CA COLMAR (1re ch. civ. sect. B), 9 juin 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3204
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. B), 9 juin 2011 : RG n° 10/00208
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que la vente de l'immeuble a permis aux époux X. de rembourser par anticipation le prêt qui leur avait été consenti le 6 janvier 2006 ; qu'il résulte de l'acte de prêt reçu par Maître Z. que la banque a droit, en cas de libération par anticipation, à « une indemnité dont le montant peut être égal à six mois d'intérêts, calculés au taux mentionné aux Conditions particulières... sur le montant du capital remboursé par anticipation », sans pouvoir excéder « 3 % du capital restant dû avant remboursement » ;
Attendu que l'offre de prêt en date du 20 octobre 2005, annexée à l'acte notarié, précise que le prêt est « non soumis aux articles L. 311-1 et suivants et L. 312-1 et suivants du code de la consommation » ; qu'il n'est pas prétendu que cette stipulation est nulle ;
Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la clause dont la banque poursuit l'application n'est pas abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle se borne à reprendre les modalités de calcul de l'indemnité éventuellement due en cas de remboursement anticipé admises par l'article R. 312-2 de ce même code ; que l'application de la clause litigieuse ne saurait être écartée et la condamnation des époux X. au paiement d'une indemnité de 931,06 euros au titre du prêt personnel sera confirmée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU 9 JUIN 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 B 10/00208. Décision déférée à la Cour : 15 octobre 2009 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTS :
Monsieur X.
Madame Y. épouse X.
Représentés par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocats à la Cour
INTIMÉE :
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE venant aux droits de la Société Générale Alsacienne de Banque SA SOGENAL
Représentée par Maître Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 avril 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. CUENOT, Conseiller, chargés du rapport, et M. ALLARD, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre, M. CUENOT, Conseiller, M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE,
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Jean-Marie LITIQUE, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon offre du 4 mai 2002, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a consenti à la SCI LES GRIVES un prêt de 238.000 euros remboursable en 144 mensualités, ayant pour objet le rachat d'un crédit initialement destiné au financement de l'acquisition d'un bien immobilier sis [...]. Le 16 mai 2005, M. et Mme X. se sont portés cautions solidaires de la SCI LES GRIVES dans la limite de 309.400 euros en principal, intérêts, pénalités ou intérêts de retard.
Par acte notarié du 9 janvier 2006, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a consenti à M. et Mme X. une ouverture de crédit de 40.000 euros remboursable en 84 mensualités de 593,70 euros du 7 février 2005 au 7 janvier 2012.
Par acte reçu le 21 décembre 2007 par Maître Z., notaire à [ville M.], la SCI LES GRIVES a vendu son immeuble moyennant un prix de 340.000 euros. Le notaire a adressé à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE un montant de 230.216,18 euros en remboursement du prêt consenti à la SCI LES GRIVES ainsi qu'un montant de 31.464,01 euros en remboursement du prêt du 9 janvier 2006.
Selon assignation du 27 mai 2008, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, affirmant qu'elle avait prononcé l'exigibilité immédiate du crédit immobilier en raison de la défaillance de l'emprunteur et que le crédit personnel n'avait pas été complètement remboursé, a attrait M. et Mme X. devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir le paiement de 17.585,78 euros en exécution du prêt immobilier et de 1.144,89 euros en exécution du crédit d'investissement.
M. et Mme X. se sont opposés à cette demande en faisant valoir que la banque ne pouvait pas leur réclamer une indemnité de remboursement anticipé au titre du prêt immobilier dès lors que la vente de l'immeuble avait été imposée par le départ à la retraite de M. X. et que l'indemnité de remboursement anticipé mise en compte au titre du second prêt était contraire aux dispositions d'ordre public de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999.
Par jugement du 15 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :
- condamné solidairement les époux X. à verser à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, au titre du prêt immobilier consenti le 4 mai 2005 à la SCI LES GRIVES, une somme de 17.585,78 euros représentant l'indemnité forfaitaire de 7 %, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- condamné solidairement les époux X. à verser à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, au titre du crédit de trésorerie, une somme de 931,06 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- débouté les époux X. de leur demande de dommages et intérêts,
- condamné solidairement les époux X. à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE une somme de 1.600 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné les époux X. aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le premier juge a principalement retenu :
- que la banque, qui s'était régulièrement prévalue de l'exigibilité anticipée du prêt immobilier compte tenu de la défaillance de la SCI LES GRIVES, était en droit de mettre en compte l'indemnité forfaitaire prévue dans un tel cas ;
- qu'il n'y avait pas lieu de réduire le montant de cette indemnité conforme à la pratique habituellement suivie en la matière ;
- que les époux X. n'étaient pas fondés à se prévaloir des dispositions de la loi du 25 juin 1999 dès lors que l'offre de crédit personnel précisait de manière claire et apparente qu'elle n'était pas soumise aux articles L. 311-1 et suivants et L. 312-1 du code la consommation.
Par déclaration reçue le 5 janvier 2010, M. et Mme X. ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions déposées le 2 novembre 2010, M. et Mme X. demandent à la cour de :
- recevoir leur appel ;
- infirmer le jugement entrepris ;
- rejeter dans son intégralité la demande de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ;
- condamner la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux dépens ainsi qu'au paiement de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
- subsidiairement, ordonner l'audition, à titre de témoin, de Mme A.-B. et de M. C.
