CA MONTPELLIER (1re ch. B), 14 septembre 2011
CERCLAB – DOCUMENT N° 3296
CA MONTPELLIER (1re ch. B), 14 septembre 2011 : RG n° 10/03693
Publication : Jurica
Extrait : « En conséquence, le jugement entrepris est confirmé sur la validité du contrat de révélation de succession que Mme X. ne peut pas utilement contester plusieurs années après que les prestations aient été servies et acceptées, au titre des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation sur les clauses abusives en alléguant pour la première fois en cause que le généalogiste n’aurait pas chiffré en numéraire les frais prévisibles de sa recherche alors même qu’ils sont par hypothèse difficiles à fixer à l’avance. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/03693. Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 MARS 2010 – TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ : R.G. n° 09/01216.
APPELANTE :
Madame X.
née le 5 novembre 1928 à [ville], de nationalité Française, représentée par la SCP Gilles A. ET Fabien W., avoués à la Cour, assistée de Maître Joëlle G., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
SARL ÉTUDE GENEALOGIQUE F.,
représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, représentée par la SCP D. S., avoués à la Cour, assistée de Maître Jean Daniel D., avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 26 mai 2011
COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 7 JUIN 2011, en audience publique, Madame Gisèle BRESDIN ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Mathieu MAURI, Président, Madame Gisèle BRESDIN, Conseiller, Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE. – prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Mathieu MAURI, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Melle Alice Y. est décédée le 26 juillet 2005 à Millau ab intestat.
Maître A., notaire à Millau chargé du règlement de la succession, a mandaté l’étude généalogique F., sise à Tours, aux fins de procéder à une vérification de la dévolution successorale.
Madame Simone X. a signé le 5 novembre 2005 avec l’Etude Généalogique F., généalogiste, un contrat de révélation de succession.
Par acte d’huissier du 2 novembre 2007, les consorts X. ont assigné Mme Simone X. devant le tribunal de grande instance de Millau aux fins de voir ordonner le partage de la succession de Melle Y. et la vente des biens indivis aux enchères.
Par acte d’huissier en date du 13 août 2008 Mme Simone X. a appelé dans la cause en déclaration de jugement commun la société Etude Généalogique F. et a demandé au tribunal de déclarer nul le contrat qu’elle avait signé avec le généalogiste.
Par un jugement du 12 novembre 2008, le tribunal de grande instance de Millau a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession Y. et au préalable ordonné une expertise ; il a également constaté que l’assignation délivrée à la Société Etude Généalogique F. à la requête de Mme X. constituait une procédure distincte en cours de mise en état.
Par le jugement entrepris du 19 mars 2010, le tribunal de grande instance de Rodez dit n’y avoir lieu à jonction de la procédure avec celle concernant les opérations de partage et liquidation de la succession de Melle Alice Y., déboute Mme X. de l’intégralité de ses demandes, déboute l’Etude Généalogique F. de sa demande de dommages-intérêts, condamne Mme Simone X. à payer à l’Etude Généalogique F. la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 12 mai 2010, Mme Simone X. a interjeté appel à l’encontre de cette décision. Elle a conclu le 8 septembre 2010 en demandant à la cour de :
- à titre principal, juger nulle la convention intervenue le 5 novembre 2005 entre l’étude généalogique F. et Mme X. au visa des articles 1131 du code civil, L. 132-1 du code de la consommation, L. 121-19 et L. 121-20 du code de la consommation ;
- A titre subsidiaire, juger que Mme X. est fondée à demander une minoration des honoraires prévus par la convention, juger qu’il sera sursis à statuer sur cette demande le temps que la succession de Melle Y. soit liquidée et partagée ;
- A titre infiniment subsidiaire, juger que si le sursis devait être refusé, le pourcentage prévu par la convention de révélation de succession sera réduit à de plus justes proportions ; en toutes hypothèses condamner l’étude généalogique à lui payer 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelante a repris son argumentation de première instance et souligne qu’elle a clairement indiqué dans son courrier du 4 janvier 2006 adressé à l’étude qu’elle ne souhaitait pas son intervention. Elle s’est donc rétractée le 4 janvier 2006 dans le délai de rétractation qui expirait le 5 février 2006 à minuit qu’elle aurait respecté. Sur les honoraires elle invoque la jurisprudence constante en la matière sur la possibilité de les réduire lorsqu’ils apparaissent exagérés au regard du service rendu. Elle conteste les diligences alléguées à compter du 4 janvier 2006.
La société Etude Généalogique F. a conclu le 19 octobre 2010 en demandant à la cour de confirmer le jugement sauf à faire droit à son appel incident, et ainsi à condamner Mme X. à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée a invoqué son intervention régulière à la demande du notaire chargé de la succession et le respect du droit à l’information selon le code de la consommation et la faculté de rétractation. Il ajoute que les prestations contractuelles ont été acceptées par Mme X. et servies par l’étude F. La clause n’était pas abusive et au demeurant cela n’entraînerait pas la nullité de l’ensemble de l’acte. Les honoraires dus au généalogiste pour la révélation à l’héritier d’un droit ignoré de lui sont en tout état de cause dues, comme contrepartie de la fourniture de moyens notamment juridiques par l’étude avec l’établissement d’un tableau généalogique certifié qui engage la responsabilité juridique et financière du généalogiste et l’intervention à l’acte de notoriété qui fonde le droit des héritiers. S’agissant de la demande de réduction des honoraires, l’étude F. rappelle le caractère contractuel des dits honoraires qui font la loi des parties, que le juge ne peut pas modifier. Il se réfère à la jurisprudence de la cour de cassation sur la validité du contrat de révélation de succession, contrat spécial aléatoire et les aléas considérables fondant ce contrat sui generis. Il invoque également le blocage dans les opérations de liquidation de la succession par Mme X. qui finalement a donné son accord, preuve de sa mauvaise foi, justifiant la demande de dommages-intérêts de l’étude F.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l’action en nullité du contrat de révélation :
Il y a lieu de rappeler que selon les dispositions de l’article 1131 du code civil, l’obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet ; et que par application des dispositions de l’article L. 121-20 du code de la consommation, le consommateur doit être informé de ce qu’il dispose d’un délai de rétractation pendant une durée de 7 jours ainsi que « des conditions et des modalités d’exercice de ce droit ».
Le contrat de révélation de succession dont se prévaut l’étude généalogiste pour réclamer des honoraires de 35 % hors taxes des sommes nettes susceptibles de revenir à Mme Simone X. en sa qualité d’hériter de Mme Jacqueline Y., rappelle expressément « En application de l’article L. 121-20 du code de la consommation vous disposez d’un délai de sept jours francs pour exercer votre droit de rétractation ». La sanction du défaut de formalisme qui est prévue dans le dit article à l’alinéa 3 est de porter à 3 mois le délai pendant lequel la personne peut exercer son droit de rétractation, et non la nullité du contrat.
Mme Simone X. qui ne conteste pas ne pas avoir été à l’enterrement de Mme Jacqueline Y., ni ne justifie avoir été en contact avec celle-ci antérieurement à son décès ou avec des proches qui l’étaient puisque Mme D. et M. Alain X., cousins germains au 4ème degré dans la ligne maternelle, présents aux obsèques, la croyait toujours domiciliée à Toulouse ; elle n’établit donc pas que l’existence de la succession devait normalement parvenir à elle sans intervention du généalogiste. Dès lors, le contrat n’est pas dépourvu de cause et la Société Etude Généalogique F. doit recevoir une rétribution en contrepartie du service rendu à Mme Simone X.
La faculté de rétractation a bien été portée à la connaissance de Mme X. et si effectivement les modalités n’ont pas été précisées plus avant, le délai de trois mois dont elle disposait faute de respect du formalisme légal par application des dispositions de l’article L. 121-20 alinéa 3, n’a pas été mis à profit par elle pour mettre à néant la convention. En effet :
Le courrier du 4 janvier 2006 dont se prévaut l’intéressée n’emporte pas expressément ou même implicitement l’indication d’une volonté de remettre en cause le contrat de révélation de succession qu’elle a régulièrement signé le 5 novembre 2005. Ce courrier emporte dénonciation expresse du mandat qu’elle avait également remis à l’étude généalogiste : l’objet de cette dénonciation ne peut pas, sans autre précision, être étendu au contrat de révélation de succession alors même que les termes de « droit de rétractation » figurait bien dans la convention lors du rappel des dispositions de l’article L.121 -20 du Code de la consommation. En outre, ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal, à plusieurs reprises Mme X. a confirmé l’existence des liens contractuels, en remerciant l’étude généalogiste pour son intervention ou encore en lui demandant des précisions sur les différents héritiers.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé sur la validité du contrat de révélation de succession que Mme X. ne peut pas utilement contester plusieurs années après que les prestations aient été servies et acceptées, au titre des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation sur les clauses abusives en alléguant pour la première fois en cause que le généalogiste n’aurait pas chiffré en numéraire les frais prévisibles de sa recherche alors même qu’ils sont par hypothèse difficiles à fixer à l’avance.
La décision attaquée est également maintenue sur le rejet de la demande de sursis à statuer dans l’attente de la liquidation de la succession, la perception des honoraires ne pouvant intervenir en vertu de la convention faisant la loi des parties, que lorsque l’actif sera soit liquidé, soit attribué.
Sur la réduction des honoraires à de plus justes proportions :
S’agissant de la demande de réduction des honoraires stipulés dans la contrat, si les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties, cela n’interdit pas au juge d’examiner si les dits honoraires ne sont pas excessifs au regard des prestations fournies.
En l’espèce, il a été convenu un pourcentage de 35 % hors taxes des sommes nettes susceptibles de revenir à Mme Simone X. en sa qualité d’hériter de Mme Jacqueline Y.
Or, Mme X. qui ne peut pas contester avoir été informée de sa qualité de successible grâce à l’étude généalogiste, établit en revanche qu’à peine un mois après avoir reçu mission de la part du notaire, l’étude connaissait déjà son existence ; elle produit un message électronique adressé le 29 août 2005 par un héritier où son nom figure avec une adresse à Toulouse. Ainsi l’intervention de l’étude généalogiste pour la retrouver n’a pas nécessité des diligences importantes, en outre sa mission a pris fin prématurément de par la volonté exprimée par l’intéressée qui a dénoncé le mandat pour la représenter aux opérations de succession, laquelle dénonciation a été acceptée par la mandataire.
En conséquence, compte tenu de l’ensemble des éléments d’appréciation soumis aux débats, la cour décide, par réformation du jugement déféré, de fixer les honoraires de l’étude généalogique à 12 % hors taxes des sommes nettes susceptibles de revenir à Mme Simone X. en sa qualité d’hériter de Mme Jacqueline Y.
Sur les autres demandes et les dépens :
La Société Etude Généalogique F. qui succombe partiellement devant la cour, ne démontre pas que la procédure aurait dégénéré en abus ni l’existence d’un préjudice qui en serait résulté pour elle. Elle est déboutée de sa demande en paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Mme Simone X. qui succombe pour l’essentiel à la procédure, supportera la charge de l’ensemble des dépens de première instance et d’appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Reçoit l'appel interjeté par Mme Simone X.,
Le dit partiellement fondé,
Confirme le jugement entrepris sur le rejet de la demande en annulation du contrat de révélation de succession intervenue le 5 novembre 2005 entre la Société Etude Généalogique F. et Mme Simone X.,
Réforme pour le surplus,
Fixe les honoraires de l'étude généalogique à 12 % hors taxes des sommes nettes susceptibles de revenir à Mme Simone X. en sa qualité d'hériter de Mme Jacqueline Y. ;
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Mme Simone X. aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT