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CA PARIS (15e ch. sect. B), 3 février 2005

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (15e ch. sect. B), 3 février 2005
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 15e ch. sect. B
Demande : 03/20623
Date : 3/02/2005
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 27/11/2003
Décision antérieure : TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 12 novembre 2003
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 848

CA PARIS (15e ch. sect. B), 3 février 2005 : RG n° 03/20623

Publication : Juris-Data n° 282451

 

Extrait : « Considérant qu'il soutient que les clauses de la charte sont abusives et n'ont aucune valeur contractuelle, faute de signature spécifique sur un document qui en reprendrait les termes, et que les clauses du contrat sont également abusives, puisqu'elles créent un déséquilibre entre le professionnel et le consommateur ; Mais considérant que les clauses litigieuses, selon lesquelles : « le client déclare être pleinement conscient des risques inhérents aux opérations initiées et être pleinement informé des règles régissant les marchés (...) » ne sont pas abusives en elles-mêmes ; que seule leur utilisation pouvait être abusive si la société de bourse en prenait prétexte pour ne pas respecter ses obligations d'information à l'égard de son client, surtout si celui-ci est profane ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

QUINZIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 03/20623. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 novembre 2003 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 200214063.

 

APPELANT :

Monsieur X.

Demeurant [adresse], représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour assisté de Maître Bernard RAPP, avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉE :

LA SA BOURSORAMA venant aux droits de la SOCIÉTÉ SELF TRADE

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP GARNIER, avoués à la Cour, assistée de Maître VARAUT Alexandre, avocat au barreau de PARIS, toque : R019

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 décembre 2004, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur André POTOCKI, Président, Madame Claire DAVID, Conseiller, Madame Catherine BEZIO, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN [minute page 2]

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par Monsieur André POTOCKI, Président - signé par Monsieur André POTOCKI, Président, et par Madame Marie-Claude HOUDIN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 8 janvier 2002, M. X. a ouvert un compte dans les livres de la société SELF TRADE, aux droits de laquelle vient la société BOURSORAMA, afin de transmettre des ordres sur les marchés boursiers. Il a versé la somme totale de 18.169 €.

De février à mai 2002, M. X. a effectué des opérations sur le marché à règlement mensuel.

Le 2 mai 2002, M. X. a acquis 130.600 titres Completel Europe, au cours de 0,67 euros, pour un montant total de 86.669,62 €.

Dès le 3 mai 2002, le cours du titre a baissé à 0,55 €.

Ayant été informé par la société SELF TRADE de l'insuffisance de couverture provoquée par la chute du cours, M. X. a effectué trois virements pour un montant total de 8.000 € les 3, 10 et 14 mai 2002.

Le cours a continué à chuter et cotait 0,13 € le 21 mai 2002.

Le 16 mai 2002, la société SELF TRADE a de nouveau mis en demeure M. X. de régulariser sa position en l'avertissant de ce qu'à défaut de régularisation, elle serait dans l'obligation de liquider ses positions.

Le 20 mai 2002, la société SELF TRADE a procédé à la liquidation d'office des positions de l'intéressé.

A l'issu de cette opération, le compte de M. X. est devenu débiteur de la somme de 36.384,55 €.

Le 10 septembre 2002, la société SELF TRADE a assigné M. X. devant le tribunal de grande instance de Paris, afin de le voir condamner au paiement de cette somme.

Le tribunal, par un jugement contradictoire du 12 novembre 2003, a :

- condamné M. X. à payer à la société SELF TRADE la sonne de 36.384,55 €, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2002,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 27 novembre 2003, M. X. a fait appel de cette décision.

[minute page 3] Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées le :

- 18 novembre 2004 pour M. X.,

- 21 octobre 2004 pour la société SELF TRADE.

M. X. demande à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter BOURSORAMA de toutes ses demandes.

- constater que les dispositions de la charte opposées par BOURSORAMA n'ont aucune valeur contractuelle synallagmatique, que les articles 2 et 9 de cette charte sont au surplus en contradiction avec l'obligation essentielle de renseignement des sociétés d'investissement, et des sociétés de crédit, et que les articles 2 et 9 de la charte SELF TRADE créent une disparité significative entre les parties,

- dire que ces clauses contenues dans les articles 2 et 9 sont nulles et non avenues en ce qu'elles sont abusives,

- les déclarer réputées non écrites,

- constater que la société SELF TRADE n'apporte aucune preuve du respect de ses obligations, tant en sa qualité d'établissement de crédit, qu'en sa qualité de société d'investissement,

- constater que l'article 6 de la charte de la société SELF TRADE ne prévoit pas l'accord du donneur d'ordre pour liquider ses titres,

- constater que rien ne justifie l'absence de vente des titres acquis par M. X. le 3 mai 2002.

En conséquence,

- dire que la société SELF TRADE n'a respecté aucune de ses obligations,

- dire qu'il en est résulté pour le concluant un préjudice de 61.951,07 euros, majoré d'intérêts compensatoires au taux légal à compter du 16 juillet 2002, date à laquelle BOURSORAMA entend arrêter les comptes,

- lui donner acte de ce que la créance résultant du prêt qui lui a été consenti par la société SELF TRADE, aux droits de qui se tient BOURSORAMA, se monte à la somme de 43.781,45 euros,

- ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties,

- condamner en conséquence BOURSORAMA, venant aux droits de la société SELF TRADE, à payer à M. X. la somme de 26.669,62 euros avec intérêts à titre compensatoire à compter du 16 juillet 2002,

- condamner BOURSORAMA au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

 

BOURSORAMA, venant aux droits de la société SELF TRADE, demande à la Cour de :

- déclarer M. X. mal fondé en son appel, l'en débouter,

- confirmer la décision dont appel, y ajoutant,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de dommages et intérêts pour la mauvaise foi manifeste dans la relation contractuelle et celle de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile .

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Considérant que M. X. reproche à la société SELF TRADE le non-respect de ses obligations lors de l'ouverture du compte et lors de l'octroi du crédit, qu'il expose que la société doit « vérifier que le postulant présente une assise suffisante pour le fonctionnement d'un compte », ce qu'elle n'a pas fait, sinon elle n'aurait pas accepté d'ouvrir un compte à son nom ;

Mais considérant que si M. X. prétend qu'il ne disposait pas des ressources suffisantes pour ouvrir un compte puisqu'il ne percevait que 1.636 € par mois, la société SELF TRADE n'a pas commis de faute à ce stade, dès lors que son revenu n'est pas « manifestement insuffisant pour couvrir le risque lié aux opérations de pure spéculation boursière » puisqu'il lui appartenait de passer des ordres de bourse conformes à ses possibilités financières ; que de même si M. X. reproche à la société SELF TRADE de n'avoir pas satisfait à l'obligation de vérifier le domicile et l'identité de son client, il ne prétend pas avoir communiqué une fausse identité et ne tire aucune conséquence de ce grief ;

Considérant qu'il soutient que les clauses de la charte sont abusives et n'ont aucune valeur contractuelle, faute de signature spécifique sur un document qui en reprendrait les termes, et que les clauses du contrat sont également abusives, puisqu'elles créent un déséquilibre entre le professionnel et le consommateur ;

Mais considérant que les clauses litigieuses, selon lesquelles : « le client déclare être pleinement conscient des risques inhérents aux opérations initiées et être pleinement informé des règles régissant les marchés (...) » ne sont pas abusives en elles-mêmes ; que seule leur utilisation pouvait être abusive si la société de bourse en prenait prétexte pour ne pas respecter ses obligations d'information à l'égard de son client, surtout si celui-ci est profane ;

Considérant que le 2 mai 2002 M. X. a passé des ordres d'acquisition de 130.600 titres COMPLETEL EUROPE pour un montant de 86.290 € ;

Que s'il reproche ensuite à la société SELF TRADE de ne pas l'avoir informé du fonctionnement du marché à terme, alors « qu'elle pouvait prévoir la baisse (du titre) », il résulte de toutes les pièces produites que dès qu'il a été informé de la baisse des cours, M. X. a adressé différents virements pour combler son découvert ; qu'ensuite, lorsque le cours du titre a continué à baisser, les enregistrements téléphoniques établissent que, non seulement la société SELF TRADE l'a informé de la situation et l'a mis en garde de l'évolution défavorable du cours du titre, mais encore que M. X. a demandé instamment de ne pas liquider son portefeuille et de conserver ses titres ;

Considérant que si M. X. fait encore grief à la société SELF TRADE de ne pas avoir agi au mieux de ses intérêts au vu de sa situation financière et de son expérience en matière d'investissement, il résulte là encore des enregistrements téléphoniques que c'est lui-même qui a instamment demandé que l'on « ne touche pas à ses actions » le 7 mai 2002, demande renouvelée le 10 niai à 9 heures et le même jour à 10 heures 56 ; qu'enfin, le 13 mai, il confirme à SELF TRADE qu'il « suit la situation au fur et à mesure » et qu'il « attend les résultats de COMPLETEL de mercredi pour prendre une décision » ;

[minute page 5] Considérant qu'il ressort de tous ces éléments que M. X. suivait de près son portefeuille boursier, qu'il a refusé de prendre en compte les mises en garde qui lui étaient faites par son interlocuteur qui l'informait du risque lié à l'évolution du cours de l'action COMPLETEL ; qu'il s'est manifestement comporté comme un opérateur averti en refusant catégoriquement à plusieurs reprises d'alléger ses positions dès les premières chutes du cours ;

Considérant que la société SELF TRADE a ainsi rempli ses obligations d'information en prévenant M. X. des risques qu'il courait et en lui suggérant de vendre les titres litigieux ; qu'elle n'a pas commis de faute, dès lors que son client a catégoriquement refusé de suivre son conseil et a effectué trois virements sur son compte les 6, 10 et 14 mai 2002 afin de combler le défaut de couverture ; qu'ainsi, le reproche fait par M. X. à la société SELF TRADE, selon lequel elle aurait dû liquider « plus vite dès le 3 mai 2002 » ses positions est mal fondé ;

Considérant que M. X. expose que « les pièces versées démontrent une absence totale du formalisme d'ordre public imposé par le Code de la consommation régissant le crédit » et reproche à la société SELF TRADE de ne pas avoir respecté son obligation d'information lors de l'ouverture du crédit en ne lui établissant pas d'offre préalable de crédit conformément aux dispositions de l'article L. 311-2 du Code de la consommation ;

Mais considérant que les transactions effectuées sur le marché OSRD ne relèvent pas du contrat de prêt mais de la simple exécution différée du contrat de courtage ; que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables, puisqu'il n'a pas bénéficié d'un crédit en vu d'acquérir les actions COMPLETEL et disposait de la couverture suffisante lors de l'achat des titres le 2 mai 2002 ; que les découverts successifs de son compte ne relèvent que d'une absence de couverture suffisante ;

Et considérant qu'il ne saurait être reproché à la société de bourse de n'avoir pas exigé plus tôt la couverture dès lors que les règles de couverture des opérations boursières étant édictées dans l'intérêt du marché et non pour protéger le donneur d'ordre, la société de bourse est libre de choisir le moment à partir duquel elle décide de procéder à la liquidation d'office des positions de son client, ce qu'elle a finalement fait le 17 mai 2002 ;

Considérant que le jugement doit ainsi être confirmé ;

Considérant que la demande de dommages et intérêts présentée par la société BOURSORAMA pour « mauvaise foi manifeste dans la relation contractuelle » doit être rejetée, dans la mesure où si M. X. a persisté dans sa volonté de conserver les titres COMPLETEL, c'est en raison de la confiance qu'il avait placée dans le titre, plutôt que de sa mauvaise foi à l'égard de la société SELF TRADE ;

Considérant qu'il apparaît équitable d'allouer à la société BOURSORAMA la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, M. X., qui succombe en ses prétentions, étant condamné aux dépens d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne M. X. à payer à la société BOURSORAMA une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,

Condamne M. X. aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.