TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 2 février 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3178
TGI GRENOBLE (4e ch. civ.), 2 février 2009 : RG n° 07/01532 ; jugement n° 25
Publication : site CCAB
Extraits : 1/ « Alors qu'aucune négociation préalable à l'action en justice n'est imposée par la loi, l'UFC 38 a tenté une négociation préalable à l'introduction de l'instance et la suppression par le syndic de copropriété de clauses alléguées comme illicites ou abusives après l'assignation comme en l'espèce, ne rend pas l'action irrecevable dès lors que d'une part la recevabilité de la demande s'apprécie au jour où elle est formée et que d'autre part l'existence d'un nouveau modèle n'est pas de nature à supprimer la nécessité d'interdire l'utilisation de l'ancien modèle. »
2/ « N.B. Sur les clauses abusives, V. le texte de la décision ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 2 FÉVRIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/01532. Jugement n°25.
ENTRE :
DEMANDERESSE :
UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L’ISÈRE
dont le siège social est sis [adresse] représentée par SCP BRASSEUR & M'BAREK, avocats au barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître BRASSEUR, D'UNE PART
ET :
DÉFENDERESSE :
SARL LESCENE IMMOBILIER
dont le siège social est sis [adresse] représentée par SCP GIRARD BRIANCON, avocats au barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître GIRARD, D'AUTRE PART
COMPOSITION DU TRIBUNAL : lors des débats et du délibéré Présidente, Guilaine GRASSET, Vice-Présidente, [minute page 2] Assesseurs : Marie-Pascale BLANCHARD, Vice-Présidente Frédéric BLANC, Juge, Assistés lors des débats par Anne-Marie CHAMBRON, Greffier
LE TRIBUNAL : À l'audience publique du 8 décembre 2008, après avoir entendu G. GRASSET en son rapport et les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 2 février 2009, date à laquelle il a été statué en ces termes :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par acte d'huissier du 27 mars 2007 l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir de l'Isère (UFC 38) a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE la SARL LESCENE IMMOBILIER.
Aux termes de conclusions reçues le 9 avril 2008 l'UFC 38 demande au tribunal de :
- dire recevables et bien fondées ses demandes au regard des articles L. 421-1 et suivants, R. 411-2 et L. 132-1 du code de la consommation et en conséquence,
- dire illicites ou abusives les clauses suivantes du contrat litigieux (versions 2006, 2007 ou 2008) qui :
1/ prévoit l'ouverture d'un sous-compte bancaire au nom du syndic (article 2.1 §2),
2/ dispense de mise en demeure avant poursuite d'un copropriétaire défaillant (art. 2.7 §1),
3/ impute au défaillant des frais de relance antérieurs à la mise en demeure (art. 2.7 §2),
4/ autorise l'inscription d'hypothèque dans des conditions non définies, et sans mise en demeure préalable par voie d'huissier (art. 2.7 §4),
5/ assimile sur « frais nécessaires » de recouvrement des honoraires ou dépens, ou des coûts non énumérés et déterminés (art. 2.7 §5),
6/ classe en prestations particulières les démarches légales lors de la vente d'un lot (art. 3.1),
7/ classe en prestations particulières la mise à jour de la liste de copropriétaires (art. 3.1 in fine),
8/ classe en prestations particulières l'assistance à des assemblées ou conseils syndicaux « supplémentaires », sans autre définition (article 3.2 toutes versions),
[minute page 3] 9/ classe en prestations particulières la gestion des sinistres (art. 3.3),
10/ classe en prestations particulières la gestion du personnel (article 3.5),
11/ classe en prestations particulières le recouvrement des charges (article 3.6),
12/ autorise le syndic à s'approprier les fruits du compte de la copropriété (art. 6),
13/ impute au copropriétaire vendeur des « honoraires de mutation » au profit du syndic (tableau § 4),
14/ classe en prestations particulières la tenue du compte bancaire de la copropriété est séparée (tableau § 11),
15/ classe en prestations particulières des honoraires sur travaux (tableau § 14, et art. 3.4, devenu article 3.3 aux versions 2007 et 2008),
16/ classe en prestations particulières la « souscription d'emprunts » (art.3.3 versions 2007 et 2008),
