CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 25 février 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2393
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 25 février 2010 : RG n° 08/04621
Publication : Jurica
Extrait : « Il est acquis aux débats : * que le texte qui régit les rapports entre le service municipal des eaux de Saint-Just-en -Chaussée et les usagers est l'arrêté du conseil municipal de cette commune intitulé « Règlement du service des eaux » en date des 16 et 19 septembre 1904, modifié par délibérations des 13 février 1958 et 9 décembre 1949 ; * que la fuite à l'origine des dommages est survenue sur la partie du branchement particulier constitué par la canalisation allant de la conduite principale jusqu'au compteur de l'abonné, située sur la propriété des époux X. Le problème est donc de savoir au regard des dispositions de l'arrêté précité qui de la commune ou des époux X. est chargé de l'entretien de ce branchement particulier et qui doit en assumer le coût.
La cour considère également que l'article 3 tel qu'il vient d'être interprété ne constitue pas une clause abusive, l'administration en ce qu'elle se réserve la réalisation des travaux d'installation, d'entretien ou de réparation sur la partie du branchement situé entre la limite de propriété et le compteur ne bénéficiant d'aucune clause exonératoire de responsabilité car elle reste tenue comme tout entrepreneur, vis-à-vis de l'usager débiteur du paiement de la prestation , d'une obligation de résultats ».
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/04621. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS du 28 août 2008.
APPELANTE :
COMMUNE DE SAINT JUST EN CHAUSSÉE
agissant en la personne de son maire en exercice, [adresse], représentée par Maître Jacques CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Maître PERES, avocat au barreau de BEAUVAIS
INTIMÉS :
Monsieur X.
[adresse], [minute Jurica page 2]
Madame Y. épouse X.
[adresse],
représentés par la SCP MILLON - PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Maître POUSSET avocat au barreau de CHARENTES.
DÉBATS : Audience publique du 7 janvier 2010, devant : Madame BELFORT, Président, entendue en son rapport, Madame CORBEL et Madame PIET, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 février 2010.
GREFFIER : M. DROUVIN
ARRÊT : PRONONCÉ PUBLIQUEMENT le 25 février 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Madame BELFORT, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur et Madame X. sont propriétaire d'une maison sise [adresse]. En septembre 2001, ils ont subi une rupture de canalisation avant compteur et en partie enterrée, le compteur se trouvant à l'époque dans les toilettes du rez-de-chaussée et la canalisation étant située sur leur propriété.
Malgré l'intervention des services techniques municipaux, la fuite a perduré.
Les époux X. ont alors demandé à plusieurs reprises une nouvelle intervention des services municipaux que la commune a refusé au motif que la rupture de la canalisation était située sur une propriété privée.
Les époux X. ayant fait une déclaration de sinistre à leur assureur AXA, l'expert de celui-ci procédait à une expertise le 18 février 2002 au contradictoire des représentants municipaux et demandait à nouveau à ceux-ci [minute Jurica page 3] de prendre les mesures nécessaires à la fin des dégâts causés par l'eau dans la propriété X., renouvelait cette demande par lettre AR du 19 avril 2002 puis par courrier du 21 mai 2002.
Les époux X. ont alors réalisé une tranchée afin de mettre en place une nouvelle canalisation et la commune a fait poser en juin 2002 un compteur à l'extérieur de leur propriété.
Leur compagnie d'assurance, de même que la commune refusant de prendre en charge le montant des réparations intérieurs causés par la fuite, les époux X. ont assigné cette dernière en responsabilité devant le tribunal administratif d'Amiens qui dans un jugement du 21 décembre 2006 s'est déclaré incompétent, les époux X. étant des usagers du service de distribution d'eau de la commune qui constitue pour cette dernière un service public industriel et commercial et les dommages en cause étant la conséquence d'une fuite survenue sur le branchement particulier desservant l'immeuble des requérants.
Par acte du 21 février 2007, les époux X. ont assigné la Commune de Saint-Just-en -Chaussée devant le tribunal de grande instance de Beauvais en responsabilité.
