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TGI GRENOBLE (6e ch.), 19 décembre 2002

Nature : Décision
Titre : TGI GRENOBLE (6e ch.), 19 décembre 2002
Pays : France
Juridiction : TGI Grenoble. 6e ch.
Demande : 2002/00220
Date : 19/12/2002
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 7/01/2002
Numéro de la décision : 342
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3170

TGI GRENOBLE (6e ch.), 19 décembre 2002 : RG n° 2002/00220 ; jugement n° 342

Publication : site CCAB

 

Extrait  « ORDONNE à la SARL SOJF LOGIMO LGM de rectifier son contrat :

- en complétant la clause relative aux caractéristiques du bien qui devra comprendre la localisation, le type du logement ainsi que l'indication du montant maximal du loyer ;

- en indiquant la durée de celui-ci dans une typographie au moins égale et sur la même ligne que le texte qu'elle intègre, ainsi qu'en précisant les conditions et modalités de remboursement ;

DÉCLARE abusives les clauses des articles 3 et 5 du contrat proposé par la SARL SOJF LGM et ordonne la suppression de ces clauses ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE

SIXIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 19 DÉCEMBRE 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 2002/00220. Jugement n° 342.

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

ASSOCIATION UFC QUE CHOISIR DE L'ISÈRE - UFC 38

association agréée, dont le siège social est situé [adresse], représentée par sa présidente en exercice, Madame X. domiciliée es-qualité audit siège, Représentée par la SCP BRASSEUR BOIS, avocats associés inscrits au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR, avocat, D'UNE PART

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

SARL SOJF LOGIMO LGM

dont le siège social est situé [adresse], représentée par son représentant légal domicilié es-qualité audit siège, Représenté et plaidant par Maître KANEDANIAN, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE, D'AUTRE PART

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : lors des débats et du délibéré : Ph. GREINER, Vice-Président, N. VIGNY, Juge, B. DEMARCHE, Juge, assistés lors des débats par F. COLLIOUD, Greffier.

LE TRIBUNAL : A l'audience publique du 14 novembre 2002, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 19 décembre 2002, date à laquelle il a été statué en ces termes :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte d'huissier délivré le 7 janvier 2002, l'association l'Union Fédérale des Consommateurs QUE CHOISIR de l'Isère (UFC 38) a assigné la société SOJF LOGIMO LGM SARL (désormais SARL SOJF) pour obtenir, la rectification du contrat en imposant une typographie d'au moins corps 8, la mention de la durée du contrat dans la continuité de la clause visée et de manière lisible, ainsi que la mention précise des conditions de remboursement même partielles ; la demanderesse sollicite également, sous astreinte de 800 euros par jour de retard passé un délai de un mois, la suppression des clauses suivantes qui sont insérées dans les contrats de location et les annexes proposés aux locataires mis en relation avec cette société et qu'elle considère comme illicites ou abusives au regard des articles L. 421-1 et suivants du Code de la consommation :

- la clause relative aux caractéristiques du bien car incomplète ;

- la clause de l'article 3 relative à l'exonération de responsabilité du professionnel en cas de renseignements erronés résultant d'erreurs ou de négligences des propriétaires ;

- la clause de l'article 5 relative d'une part au remboursement seulement en cas d'inexécution totale du professionnel, et d'autre part à la conservation de frais excessifs en cas d'inexécution totale.

L'UFC 38 demande, en outre, la condamnation de la défenderesse à lui payer 8.000 euros au titre du préjudice collectif et 1.600 euros au titre du préjudice associatif, ainsi que la publication du jugement à intervenir dans les journaux DAUPHINÉ LIBÉRÉ, LES PETITES AFFICHES et LE 38 et ce à la charge de la SARL SOJF et à concurrence de 1.600 euros par insertion.

La demanderesse sollicite enfin l'exécution provisoire de la décision à intervenir, une indemnité de 1.900 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que la condamnation de la SARL SOJF aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP BRASSEUR BOIS CONSOM'ACTES.

L'UFC 38 fonde sa demande sur les articles L. 421-1 et suivants et L. 132-1 et suivants du Code de la consommation, ainsi que sur les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970.

La SARL SOJF demande au Tribunal de débouter l'UFC 38 de l'ensemble de ses demandes, et sollicite reconventionnellement sa condamnation à la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître KANEDANIAN.

Au soutien de sa demande, la SARL SOJF prétend que la liquidation judiciaire de la société GROUPE LOGIMO FRANCE, en date du 27 mars 2002, implique que la défenderesse n'utilise plus les contrats litigieux depuis cette date et que la demande de l'UFC 38 apparaît donc sans objet.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2002.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] DISCUSSION :

Sur la recevabilité de l'action de l'UFC 38 :

Aux termes de l'article 31 du Nouveau Code de Procédure civile, l'action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime né et actuel au succès ou au rejet d'une prétention.