17/ classe en prestations particulières les « frais de papeterie – correspondance » y compris pour les actes de gestion courante (art. 4 versions 2007 et 2008),
- ordonner en conséquence à la SARL LESCENE IMMOBILIER de supprimer de son modèle type de contrat les clauses-ci dessus, dans le délai d'un mois de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte définitive d'un montant de 800 euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti,
- interdire l'usage de telles clauses à l'avenir,
- condamner la défenderesse à verser à l'UFC 38 à titre de dommages et intérêts :
* 34.000 euros pour le préjudice collectif
* 3.000 euros pour le préjudice associatif
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- autoriser l'UFC 38 au regard de l'article L. 421-9 du code de la consommation à publier le jugement par extrait inventoriant les clauses écartées dans les journaux : le Dauphiné Libéré, les Affiches de Grenoble, le Paru-vendu, aux frais de la défenderesse à concurrence de 1.500 euros par insertion,
- condamner encore la défenderesse à lui verser une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens dont distraction au profit de la SCP BRASSEUR-M'BAREK,
Suivant conclusions reçues le 4 avril 2008 la SARL LESCENE [minute page 4] IMMOBILIER demande au tribunal de :
- juger qu'elle a modifié son contrat type de syndic,
- juger en conséquence que la demande tendant à la suppression de clauses abusives ou illicites du contrat concerné est irrecevable,
- débouter l'UFC 38 de l'intégralité de ses demandes tendant notamment à la condamnation de la Société LESCENE IMMOBILIER au paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice à ce jour injustifié ainsi que celle tendant à obtenir la publication du jugement sous astreinte,
- constater que l'UFC 38 n'a pas permis, avant la présente procédure à la société LESCENE IMMOBILIER de modifier son contrat et d'éviter ainsi les frais inhérents à la présente procédure,
- en conséquence, débouter l'UFC 38 de sa demande d'indemnité de procédure fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'UFC 38 à payer à la société LESCENE IMMOBILIER la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens distraits au profit de la SCP GIRARD et BRIANCON.
Pour un exposé complet des moyens des parties, il y a lieu en vertu de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux écritures sus visées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2008.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur la recevabilité de l'action de l'UFC 38 :
Des articles L. 421-1 à L. 421-6 et de l'article R. 411-2 du code de la consommation il résulte que l'UFC 38, agréée par arrêtés préfectoraux dont le dernier produit en date du 28 juillet 2006 est recevable pour agir en suppression de clauses illicites ou abusives dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné aux consommateurs ou aux non professionnels au sens de l'article L. 132-1 du même code.
En l'espèce, l'UFC, après avoir obtenu le contrat proposé par la défenderesse aux copropriétés, avec quelques difficultés révélées par les pièces 3 et 4 de la demanderesse, a informé par lettre du 6 octobre 2006 la SARL LESCENE IMMOBILIER de son analyse des clauses litigieuses.
Par lettre du 16 janvier 2007 la SARL LESCENE IMMOBILIER a fait connaître son désaccord sur l'analyse de l'UFC.
Par courrier du 12 février 2007 l'UFC a confirmé ses critiques lesquelles n'ont pas été retenues par la SARL LESCENE IMMOBILIER qui a conclu dans un courrier du 22 février 2007 dans les termes suivants : « Enfin, mon contrat ayant été accepté par l'Assemblée [minute page 5] Générale, vous comprendrez que je n'ai pas le pouvoir de le modifier unilatéralement, et qu'il restera donc en l'état pendant la durée de mon mandat ».
Alors qu'aucune négociation préalable à l'action en justice n'est imposée par la loi, l'UFC 38 a tenté une négociation préalable à l'introduction de l'instance et la suppression par le syndic de copropriété de clauses alléguées comme illicites ou abusives après l'assignation comme en l'espèce, ne rend pas l'action irrecevable dès lors que d'une part la recevabilité de la demande s'apprécie au jour où elle est formée et que d'autre part l'existence d'un nouveau modèle n'est pas de nature à supprimer la nécessité d'interdire l'utilisation de l'ancien modèle.