Par un jugement du 28 août 2008, cette juridiction a :
- condamné la commune de Saint-Just-en-Chaussée à payer aux époux X. une somme de 34.074 euros, augmentée des intérêts de droit au jour de l'assignation,
- débouté les époux X. du surplus de leurs demande ;
- condamné la commune de Saint-Just-en Chaussée à payer aux époux X. une indemnité de 1.800 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens avec distraction au profit de la SCP SABLON LEEMAN BERTHAUD, l'exécution provisoire de cette décision étant ordonnée à hauteur de 50 % des sommes dues au titre de l'indemnisation des préjudices et de 100 % de la somme due au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par déclaration déposée le 24 octobre 2008, la Commune de Saint-Just-en Chaussée a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 4 septembre 2009, cette commune demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de condamner les époux X. à lui rembourser la somme de 18.837 euros. A titre subsidiaire, l'appelante demande de ramener le préjudice à hauteur de 2.438 euros et de condamner les intimés à lui rembourser la somme de 16.399 euros. Dans tous les cas, la Commune sollicite la condamnation des époux X. à lui payer une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître CAUSSAIN, avoué.
Dans leurs dernières écritures du 23 septembre 2009, les époux X. demande à la cour la confirmation de la décision entreprise s'agissant de la reconnaissance de responsabilité de la commune, de déclarer recevable leur appel incident pour le surplus et de condamner l'appelante à leur payer une somme de 68.552 euros tous chefs de préjudice confondus avec intérêts au taux légal sur la somme de 65.385,26 euros à compter du 21 septembre 2004 et à compter de la date des conclusions pour le surplus. Les époux X. réclament également l'allocation d'une indemnité de 4.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, l'exécution provisoire de la décision à intervenir et la condamnation de l'appelante à tous les dépens avec distraction au profit de la SCP MILLON PLATEAU, avoué à la cour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
* Sur l'interprétation de l'arrêté du conseil municipal des 16 et 19 septembre 1904 :
[minute Jurica page 4] Il est acquis aux débats :
* que le texte qui régit les rapports entre le service municipal des eaux de Saint-Just-en -Chaussée et les usagers est l'arrêté du conseil municipal de cette commune intitulé « Règlement du service des eaux » en date des 16 et 19 septembre 1904, modifié par délibérations des 13 février 1958 et 9 décembre 1949 ;
* que la fuite à l'origine des dommages est survenue sur la partie du branchement particulier constitué par la canalisation allant de la conduite principale jusqu'au compteur de l'abonné, située sur la propriété des époux X.
Le problème est donc de savoir au regard des dispositions de l'arrêté précité qui de la commune ou des époux X. est chargé de l'entretien de ce branchement particulier et qui doit en assumer le coût.
La commune de Saint-Just-en Chaussée soutient que dans l'article 3 de l'arrêté précité qui dispose que « les travaux d'installation, d'entretien et de réparation depuis la canalisation de la Ville jusques et y compris le compteur sont exécutés par les soins de l'administration municipale tout en étant à la charge du concessionnaire », ce terme « concessionnaire » désigne l'usager ; que l'interprétation de cet arrêté devant s'effectuer à la date de cet acte administratif, la définition jurisprudentielle actuelle de ce terme n'est pas à retenir, la notion de concession de service public n'ayant été consacrée de manière autonome par le Conseil d'Etat qu'à partir de l'arrêt Thérond, c'est-à-dire en 1910 ; qu'en 1904, seule existait la concession de travaux publics, notion qui n'est pas présentement en cause ; que le terme ne peut s'entendre dans l'arrêté litigieux que comme concession d'utilisation du domaine public ; qu'en conséquence le concessionnaire dans l'arrêté est le titulaire du droit de prise d'eau c'est-à-dire l'usager ce qui est confirmé par les articles 1 et 2 de l'arrêté ; que considérer l'abonné et le concessionnaire comme deux personnes distinctes n'a pas de sens car aux termes de l'alinéa 2 de l'article 9, seuls les abonnés sont responsables envers les tiers de tous dommages auxquels leur installation intérieure à partir de la limite de leur propriété pourrait donner lieux même dépendant de la force majeure, ce qui dans l'hypothèse d'une dualité de personnes dégagerait le concessionnaire de toute responsabilité même s'il laissait dépérir les installations ; qu'en conséquence, il appartenait aux époux X. de prendre en charge les frais de réparation de la canalisation défectueuse ce qu'ils se sont toujours refusés de faire, la commune ne prenant en charge que les frais de réparation des branchements jusqu'à la limite de propriété.
