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CA ROUEN (ch. proxim.), 10 mars 2011

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. proxim.), 10 mars 2011
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA)
Demande : 10/03459
Date : 10/03/2011
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/09/2008
Décision antérieure : TI EVREUX, 13 juin 2008
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2719

CA ROUEN (ch. proxim.), 10 mars 2011 : RG n° 10/03459

Publication : Jurica

 

Extrait : « Aux termes de l'alinéa premier de l’article 1134 du code civil : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »

En l'espèce, l'article 15 de la lettre de voiture contractuelle en date du 25 janvier 2002 stipule à la rubrique « PRESCRIPTION » que : « les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier » (article 108 du code de commerce) ;

Cette clause est licite et s'impose aux parties ; elle ne saurait être considérée comme abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs entre les parties ne peut être retenu ; En effet, elle fixe un délai suffisant d'une année pour tenter aux parties de trouver une solution amiable au litige et ne faisait pas obstacle en l'occurrence à l'introduction d'une action à titre conservatoire par Monsieur X. afin d'interrompre le délai de prescription ; Bien que rédigée en petits caractères, cette clause est parfaitement lisible et ne saurait à ce titre être qualifiée d'abusive au sens de la commission des clauses abusives ».

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 10 MARS 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/03459. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE D’EVREUX du 13 juin 2008.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[adresse], représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour, assisté de Maître Emilie PIETRZYK, avocat au barreau de DIEPPE, substituant Maître Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE,

 

INTIMÉE :

SA VARILLON

r[adresse], eprésentée par Maître Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour, assistée de Maître Olivier LAERI, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 7 février 2011 sans opposition des avocats devant Madame PLANCHON, Président, rapporteur, en présence de Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame PLANCHON, Président, Madame PRUDHOMME, Conseiller, Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme LOUE-NAZE, Greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 7 février 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 mars 2011

ARRÊT : CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement le 10 mars 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 15 mars 2002, Monsieur X. a fait appel à la société VARILLON-DEMECO pour procéder à son déménagement de [ville F.] à [ville D.]. Il a souscrit une assurance afin de garantir son mobilier lors du déménagement.

A l'issue du déménagement, les 19, 20 et 21 mars 2002, Monsieur X. a constaté que certains meubles et objets avaient été endommagés lors du transport.

Par exploit d'huissier de justice en date du 6 février 2008, Monsieur X. a fait délivrer assignation à la société VARILLON devant le tribunal d'instance d'Evreux afin de l'entendre condamner à lui payer :

- la somme de 3.953,65 euros à titre de dommages et intérêts ;

- la somme de 4.000 euros pour résistance abusive et préjudice de jouissance ;

- la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par jugement contradictoire du 13 juin 2008, le tribunal d'instance d'EVREUX a :

- constaté l'intervention volontaire de la société AGF ;

- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société VARILLON-DEMECO et la société AGF ;

- condamné la société VARILLON-DEMECO à payer à Monsieur X. la somme de 2.586,04 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- condamné la société VARILLON-DEMECO à payer à Monsieur X. la somme de 500 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

- condamné les sociétés VARILLON-DEMECO et AGF aux dépens ainsi qu'à verser à Monsieur X. le somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Le 23 septembre 2008, Monsieur X. a interjeté appel de cette décision.

Le 9 avril 2009, le président de la chambre de la proximité près de la cour d'appel de ROUEN a ordonné la radiation de l'affaire.

Le 22 juillet 2010, Monsieur X. a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle.

Dans ses dernières conclusions du 10 décembre 2010 auxquelles il convient expressément de se référer pour l'exposé de ses moyens, Monsieur X. demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- condamner la société VARILLON à lui verser, en réparation de son préjudice matériel, la somme de 3.787,17 euros laquelle devra être indexée sur l'indice INSEE des prix à la consommation série FRANCE entière, l'indice de référence étant l'indice en vigueur à la date de chacune des estimations retenues, et le nouvel indice à appliquer étant celui qui sera en vigueur au jour de l'arrêt à intervenir ;

- en conséquence, dire qu'il conviendra de retenir comme date de référence de l'indice INSEE des prix à la consommation ;

* le 26 juin 2002 (date du devis C.) pour la coiffeuse (418,60 euros TTC), pour le lustre en étain (218,60 euros TTC), pour la réparation du meuble sacristie (90,90 euros TTC) et pour la commode de chemin de fer (547,77 euros TTC) ;

* le 28 mai 2002 (date du devis de la SARL H.) pour la réparation de l'abat-jour déchiré (316,94 euros) ;

* le 31 octobre 2002 (1ère estimation T.) pour la réparation du bureau (364,78 euros TTC), pur le remplacement de la cloche en verre (150 euros TTC), pour le cache-pot (40 euros TTC) et pour les 4 bouchons de carafons (60 euros TTC) ;

* le 20 mars 2003 (devis de Monsieur L.) pour la réparation de l'horloge (221 euros TTC) ;

* le 1er mars 2006 (date du devis d'O.) pour le remplacement des 30 pampilles (868,30 euros TTC) et la réparation du lustre baccara 215,28 euros TTC ;

- condamner la société VARILLON à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

- confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

y ajoutant, condamner la société VARILLON à lui verser une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

- débouter la société VARILLON de toutes fins et prétentions contraires ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société VARILLON et les AGF aux dépens ;

- condamner la société VARILLON en tous les dépens de première instance et d'appel.