En conséquence la présente action de l'UFC 38 est recevable.
- Sur le caractère abusif ou illicite des clauses litigieuses :
La clause illicite est celle qui est contraire à des dispositions légales, impératives ou d'ordre public ; la clause abusive est celle qui en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; le caractère ambigu d'une clause peut la rendre abusive.
La suppression d'une clause litigieuse en cours d'instance n'est pas de nature à supprimer la nécessité de déclarer non écrite celle clause ; en conséquence, le tribunal doit examiner toutes les clauses critiquées.
A - Les clauses générales :
1/ l'article 2.1 § 2 dans la version du contrat antérieur à l'assignation prévoit « Un sous compte bancaire distinct est ouvert. Les copropriétaires doivent donc libeller leurs chèques à l'ordre de LESCENE IMMOBILIER »
L'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 qui figure parmi les dispositions d'ordre public de cette loi impose au syndicat d'ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat sauf décision contraire de l'assemblée générale à la majorité de l'article 25.
Cette clause que la société LESCENE IMMOBILIER a décidé de supprimer du nouveau contrat type qu'elle verse aux débats est illicite et en conséquence réputée non écrite.
2/ l'article 2.7 § 1 du contrat antérieur à l'assignation prévoit « qu’à défaut de paiement, par les copropriétaires des charges ou provisions dans la quinzaine suivant la date d'appel ou d'échéance ... une lettre de relance, recommandée ... peut leur être adressée ».
Ainsi rédigée, cette clause peut laisser supposer un pouvoir [minute page 6] discrétionnaire du syndic alors que la mise en demeure par lettre recommandée est obligatoire avant poursuites ; les écritures des parties révèlent clairement qu'une double lecture de cette rédaction est possible ; en conséquence cette clause ambiguë est abusive.
3/ l'article 2.7 § 2 du contrat antérieur à l'assignation prévoit que « ils doivent payer les frais d'affranchissement »
L'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, disposition d'ordre public ne permettant de mettre à la charge du seul copropriétaire reconnu débiteur par dérogation à l'article 10 de la même loi que les frais à compter de la mise en demeure, cette stipulation est illicite puisqu'elle inclue tous les frais d'affranchissement alors que ne sont dus par le copropriétaire défaillant que les frais nécessaires à compter de la mise en demeure.
4/ l'article 2.7 § 4 du même contrat prévoit que « si le montant de la somme devient excessif, le syndic inscrit, au nom du syndicat, une hypothèque légale sur les lots du copropriétaire défaillant »
Cette clause est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 19 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 64 du décret du 17 mars 1967 en ce que la mise en demeure préalable imposée par ces dispositions n'est pas mentionnée ; en conséquence cette clause est illicite étant souligné que l'article 64 dans sa rédaction issue du décret du 1er mars 2007 impose une mise en demeure par acte extra judiciaire.
5/ l'article 2.7 § 5 dans la version antérieure à l'assignation prévoit que « tous les honoraires, frais et dépenses de quelque nature que ce soit, entraînés par ces opérations, sont mis à la charge du copropriétaire concerné »
L'article 10-1 dont les dispositions dérogatoires d'ordre public doivent être interprétées restrictivement dispose que par dérogation aux dispositions du 2ème alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire.
En conséquence cette clause est illicite et doit être réputée non écrite.
B - Les clauses relatives aux « prestations particulières » :
En vertu de l'article 29 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, le contrat de syndic doit comporter les éléments de détermination de sa rémunération.
La distinction « gestion courante »/« prestations particulières » est autorisée par l'arrêté n° 86-63A du 2 décembre 1986 de sorte que le syndic ne peut percevoir en sus du forfait une rémunération pour les actes de gestion courante alors qu'il est fondé à prétendre au paiement d'un supplément de prix, sous réserve d'être clairement déterminé ou déterminable par le contrat de syndic, pour les prestations particulières.