La SARL SOJF prétend que cet intérêt actuel n'existe pas et que l'action de la demanderesse est donc sans objet car le contrat litigieux n'est plus utilisé par elle et a été remplacé par un contrat exempt des clauses et défauts reprochés.

Cependant, la production d'un contrat de bail dans lequel les clauses et la forme litigieuses ont été effectivement supprimées n'est pas de nature à faire disparaître l'objet de l'action en suppression et en rectification ouverte aux associations de consommateurs par l'article L. 421-6 du Code de la Consommation. En effet, cet article concerne « les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs », et il implique donc nécessairement la généralité de l'objet d'une telle action en justice, dont l'intérêt existe et subsiste de par la seule utilisation, à un moment donné, d'un contrat comportant ces points litigieux et alors même que le professionnel concerné n'a pas rapporté la preuve qu'il a renoncé à recourir à ceux-ci de manière définitive.

Par conséquent, la demande formée par l'UFC 38 et tendant à obtenir la rectification du contrat et la suppression de clauses litigieuses sera déclarée recevable.

 

Sur le caractère illicite ou abusif des clauses dénoncées :

- Les caractéristiques du bien

Les caractéristiques du bien ne sont pas ici intégrées dans une clause qui préciserait les conditions d'application du contrat, mais participent de l'objet même de ce contrat. L'article L. 132-1 alinéa 7 du Code de la Consommation dispose ainsi que l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat, à savoir en l'espèce la fourniture d'informations sur des logements aux caractéristiques déterminées entre les parties.

Cependant, si le Tribunal ne peut accueillir l'action à l'encontre de cette disposition sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, il convient d'appliquer en l'espèce les dispositions, relatives aux agences immobilières et aux marchands de listes, de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l'article 79-2 du décret du 20 juillet 1972 qui précisent que doivent être indiquées dans le contrat les caractéristiques du bien recherché. En l'occurrence, et s'agissant d'un contrat de fourniture d'informations sur des biens immobiliers, doivent s'entendre par caractéristiques la localisation, le type du logement ainsi que l'indication du montant maximal du loyer, telles qu'elles apparaissent d'ailleurs dans l'exemplaire de contrat « HESTIA » présenté par la défenderesse.

La demande de l'UFC 38 sera donc accueillie sur ce fondement et la SARL SOJF sera condamnée à rectifier ainsi qu'indiqué la disposition précisant les caractéristiques du bien recherché.

[minute page 4]

- La clause de l'article 3

Il ressort de l'article 1147 du Code civil que les professionnels ont, envers les consommateurs non professionnels une obligation de renseignement.

En l'espèce, l'objet du contrat consiste en la fourniture d'informations sur des biens immobiliers dont les caractéristiques sont précisées par le consommateur. L'obligation de renseignement doit ici être d'autant plus étendue qu'elle constitue l'objet même de la convention. Il incombe à la défenderesse de vérifier l'exactitude des informations recueillies par elle et transmises à son co-contractant : la clause critiquée doit donc être déclarée abusive.

Enfin, il convient de souligner, bien qu'elle ne lie pas le Tribunal, la recommandation que la Commission des Clauses Abusives a émise, le 13 décembre 2001, et dans laquelle elle qualifie d'abusive une clause qui aurait pour effet d’« exonérer le professionnel de toute responsabilité lorsqu'il a fourni des renseignements erronés ou proposés des biens indisponibles ».

 

- La clause de l'article 5

Aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La clause de l'article 5 prévoit un remboursement partiel de 500 francs sur un paiement de 890 francs en cas d'inexécution totale de la part de la SARL SOJF. Cette disposition entraîne un déséquilibre significatif entre les parties au profit du professionnel car celui-ci peut conserver une partie de la somme convenue sans aucune contrepartie pour le consommateur. De plus, la SARL SOJF ne justifie aucunement de frais engagés par elle qui pourraient justifier une telle disproportion entre les obligations de chacun des co-contractants.

Enfin, il faut ici aussi relever que la Commission des Clauses Abusives a émis, le 13 décembre 2001, une recommandation dans laquelle elle qualifie d'abusive une clause qui aurait pour effet de « refuser ou limiter excessivement la possibilité de remboursement et notamment lorsque le remboursement peut avoir lieu seulement si le professionnel ne formule aucune proposition, lorsque le professionnel n'a proposé qu'un nombre très limité d'offres conformes ou lorsqu'il est prévu la déduction de frais excessifs ».

 

Sur les demandes en rectification du contrat :

Aux termes de l'article L. 133-2 du Code de la Consommation, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être rédigées de façon claire et compréhensible.

