CASS. COM., 1er février 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3061
CASS. COM., 1er février 2011 : pourvoi n° 09-12891
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 09-12891.
DEMANDEUR à la cassation : Société Faucigny
DÉFENDEUR à la cassation : Société Sirius
MOTIFS (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 10 juillet 1995, la société Faucigny viandes, a conclu un contrat de nettoyage avec la société Sirius, laquelle a fourni une lessiveuse munie d’un chargeur de batterie ; qu’à la suite du sinistre qui est survenu dans ses locaux le 2 décembre 1997 une expertise a été diligentée le 4 décembre 1997 à l’initiative du procureur de la République ; que l’expert, M. X., a conclu à l’absence d’origine criminelle du sinistre ; que par ordonnance de référé du 29 janvier 1999, une nouvelle expertise a été ordonnée désignant le même expert qui s’est adjoint deux sapiteurs ; que ce dernier a conclu que l’origine du sinistre provenait d’un dysfonctionnement du chargeur de batterie ; que la société AGF IART (AGF), subrogée dans les droits de son assuré la société Faucigny au titre de l’indemnité d’assurance versée, a assigné la société Sirius et son assureur la société GAN assurance IARD (GAN) ; que cette dernière a appelé en garantie la société AFI Europe AGCS France (AFI), vendeur du chargeur, ainsi que la société PBM aux droits de laquelle se trouve la société Rafin Spa, constructeur du chargeur ; que la société Azur assurances, assureur de AFI a été appelée en garantie ;
Sur le premier moyen :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que ce moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 16 du Code de procédure civile ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour débouter la société AGF de sa demande dirigée contre la société Rafin, l’arrêt, après avoir relevé que postérieurement au 29 janvier 1999 il n’apparaît pas que M. X. ait tenu une réunion d’expertise, que le 25 novembre 1999 le second sapiteur a rendu son rapport selon lequel le chargeur de batterie ne présentait pas de défaut interne, que M. X. a signé son rapport le 15 septembre 2000 sans qu’apparaisse la date à laquelle il a été déposé, que le 26 décembre 2000 la société Rafin a déposé un dire à l’expert qui n’a pas été annexé au rapport, retient que la société Rafin a soutenu, à juste titre, qu’elle n’a pu faire entendre ses moyens, que le principe de la contradiction n’a pas été respecté, que l’expertise ne lui est pas opposable et par suite que la société AGF ne démontre pas la faute de la société Rafin ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, si le juge ne peut se déterminer au seul vu d’une expertise établie non contradictoirement, il ne peut refuser d’examiner une pièce, dont la communication régulière et la discussion contradictoire n’étaient pas contestées, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute la société AGF IART de sa demande à l’encontre de la société Rafin, l’arrêt rendu le 13 janvier 2009 entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état ou elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société AGF IART aux dépens ;
Vu l’article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la société AGF IART.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir déclaré irrecevable l’action intentée par la société AGF à l’encontre de la société Sirius et la société GAN EUROCOURTAGE IARD ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « l’article 8 alinéa 2 du contrat conclu entre la société Faucigny et la société Sirius stipule : « tout dommage garanti que pourrait subir le client du fait du prestataire ou de l’un de ses préposés devra être signalé au prestataire et lui être notifié sous peine de forclusion dans un délai de trois jours ouvrables à compter de sa réalisation et en tout état de cause dans les trois jours suivant la date de renouvellement ou de résiliation des présentes » ; (…) que le tribunal a pertinemment retenu par des motifs que la cour adopte que la société Faucigny, informée au plus tard le 15 décembre 1997 d’une possible origine de l’incendie tenant au chargeur de batterie appartenant à la société Sirius, ne rapporte pas la preuve de la notification du dommage à celle-ci dans les trois jours ouvrables de la connaissance qu’elle en a eu ;qu’il est certain que la société Sirius, et elle ne le nie pas, a eu connaissance du sinistre dès le jour de sa survenance ; (…) la société AGF ne produit cependant aucun document démontrant que le dommage de la société Faucigny a été notifié à la société Sirius, en conformité avec les stipulations de l’article 8 ; (…) que le 9 décembre 1997, le cabinet Montmirail, courtier de la société Sirius, a déclaré le sinistre à l’assureur en invoquant, contrairement à ce que soutient l’appelante, les seuls dommages causés aux matériels appartenant à celle-ci, sans faire mention des dommages subis par la société Faucigny ; (…) qu’en effet, le premier feuillet de la déclaration mentionnant « ci-joint une déclaration de sinistre + liste du matériel détruit + facture de l’autolaveuse + article de journal », et le second feuillet « le bâtiment des Salaisons du Mont-Blanc a pris feu détruisant tous les matériels se trouvant à l’intérieur », (…) que le fait que l’en-tête imprimé de ce second feuillet mentionne « accident responsabilité civile travaux » ne saurait correspondre, en l’absence de toute autre précision, à une déclaration de sinistre relative aux dommages subis par la société Faucigny ; (…) que ce n’est que le 19 janvier 