues dans les articles 1108 à 1118 du Code civil ; que, notamment, l’article 1109 stipule qu’il n’y a point de consentement valable si le consentement a été donné par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ; que l’erreur s’entend sur une qualité substantielle du produit ; que le demandeur a acquis un ordinateur qu’il reconnaît dans sa déclaration lui donner entière satisfaction ; qu’il ne saurait donc y avoir erreur, pas plus que tromperie ou violence ; que l’accord des parties s’est fait sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi ; qu’en effet, il est démontré que les fiches techniques de l’ordinateur que le demandeur verse au dossier et qu’il a pu consulter préalablement à son acquisition précise pour ce qui concerne les logiciels qu’ils sont intégrés au produit ; que le demandeur avait, l’acquisition effectuée, la possibilité de, comme le précisait le CLUF, se faire rembourser, les marchandises s’entendant du produit dans sa globalité et non de tel ou tel élément au choix de l’acquéreur ; qu’en conséquence, il sera jugé que la société LENOVO ne contrevient pas aux dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation en proposant à la vente des ordinateurs pré équipés de logiciels d’exploitation et d’utilisation » (jugement attaqué, p. 2 in fine, et p.3) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) Alors que l’absence de vice du consentement, au regard des dispositions des articles 1101 et suivants du Code civil, ne permet pas de retenir, automatiquement, une absence de violation du droit de la consommation et, en particulier, de l’article L. 122-1 du Code de la consommation ; qu’en effet, le droit de la consommation ajoute, sur ce point, au droit commun des obligations ; qu’en considérant, au contraire, qu’il lui suffirait d’établir une absence de vice du consentement du consommateur acquéreur de l’ordinateur et des logiciels pour retenir une absence de violation de l’interdiction des ventes liées, le juge de proximité a violé l’article L. 122-1 du Code de la consommation, ensemble les articles 1108 et suivants du Code civil ;
2°) Alors que l’accord non vicié du consommateur à l’acquisition de produits ou de services liés n’interdit pas audit consommateur d’invoquer la prohibition de la vente liée ; qu’en relevant, à l’appui de sa décision de ne retenir aucune vente liée prohibée, que les parties auraient émis un consentement non vicié sur l’ordinateur «complet», équipé de logiciels, le juge s’est prononcé par un motif inopérant, en violation de l’article L. 122-1 du Code de la consommation, ensemble les articles 1108 et suivants du Code civil ;
3°) Alors qu’aucune des parties n’invoquait, au cas présent, l’existence d’un quelconque vice du consentement ; qu’en écartant les demandes de M. X. au motif qu’aucun vice du consentement n’était constitué, le juge de proximité a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
4°) Alors, en tout état de cause, que la caractérisation d’un produit unique mais complexe, faisant exception à la qualification de vente liée prohibée, dépend exclusivement de la nature des choses et ne saurait résulter de la seule présentation adoptée par le vendeur ; qu’au cas présent, en écartant la qualification de vente liée au motif que l’ordinateur était présenté comme un produit «complet» et «prêt à l’emploi», dans lequel les logiciels étaient «intégrés», ce qui caractérisait uniquement un choix arbitraire de présentation de la société LENOVO, la juridiction de proximité s’est prononcée par un motif inopérant, et a violé l’article L. 122-1 du Code de la consommation ;
5°) Alors que l’article L. 122-1 du Code de la consommation prohibe le fait de subordonner la vente d’un produit ou la prestation d’un service à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ; qu’en vendant, ensemble, un ordinateur et un système d’exploitation sans laisser au consommateur la liberté, ni de choisir son système d’exploitation, ni d’acheter l’ordinateur seul, sans système d’exploitation, le vendeur professionnel contrevient à cette interdiction ; qu’au cas présent, en refusant de qualifier de vente liée prohibée la vente litigieuse, par la société LENOVO à M. X., d’un ordinateur et d’un système d’exploitation préinstallé, le juge de proximité a violé l’article L. 122-1 du Code de la consommation ;
6°) Alors que la vente liée d’un produit et d’un service est prohibée par l’article L. 122-1 du Code de la consommation, peu important que le vendeur ouvre à l’acheteur la possibilité de demander la résolution de la vente ; qu’au cas présent, en déduisant de la possibilité, pour l’acheteur, de restituer l’intégralité des biens et services achetés contre la restitution de l’intégralité du prix, l’absence de violation de l’article L. 122-1 du Code de la consommation, le juge de proximité a statué par un motif inopérant, en violation de l’article L. 122-1 du Code de la consommation ;
7°) Alors que la prohibition des ventes liées est absolue, et n’admet pas d’exception en cas de «motif légitime» ; que l’exception pour «motif légitime», prévue par l’article L. 122-1 du Code de la consommation, se rapporte exclusivement à la prohibition du refus de vente, également visée par le texte ; qu’au cas présent, en jugeant que la prohibition de la vente liée pouvait être écartée en raison des circonstances particulières ayant entouré son acquisition, la juridiction de proximité a statué par un motif inopérant, en violation de l’article L. 122-1 du Code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief au jugement attaqué d’avoir débouté M. X. de ses demandes à l’encontre de la société LENOVO.
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que l’article L. 122-1 du Code de la consommation « interdit à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sans motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit» ; que la subordination de vente ou prestation de service qu’on appelle également la vente par lots, implique qu’un professionnel oblige un consommateur à acheter un ou plusieurs produits ou services autres que celui ou ceux désirés à défaut duquel ou desquels ce ou ces derniers ne lui seront pas vendus ; que le droit de la consommation a pour objectif d’assurer la protection du consentement du consommateur ; que les dispositions relatives au consentement sont contenues dans les articles 1108 à 1118 du Code civil ; que, notamment, l’article 1109 stipule qu’il n’y a point de consentement valable si le consentement a été donné par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ; que l’erreur s’entend sur une qualité substantielle du produit ; que le demandeur a acquis un ordinateur qu’il reconnaît dans sa déclaration lui donner entière satisfaction ; qu’il ne saurait donc y avoir erreur, pas plus que tromperie ou violence ; que l’accord des parties s’est fait sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi ; qu’en effet, il est démontré que les fiches techniques de l’ordinateur que le demandeur verse au dossier et qu’il a pu consulter préalablement à son acquisition précise pour ce qui concerne les logiciels qu’ils sont intégrés au produit ; que le demandeur avait, l’acquisition effectuée, la possibilité de, comme le précisait le CLUF, se faire rembourser, les marchandises s’entendant du produit dans sa globalité et non de tel ou tel élément au choix de l’acquéreur ; qu’en conséquence, il sera jugé que la société LENOVO ne contrevient pas aux dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation en proposant à la vente des ordinateurs pré équipés de logiciels d’exploitation et d’utilisation » (jugement attaqué, p. 2 in fine, et p.3) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Alors que le Contrat de Licence d’Utilisation de Logiciel (CLUF) ne portait que sur les logiciels qui en constituaient l’objet ; qu’il ne pouvait ainsi, en aucun cas, concerner l’ordinateur ; qu’au cas présent, en considérant que le Contrat de Licence d’Utilisateur Final visait, par le terme «marchandises», non les seules marchandises qui formaient sa matière, mais également l’ordinateur LENOVO, la juridiction de proximité a méconnu la loi des parties, en violation de l’article 1134 du Code civil.