À l'appui de ses demandes, Monsieur X. fait valoir que :

- le responsable et sa compagnie d'assurances lui ont fait une proposition d'indemnisation à hauteur de la somme de 3.143,56 euros et le juge de première instance ne pouvait pas lui octroyer une somme inférieure à celle précitée ;

- certaines estimations ont été réalisées selon des devis datant de plus de huit ans en cause d'appel, ainsi ces montants sont à réactualiser ;

- différents postes de travaux de réparation ont été oubliés en première instance si bien qu'il convient aujourd'hui de corriger ces omissions ;

- Il a toujours fait preuve de précision en distinguant clairement les meubles détériorés lors du transport de ce qui était abîmé antérieurement ; ainsi, le chef d'équipe de la société VARILLON avait reconnu sur la lettre de voiture du 19 mars 2002 que le marbre de l'armoire de toilette avait été cassé lors du déménagement ;

- l'indemnité réclamée ne prend pas en compte le préjudice esthétique et la dépréciation résultant du fait que les objets ont été cassés puis réparés ;

Dans ses dernières écritures en réponse signifiées le 19 janvier 2011 auxquelles il convient également de se référer pour l'exposé de ses moyens en réponse, la société VARILLON demande à la Cour de :

- dire et juger l'appel de Monsieur X. tant irrecevable que mal fondé ;

- réformer toutefois le jugement entrepris et statuant à nouveau ;

vu l’article 1134 du code civil et l'article 15 du contrat de déménagement ;

- dire et juger la demande de Monsieur X. irrecevable comme étant prescrite ;

- subsidiairement, limiter à 2.854,56 euros le préjudice matériel de Monsieur X. ;

- le débouter de sa demande en paiement de la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- le condamner enfin à 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première et d'appel.

La société VARILLON expose au soutien de ses demandes que :

- Monsieur X. a été négligent puisqu'il a attendu six ans avant de saisir les tribunaux, c'est pourquoi il convient d'appliquer les règles antérieures à la législation du transport du 23 juin 2003 ;

- la jurisprudence dominante selon laquelle le contrat de déménagement était soumis aux règles du code de commerce imposant une prescription annale en la matière, a vocation à s'appliquer ;

- les dispositions de l’article 1134 du code civil et les stipulations de l'article 15 des conditions générales de la vente de la société VARILLON doivent être appliquées et imposer la prescription susvisée de sorte que la demande intentée par l'appelant six ans après la livraison de son mobilier est prescrite ;

- si la prescription a bien été interrompue, il n'en demeure pas moins que l'appelant ne peut prétendre que celle-ci se trouve être intervertie lorsqu'il lui a été adressé les chèques d'indemnisation partielle en date du 20 décembre 2002 ;

- la clause du contrat stipulant une prescription annale ne constitue pas une clause abusive ;

- Monsieur X. réclame une somme de 3.687,17 euros correspondant à l'estimation de son préjudice selon un devis non contradictoire intervenu 4 ans après la livraison du mobilier, alors que l'expert mandaté par l'assureur de la société VARILLON a fixé le préjudice à 2.854,56 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2011.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'action :

Aux termes de l'alinéa premier de l’article 1134 du code civil : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »

En l'espèce, l'article 15 de la lettre de voiture contractuelle en date du 25 janvier 2002 stipule à la rubrique « PRESCRIPTION » que : « les actions en justice pour avarie, perte ou retard auxquelles peut donner lieu le contrat de déménagement doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier » (article 108 du code de commerce) ;

Cette clause est licite et s'impose aux parties ; elle ne saurait être considérée comme abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs entre les parties ne peut être retenu ;

En effet, elle fixe un délai suffisant d'une année pour tenter aux parties de trouver une solution amiable au litige et ne faisait pas obstacle en l'occurrence à l'introduction d'une action à titre conservatoire par Monsieur X. afin d'interrompre le délai de prescription ;

Bien que rédigée en petits caractères, cette clause est parfaitement lisible et ne saurait à ce titre être qualifiée d'abusive au sens de la commission des clauses abusives,

La lettre de voiture en date du 19 mars 2002 qui établit la réception du mobilier de l'appelant et fait état de diverses réserves, constitue le point de départ de la prescription d'un an visée par l'article 15 du contrat ;

Monsieur X. a adressé deux courriers en date des 20 et 21 mars 2002 à la société VARILLON émettant de nouvelles réserves ;

Il ressort des pièces versées aux débats que la société VARILLON a adressé à l'appelant deux chèques de règlement des sommes de 1.555 et 92 euros par courrier en date du 20 décembre 2002, puis a proposé le 21 mars 2003 la somme complémentaire de 836,66 euros et enfin une indemnité supplémentaire de 460 euros le 25 juillet 2005.

L'ancien article 2248 du code civil applicable au présent litige prévoit que : « la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit contre lequel il prescrivait » ;

Les deux premières offres d'indemnisation partielle constituent une reconnaissance par la société VARILLON du droit de M. X., entraînant l'interruption de la prescription, mais ne permettent pas d'intervertir la prescription dans la mesure où elles ne peuvent faire courir qu'un nouveau délai d'un an ;

Il en résulte que la prescription annale était définitivement acquise le 21 mars 2004 avant la troisième proposition, et que l'action intentée le 6 février 2008 par M. X. doit être déclarée irrecevable comme prescrite, le jugement critiqué étant réformé sur ce point ;

 

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts :

L'action de Monsieur X. étant irrecevable il ne peut prétendre à des dommages et intérêts.

 

Sur les dépens :

L'appelant qui succombe en son recours supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

 

Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Il apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens tant en première instance qu'en cause d'appel ; Il convient par conséquent de réformer de ce chef le jugement entrepris.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement rendu le 13 juin 2008 par le tribunal d'instance d'Evreux.

Et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite l'action formée par M. X.

Rejette les autres prétentions des parties.

Condamne Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause.

Le Greffier                        Le Président