Les époux X. soutiennent qu'en l'espèce, le concédant et le concessionnaire sont à Saint-Just-en-Chaussée, la même personne, le règlement de 1904 faisant une distinction nette entre l'administration municipale, le concessionnaire et l'abonné et faisant explicitement référence à l'acte de concession ; que l'essence même du concessionnaire est sa participation directe à l'exécution du service public ; qu'en l'absence de concession, cette activité revient à la personne publique ; qu'ils ne sauraient être considérés comme concessionnaires, faute de contrat de concession leur confiant une part de la distribution d'eau ; qu'en tout état de cause, la clause dans l'interprétation de l'appelante serait abusive, l'usager n'ayant aucune possibilité d'accéder au réseau concerné sur sa propriété pour vérifier la qualité des travaux réalisés par l'administration, celle-ci bénéficiant par la même d'une clause exonératoire de responsabilité ; qu'enfin le juge administratif d'Amiens a jugé dans son jugement d'incompétence qu'ils étaient simples usagers et non concessionnaires.
Il est constant que le juge, pour l'interprétation d'un acte administratif doit se placer à la date de celui-ci.
S'il y a aujourd'hui concession d'un service public lorsqu'une personne publique (l'autorité concédante) confie contractuellement la charge d'assurer, pendant une durée déterminée, l'exécution du service à une personne (privée ou publique) qu'elle a librement choisie (le concessionnaire), cette définition contemporaine n'est pas applicable à l'interprétation d'un arrêté datant de 1904, la concession au XIXe siècle ne portant que sur la construction d'ouvrage dont l'exploitation était assurée par le concessionnaire à ses frais et remis gratuitement à la collectivité concédante à l'issue du contrat de concession, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu’il est acquis que la Commune de Saint-Just-en-Chaussée a toujours exploité le service municipal de l'eau en régie directe.
[minute Jurica page 5] Il convient donc de rechercher par une analyse de l'ensemble des dispositions de l'arrêté quel sens la Commune a souhaité donner au terme « concessionnaire » qui est le nœud du litige.
Le règlement dispose :
- dans son article 1 que « l'eau est fournie aux habitants 1° par des branchements particuliers » ;
- dans son article 2 que « l'eau livrée par des branchements particuliers est amenée chez le concessionnaire au moyen d'une canalisation spéciale et la quantité de consommation est établie au moyen d'un compteur » ;
- dans son article 3 « En dehors des conditions consenties par le conseil municipal dans sa séance du 3 juillet 1903 en faveur des 125 premiers abonnements, le coût de l'installation des prises d'eau particulières est, tant à l'intérieur, qu'à l'extérieur des propriétés entièrement à la charge du concessionnaire. Les travaux d’installation, d'entretien ou de réparation depuis la canalisation de la Ville jusques et y compris le compteur sont toutefois exécutés par les soins de l'Administration Municipale tout en étant à la charge du concessionnaire. Les autres travaux pourront être confiés à un entrepreneur du choix du concessionnaire mais seront toujours exécutés sous la surveillance d'un employé de l'Administration nommé à cet effet. Aucun changement de robinets, tuyaux desservant la concession, ni aucun travail nouveau ne pourront être entrepris sans l'autorisation préalable de l'Administration qui pourra faire inspecter l'installation et tout ce qui s'y rattache chaque fois qu'elle le jugera nécessaire ».
L'avenant issu de la délibération du 13 février 1958 à l'arrêté litigieux a modifié la charge de l'entretien ou de réparation des branchements en ne laissant au concessionnaire que ceux concernant la partie du branchement situé à l'intérieur des propriétés, la commune supportant la charge pour la partie située entre la canalisation principale et la limite de propriété.
Le concessionnaire de ce « branchement privé » construit et surveillé par la Ville et payé par lui, s'il dispose ainsi d'un droit à l'eau, doit pour l'exercer faire une demande d'abonnement (article 4 du règlement), d'une durée minimum d'un an et de 5 ans au plus. Cet abonnement est « attaché à la propriété » et la vente de celle-ci n'entraîne pas sa résiliation sauf avis contraire donnée par l'une ou l'autre des parties dans un délai déterminé.
L'approvisionnement pourra être suspendu en cas de décès entraînant la fermeture de la propriété ou inoccupation pendant au moins 6 mois.
L'abonné utilise un compteur du système adopté par la Ville ; le coût du compteur, les frais de son entretien, de réparation et de remplacement sont à la charge de l'abonné mais les travaux sont toujours exécutés par la Ville (article 5).
L'article 6 prévoit le prix de l'eau et l'article 7 les modalités de son paiement perçu directement par l'Administration Municipale.
L'article 9 dispose que les abonnés sont seuls responsables envers les tiers de tous les dommages auxquels leur installation intérieure à partir de la limite extérieure de propriété pourrait donner lieu, même dépendant de force majeure. Seuls les agents chargés du service des eaux peuvent faire usage de clefs pour manœuvrer les robinets extérieurs des branchements.
La cour considère que pour donner une cohérence d'ensemble à ces dispositions, le terme « concessionnaire » doit s'entendre de l'usager du service de l'eau puisque c'est celui à qui est livrée l'eau à l'aide de « branchements particuliers », branchements dont le coût lui incombe sauf pour les 125 premiers abonnés ; que ce concessionnaire est également abonné dès lors qu'il formule une demande d'abonnement à la Ville, cet abonnement ayant pour conséquence de le rendre responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés par la partie du branchement particulier situé sur sa propriété.
La distinction entre le concessionnaire et l'abonné faite dans l'arrêté litigieux correspond à deux situations juridiques distinctes de l'usager : le concessionnaire est titulaire d'un droit à l'eau car il bénéficie d'un [minute Jurica page 6] branchement particulier jusqu'à sa propriété ; l'abonné est celui qui bénéficie effectivement de l'approvisionnement en eau à la suite d'une demande d'abonnement et de la pose d'un compteur. L'abonné en cas de résiliation de son abonnement n'est pas privé du droit à la livraison de l'eau que lui permet son branchement particulier.
Considérer ainsi que l'ont fait les premiers juges et que le soutiennent les époux X. que l'Administration Municipale devient le « concessionnaire » lorsque aucun contrat n'est passé par cette collectivité avec un tiers pour l'exploitation du service de l'eau, ne correspond ni à l'esprit ni à la lettre de cet arrêté ; si la commune avait l'intention de concéder son service de l'eau, les dispositions relatives au paiement des fournitures par les usagers directement au régisseur de recettes de la commune ne s'expliquent pas. De plus, il est également surprenant qu'en 1958 soit plus de cinquante ans après le premier règlement, elle n'est pas modifiée substantiellement celui-ci dans l'avenant qu'elle a adopté.
La cour considère également que l'article 3 tel qu'il vient d'être interprété ne constitue pas une clause abusive, l'administration en ce qu'elle se réserve la réalisation des travaux d'installation, d'entretien ou de réparation sur la partie du branchement situé entre la limite de propriété et le compteur ne bénéficiant d'aucune clause exonératoire de responsabilité car elle reste tenue comme tout entrepreneur, vis-à-vis de l'usager débiteur du paiement de la prestation , d'une obligation de résultats .
Aussi, la cour infirme le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que le coût de l'entretien de la partie du branchement particulier situé sur la propriété des époux X. incombait à la Ville de Saint-Just-en-Chaussée.
* Sur la faute de la Commune dans la réparation :
A titre subsidiaire, les époux X. recherchent la responsabilité de la commune appelante sur l'omission fautive de la Commune de procéder aux réparations.
Il a été rappelé ci-avant que si les époux X. avait la charge financière des travaux d'installation, d'entretien et de réparation de la partie du branchement particulier situé sur leur propriété avant le compteur, la réalisation des dits travaux incombent à la Ville (article 3 du règlement).
Il est acquis des débats par les pièces produites que :
- à la suite d'une première déclaration de fuite en septembre 2001, la Ville est intervenue (facture du 19 octobre 2001) ;
- les fuites persistant, les époux X. ont fait une déclaration de sinistre à leur assureur AXA qui a désigné un expert amiable ; celui-ci a organisé le 18 février 2002 une réunion au contradictoire des services municipaux ;
- le 27 février 2002, l'expert adressait une lettre à la mairie de Saint-Just en Chaussée, lui demandant de « mettre en œuvre de toute urgence les mesures nécessaires à mettre fin aux dégâts des eaux que subit notre assuré M. X. » ;
- le 29 mars 2002, les époux X. écrivait en lettre AR à l'expert amiable que les dégâts se poursuivaient, la commune n'étant pas intervenue,
- le 19 avril 2002, ce même expert demandait à la mairie de Saint-Just-en-Chaussée de « procéder dans les plus brefs délais à un branchement provisoire chez Monsieur X. Gabriel afin de limiter les dommages des dégâts des eaux » ;
- la ville de Saint-Just-en-Chaussée a posé un nouveau compteur en juin 2002 ;
- en octobre 2002, l'expert actait que M. X. avait supprimé la fuite.
[minute Jurica page 7] Ce rappel chronologique démontre la carence de la Commune de Saint-Just-en-Chaussée dans son obligation de réparation de la fuite, obligation qui lui incombait en application de l'article 3 du règlement du service des eaux. Alors qu'elle avait pu constater lors de l'expertise amiable contradictoire, à la fois la cause de la fuite et les dommages consécutifs, elle n'a procédé à aucun travaux même provisoires comme le lui recommandait l'expert d'assurance.
La Commune ne peut se réfugier pour justifier sa carence, sur l'interprétation divergente du règlement du service des eaux qui l'opposait aux époux X. dès lors que, quelle que soit celle adoptée, la responsabilité de la réalisation de la réparation lui incombait, seule la charge définitive de son coût étant en litige. De même, elle ne saurait arguer ni de la vétusté du dit branchement, cette vétusté lui incombant dès lors qu'elle était en charge de la surveillance de cette installation, ni de l'impact de la construction sur ce réseau, l'immeuble des époux X. ayant remplacé un bâtiment déjà existant en 1992 lors de leur acquisition. Au surplus, aucune pièce ne vient étayer ces affirmations.
La cour remarque qu'au lieu de faire procéder à une expertise et au chiffrage des travaux de rénovation du branchement en cause, la commune a préféré laisser perdurer la fuite, faisant perdre ainsi à ses administrés une ressource financière non négligeable et imposer dans une lettre du 29 avril 2002 aux époux X. de procéder eux-mêmes à des travaux privatifs de raccordement de leur installation, charge que le règlement n'avait nullement prévu, celui-ci au contraire réservant à l'administration municipale toute intervention sur les branchements particuliers.
Dans ces conditions, la cour considère que la Commune en ne procédant à aucun travaux sur le branchement particulier des époux X. malgré les mises en demeure qui lui ont été délivrées dès février 2002 a commis une faute dans l'exécution de la prestation de service de l'eau due par elle aux époux X., usagers, prestation réglementée par l'arrêté des 16 et 19 septembre 1904.
* Sur la réparation des dommages consécutifs à la fuite :
- au titre du mobilier et du matériel dégradés :
Au vu des différentes pièces produites par les époux X. (inventaire, expertise AXA et constat d'huissier du 24 décembre 2008 avec les photographies jointes en annexe), la cour considère que le préjudice subi par les époux X. de ce chef sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 4.000 euros, le lien de causalité entre l'humidité permanente liée à la fuite et l'état des mobiliers et matériels dégradés étant incontestable ;
- au titre des dégradations des sols et des murs :
Compte tenu du constat d'huissier du 24 décembre 2008, du devis de l'entreprise G. du 4 août 2003 et de l'augmentation de l'indice du coût de la construction, la cour considère qu'une indemnité de 42.200 euros TTC réparera ce préjudice, les locaux des époux X. ayant été sinistré à l'extrême limite de l'insalubrité, les moisissures affectant tous les murs et les carrelages et plinthes étant décollés ou fissurés en raison de l'humidité remontant du sol.
- au titre du préjudice économique :
La cour, par adoption des motifs des premiers juges qu'elle considère pertinents, rejette la demande d'indemnisation de ce chef.
- au titre du préjudice moral :
La cour considère comme les premiers juges que le préjudice moral sont se plaignent les époux X. n'est pas justifié.
En définitive, la cour alloue aux époux X. une somme de 46.200 euros à titre de dommages [minute Jurica page 8] intérêts au taux légal à compter de la présente décision, ces dommages et intérêts ayant été appréciés au jour de la présente décision.
L'équité commande enfin d'allouer aux époux X. une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile qui sera supportée par l'appelante qui est également condamnée aux dépens avec distraction au profit de la SCP MILLON PLATEAU.
Le présent arrêt étant exécutoire de droit, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'exécution provisoire formée par les époux X.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant après débats publics, contradictoirement, en dernier ressort et par décision mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du 28 août 2008 du tribunal de grande instance de Beauvais,
Statuant à nouveau,
Dit que la Commune en ne procédant à aucun travaux sur le branchement particulier des époux X. malgré les mises en demeure qui lui ont été délivrées dès février 2002 a commis une faute dans l'exécution de la prestation de service de l'eau due par elle aux époux X., usagers, prestation réglementée par l'arrêté des 16 et 19 septembre 1904 ;
Condamne la Commune de Saint Just en Chaussée à payer aux époux X. une somme de 46.200 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la Commune de Saint Just en Chaussée aux entiers dépens ;
Fait application de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de la SCP MILLON PLATEAU, société d'avoués pour la part des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir préalablement reçu provision.
Le Greffier, Le Président,
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