[minute page 7] Néanmoins, aucun texte législatif ou réglementaire ne détermine ce qui relève de la gestion courante et des prestations particulières, critère ainsi laissé à la libre appréciation des parties sous le contrôle des cours et tribunaux, sous réserve de l'avis dépourvu de valeur contraignante du Conseil National de la Consommation (CNC) relatif à l'amélioration de la transparence tarifaire des prestations des syndics de copropriété (NORECEC0767160 V) du 27 septembre 2007 qui établit une liste des prestations de gestion courante issue du groupe de travail du CNC.
Par ailleurs, il y a lieu de noter que la Commission des Clauses Abusives dans une recommandation n° 96-01 concernant les contrats proposés par les syndicats de copropriété (BOCCRF 24 janvier 1996) recommande d'éliminer les clauses qui ont pour objet ou pour effet de « restreindre la notion de gestion courante par l'accumulation de prestations particulières et/ou par le recours à la rubrique divers ».
La définition précise du périmètre de la « gestion courante » et l'élimination subséquente des clauses abusives permettant indûment une rémunération hors forfait du syndic pour des actes de gestion courante revêt une intérêt et une importance particulière en ce que d'une part, elle garantit une prévisibilité optimale par le syndicat des copropriétaires du coût effectif de la prestation de syndic et d'autre part, elle constitue une condition essentielle de la libre concurrence entre les entreprises proposant des contrats de syndic en rendant possible une véritable comparaison tarifaire.
Au vu de ces éléments, force est de constater que non seulement la notion de « gestion courante » n'a reçu aucune définition législative ou réglementaire mais encore qu'aucun critère précis n'émerge de la jurisprudence.
Toutefois, il apparaît à l'analyse de la liste « des prestations de gestion courante issue du groupe de travail du CNC », également qualifiées de « prestations invariables », annexées à l'avis du CNC du 27 septembre 2007 que le critère pertinent devant être retenu par le Tribunal pour définir la notion de « gestion courante » correspond à l'ensemble des actes accomplis par le syndic à l'occasion d'un fonctionnement a minima (prestations certaines) de la copropriété ou présentant un caractère suffisamment prévisible pour faire l'objet d'une tarification forfaitaire (prestations prévisibles).
En l'espèce, l'article 3 du contrat antérieur à l'assignation prévoit une liste de prestations particulières dont certaines sont contestées :
1/ l'article 3.1 mentionne au titre des prestations particulières « la facturation à l'occasion d'un changement de propriétaire pour réponse à la demande de renseignements du notaire, opposition sur les sommes dues par le vendeur, calcul des charges, prorata temporis » et l'article 3.4 de la même version ajoute une facturation « à l'heure » pour « renseignements aux notaires et aux administrations ».
[minute page 8] Cette clause est contraire à l'article 10-1 b de la loi du 10 juillet 1965 en ce qu'elle prévoit la facturation par le syndic au copropriétaire vendant son lot des honoraires autres que ceux afférents à l'établissement de l'état daté ; en conséquence elle est illicite et doit être déclarée non écrite.
2/ l'article 3.1 in fine prévoit de même des honoraires particuliers pour « mise à jour des listes et fichiers ».
La tenue à jour de la liste des copropriétaires est une charge de base du syndic en application de l'article 32 du décret du 17 mars 1967 ; en conséquence cette clause est abusive s'agissant d'une prestation relevant de la gestion courante.
3/ l'article 3.2 vise également en prestations particulières les « assemblées et conseils syndicaux supplémentaires ».
La SARL LESCENE IMMOBILIER soutient légitimement que la liste sus visée établie par le Conseil National de la Consommation fait état d'une assemblée générale. La loi n'impose qu'une seule assemblée générale annuelle et la présence du syndic aux conseils syndicaux n'est ni une obligation réglementaire ni une obligation légale ; la tenue d'assemblées générales ou de conseils syndicaux supplémentaires ne présente pas un caractère de prévisibilité suffisant permettant une tarification forfaitaire et n'entre pas dans un fonctionnement à minima de la copropriété pouvant être classé en prestation certaine de gestion courante ; en conséquence cette clause n'est ni illicite ni abusive.