L'UFC 38 prétend que le corps 8 constitue un usage minimum en matière de typographie dans les contrats. Le Tribunal relève cependant que le législateur a simplement imposé, dans certaines matières telles que le crédit, une typographie minimum qui ne peut être inférieure au corps 8. Il ressort des exemplaires du contrat litigieux présents au dossier que la typographie utilisée apparaît en tout état de cause suffisamment lisible ; en revanche, il convient de constater que la durée du contrat, qui constitue une clause de celui-ci, est indiquée de façon insuffisamment claire [minute page 5] et lisible, car présentée avec une typographie très inférieure à la phrase qu'elle intègre et décalée vers le haut par rapport à celle-ci, ce qui est de nature à induire en erreur le consommateur sur la durée de son engagement.

De même, si la clause 5 du contrat prévoit un remboursement du consommateur et les conditions dans lesquelles il peut intervenir, les modalités de celui-ci ne sont aucunement indiquées, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 relative aux opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce, et de nature à entraîner un litige si ce cas de figure se présente.

En conséquence, la SARL SOJF LOGIMO LGM sera condamnée à indiquer, dans le contrat en cause, la durée de celui-ci avec une typographie au moins égal à celle du texte qu'elle intègre et sur la même ligne que celui-ci et à mentionner les conditions et modalités de remboursement.

 

Sur l'astreinte :

Il n'apparaît pas discutable, d'après les éléments du dossier, que la défenderesse n'a plus la possibilité d'utiliser le contrat discuté et qu'elle travaille désormais avec la société HESTIA et de nouveaux documents qui sont exempts des dispositions et clauses critiquées.

En conséquence, la fixation d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Il convient de relever que l'utilisation, durant quatre ans, de contrats ayant comporté des dispositions ou clauses peu claires ou reconnues comme abusives a nécessairement porté préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs de sorte qu'une indemnité de 1.000 euros sera accordée à l'UFC 38 sur le fondement de l'article L. 421-1 du Code de la Consommation.

Aux termes de l'article 1382 du Code civil, une association peut réclamer en justice la réparation de l'atteinte porter à ses intérêts associatifs ; en l'espèce l'UFC 38, conformément aux articles L. 421-1 et L. 421-2 du Code de la Consommation, a assigné la défenderesse suite à l'inertie coupable de celle-ci face aux demandes amiables qui lui étaient formulées. En conséquence, une somme de 500 euros sera accordée à la demanderesse afin d'indemniser les dépenses et le travail nécessaires à la préparation du dossier.

 

Sur la publication du jugement :

Le contrat litigieux ne semble logiquement plus devoir être utilisé suite à la disparition de la société LOGIMO.

En conséquence il n'y a pas lieu d'ordonner la publication du présent jugement.

 

Sur l'exécution provisoire :

La nature du litige ne justifie pas que soit ordonnée l'exécution provisoire de la décision.

[minute page 6]

Sur la demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens :

En application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la SARL SOJF LOGIMO LGM sera condamnée au paiement d'une somme de 900 euros.

La SARL SOJF LOGIMO LGM succombant à l'instance, elle sera condamnée aux entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE recevables les demandes formées par l'association UFC 38 à l'encontre de la SARL SOJF LOGIMO LGM ;

ORDONNE à la SARL SOJF LOGIMO LGM de rectifier son contrat :

- en complétant la clause relative aux caractéristiques du bien qui devra comprendre la localisation, le type du logement ainsi que l'indication du montant maximal du loyer ;

- en indiquant la durée de celui-ci dans une typographie au moins égale et sur la même ligne que le texte qu'elle intègre, ainsi qu'en précisant les conditions et modalités de remboursement ;

DÉCLARE abusives les clauses des articles 3 et 5 du contrat proposé par la SARL SOJF LGM et ordonne la suppression de ces clauses ;

CONDAMNE la SARL SOJF LOGIMO LGM à verser à l'UFC 38 la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre du préjudice collectif et une indemnité de 500 euros (cinq cents euros) compensatrice du préjudice associatif subi ;

CONDAMNE la SARL SOJF LOGIMO LGM a payer à l'UFC 38 la somme de 900 euros (neuf cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

REJETTE le surplus des demandes de l'UFC 38 ;

CONDAMNE la SARL SOT LOGIMO aux dépens ;

AUTORISE la SCP BRASSEUR BOIS CONSOM'ACTES à recouvrer directement contre la SARL SOJF LOGIMO LGM les dépens avancées par elle sans avoir reçu de provision.

[minute page 7] Le présent jugement a été rédigé par N. VIGNY, Juge, et prononcé par P. GREINER, Président, qui a signé avec C. SEIGLE-BUYAT, Greffier.

LE GREFFIER                                 LE PRÉSIDENT

C. SEIGLE-BUYAT                         Ph. GREINER