CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 18 septembre 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 3135
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 18 septembre 2007 : RG n° 05/04496 ; arrêt n° 573
Publication : Legifrance
Extrait : « Au milieu de trois colonnes de texte écrit en très petits caractères pour préciser les conditions générales, on trouve l’indication que la société intervient au titre de la communication immobilière dans le domaine de la prestation de service, et qu’en aucun cas elle ne joue le rôle d’une agence immobilière.
Cependant, cette dernière affirmation à peine lisible, est largement contredite par l’énumération des prestations offertes par la société CFI Europe dont il convient de souligner qu’elles relèvent de l’activité des agences immobilières telle que réglementée par la loi du 2 janvier 1970.
Cette énumération des prestations habituellement offertes par une agence immobilière, était bien de nature à créer la confusion dans l’esprit de M. X. et à lui faire croire qu’il bénéficiait des prestations d’un agent immobilier ; en outre, compte tenu des circonstances de l’intervention de la société CFI Europe au domicile de M. X. et de l’ambiguïté des termes tant du contrat que des conditions générales, l’erreur de celui-ci est excusable.
En conséquence, le consentement de M. X. ayant été vicié par l’erreur sur la nature du contrat conclu et des prestations proposées, la nullité du dit contrat doit être prononcée. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 05/4496. Arrêt n° 573. Appel d’un Jugement (N° R.G. 11-03-0236) rendu par le Tribunal d’Instance de GAP en date du 27 septembre 2005 suivant déclaration d’appel du 27 octobre 2005
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date], de nationalité Française, [adresse], représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
INTIMÉS :
SA CREATIS
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour, assistée de Maître ALIAS, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE, substitué par Maître MARCHI, avocat au même barreau
Maître Bernard DE SAINT RAPT ès-qualités de mandataire ad’hoc de la Société PANORIMO et de la SARL CFI FRANCE
[adresse], défaillant
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise LANDOZ, Président, Madame Claude Françoise KUENY, Conseiller, Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller, Assistés lors des débats de Mme D. GIRARD, Greffier.
[minute page 2] DÉBATS : A l’audience publique du 26 juin 2007, Madame LANDOZ a été entendue en son rapport. Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
M. X. a signé un contrat le 7 mai 2001, dénommé « mission de communication pour la transmission de son bien immobilier » avec la société CFI Europe, le coût de la prestation étant fixé pour le montant forfaitaire de 30.000 Frs.
Le même jour d’une part il acceptait une offre préalable de crédit de ce montant faite par la société CRÉATIS, avec cette précision que l’offre était destinée à financer la prestation de service fournie par CFI Europe, d’autre part, il signait au profit de cette société, un document intitulé « courrier d’engagement remboursement prêts in fine ».
Toujours le 7 mai 2001, M. X. signait une lettre adressée à « Maître » sans indication de nom, rédigée en ces termes : « je vous serais obligé de considérer la présente comme valant opposition au paiement entre mes mains, à due concurrence, de la partie du prix de vente devant me revenir au titre du local objet de l’ordre de mission ci-dessus, ceci dans l’hypothèse où pour quelle que raison que ce soit, je resterais au moment de ladite vente débiteur de sommes envers la Société Créatis au titre du prêt rappelé ci-dessus ».
Par courrier du 1er juillet 2002, M. X. a fait connaître à la société CFI Europe qu’il avait vendu son bien immobilier par ses propres moyens et qu’il ne paierait pas le coût de la prestation.
M. X. a fait opposition à l’ordonnance rendue le 16 juin 2003 par le président du Tribunal de GAP lui faisant injonction de payer à la société CRÉATIS la somme de 4.977,62 €.
Il a fait appeler devant ce Tribunal Maître Y., en qualité de mandataire ad’hoc de la société PANORIMO et de la société CFI France, cette dernière en qualité de mandataire de la société CFI Europe,
Par jugement du 27 septembre 2005, assorti de l’exécution provisoire, le Tribunal a condamné M. X. à payer à la société CRÉATIS la somme de 4.977,62 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2002, date de la mise en demeure, outre 404,15 € au titre de la clause pénale et des frais.