Au soutien de leur appel, ils font valoir en substance :
- que la banque a accepté de ne réclamer aucune indemnité en cas de remboursement anticipé lorsque la vente de l'immeuble est motivée par une cessation forcée de l'activité professionnelle des appelants ;
- que M. X. ayant dû prendre sa retraite à la suite du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, aucune indemnité n'est due au titre du prêt immobilier en vertu de l'article 12 alinéa 3 des conditions générales ;
- que l'article 10 du second prêt qui prévoit le règlement d'une indemnité de 3 % en cas de règlement anticipé du capital constitue une clause abusive.
Selon conclusions récapitulatives remises le 23 décembre 2010, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE rétorque :
- qu'elle ne réclame pas le paiement d'une indemnité pour remboursement anticipé ;
- que la clause prévoyant l'indemnité d'exigibilité anticipée a vocation à s'appliquer dès lors que les échéances du prêt immobilier n'ont pas été régulièrement honorées ;
- que les époux X. reconnaissent que le crédit d'investissement n'a pas été soumis au code de la consommation ;
- que l'indemnité réclamée au titre de ce prêt, qui est minime, est conforme aux exigences de l’article R. 312-2 du code de la consommation.
En conséquence, elle prie la cour de :
- confirmer le jugement entrepris ;
- débouter M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner M. et Mme X. au paiement d'une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. et Mme X. aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 février 2011.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,
Attendu que la recevabilité de l'appel en la forme n'est pas discutée ;
Attendu que l'offre de prêt à l'habitat du 4 mai 2002 autorise la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à « exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance, échus mais non payés » en cas de « non-paiement à son échéance, d'une mensualité ou de toutes sommes dues... à un titre quelconque en vertu des présentes » (article 11 A) et prévoit que le prêteur « peut demander une indemnité qui ne peut dépasser 7 % desdites sommes » en cas d'exigibilité anticipée (article 11 B) ;
Attendu que selon courrier recommandé en date du 5 septembre 2007, la banque a mis en demeure la SCI LES GRIVES de régler une somme de 13.401,30 euros au titre de l'impayé, avant le 24 septembre 2007, en la menaçant de « dénoncer l'ensemble de (leur) relation et d'exiger, outre les sommes indiquées ci-dessus, les intérêts et les pénalités prévues par le contrat de prêt, le remboursement anticipé de la totalité (du) prêt dont l'encours » était à cette date de 214.146,52 euros ; qu'il est constant que la SCI LES GRIVES, qui ne payait plus les échéances du prêt depuis le 7 mai 2007 (annexe n° 6 de la banque), n'a pas pu donner suite à cette mise en demeure ;
Attendu que selon courrier recommandé en date du 4 décembre 2007, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a informé sa cliente de ce qu'elle se prévalait de « l'exigibilité anticipée (du) prêt à la date de ce jour » et l'a mise en demeure de lui régler une somme de 247.233,14 euros « y compris l'indemnité contractuelle... à majorer des intérêts de retard au taux contractuel du prêt jusqu'à complet paiement » ;
Attendu que si la vente de l'immeuble a permis à la SCI LES GRIVES de régler les échéances impayées et le capital restant dû, ce paiement est intervenu alors que la déchéance du terme avait déjà été prononcée ; que la SCI LES GRIVES n'a pas procédé à un « remboursement par anticipation » au sens de l'article 12 des conditions générales de l'offre de prêt mais a réglé une dette devenue exigible en raison de sa défaillance (article 11) ;
Attendu, dans ces conditions, que les développements des appelants sur les circonstances qui les ont conduits à vendre l'immeuble apparaissent sans emport puisque la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ne met pas en compte l'indemnité « plafonnée à 3 % du capital restant dû avant le remboursement » prévue par l'article 12 en cas de remboursement par anticipation mais réclame l'indemnité « qui ne peut dépasser 7 % des sommes dues » instituée par l'article 11 B dans l'hypothèse d'une défaillance de l'emprunteur ;
Attendu que M. et Mme X. sont redevables, en leur qualité de caution, de l'indemnité de 17.585,78 euros réclamée au titre du prêt immobilier ;
Attendu que la vente de l'immeuble a permis aux époux X. de rembourser par anticipation le prêt qui leur avait été consenti le 6 janvier 2006 ; qu'il résulte de l'acte de prêt reçu par Maître Z. que la banque a droit, en cas de libération par anticipation, à « une indemnité dont le montant peut être égal à six mois d'intérêts, calculés au taux mentionné aux Conditions particulières... sur le montant du capital remboursé par anticipation », sans pouvoir excéder « 3 % du capital restant dû avant remboursement » ;
Attendu que l'offre de prêt en date du 20 octobre 2005, annexée à l'acte notarié, précise que le prêt est « non soumis aux articles L. 311-1 et suivants et L. 312-1 et suivants du code de la consommation » ; qu'il n'est pas prétendu que cette stipulation est nulle ;
Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la clause dont la banque poursuit l'application n'est pas abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle se borne à reprendre les modalités de calcul de l'indemnité éventuellement due en cas de remboursement anticipé admises par l'article R. 312-2 de ce même code ; que l'application de la clause litigieuse ne saurait être écartée et la condamnation des époux X. au paiement d'une indemnité de 931,06 euros au titre du prêt personnel sera confirmée ;
Attendu que les époux X. qui succombent supporteront les dépens et régleront une somme complémentaire de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne M. et Mme X. à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE une somme complémentaire de 1.200 euros (mille deux euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. et Mme X. aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT