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TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 12 novembre 2003

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 12 novembre 2003
Pays : France
Juridiction : Paris (TGI)
Demande : 02/14063
Date : 12/11/2003
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 10/09/2002
Décision antérieure : CA PARIS (15e ch. sect. B), 3 février 2005
Numéro de la décision : 7
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3078

TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 12 novembre 2003 : RG n° 02/14063 ; jugement n° 7

(sur appel CA Paris (15e ch. B), 3 février 2005 : RG n° 03/20623)

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 12 NOVEMBRE 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 02/14063. Jugement n° 7. Assignation du 10 septembre 2002.

 

DEMANDERESSE :

SA SELF TRADE

[adresse] représentée et assisté par Maître Alexandre VARAUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.19

 

DÉFENDEUR :

Monsieur X.

[adresse] représenté par Maître Valérie AUBERT BOUDIAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G0057, plaidant par Maître Bertrand RAMAS-MUHLBACH, avocat au barreau de LILLE

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Christian HOURS, Vice-Président, Alain PALAU, Vice Président ayant fait rapport à l'audience Véronique MASSON-BESSOU, Juge, assistés de Marie-Françoise LEPREY, Greffier

[minute page 2] DÉBATS : À l'audience du 1er octobre 2003 tenue publiquement

JUGEMENT : Prononcé en audience publique, le 12 novembre 2003, date indiquée à l'issue des débats Contradictoire en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 8 janvier 2002, Monsieur X. a ouvert un compte dans les livres de la Société SELF TRADE afin de lui permettre de transmettre des ordres sur les marchés boursiers.

Ce compte, à effet de levier, permet à son titulaire de prendre des positions à découvert, sur le marché à règlement mensuel, cinq fois supérieures à ses actifs.

Le 2 mai 2002, Monsieur X. a acquis 120.600 titres Completel Europe au cours de 0,67 Euro pour un montant total de 86.290 Euros.

Le cours du titre s'est fixé en fin de séance à 0,55 Euro, les 3 et 13 mai puis a baissé à 0,30 Euro le 16 mai, à 0,33 Euro le 17, à 0,16 Euro le 20 mai et à 0,13 Euro le 21 mai.

Par lettre recommandée du 2 mai 2002, la Société SELF TRADE a indiqué à Monsieur X. que sa couverture était insuffisante, lui a demandé de prendre des dispositions pour y remédier, l'a invité à l'en informer téléphoniquement et a déclaré qu'« à défaut d'avoir complété ou reconstitué votre couverture dans un délai d'un jour de bourse », elle serait contrainte de procéder à la liquidation des engagements ;

Le 16 mai 2002, la Société SELF TRADE a, de nouveau, mis en demeure Monsieur X. de régulariser sa situation.

Le lundi 20 mai 2002, la Société SELF TRADE a procédé, à la clôture des opérations, à la liquidation d'office des positions de l'intéressé.

Le compte s'est retrouvé débiteur de la somme de 36.384,55 Euros.

Par acte du 10 septembre 2002, la Société SELF TRADE a fait assigner Monsieur X. afin que celui-ci soit condamné, en principal, à lui payer la somme de 36.384,55 Euros, montant du solde débiteur de son compte.

[minute page 3] Dans ses dernières conclusions du 15 septembre 2003, la Société SELF TRADE réclame le paiement des sommes de 36.384,55 Euros, outre intérêts légaux à compter du 16 juillet 2002 et capitalisation de ceux-ci, de 4.000 Euros à titre de dommages et intérêts et de 3.000 Euros du chef de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire.