[minute page 3] M. X. a interjeté appel de cette décision le 27 octobre 2005.
Il reprend le moyen tiré de la nullité de l’acte signé avec la société CFI Europe, au motif qu’il a légitimement cru qu’il bénéficierait des prestations d’un agent immobilier, lesquelles sont réglementées ; de sorte que la nullité du contrat de prestation a pour conséquence la nullité du contrat de crédit.
Il invoque la violation des dispositions de l’article L. 121-23 du Code de la Consommation en matière de démarchage, à raison de ce que la personne qui l’a démarché n’est pas mentionnée comme travaillant pour le compte de la société PANORIMO, et de ce que la désignation précise de la nature et des caractéristiques des services proposés n’est pas faite.
Il ajoute que la réglementation sur la vente à crédit n’a pas été respectée, en particulier en ce qui concerne la faculté de renonciation.
Il invoque également violation des dispositions de l’article L. 121-26 du même code, en vertu desquelles il ne pouvait régler sous quelle forme que ce soit, le coût de la prestation avant le délai de réflexion.
M. X. reprend le moyen tiré de la nullité de l’acte signé avec la société CRÉATIS : il rappelle qu’il a signé le 7 mai 2001 une lettre d’opposition entre les mains d’un notaire non identifié et antidatée, qu’il s’est vu imposer de rembourser la somme de 4.573,47 € qu’il n’a jamais eue entre ses mains puisqu’elle a été versée directement au prestataire de service, sans contrepartie pour lui ; il ajoute que ces documents signés le jour de la signature du contrat de prestation de service, ne prévoient aucun délai de rétractation.
Il invoque la faute de l’établissement de crédit qui a versé les fonds au prestataire sans s’être assuré que la prestation avait été exécutée, et s’agissant d’un crédit affecté, il prétend que c’est au prestataire qui a failli à ses obligations, de rembourser au prêteur, le montant reçu, et ce, sans aucune faculté de rétractation pour lui.
Enfin il fait état du caractère manifestement abusif de la clause selon laquelle l’obligation de remboursement envers la société CRÉATIS continuait en dépit de la contestation sur l’exécution du contrat de prestation de services.
Il demande à la Cour de réformer le jugement déféré, de rejeter les prétentions de la société CRÉATIS et de la condamner à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts et une indemnité du même montant en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
* * *
La société CRÉATIS répond que M. X. ne fait pas la preuve du vice du consentement dans la conclusion du contrat avec la société CFI Europe, d’autant que cette société a clairement indiqué qu’elle n’intervenait pas comme une agence immobilière.
Elle conteste la prétendue violation des dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-26 du Code de la Consommation, la lettre d’opposition au notaire ne profitant pas au prestataire mais à l’établissement de crédit.
[minute page 4] Elle soutient qu’en application des dispositions de l’article L. 121-22 du Code de la Consommation, les opérations de démarchage pour le compte d’une banque échappent aux règles des articles L. 121-23 à L. 121-29 du dit code ; elle ajoute qu’en tout état de cause, la lettre d’opposition faite au notaire ne bénéficie pas d’une autonomie suffisante pour constituer la contrepartie au sens de l’article L. 121-26 ; elle est seulement une garantie attachée au prêt.
La société CRÉATIS conteste la prétendue violation des dispositions relatives au démarchage bancaire ou financier, postérieures à la conclusion des contrats litigieux.
Elle assure que M. X. disposait du bordereau de rétractation pour renoncer au contrat de prêt dans les sept jours, et que la société CFI Europe s’est effectivement acquittée de sa prestation.
Elle conclut à la confirmation du jugement déféré.
À titre subsidiaire, la société CRÉATIS rappelle que si la Cour venait à prononcer la nullité du contrat principal et celle du contrat de crédit, l’annulation entraîne l’anéantissement rétroactif et la remise des parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat, et par voie de conséquence, l’obligation pour l’emprunteur de rembourser le capital prêté, même au cas où le prestataire comme en l’espèce est en liquidation judiciaire.