4/ l'article 3.3 vise la « gestion des dossiers sinistres, avec ou sans déplacement »
L'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 énumère parmi les charges du syndic celles « d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien » et le CNC a mentionné dans la liste des tâches de gestion courante « la déclaration des sinistres concernant les parties communes et/ou les parties privatives lorsque le dommage a sa source dans les parties communes » ; cette prestation entrant dans les charges légales, à défaut d'être certaine est suffisamment prévisible, et en conséquence cette clause est abusive en ce qu'elle ne distingue pas, ni ne donne la moindre définition.
5/ l'article 35 vise « l'établissement du contrat de travail » des concierges et employés d'immeubles ainsi que « le licenciement d'un employé »
De l'article 31 du décret du 17 mars 1967 il résulte que le syndic « engage et congédie » le personnel employé par le syndicat ; en conséquence cette charge ne constitue pas une prestation particulière mais une charge courante suffisamment prévisible imposée par une disposition d'ordre public ; en conséquence cette clause est abusive.
[minute page 9]
6/ l'article 3.6 vise « les contentieux : recouvrement des impayés »
S'agissant du recouvrement de l'impayé les frais nécessaires sont à la charge du copropriétaire défaillant en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et non du syndicat de copropriétaires ; en conséquence cette clause est illicite.
7/ l'article 6 du contrat dans la version antérieure à l'assignation relatif à la gestion du compte bancaire, prévoit que « si les fonds du syndicat sont versés sur un sous compte bancaire ouvert au nom du syndic, les produits de leur placement éventuel reviennent au syndic »
De l'article 35-1 du décret du 17 mars 1967 il résulte que seule l'assemblée générale des copropriétaires « décide, s'il y a lieu, du placement des fonds recueillis et de l'affectation des intérêts produits par ce placement » ; en conséquence cette clause est illicite.
8/ le tableau annexé au contrat dans sa version antérieure à l'assignation.
Il prévoit une rémunération en honoraires particuliers pour « frais de mutation, à la charge du vendeur », pour « gestion du compte bancaire séparé » et pour « honoraires sur travaux »
Les rubriques prévoyant une rémunération en honoraires particuliers pour frais de mutation et pour gestion du compte bancaires sont illicites eu égard aux motifs développés ci-dessus concernant ces prestations.
Concernant la rubrique relative aux honoraires sur travaux, dès lors que l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit expressément que le syndic est chargé de pourvoir à la conservation, à la garde et à l'entretien de l'immeuble et dés lors que la clause critiquée prévoit sans distinction de leur nature une rémunération du syndic de 1,5 % TTC du montant TTC des marchés supérieurs à 10.000 euros, cette clause est abusive dans la mesure où les travaux d'entretien constituent une prestation certaine relevant du fonctionnement à minima de la copropriété étant observé en outre que la liste annexée à l'avis du CNC du 27 septembre 2007 prévoit que « la gestion des travaux d'entretien et de maintenance » constitue un acte de gestion courante.
9/ l'article 3.3 des éditions 2007 et 2008 (pièces 22 et 23 de la défenderesse) relatif aux honoraires sur gros travaux et emprunt prévoit : « travaux exceptionnels : 2 % FIT du montant HT des travaux, lorsque ce montant est supérieur à 10.000 euros :
- gestion financière, administrative et comptable des travaux votés en Assemblée Générale,
- suivi des travaux votés en Assemblée Générale (sans responsabilité de maîtrise d'œuvre)
- [minute page 10] souscription d'emprunts : 55 HT soit 65,78 euros TTC par copropriétaire participant à l'emprunt. »
De l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 il résulte que le syndic a la charge de l'administration et de la conservation de l'immeuble mais la souscription d'emprunt pour des travaux exceptionnels n'entre pas nécessairement dans cette charge ; eu égard au caractère exceptionnel expressément stipulé, la prévisibilité des travaux n'est pas suffisante pour juger cette clause abusive ; en conséquence, l'UFC 38 doit être déboutée de cette demande.
10/ article 4 des versions 2007 et 2008 prévoit concernant les frais de papeterie -correspondance que « 1 – ces frais sont couverts par un forfait annuel et 2 – l'édition et la diffusion des convocations et procès-verbaux d'assemblée générale sont remboursées au syndic, sur justificatifs. »
Dés lors qu'il n'est pas distingué entre les frais administratifs relatifs à la gestion courante et ceux relatifs aux prestations particulières, cette clause est abusive.
