CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 15 juin 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3210
CA TOULOUSE (2e ch. sect. 1), 15 juin 2011 : RG n° 10/00519 ; arrêt n° 180
Publication : Jurica
Extrait : « Contrairement à ce que tente de soutenir Madame X., les dispositions de l’article L. 442-6 2° du code de commerce ne sont pas applicables à l'espèce. En effet, d'une part, ces dispositions sont relatives à des pratiques restrictives de concurrence entre partenaires commerciaux, ce qui n'est pas le cas des relations contractuelles existant entre les parties à l'instance. D'autre part et surtout, l'intimée fait référence à la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, c'est-à-dire postérieure aux mandats donnés en novembre 2007. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 15 JUIN 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/00519. Arrêt n° 180. Décision déférée du 7 janvier 2010, Tribunal de Commerce de TOULOUSE 2009J00619.
APPELANTE :
SARL SOCIÉTÉ GESTION CRÉDIT EXPERT
Représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour, Assistée de Maître Pascal GORRIAS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
Madame X.
[adresse], Représentée par la SCP NIDECKER PRIEU JEUSSET, avoués à la Cour, Assistée de Maître Elodie LE PRADO, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 20 avril 2011 en audience publique, devant la Cour composée de : G. COUSTEAUX, président, A. ROGER, conseiller, F. CROISILLE-CABROL, Vice-Présidente placée, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par G. COUSTEAUX, président et par A. THOMAS, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE :
La SARL GESTION CRÉDIT EXPERT exerce une activité de recouvrement de créances sous le nom commercial Europe Recouvrement.
Le 5 novembre 2007, Madame X., exerçant une activité de commerce d'animaux vivants, lui a confié deux dossiers à l'encontre de deux débiteurs, AG. IM. SRL et MI. AG.
En raison de litiges sur la facturation des honoraires de la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT, Madame X. l'a informée par courrier recommandé du 13 décembre 2008 de sa volonté de résilier le mandat donné. Par courrier du 15 janvier 2009, la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT a indiqué à Madame X. que la résiliation du contrat emporte facturation de 75 % des honoraires de succès ainsi que 20 % sur le montant de la créance, conformément aux conditions générales de vente.
Par acte du 14 mai 2009, la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT a sollicité la condamnation de Madame X. à lui payer les sommes de :
- 35.284,93 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2009,
- 5.292,73 euros au titre de la clause pénale insérée dans les conditions générales de vente,
- 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 7 janvier 2010, le tribunal de commerce de TOULOUSE a, notamment :
- débouté Madame X. de sa demande de nullité des mandats,
- dit que les conditions générales de la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT sont inopposables à Madame X.,
- débouté la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT de sa demande en paiement d'honoraires de résiliation et de clause pénale,
- condamné La SARL GESTION CRÉDIT EXPERT à payer à Madame X. les sommes suivantes :
* 4.500 euros correspondant aux traites déjà encaissées après déduction de ses honoraires,
* 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
- fait injonction à la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT de reverser à Madame X. l'intégralité des sommes perçues au fur et à mesure de l'encaissement des traites restantes, déduction faite de ses honoraires, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard après un délai de 8 jours à compter de la date d'encaissement de chaque traite, le tribunal se réservant le droit de liquider ladite astreinte,
- ordonné l'exécution provisoire.
La SARL GESTION CRÉDIT EXPERT a interjeté appel le 2 février 2010.
La SARL GESTION CRÉDIT EXPERT a déposé ses dernières écritures le 8 septembre 2010.
Madame X. a déposé ses dernières écritures le 9 mars 2011.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2011.
MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES :
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, La SARL GESTION CRÉDIT EXPERT conclut, au visa de l’article 1134 du code civil, à l'infirmation de la décision de première instance ainsi qu'à la condamnation de Madame X. à lui payer la somme de 35.284,93 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2009, la somme de 5.292,73 euros conformément à la clause pénale et la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L'appelante développe les moyens suivants :
- la validation du formulaire souscrit en ligne emporte acceptation de l'ensemble des conditions générales et non des seules conditions tarifaires,
- en toute hypothèse et subsidiairement, la révocation illégitime des mandats ouvre droit à une indemnisation s'agissant de mandats d'intérêt commun, dans la mesure où les deux parties sont intéressées au résultat du recouvrement, les dommages et intérêts alloués devant couvrir la totalité du préjudice subi par le mandataire,
- dans le cadre de l'exécution provisoire, la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT a reversé les fonds reçus de son correspondant italien au fur et à mesure après déduction de ses honoraires,
- les contrats de recouvrement sont réguliers, aucune sanction n'étant prévue en l'absence d'une formalisation écrite prévue par l’article 3 du décret du 18 décembre 1996,
- au demeurant, Madame X. justifie de mandats écrits de recouvrement, la preuve de leur existence pouvant être rapportée par tout moyen en raison de la qualité de commerçante de Madame X.,
- Madame X. avait un accès à son dossier en ligne,
- elle a résilié le mandat pour le dossier MI. AG. alors qu'un accord avait été obtenu par la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT,
- en revanche, elle ne prouve pas l'existence d'un accord avant le deuxième contrat de mandat,
- la résiliation étant intervenue après accord de paiement amiable des débiteurs, l'un portant sur la somme de 218.531 euros et l'autre sur la somme de 13.000 euros, ouvre droit au versement de 75 % des honoraires prévus en cas d'encaissement,
- l'article L. 442-6 2° du code de commerce invoqué par Madame X. sur l'existence d'un déséquilibre entre les parties n'est pas applicable devant la cour d'appel de Toulouse.
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Madame X. sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT détenait 22 traites de 500 euros encaissables à partir du 30 avril 2009 et condamné SARL GESTION CRÉDIT EXPERT à lui payer l'intégralité des sommes correspondant à ces traites, après déduction des sommes déjà perçues et des honoraires de 20 %, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard après un délai de 8 jours à compter de l'encaissement de chaque traite.
A titre principal, Madame X. sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande en nullité des deux mandats et sollicite le prononcer de la nullité après avoir constaté la contravention des dits contrats aux dispositions du décret du 20 décembre 1996 portant réglementation de l'activité des personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui et constaté l'absence de signature des contrats en cause.
A titre subsidiaire, Madame X. sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté que la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT ne rapportait pas la preuve que les conditions générales avaient été présentées et acceptées par elle et a en conséquence dit que les conditions générales lui étaient inopposables et a débouté la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT de sa demande en paiement d'honoraires de résiliation et de clause pénale.
A titre infiniment subsidiaire sur la clause de résiliation, Madame X. demande qu'il soit constaté la mauvaise exécution de ses obligations de mandataire par la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT, que les calculs concernant les honoraires de résiliation sont mal fondés, utilisant un pourcentage et une assiette inappropriés, que les honoraires découlant de la résiliation envisagés dans les deux contrats de mandat doivent être qualifiés de rémunération et que les clauses prévoyant des honoraires découlant de la résiliation ont pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. L'intimée conclut à titre principal au débouter des demandes relatives à la clause de résiliation. Subsidiairement, elle demande qu'il soit jugé que la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT n'est fondée qu'à réclamer la somme de 1.050 euros HT sur le fondement des clauses de résiliation. Elle demande qu'il soit pris acte de ce qu'elle est disposée à verser à la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT cette somme au titre des honoraires de résiliation des deux contrats à condition que la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT lui restitue les sommes recouvrées au titre des traites d'une valeur totale de 11.000 euros sans déduction des honoraires de succès. Très subsidiairement, elle sollicite la condamnation de la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT à réparer son préjudice évalué à hauteur des honoraires de résiliation versés et demande que la compensation soit ordonnée.
A titre infiniment subsidiaire sur la clause pénale, Madame X. demande qu'il soit jugé que la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT ne rapporte pas la preuve que le retard de paiement des honoraires de résiliation lui aurait causé un préjudice et en conséquence que la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT soit déboutée de ce chef.
En toute hypothèse, Madame X. sollicite la condamnation de La SARL GESTION CRÉDIT EXPERT à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS de la DÉCISION :
La SARL GESTION CRÉDIT EXPERT exerce une activité de recouvrement de créances sous le nom commercial Europe Recouvrement.
Le 5 novembre 2007, Madame X., exerçant une activité de commerce d'animaux vivants, lui a confié deux dossiers à l'encontre de deux débiteurs, AG. IM. SRL et MI. AG. En raison de litiges sur la facturation des honoraires de la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT, Madame X. l'a informée par courrier recommandé du 13 décembre 2008 de sa volonté de résilier les mandats donnés.
Contrairement à ce que tente de soutenir Madame X., les dispositions de l’article L. 442-6 2° du code de commerce ne sont pas applicables à l'espèce. En effet, d'une part, ces dispositions sont relatives à des pratiques restrictives de concurrence entre partenaires commerciaux, ce qui n'est pas le cas des relations contractuelles existant entre les parties à l'instance. D'autre part et surtout, l'intimée fait référence à la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, c'est-à-dire postérieure aux mandats donnés en novembre 2007.
Contrairement à ce que tente de soutenir Madame X., les contrats ne sont pas nuls pour non respect des dispositions du décret du 18 décembre 1996 portant réglementation de l'activité des personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui et plus précisément de l'article 3 prévoyant la conclusion d'une convention écrite. En effet, d'une part, selon l’article 1316-1 du code civil introduit par la loi du 13 mars 2000, l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans les conditions de nature à en garantir l'intégrité. En l'espèce, Madame X. a bien adressé par la voie électronique le 5 novembre 2007 à la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT deux dossiers précisant le nom du créancier, le nom du débiteur et le montant de la créance, peu important l'adresse électronique de l'expéditeur des messages. D'autre part, sur les correspondances adressées par la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT à Madame X. le 9 janvier 2008, cette dernière a donné son accord de façon manuscrite pour des honoraires de 20 % sur les sommes recouvrées, outre les frais de dossier pour 125,58 euros TTC.
Contrairement à ce que tente de soutenir la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT, les conditions générales de vente ne sont pas opposables à Madame X. En effet, contrairement à ce que la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT a écrit dans une lettre adressée à Madame X. le 15 janvier 2009, aucune case n'a été cochée sur le site Internet.
En novembre 2007, le dossier a été envoyé en cliquant sur un bouton au dessus duquel il était mentionné « en validant ce formulaire je reconnais accepter les conditions énoncées ci-dessus ». Sur la ligne précédente, il y avait un lien vers les conditions générales de vente complètes et encore au-dessus se trouvait un tableau portant sur le barème des honoraires. L'adjectif énoncées renvoie au tableau des honoraires mais non au lien permettant d'accéder aux conditions complètes. De plus, il importe peu que le message émis à destination de la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT contienne lesdites conditions dans la mesure où il n'est pas établi qu'une copie de ce message est adressée automatiquement à l'expéditeur lors de l'envoi du dossier après avoir rempli le formulaire. Par ailleurs, la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT affirme que Madame X. avait accès à son dossier en ligne sans en justifier. Au demeurant, la possibilité d'un tel accès ne rendrait pas opposable les conditions générales de vente devant être portées à sa connaissance lors de la conclusion du contrat et plus précisément les honoraires de résiliation et la clause pénale.
Contrairement à ce que tente de soutenir la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT, les relations contractuelles entre les parties ne caractérisent pas un mandat d'intérêt commun qui peut être défini comme un mandat de collaboration poussant le mandataire à agir aussi bien dans l'intérêt du mandant que dans le sien propre. En effet, l'activité de recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui ne caractérise nullement un tel mandat qui implique que chaque partie contribue à l'accroissement d'une chose commune.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes relatives aux honoraires de résiliation et à la clause pénale.
Concernant les traites, la juridiction consulaire a fait injonction à la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT de reverser à Madame X. l'intégralité des sommes perçues au fur et à mesure de l'encaissement des traites restantes, déduction faite de ses honoraires, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard après un délai de 8 jours à compter de la date d'encaissement de chaque traite, le tribunal se réservant le droit de liquider ladite astreinte, tout en ordonnant l'exécution provisoire. Or, la dernière traite est en date du 30 janvier 2011. Madame X. n'a fait état d'aucun retard dans le reversement ordonné dans ses écritures déposées le 9 mars 2011, l'ordonnance de clôture n'étant au surplus intervenue que le 22 mars 2011. Dès lors, la demande de confirmation du jugement sur ce point par Madame X. est devenue sans objet.
Enfin, la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT qui succombe supportera les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT de sa demande de ce chef,
Condamne la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT à payer à Madame X. la somme de 1.000 euros de ce chef,
Condamne la SARL GESTION CRÉDIT EXPERT aux entiers dépens d'appel,
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,