Elle sollicite la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
* * *
Maître Y., mandataire ad’hoc de la société PANORIMO et de la société CFI France, régulièrement assigné n’a pas constitué avoué ; l’arrêt sera réputé contradictoire.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs et décision :
Le contrat conclu par M. X. avec la société CFI Europe dont le siège social est à GENÈVE, Suisse, avec l’indication que pour toute correspondance, il faut s’adresser à CFI France, est curieusement appelé « mission de communication pour la transmission de son bien immobilier ou commercial » ; il prévoit la diffusion internationale sur Internet, l’élaboration du dossier confidentiel du bien à vendre, la diffusion nationale du bien sur minitel, la visite virtuelle du bien, la « traduction » du dossier à la demande d’acheteurs potentiels, la présence sur le ou les magazines à diffusion nationale et internationale, le suivi administratif de l’ordre de mission, la communication et la diffusion de l’offre à chaque demande de l’acheteur, la communication entre acheteurs et vendeurs, la transmission et la mise en relation en direct, avec la précision que l’ensemble des prestations est garanti conformément aux conditions générales de vente.
[minute page 5] Au milieu de trois colonnes de texte écrit en très petits caractères pour préciser les conditions générales, on trouve l’indication que la société intervient au titre de la communication immobilière dans le domaine de la prestation de service, et qu’en aucun cas elle ne joue le rôle d’une agence immobilière.
Cependant, cette dernière affirmation à peine lisible, est largement contredite par l’énumération des prestations offertes par la société CFI Europe dont il convient de souligner qu’elles relèvent de l’activité des agences immobilières telle que réglementée par la loi du 2 janvier 1970.
Cette énumération des prestations habituellement offertes par une agence immobilière, était bien de nature à créer la confusion dans l’esprit de M. X. et à lui faire croire qu’il bénéficiait des prestations d’un agent immobilier ; en outre, compte tenu des circonstances de l’intervention de la société CFI Europe au domicile de M. X. et de l’ambiguïté des termes tant du contrat que des conditions générales, l’erreur de celui-ci est excusable.
En conséquence, le consentement de M. X. ayant été vicié par l’erreur sur la nature du contrat conclu et des prestations proposées, la nullité du dit contrat doit être prononcée.
La nullité du contrat principal a pour effet d’entraîner la nullité du contrat de crédit qui devient sans cause.
La société CRÉATIS, professionnel du crédit et qui intervient régulièrement comme partenaire financier de la société CFI Europe, n’est pas fondée à solliciter le remboursement des fonds qu’elle a remis à cette dernière pour le compte de M. X. ; en effet, en acceptant de confier au représentant de la société CFI Europe la conclusion du contrat de crédit, elle a cautionné les irrégularités de l’activité de cette société ; au surplus, en faisant remettre par le client le jour où il signait le contrat de prestation de service et le contrat de crédit accessoire, à un notaire non encore désigné, qui serait chargé de la rédaction de l’acte de vente, une autorisation irrévocable de lui remettre la somme prêtée, elle a participé à la violation des dispositions d’ordre public de l’article L. 121-25 du Code de la Consommation.
Les agissements de la société CRÉATIS ont causé à M. X. un préjudice qui sera justement réparé par l’allocation de la somme de 1.500 €.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de celui-ci les frais qu’il a dû exposer pour faire valoir ses droits et non compris dans les dépens ; la société CRÉATIS devra lui payer une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
[minute page 6] Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Rejette les prétentions de la société CRÉATIS à l’encontre de M. X.,
Condamne la société CRÉATIS à payer à M. X. la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société CRÉATIS aux dépens de première instance et d’appel et autorise la SELARL DAUPHIN-MIHAJLOVIC, avoués, à recouvrer directement contre elle les frais avancés sans avoir reçu provision.
PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame PAGANON, Greffier.