- Sur la demande d'astreinte :
Afin de garantir l'effectivité de l'application de la présente décision, il y a lieu, en application des articles 33 et suivants de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, d'ordonner la suppression par la SARL LESCENE IMMOBILIER de la totalité des clauses déclarées illicites ou abusives de ses contrats type de syndic de copropriété par le présent jugement et d'en interdire l'usage dans le délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement, et ce, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois, le tribunal se réservant le contentieux éventuel de la liquidation de l'astreinte.
- Sur les demandes de domina es et intérêts de l'UFC 38 :
A - Au titre du préjudice collectif :
Il résulte de l'article L. 421-6 du code de la consommation qu'une association agrée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.
En l'espèce, le maintien par la SARL LESCENE IMMOBILIER dans ses modèles types de contrats de syndic de clauses illicites ou abusives a nécessairement causé à la collectivité des consommateurs, au nombre desquels figurent plus particulièrement les copropriétaires d'immeubles gérés par la défenderesse, un préjudice collectif significatif, eu égard au nombre, à la nature et à la durée du maintien de ces stipulations.
[minute page 11] Contrairement à ce qu'elle prétend, la SARL LESCENE IMMOBILIER ne rapporte pas la preuve d'un acharnement et d'une brutalité de l'UFC 38 à son encontre puisque ce n'est que de nombreux mois après avoir été assignée qu'elle a proposé un nouveau contrat type en décembre 2007 alors que l'UFC 38 qui n'est obligée à aucune négociation préalable à l'introduction de l'instance a commencé à lui demander la production du contrat proposé aux non professionnels par lettres des 21 juin et 1er juillet 2005 et s'est vue octroyer un refus par la SARL LESCENE IMMOBILIER motivé notamment dans les termes suivants : « je ne trouve pas trace dans le fichier de mes actuels clients de votre association. Il me semble peu probable que vous soyez un de mes futurs clients. N'ayant pas pour habitude de répondre aux courriers anonymes, je vous invite à demander à la personne qui vous a interpellé de bien vouloir faire preuve de courage et de me demander directement le document qu'elle souhaite consulter. Si elle fait partie de ma clientèle, ou envisage de me consulter pour un service immobilier, je me ferai un plaisir de lui adresser, directement le document souhaité » ; que malgré les termes de ce premier courrier l'UFC 38 a persévéré dans une tentative de négociation qui selon les lettres en réponse de la SARL LESCENE IMMOBILIER des 16 janvier 2007, 12 février et 22 février 2007 s'est révélée infructueuse.
Les clauses présentement déclarées abusives ou illicites ont eu pour effet de conférer pendant plusieurs années au professionnel de multiples avantages injustifiés ou illicites, lui procurant un accroissement non légitime de ses profits au détriment de ses clients/consommateurs mais également de ses concurrents.
En conséquence, il convient de condamner la SARL LESCENE IMMOBILIER à payer à l'association UFC 38 la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice collectif.
B - Au titre du préjudice associatif :
L'UFC 38 justifie par la production de nombreux jugements et arrêts du développement d'une activité importante clans le domaine de l'immobilier en vue de prévenir ou d'obtenir la suppression des clauses abusives ou illicites dans les contrats-types proposés par les professionnels aux consommateurs et démontre en l'espèce une pugnacité certaine dans la volonté de négociation avant d'introduire l'instance le 27 mars 2007 puisqu'elle a poursuivi les échanges de correspondances avec la SARL LESCENE IMMOBILIER qui a résisté encore plusieurs mois après l'introduction de l'instance alors qu'elle avait indiqué à l'UFC 38 dès le 12 juillet 2005 avoir pris conseil auprès de son avocat et après réflexion accepter d'adresser à l'association de défense des consommateurs un exemplaire de son contrat-type de syndic de copropriété.
Il convient en conséquence de condamner la SARL LESCENE IMMOBILIER à payer à L'UFC 38 la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice associatif.