Elle souligne que Monsieur X. a effectué, de février à mai 2002, des opérations pour un montant total de 933.471 Euros et déclare que celui-ci a été immédiatement informé de l'insuffisance de couverture ainsi qu'il résulte du virement effectué par lui et que les parties ont eu ensuite de nombreux entretiens téléphoniques, Monsieur X. faisant tout pour que son compte ne soit pas liquidé. Elle affirme que c'est après sa mise en demeure du 16 mai que, pour la première fois, Monsieur X. a indiqué qu'il ne pouvait couvrir sa position mais précise que, nonobstant ses promesses, il n'a pas cédé de titres le vendredi 17 mai ce qui justifie qu'elle ait procédé à la liquidation d'office le lundi 20 mai. La Société déclare que l'ordre d'achat des titres Completel était régulier, Monsieur X. possédant alors la couverture nécessaire et gérant librement son portefeuille. Elle précise qu'elle l'a mis en garde dès le lendemain, un complément de couverture étant réclamé.

La Société SELF TRADE indique que tous les documents d'information réglementaire ont été remis à Monsieur X. et rappelle qu'il est impossible « d'empêcher un client de donner un ordre régulièrement couvert sur une valeur admise à la cote ». Elle invoque en outre les enregistrements des conversations téléphoniques qui démontrent que Monsieur X. a été parfaitement informé, qu'il a demandé plusieurs fois par jour que l'on « ne touche pas à ses actions » et que, malgré ses engagements, il n'a pas cédé ses titres.

Dans ses dernières écritures du 22 septembre 2003, Monsieur X. conclut au rejet des demandes et réclame le paiement d'une somme de 10.137 Euros à titre de dommages intérêts, compensée le cas échéant avec la créance de la Société.

À titre subsidiaire, il demande que le solde du compte courant soit fixé à 8.430 Euros. Enfin, il sollicite le versement d'une somme de 1.500 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il souligne qu'il est étudiant en médecine, que les slogans publicitaires de la Société s'adressent aussi aux non initiés dépourvus de moyens financiers suffisants et que la Société SELF TRADE reconnaît dans ses écritures que l'achat des titres litigieux était « extraordinairement téméraire ».

Monsieur X. reproche à la Société d'avoir manqué aux obligations prévues à l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier en ne l'informant pas de la dangerosité de son investissement alors qu'il est profane. Il fait également grief à la Société de ne pas avoir respecté ses conditions générales et l'article susvisé en ne cédant pas d'office, dès le 3 ou le 5 mai, les titres Completel. Il affirme que ces actions auraient alors été vendues au cours de [minute page 4] 0,55 Euro et que, compte tenu des sommes versées par lui, son compte aurait été crédit de 2.137 Euros et de 10.137 Euros en prenant en compte ces virements des 2, 7 et 13 mai 2002.

En réponse aux moyens de la Société SELF TRADE, Monsieur X. reproche à celle-ci de ne pas l'avoir informé avant la conclusion de la négociation comme le prescrit l'article 3.3.7 du règlement général du Conseil des Marchés Financiers et invoque, en ce qui concerne les échanges téléphoniques postérieurs, « l'état psychologique dans lequel se trouvait l'investisseur trahi par son conseiller ». Il affirme que la Société avait l'obligation de vendre d'office les titres dès que la couverture s'est révélée insuffisante.

Il fait, enfin, grief à la Société de ne pas avoir vendu les titres le 17 mai au cours de 0,33 Euro et d'avoir attendu la clôture du 20 mai pour les céder à 0,16 Euro alors même que le cours d'ouverture était de 0,28 Euro.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er octobre 2003.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur la créance :

Attendu que la Société SELF TRADE justifie du montant du solde débiteur du compte de Monsieur X., soit 36.384,55 Euros ;

 

Sur la faute lors de l'achat des titres :

Attendu qu'aux termes de la convention conclue entre les parties, la Société SELF TRADE est chargée de la tenue du compte de Monsieur X. et de la transmission des ordres donnés par lui ;

Attendu, d'une part, que, lors de l'ouverture du compte, Monsieur X. a déclaré avoir « pris connaissance des règles relatives à la couverture des positions » et de la « charte Self Trade » ; que l'article 2 de celle-ci précise que le client « déclare être pleinement conscient des risques inhérents aux opérations qu'il initie » ; que Monsieur X. a donc été informé des risques encourus ;

