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TI EVREUX, 13 juin 2008

Nature : Décision
Titre : TI EVREUX, 13 juin 2008
Pays : France
Juridiction : Evreux (TI)
Demande : 11-08-000145
Date : 13/06/2008
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 6/02/2008
Décision antérieure : CA ROUEN (ch. proxim.), 10 mars 2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3406

TI ÉVREUX, 13 juin 2008 : RG n° 11-08-000145

(sur appel CA Rouen (ch. proxim.), 10 mars 2011 : RG n° 10/03459)

 

Extrait : « La jurisprudence (voir notamment arrêts Cour de cassation chambre commerciale des 9 juillet 2002 et 10 mars 2004) distingue le contrat de déménagement du contrat de transport en ce que son objet n'est pas limité au déplacement de la marchandise mais comporte d'autres prestations comme le fait de démonter et remonter des meubles. Elle l'assimile alors à un louage de services soumis aux dispositions des articles 1787 et suivants du code et excluant l'application des dispositions du Code de Commerce notamment en ce qui concerne la prescription annale. […]

De ce fait, le contrat litigieux ne saurait être qualifié de contrat de transport et d'ailleurs il y est stipulé dans les conditions générales de vente qu'il s'agit d'un contrat de déménagement.

En conséquence, la Société VARILLON DEMECO et son assureur ne sauraient opposer au demandeur la prescription annale de l'ancien article 108 du Code de Commerce quand bien même ce délai serait stipulé au contrat, dès lors qu'il ressort des dispositions conventionnelles que le renvoi aux règles du code de commerce résulte d'une confusion entre le contrat de transport et le contrat de déménagement et alors qu'aucune autre mention au contrat ne permet d'établir que Monsieur X., qui n'est pas commerçant, ait entendu renoncer aux règles de la prescription de droit commun applicable en matière de responsabilité contractuelle.

La Société VARILLON-DEMECO et les AGF seront donc déboutées de leurs conclusions aux fins d'irrecevabilité. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL D’INSTANCE D’ÉVREUX

JUGEMENT DU 13 JUIN 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-08-000145. PRONONCÉ PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE LE 13 JUIN 2008 ET SIGNÉ PAR Mme Leila GOUTAS, PRÉSIDENT, Mme DUMONT Muriel GREFFIER en vertu de l'article 454 Modifié du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DEMANDEUR(S) :

Monsieur X.

[adresse], représenté(e) par Maître CAPITAINE Rose-Marie, avocat au barreau de DIEPPE

 

DÉFENDEUR(S) :

SOCIÉTÉ VARILLON

[adresse], représenté(e) par Maître LAERI Olivier, avocat au barreau de NEUILLY SUR SEINE

AGF

[adresse], représenté(e) par Maître LAERI Olivier, avocat au barreau de NEUILLY SUR SEINE

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Mme Leila GOUTAS

Greffier : Mme Muriel DUMONT

DÉBATS : Audience publique du 14 mai 2008

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 15 mars 2002, Monsieur X. a fait appel à la Société VARILLON DEMECO pour procéder à son déménagement de [ville] (76) à [ville] (06). Dans ce cadre, il a souscrit une assurance afin de garantir son mobilier lors du déménagement. Par avenant en date du 8 mars 2002, Monsieur X. a demandé à bénéficier d'une garantie plus importante.

A l'issue du déménagement, les 19, 20 et 21 mars 2002, Monsieur X. a constaté que certains meubles et objets avaient été endommagés lors du transport.

N'obtenant pas satisfaction quant à ses demandes d'indemnisation, ce, malgré de nombreux pourparlers et deux expertises, Monsieur X. a  par acte d'huissier en date du 6 février 2008, fait citer devant ce Tribunal la Société VARILLON-DEMECO aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes outre les dépens :

- 3.953,65 euros à titre de dommages et intérêts,

- 4.000 euros pour résistance abusive et préjudice de jouissance,

- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Après plusieurs renvois, l'affaire a été évoquée à l'audience du 14 mai 2008.

A ladite audience, Monsieur X. représenté par son avocat a maintenu l'intégralité de ses demandes.

Au soutien de ses prétentions, il a exposé que le contrat le liant à la Société VARILLON est un contrat de déménagement et qu'à ce titre la défenderesse doit répondre de toutes les pertes et avaries affectant les objets qui lui ont été confiées, étant tenue d'une obligation de résultat. Il a fait valoir que le manquement de l'entreprise de déménagement à ses obligations contractuelles est établi par le seul constat qu'il existe une divergence entre l'état des meubles avant le déménagement et après.