[minute page 12]
- Sur la demande de publication de la décision :
L'article L. 421-9 du code de la consommation autorise la juridiction saisie à ordonner, aux frais de la partie qui succombe, la diffusion par tous moyens appropriés, de l'information au public du jugement rendu.
En l'espèce, eu égard au nombre significatif des clauses déclarées abusives ou illicites contenues dans les contrats type de syndic de copropriété proposés par la SARL LESCENE IMMOBILIER, ainsi qu'au nombre de clients/consommateurs susceptibles d'être concernés par cette décision, il y a lieu d'ordonner la publication par extrait du présent jugement inventoriant les clauses écartées dans les journaux LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ et LES AFFICHES GRENOBLOISES 2008.
Cette publication aura lieu à l'initiative de l'association UFC QUE CHOISIR 38, aux frais de la SARL LESCENE IMMOBILIER dans la limite de la somme totale de 1.500 euros par publication.
- Sur les autres demandes :
La défenderesse succombant pour l'essentiel à la présente instance, l'équité commande de rejeter sa demande d'indemnité de procédure et de la condamner à payer à l'UFC 38 la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens qui seront distraits au profit de la SCP BRASSEUR M'BAREK.
L'infirmation de tout ou partie du présent jugement en cas d'appel permettrait à la SARL LESCENE IMMOBILIER la réintégration de tout ou partie des clauses litigieuses alors qu'en revanche il existerait une insécurité juridique du fait que des clauses jugées abusives ou illicites continuent à trouver application dans 1 attente éventuelle d'une décision de juridiction d'appel.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande d'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant par décision contradictoire rendue en audience publique et en premier ressort
Déclare l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir de l'Isère (UFC 38) recevable en toutes ses demandes.
Déclare illicites ou abusives les clauses suivantes du contrat type de la SARL LESCENE IMMOBILIER telles que reproduites dans les motifs et correspondant aux articles et paragraphes suivants :
[minute page 13] - concernant le contrat antérieur à l'assignation : article 2.1 § 2, article 2.7 § 1, article 2.7 § 2, article 2.7 § 4, article 2.7 § 5, article 3.1, article 3.1 in fine, article 3.4 § 4, article 3.3, article 3.5, article 3.6, article 6.4 § 4 du tableau (frais de mutation), § 11 du tableau (gestion du compte bancaire séparé),4.1 § 4 du tableau (honoraires sur travaux),
- concernant le contrat type versions 2007 et 2008 : article 4.
DIT que les clauses du contrat diffusé par la SARL LESCENE IMMOBILIER jugées abusives ou illicites sont réputées non écrites.
ORDONNE la suppression par la SARL LESCENE IMMOBILIER de la totalité des clauses déclarées abusives ou illicites de ses contrats par le présent jugement dans un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement, et ce, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois.
DIT que le Tribunal se réserve le contentieux éventuel de la liquidation de l'astreinte.
CONDAMNE la SARL LESCENE IMMOBILIER à payer à l'association UFC Que Choisir 38 la somme de dix mille euros (10.000 euros) en réparation du préjudice collectif et la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice associatif.
ORDONNE la publication dans les journaux LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ et LES AFFICHES GRENOBLOISES du présent jugement par extrait inventoriant les clauses écartées, à l'initiative de l'association UFC QUE CHOISIR 38 et aux frais de la SARL LESCENE IMMOBILIER dans la limite de la somme totale de 1.500 euros par publication.
DÉBOUTE l'UFC 38 du surplus de ses prétentions au titre des clauses abusives ou illicites.
CONDAMNE la SARL LESCENE IMMOBILIER à payer à l'Association UFC QUE CHOISIR 38 la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DÉBOUTE la SARL LESCENE IMMOBILIER de sa demande d'indemnité de procédure.
CONDAMNE la SARL LESCENE IMMOBILIER aux dépens avec distraction au profit de la SCP BRASSEUR M'BAREK.
[minute page 14] ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.
PRONONCE publiquement par mise à disposition du jugement au Greffe du Tribunal de Grande Instance, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du Code de Procédure Civile.
Le jugement a été rédigé par G. GRASSET
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
AM CHAMBON G GRASSET