Que, compte tenu de la nature de la convention des parties, la Société a, par ces avertissements, satisfait aux obligations énoncées à l'article L. 533-4 du Code Monétaire et Financier et à sa charte ;

Attendu, d'autre part, que lorsqu'il a acquis les titres litigieux, Monsieur X. disposait de la couverture nécessaire ; que la Société de bourse ne pouvait, sans s'immiscer dans la gestion par l'intéressé de son portefeuille, refuser d'exécuter l'ordre donné ;

[minute page 5] Attendu, par conséquent, qu'il ne peut être reproché à la Société SELF TRADE d'avoir manqué à son obligation ;

 

Sur l'absence de liquidation d'office « dès le 3 ou le 5 mai 2002 » :

Attendu que la demande d'avoir à reconstituer sa couverture constitue une modalité de l'exécution, par l'intermédiaire financier, de son devoir de conseil et d'information ; que, toutefois, l'obligation de couverture est édictée dans le seul intérêt de l'intermédiaire et de la sécurité du marché et non dans celui du donneur d'ordres ;

Que la Société ne commet donc pas de faute à l'encontre de ce dernier en ne procédant pas à la liquidation d'office des positions insuffisamment couvertes ;

Attendu qu'il résulte de la transcription, non contestée, de l'enregistrement des conversations téléphoniques que Monsieur X. a, dès le 6 mai, annoncé qu'il procéderait à un virement, s'est enquis plusieurs fois par jour de l'évolution du titre Completel et a demandé que ses actions ne soient pas vendues ; qu'il ne justifie pas que son état psychologique a altéré son discernement et que la Société en avait connaissance ;

Attendu que Monsieur X. a donc été parfaitement informé de la situation ; que la Société SELF TRADE a, ainsi, rempli son devoir de conseil et d'information ; qu'elle n'a pas commis de faute ;

 

Sur l'absence de vente le 17 mai :

Attendu que Monsieur X. a, selon la transcription de l'enregistrement des conversations téléphoniques effectué par la Société, déclaré le 17 mai qu'il allait « procéder à l'allégement de sa position » ; qu'il n'a toutefois pas effectué celui-ci ;

Attendu que la Société a, le lundi 20 mai, procédé à la liquidation des titres à la clôture, des opérations au cours de 0,16 Euro alors que le premier cours du 20 mai s'élevait à 0,28 Euro ;

Attendu qu'il appartenait à Monsieur X., dûment informé, de céder lui-même des titres ; que compte tenu de la finalité de l'obligation de couverture, il ne peut être reproché à la Société de n'avoir pas vendu les actions le vendredi 17 ou d'avoir, conformément à l'usage, attendu la fin des opérations du lundi 20 mai ;

Attendu que la Société SELF TRADE n'a donc commis aucune faute de ce chef ;

[minute page 6]

Sur les autres demandes :

Attendu que les demandes et moyens de Monsieur X. sont rejetées ; qu'il sera donc fait droit à la demande de la Société SELF TRADE tendant à la condamnation du défendeur à lui payer la somme de 36.386,55 Euros, montant du solde débiteur du compte ; que cette somme portera intérêts légaux à compter du 16 juillet 2002, date de la mise en demeure adressée au débiteur ; que ceux-ci seront capitalisés ;

Attendu que le demandeur ne démontre pas l'existence d'un préjudice justifiant l'octroi de dommages intérêts ;

Attendu qu'en équité, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'en raison de l'ancienneté de la créance, il convient d'ordonner l'exécution provisoire ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ;

Condamne Monsieur X. à payer à la Société SELF TRADE la somme de TRENTE SIX MILLE TROIS CENT QUATRE VINGT QUATRE EUROS CINQUANTE CINQ CENTIMES (36.384,55 Euros), outre intérêts légaux à compter du 16 juillet 2002 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil ;

Rejette les autres demandes ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Condamne Monsieur X. aux dépens.

Le présent jugement a été signé par Christian Hours, président et par Marie-Françoise Leprey, greffier présent lors du prononcé.

Fait et jugé à Paris le 12 novembre 2003.

Le Greffier                            Le Président