1998, alors que la société Faucigny avait assigné la société Sirius en référé, que le courtier a déclaré à l’assureur le dommage de la société Faucigny, lui écrivant en ces termes : « nous avions, dans un premier temps, ouvert un dossier référencé 971.212 uniquement pour les dommages causés au matériel appartenant à la société Sirius en l’absence de mise en cause officielle. C’est chose faite à ce jour puisque nous venons de recevoir une assignation (…) ; (…) que la notification visée par ledit article 8, dont la forme est laissée à l’appréciation de son auteur, assignation, lettre recommandée, remise contre récépissé, a pour objet de faire connaître au prestataire de service le dommage dont la responsabilité lui est imputée et de lui permettre de prendre toutes mesures de sauvegarde de ses droits ; (…) que la société AGF ne peut invoquer les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation afin que soit déclaré non écrit l’article 8 alinéa 2 ; (…) qu’ en effet, l’article L. 132-1, selon lequel « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, ne peut recevoir application en l’espèce, alors que l’objet du contrat a un rapport direct avec l’activité de la société Faucigny et en constitue l’accessoire compte tenu des normes exigées en matière d’hygiène pour ce type d’activité ; (…) que la société AGF ne peut davantage invoquer les règles de la prescription en matière d’action en responsabilité contractuelle ou en matière d’action entre commerçants pour demander que soit écarté le délai de 3 jours dudit article 8 du contrat ; (…) qu’en effet, les parties peuvent abréger le délai de prescription légalement applicable, dans la mesure où la convention ne supprime pas toute possibilité d’agir pour le créancier et où la violation d’aucune règle d’ordre public n’est invoquée » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE selon l’article 8 alinéa 2 du contrat unissant les sociétés Faucigny et Sirius, « tout dommage garanti que pourrait subir le client du fait du prestataire ou de l’un de ses préposés devra être signalé au prestataire et lui être notifié sous peine de forclusion dans un délai de trois jours ouvrables à compter de sa réalisation, et en tout état de cause dans les trois jours suivant la date de renouvellement ou de résiliation des présentes » ; qu’en faisant application de cette stipulation, qui ne concerne que la responsabilité encourue en raison de dommages subis par le client du fait du prestataire ou de l’un de ses préposés, au dommage résultant d’une machine, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat du 10 juillet 1995, en violation de l’article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les délais de prescription ne peuvent être contractuellement abrégés que si cette réduction ne prive pas le créancier de tout droit d’action, de sorte qu’en ne recherchant pas, concrètement, si les stipulations de l’article 8 du contrat litigieux ne privaient pas l’exposante de son droit d’action à l’encontre de la société Sirius, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2220 du Code civil, dans sa version applicable à l’espèce.
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société AGF IART de sa demande tendant à voir condamner la société Rapin à lui payer la somme de 5.936.482,05 € en principal, outre intérêts légaux à compter du 23 juin 1998 et capitalisation des intérêts ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la société AGF sollicite, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, la condamnation à garantie de la société Rafin, constructeur du chargeur de batterie à l’origine d’un incendie ; qu’elle fait valoir que la courte prescription de l’article 1648 du Code civil ne peut lui être opposée, le fondement de son action étant délictuel ; que la société Rafin ne peut prétendre que l’expertise n’a pas été contradictoire alors qu’elle a été attraite en déclaration d’ordonnance commune le 23 septembre 1999 et qu’elle a produit un dire le 26 décembre 2000 ; que le 23 septembre 1999, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bonneville a déclaré commune à la société PBM, maintenant société Rafin, l’expertise ordonnée le 29 janvier 1999 et confiée à M. X. ; qu’il n’apparaît pas que l’expert ait postérieurement à cette date tenu une réunion d’expertise ; que le 25 novembre 1999, M. Z., second sapiteur, a rendu son rapport selon lequel le chargeur de batterie ne présentait pas de défaut interne ; que M. X. a signé son rapport le 15 septembre 2000 (sans qu’apparaisse sur les documents remis à la cour la date à laquelle le rapport a été déposé) ; que le 26 décembre 2000, la société Rafin a adressé à l’expert un dire qui n’a pas été annexé au rapport ; qu’il apparaît, dans ces conditions, que la société Rafin soutient à juste titre qu’elle n’a pu faire entendre ses moyens ; que le principe de la contradiction n’a pas été respecté et que l’expertise ne lui est par conséquent pas opposable ; qu’il s’ensuit que faute pour la société AGF de démontrer la faute de la société Rafin, sa demande doit être rejetée ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE si le juge ne peut se déterminer au seul vu d’une expertise établie non contradictoirement, il ne peut refuser d’examiner une pièce dont la communication régulière et la discussion contradictoire n’étaient pas contestées ; qu’en refusant de prendre en compte le rapport d’expertise de M. X., pourtant régulièrement communiqué et discuté par les parties, la cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile.