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TGI BEAUVAIS, 28 août 2008

Nature : Décision
Titre : TGI BEAUVAIS, 28 août 2008
Pays : France
Juridiction : Beauvais (TGI)
Demande : 07/00898
Décision : 08/213
Date : 28/08/2008
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 21/02/2007
Décision antérieure : CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 25 février 2010
Numéro de la décision : 213
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3307

TGI BEAUVAIS (1re ch.), 28 août 2008 : RG n° 07/00898 ; jugement n° 08/213

(sur appel CA Amiens (1re ch. 1re sect.), 25 février 2010 : RG n° 08/04621)

 

Extraits : 1/ « Aucun contrat d'abonnement des époux X. au service des eaux de la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE n'a été produit aux débats. Au soutien de leurs prétentions, tant la commune que les demandeurs se réfèrent expressément au règlement du service des eaux, en date du 1er avril 1905, ainsi qu'à la délibération du Conseil municipal de la commune, en date du 13 avril 1958, modifiant l'article 3 du règlement. À défaut de contrat d'abonnement ou de tout autre document contractuel, les parties considèrent donc que la relation de droit privé existant entre eux est régie par le règlement du service des eaux de 1905, dont l'article 3 a été modifié en 1958. »

2/ « La circonstance que la commune ait choisi de ne pas concéder son service de distribution de l'eau ne saurait en aucun cas justifier que les charges incombant au concessionnaire soient de ce seul fait transférées à l'abonné, dès lors que les travaux d'entretien et de réparation jusque et y compris le compteur incombent à la commune. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 28 AOÛT 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/00898. Jugement n° 08/213.

 

DEMANDEURS :

Monsieur X.

le [date] à [ville], Peintre, [adresse],

Madame X.

née le [date] à [ville], Chauffeur de car, demeurant [adresse],

Représentés par la SCP SABLON LEEMAN BERTHAUD ANDRIEU, avocats au barreau de BEAUVAIS, avocat postulant et la SCP BETHUNE DE MORO POUSSET, avocat au barreau de Charente, avocat plaidant

 

DÉFENDERESSE :

COMMUNE DE SAINT JUST EN CHAUSSÉE

[adresse], représentée par la SCP GARNIER-ROUCOUX-PERES-PAVIOT, avocats au barreau de BEAUVAIS

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats à l'audience publique du 23 juin 2008, Monsieur Jean TABOUREAU, Juge siégeant en qualité de Juge unique, assisté de Madame Pascale ROSY-HIMBER, Greffier.

L'affaire a été mise en délibéré au 23 juin 2008 puis prorogée au 28 août 2008.

Jugement rendu le 28 août 2008 par mise à disposition au greffe par Monsieur Jean TABOUREAU, Président, assistée de Madame Pascale ROSY-HIMBER, Greffier,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE, FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour l'exposé des faits, de la procédure, des demandes et des moyens des parties, il est référé, conformément à l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile :

- au jugement d'incompétence du Tribunal Administratif d'AMIENS, rendu le 21 décembre 2006,

- à l'assignation en date du 21 février 2007,

- aux conclusions signifiées le 22 janvier 2008 pour Monsieur X. et Madame X.,

- et aux conclusions signifiées le 8 octobre 2007 pour la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2008.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire, il est rappelé que le Tribunal Administratif a jugé qu'en raison des liens de droit privé existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître de l'action formée par l'usager contre les personnes participant à l'exécution du service [...]. Qu'en l'espèce, les requérants sont des usagers du service de distribution d'eau de la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE qui constitue un service public industriel et commercial ; qu'il est constant que les dommages litigieux ont été causés par une fuite survenue sur le branchement particulier desservant l'immeuble des requérants [...].

 

Sur les responsabilités :

Aucun contrat d'abonnement des époux X. au service des eaux de la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE n'a été produit aux débats.

Au soutien de leurs prétentions, tant la commune que les demandeurs se réfèrent expressément au règlement du service des eaux, en date du 1er avril 1905, ainsi qu'à la délibération du Conseil municipal de la commune, en date du 13 avril 1958, modifiant l'article 3 du règlement.

À défaut de contrat d'abonnement ou de tout autre document contractuel, les parties considèrent donc que la relation de droit privé existant entre eux est régie par le règlement du service des eaux de 1905, dont l'article 3 a été modifié en 1958.

Selon l'article 2 du règlement du service des eaux, en date du 1er avril 1905, l'eau livrée par des branchements particuliers est amenée chez le concessionnaire au moyen d'une canalisation spéciale, et la quantité de consommation est établie au [minute page 3] moyen d'un compteur.

Selon l'article 3 de ce règlement, le coût de l'installation de prises d'eau particulières est, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des propriétés, entièrement à la charge du concessionnaire. Les travaux d'installation, d'entretien ou de réparation depuis la canalisation de la ville jusque et y compris le compteur sont toutefois exécutés par les soins de l'administration municipale tout en étant à la charge du concessionnaire. Les autres travaux pourront être confiés à un entrepreneur du choix du concessionnaire mais seront toujours exécutés sous la surveillance d'un employé de l'administration nommée à cet effet.

Selon l'article 3 modifié le 13 février 1958, les frais d'entretien ou de réparation des branchements, depuis la canalisation principale jusqu'à la limite des propriétés, seront supportés par la commune qui, en compensation, réclamera aux abonnés une redevance semestrielle de [...]

Il est pour le moins surprenant que la commune ne fasse pas la distinction entre un concessionnaire de service public et un abonné, au point de prétendre que les abonnés au service de l'eau seraient des concessionnaires.

Le Tribunal renvoie la commune à la définition proposée par les époux X., communément consacrée par la jurisprudence : il y a concession de service public lorsqu'une personne publique (l'autorité concédante) confie contractuellement la charge d'assurer, pendant une durée déterminée, l'exécution du service à une personne (privée ou publique), qu'elle a librement choisi (concessionnaire).

Le concessionnaire doit assurer le service à ses frais et risques, conformément aux prescriptions d'un cahier des charges et sa rémunération résulte du produit des redevances qu'il perçoit conformément à un tarif sur les usagers du service.

La commune soutient que cette définition du concessionnaire, telle qu'utilisée dans le langage juridique actuel, ne peut être transposée à l'identique pour comprendre un règlement rédigé en 1904.

Or, si le rédacteur du règlement de 1904 a pris soin de faire une distinction entre l'administration municipale, le concessionnaire et l'abonné, c'est bien que distinction il y a, et non pas confusion, à tel point d'ailleurs que l'article 5 précise que le coût du compteur, les frais d'entretien, de réparation et de remplacement sont à la charge de l'abonné.

La circonstance que la commune ait choisi de ne pas concéder son service de distribution de l'eau ne saurait en aucun cas justifier que les charges incombant au concessionnaire soient de ce seul fait transférées à l'abonné, dès lors que les travaux d'entretien et de réparation jusque et y compris le compteur incombent à la commune.

La délibération du 27 mars 1958 n'y a rien changé : la circonstance que les frais d'entretien ou de réparation des branchements, depuis la canalisation principale jusqu'à la limite des propriétés, soient supportées par la commune, est sans effet sur le présent litige, dès lors que la fuite litigieuse s'est déclarée sur la partie du branchement située au-delà de la limite de propriété.

[minute page 4] La délibération du 27 mars 1958 n'a pas supprimé l'article 3 issu du règlement de 1904, mais l'a modifié. En conséquence, les dispositions prévoyant que les travaux d'entretien ou de réparation depuis la canalisation de la ville jusque et y compris le compteur sont exécutées par les soins de l'administration municipale tout en étant à la charge du concessionnaire reste inchangées, à tout le moins pour la partie du branchement allant de la limite de propriété au compteur.

Ce dont il résulte que, en l'absence de concessionnaire, les travaux d'entretien ou de réparation jusque et y compris le compteur doivent être exécutés et sont à la charge de l'administration communale.

De plus, la commune se contredit elle-même en écrivant « que concernant le service public de distribution de l'eau, il est indéniable que celui-ci incombe à la commune, qui peut toutefois le déléguer à des personnes privées, dans le cadre notamment d'une concession. Que ce service comprend la production le transport le stockage de la distribution de l'eau jusqu'au branchement et compteur des usagers ».

Cette définition, qui ne paraît pas devoir être critiquée, démontre que la commune fait parfaitement la différence entre un concessionnaire de service public et un abonné, et qu'elle est de mauvaise fois lorsqu'elle tente d'assimiler les abonnés du service des eaux à un concessionnaire, à la seule fin de s'exonérer de sa responsabilité.

Enfin, si le Tribunal devait suivre les explications de la commune, il en résulterait que, en cas d'absence d'entretien par l'abonné de la partie du branchement allant de la limite de propriété au compteur, la commune se verrait dans l'obligation de supporter le coût des fuites pouvant résulter de ce défaut d'entretien, dès lors que le compteur, situé en aval, ne permettrait pas d'enregistrer et donc de facturer les surconsommations d'eau résultant de ces fuites.

Or, il est peu probable que la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE, qui est nécessairement soucieuse de la bonne gestion du service de l'eau, puisse accepter de faire supporter par la collectivité la négligence de quelques-uns.

En conséquence, dans le cas de l'espèce, les réparations devaient être exécutées par la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE, qui devait en supporter la charge.

Par ailleurs, la commune ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir que le hall d'exposition n'existait pas lorsque le branchement a été posé, alors d'une part que cette affirmation n'est assortie d'aucune offre de preuve, et que d'autre part le compteur d'eau, qui se trouvait en 2001 dans les toilettes du rez-de-chaussée, a nécessairement été posée par les services de la commune, qui n'ont donc pas pu ignorer que son branchement passait sous l'immeuble.

Ce faisant, la commune se devait d'assumer les conséquences d'une situation qu'elle avait acceptée en toute connaissance de cause, d'une part en délivrant le permis de construire au propriétaire de l'époque, d'autre part en posant le compteur à l'intérieur de l'immeuble.

 

Sur l'origine de la fuite et sur les travaux de réparation :

L'expert d'AXA ASSURANCES, après avoir organisé une réunion [minute page 5] contradictoire sur les lieux le 18 janvier 2002, a conclu que la fuite du 28 septembre 2001 provenait du branchement enterré entre la limite de propriété et le compteur appartenant à la commune, ce qui n'est pas contesté.

L'expert a constaté lors de cette réunion qu'une partie de la cave et du rez-de-chaussée, ainsi que du matériel, avaient été endommagés.

Il est constant que la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE a refusé d'intervenir, arguant que les travaux étaient à la charge des époux X., au motif erroné que ceux-ci auraient été concessionnaires du branchement situé en amont du compteur d'eau.

La commune est finalement intervenue huit mois après la déclaration de sinistre, les 12 et 13 juin 2002, uniquement pour réhabiliter le branchement jusqu'à la limite de propriété, après que Monsieur X. se soit résolu à poser lui-même un nouveau branchement en PVC pour résorber la fuite.

Il est donc établi que la commune a failli à son obligation de réparer.

Et ce d'autant plus que, en application de l'article 3 du règlement municipal de 1904, l'obligation de réparer et l'obligation de supporter le coût de la réparation sont deux obligations distinctes dont la première incombe à la commune, qui d'ailleurs ne le conteste pas, de telle sorte que la commune avait l'obligation de remettre en état le branchement fuyard, indépendamment du litige qui l'oppose aux époux X., qui porte sur la charge du coût de cette réparation.

Dès lors, il lui incombe de réparer le préjudice des époux X., résultant du manquement à son obligation.

 

Sur la réparation du préjudice :

Au titre du mobilier, les époux X. exposent avoir subi une perte de 5.952 €, sans pour autant en justifier, aucune facture n'étant versée aux débats. Il y a donc lieu de retenir une estimation proposée par l'expert d'AXA, soit la somme de 1.438 € au titre du matériel et du mobilier.

L'évaluation du préjudice résultant de la dégradation des murs et des sols est suffisamment justifié par le devis détaillé que les époux X. versent aux débats étant observés que la somme de 1.000 € proposée par l'expert de la compagnie d'assurances n'est pas sérieuse, eu égard à l'ampleur des dégradations.

L'évaluation du coût des réparations des sols et des murs peut donc être fixée à la somme de 32.636 €.

La commune ne saurait par contre être tenue des conséquences indirectes du manquement à son obligation de réparer : elle n'a en effet pas à supporter les conséquences de la décision des époux X. d'aller vivre en CHARENTE et de la difficulté qui en [est résulté] pour louer le local, compte tenu de son état de dégradation et d'insalubrité.

[minute page 6] Les époux X. seront donc déboutés de leur demande de ce chef, ainsi que de celle au titre du préjudice moral, qui [n'est] pas justifié.

Au total, la commune sera condamnée à leur payer la somme de 34.074 €, augmentée des intérêts de droit au jour de l'assignation.

L'équité commande de condamner la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE à payer aux époux la somme de 1.800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Compte tenu de l'ancienneté du litige, l'exécution provisoire doit être ordonnée à hauteur de 50 % des sommes dues au titre de l'indemnisation des préjudices et de 100 % des sommes dues au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE à payer aux époux X. la somme de 34.074 €, augmentée des intérêts de droit au jour de l'assignation ;

DÉBOUTE les époux X. du surplus de leur demande ;

CONDAMNE la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE à payer aux époux la somme de 1.800 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la commune de SAINT JUST EN CHAUSSÉE aux dépens, qui pourront être recouvré par la SCP SABLON LEEMAN BERTHAUD, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur de 50 % des sommes dues au titre de l'indemnisation des préjudices et de 100 % de la somme due au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Et le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER         LE PRESIDENT