Il ajoute qu'il subit un préjudice du fait de la dégradation et de la perte de son mobilier outre un préjudice de jouissance découlant de ce qu'il ne peut plus les utiliser conformément à leur destination et leur usage.

S'agissant des demandes reconventionnelles formulées tant par la Société VARILLON-DEMECO que par la compagnie d'assurances AGF, intervenant volontairement à la procédure, il a sollicité leur débouté en précisant que l'exception de procédure fondée sur l'article 108 du code de Commerce prévoyant un délai de prescription d'un an pour intenter une action pour avaries, perte ou retard contre le voiturier dans le cadre d'un contrat de transport, n'est pas applicable au cas d'espèce;

En réplique, La Société VARILLON-DEMECO et son assureur, la Société ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE (AGF) ont conclu à l'irrecevabilité des prétentions du demandeur en invoquant la prescription annale applicable en matière de transport rappelée par l'article 15 des conditions générales de vente du contrat la liant à Monsieur X.

Elles ont soutenu que le demandeur avait attendu 5 ans avant de diligenter une action en justice et qu'il était le seul responsable de son trouble de jouissance, ayant refusé les propositions d'indemnisations qui lui avaient été faites.

[minute page 3] Reconventionnellement, elles ont sollicité sa condamnation aux dépens et à une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile.

La décision a été mise en délibéré au 13 juin et rendue par mise à disposition au greffe.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la prescription annale invoquée par la Société VARILLON et les AGF :

La jurisprudence (voir notamment arrêts Cour de cassation chambre commerciale des 9 juillet 2002 et 10 mars 2004) distingue le contrat de déménagement du contrat de transport en ce que son objet n'est pas limité au déplacement de la marchandise mais comporte d'autres prestations comme le fait de démonter et remonter des meubles. Elle l'assimile alors à un louage de services soumis aux dispositions des articles 1787 et suivants du code et excluant l'application des dispositions du Code de Commerce notamment en ce qui concerne la prescription annale.

En l'espèce, il résulte des pièces versées à la procédure notamment de la facture en date du 15 mars 2002 et de la lettre de voiture en date du 19 mars 2002 que la prestation offerte par la Société VARILLON incluait non seulement le transport du mobilier de Monsieur X. mais comportait également des opérations de manutentions.

De ce fait, le contrat litigieux ne saurait être qualifié de contrat de transport et d'ailleurs il y est stipulé dans les conditions générales de vente qu'il s'agit d'un contrat de déménagement.

En conséquence, la Société VARILLON DEMECO et son assureur ne sauraient opposer au demandeur la prescription annale de l'ancien article 108 du Code de Commerce quand bien même ce délai serait stipulé au contrat, dès lors qu'il ressort des dispositions conventionnelles que le renvoi aux règles du code de commerce résulte d'une confusion entre le contrat de transport et le contrat de déménagement et alors qu'aucune autre mention au contrat ne permet d'établir que Monsieur X., qui n'est pas commerçant, ait entendu renoncer aux règles de la prescription de droit commun applicable en matière de responsabilité contractuelle.

La Société VARILLON-DEMECO et les AGF seront donc déboutées de leurs conclusions aux fins d'irrecevabilité.

 

Sur la responsabilité de la Société VARILLON et la demande de dommages et intérêts :

Aux termes de la lettre de voiture en date du 19 mars 2002, Monsieur X. a fait état de diverses réserves à la réception de son mobilier.

Ainsi a t'il constaté qu'une bougie de sa coiffeuse a été tordue, un cache pot a été cassé, un lustre a été dégradé, un abat jour, déchiré, un bureau a été abîmé ainsi qu'un meuble sacristie a été cassé et recollé.

Par la suite le demandeur a, les 20 mars et 21 mars 2002, adressé un nouveau courrier à l'entreprise de déménagement pour émettre de nouvelles réserves concernant un frigo américain, un lustre Baccarat, une pendule, une table de toilette restitués en mauvais état et a déclaré la disparition des 4 bouchons de carafe de sa cave à liqueur.

Ces pertes et dégradations n'ont pas été contestées par l'entreprise de déménagement qui, à [minute page 4] l'issue d'une expertise amiable diligentée à l'initiative de son assureur, les AGF, a proposé à Monsieur X. une indemnisation à hauteur de 2.483,66 euros (soit dans un premier temps une somme de 1.647 euros puis une indemnité complémentaire de 836,66 euros).

La Société VARILLON étant tenue d'une obligation de résultat, sa responsabilité contractuelle est engagée par le seul constat que certains objets confiés lors du transport ont soit été restitués endommagés, soit perdus.

La défenderesse et son assureur, qui ne contestent pas le principe du droit à indemnisation de Monsieur X., se fondent sur une expertise réalisée par le cabinet TEXA le 31 octobre 2002 pour contester le montant des dommages et intérêts réclamés par le requérant.

Il ressort de cette pièce que le préjudice de ce dernier a été estimé à la somme 1.647 euros.

Or, il apparaît que cette indemnisation ne prend nullement en compte la valeur réelle et les caractéristiques de certains objets endommagés et qu'elle est sous évaluée.

Cet élément a été implicitement reconnu par la Société VARILLON qui a par la suite proposé une indemnisation complémentaire à hauteur de 836,66 euros

Il est par ailleurs attesté par une expertise réalisée le 1er mars 2006 par Monsieur Z., relevant que certains objets dégradés au cours du transport présentaient une certaine valeur notamment une paire de lustres formant pendant en bronze, ornementée de pampilles et pendeloques en verre facetté ainsi qu' une coiffeuse en bois de placage marqueté, de style Louis XV/Louis XVI, justifiant que les travaux de réparations soient réalisés par des spécialistes pour un montant global estimé à 1.245,04 euros.

Il y a donc lieu de chiffrer le préjudice de Monsieur X. comme suit :

Réparation de la coiffeuse :                              161,46 euros

Réparation du lustre en Bronze :                      215,28 euros

Remplacement de pampilles :                           868,30 euros

Réparation abat-jour :                                     265,00 euros

Réparation du Bureau :                        305,00 euros

Réparation meuble sacristie :                            76,00 euros

Réparation réfrigérateur :                                 225,00 euros

Réparation Horloge :                                       220,00 euros

Remplacement cloche en verre :                       150,00 euros

Indemnité pour bouchons carafon perdus         60,00 euros

Indemnité pour cache pot perdu :                     40,00 euros

Soit une somme globale de :                            2.586,04 euros.

La Société VARILLON sera doit condamnée à payer à Monsieur X. la somme de 2.586,04 euros en réparation de son préjudice matériel, ce, en application des dispositions de l'article 1147 du Code Civil.

 

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et pour résistance abusive :

Monsieur X. se prévaut dans une même demande de deux fondements distincts.

Il y aura lieu d'emblée d'écarter la prétention fondée sur la résistance abusive, celle-ci n'étant [minute page 5] nullement établie par les pièces de la procédure.

En revanche, il apparaît que Monsieur X. s'est trouvé, du fait de la dégradation de certains de ses meubles dans l'impossibilité de les utiliser conformément à leur usage, ce, durant plusieurs mois.

Il est donc fondé à réclamer une indemnisation au titre de son préjudice de jouissance qu'il convient de fixer à la somme de 500 euros.

En effet, le demandeur ne saurait reprocher à la Société VARILLON le temps écoulé depuis les derniers pourparlers pour solliciter une somme de 4.000 euros, dès lors qu'il avait la possibilité d'accepter la proposition de remboursement de l'entreprise de déménagement à titre d'indemnisation partielle et alors qu'il pouvait solliciter l'arbitrage du Tribunal bien plus tôt.

La Société VARILLON sera donc condamnée à payer à Monsieur X. la somme de 500 euros au titre de son préjudice de jouissance.

 

Sur les dépens et l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

La Société VARILLON-DEMECO et la Société AGF, succombant à l'instance, elles seront condamnées aux entiers dépens.

Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X. l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer dans le cadre de cette procédure. Les Société VARILLON-DEMECO et AGF seront donc condamnées in solidum à lui verser la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort ; Constate l'intervention volontaire de la Société AGF ;

Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Société VARILLON-DEMECO et la Société AGF ;

Condamne la Société VARILLON-DEMECO à payer à Monsieur X. la somme de 2.586,04 euros en réparation de son préjudice matériel ;

Condamne la Société VARILLON-DEMECO à payer à Monsieur X. la somme de 500 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

Condamne les sociétés VARILLON-DEMECO et AGF aux dépens ;

Les condamne à verser à Monsieur X. la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

[minute page 6] Ainsi jugé et prononcé le 13 juin 2008;

Le Président signe avec le Greffier ;

Le Président  Le Greffier