CA PARIS (pôle 5, ch. 6), 18 mars 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 3412
CA PARIS (pôle 5, ch. 6), 18 mars 2010 : RG n° 08/01940
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que B* Capital ne peut se prévaloir de l'article 8 du contrat de gestion signé le 23 mai 2002, qui limite sa responsabilité aux hypothèses de faute lourde ou dolosive, une telle clause étant réputée non écrite comme abusive par application du code de la consommation ; Mais considérant que son obligation n'étant que de moyen, sa faute doit être démontrée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 10
ARRÊT DU 18 MARS 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/01940. Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 décembre 2007 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 05/17201.
APPELANTS :
Monsieur X.
demeurant [adresse]
Madame Y. épouse X.
demeurant [adresse]
représentés par la SCP GARNIER, avoué à la Cour, assistés de Maître Jérôme LETANG, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SA B* CAPITAL
prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour, assistée de Maître Michel RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 298, plaidant pour la SCP CARBONNIER-LAMAZE-RASLE & ASSOCIÉS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Claude APELLE, Président, Madame Françoise CHANDELON, Conseiller, Madame Caroline FEVRE, Conseiller, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT : - contradictoire - rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les époux X. ont ouvert, dans les livres de la société Brac de la Perrière, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société B* Capital :
- le 22 décembre 1995,
* un Plan d'Epargne en Actions n° [...] ouvert au nom de Mme X.,
* un Plan d'Epargne en Actions n° [...] ouvert au nom de M. X.,
- le 27 décembre 1995, un compte titre joint n° [...],
Trois mandats de gestion ont été signés le 27 décembre 1995 avec un objectif défini comme suit : « La gestion doit être prudente mais dynamique ».
Le 23 mai 2002, de nouveaux mandats de gestion ont été signés optant pour l'objectif « dynamique », défini par les contrats.
Le 24 février 1999 et le 17 mars 2000, M. puis Mme X. ont souscrit, chacun, auprès de la compagnie La Hénin Vie, devenue Mondiale Partenaire, un contrat d'assurance vie dénommé « Océane Evolution Universelle », dont la gestion a été déléguée à la société B* Capital.
Pour son contrat, n° 38XX6, M. X. a opté pour une gestion « dynamique ».
Pour le sien, n° 38XX3, Mme X. a opté pour une gestion « équilibrée ».
Exposant que les fautes de gestion de la société de bourse à compter du 1er janvier 2002 auraient engendré une perte de leur capital conséquente, les époux X. l'ont assignée en responsabilité par exploit du 7 novembre 2005.
Par jugement du 3 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés de leurs demandes et condamnés au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 29 janvier 2008, les époux X. ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières écritures, au sens de l’article 954 du code de procédure civile, déposées le 19 novembre 2009, les époux X. demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- condamner B* Capital à leur verser la somme de 320.960,29 euros de dommages intérêts,
- condamner B* Capital à leur verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du code de procédure civile, déposées le 25 juin 2009, la société B* Capital demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner solidairement les époux X. à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ETANT EXPOSÉ,
LA COUR,
Considérant que B* Capital ne peut se prévaloir de l'article 8 du contrat de gestion signé le 23 mai 2002, qui limite sa responsabilité aux hypothèses de faute lourde ou dolosive, une telle clause étant réputée non écrite comme abusive par application du code de la consommation ;
Mais considérant que son obligation n'étant que de moyen, sa faute doit être démontrée ;
Considérant que les époux X. estiment qu'elle résulte d'une part d'un investissement excessif dans les secteurs « TMT » (technologie, média, communication), d'autre part d'une gestion immobiliste ;
Considérant que B* Capital réplique que les performances des placements ne peuvent s'apprécier que sur moyen ou long terme et qu'il importe peu qu'elles soient obtenues grâce à la progression des mêmes titres ;
Sur le premier grief :
Considérant qu'il résulte des pièces produites que Mme X. avait, contrairement à ce qu'elle soutient dans ses écritures, également opté pour une gestion dynamique de son PEA ;
Considérant que la définition contractuelle de ce mode de gestion est la suivante : « convient aux investisseurs qui privilégient une gestion dynamique de leurs avoirs et qui acceptent les pertes en capital liées à une forte exposition sur les marchés d'actions en contrepartie d'une espérance de performance élevée sur la période d'investissement. L'horizon minimum d'investissement est de trois ans »,
Considérant qu'il en résulte que la banque était en droit de privilégier, dans la composition des portefeuilles, les valeurs TMT et que les appelants ne peuvent considérer comme fautif le choix opéré en se bornant à observer que ces titres représentaient, à la date de la résiliation des contrats, plus de 42 % du compte joint, 42,9 % du PEA de l'époux et 40,78 % du PEA de l'épouse et qu'il s'agit de titres volatils et donc dangereux ;
Considérant au surplus qu'il ressort des tableaux dressés par la société « Richelieu Finance » nouveau prestataire choisi par les époux X. pour gérer leurs portefeuilles que les valeurs TMT n'ont pas été les seules à subir les effets de la crise boursière ;
Qu'il apparaît ainsi que les actions Suez (industries diversifiées), Rhodia (chimie), Infogrames entertainment (divertissements), Axa (assurance), PPR (détaillants généralistes) Billon (textiles) ou Carrefour (distribution) ont engendré des pertes comparables voire supérieures à celles du secteur TMT (entre 37 % et 97,74 %) ;
Qu'enfin les valeurs TMT ont obtenu au cours de certaines périodes des taux de performance élevés justifiant le choix opéré par la banque, conforme aux prévisions contractuelles ;
Sur le deuxième grief :
Considérant que les époux X. exposent que la composition de leurs portefeuilles n'a quasiment pas varié entre 2002 et 2005 démontrant le non respect de l'option dynamique choisie ;
Considérant qu'ils établissent ainsi que les seuls mouvements relevés concernent la vente des actions Saint-Gobain et l'acquisition de titres Havas et BNP Paribas et soutiennent que leur gestionnaire aurait dû se débarrasser des actions Vivendi Universel, Infogrames et Altran dont ils démontrent, graphiques à l'appui, la chute des cours ;
Mais considérant que selon la définition contractuelle précitée le terme « dynamique » n'est pas antinomique « d'immobilisme » mais signifie que sont privilégiées dans la composition d'un portefeuille les actions au détriment des fonds obligataires ou monétaires pour lesquels optent les partisans d'une gestion prudente ;
Qu'ainsi et à supposer même que B* Capital ait conservé pour l'essentiel la physionomie du portefeuille de ses clients entre janvier 2002 et juillet 2005, ce choix ne saurait caractériser un comportement fautif ;
Considérant en toute hypothèse que les titres conservés représentent moins de 50 % du portefeuille ;
Qu'il s'agit de valeurs stables, actions de grosses entreprises, dont un certain nombre du CAC 40, dont la cession ne pouvait être envisagée dans cette période de turbulence boursière qui a persisté jusqu'en mars 2003 ;
Considérant qu'il convient encore de constater que B* Capital n'est pas davantage resté inactif face à l'effondrement des valeurs TNT, liquidant durant la période critiquée certains titres particulièrement exposés ;
Considérant que ces reproches apparaissent ainsi sans fondement ;
Considérant que les appelants soutiennent encore que la chute de certaines valeurs était annoncée par des analystes financiers permettant à un gestionnaire sérieux de les vendre ;
Que les pièces produites n'autorisent cependant pas cette conclusion ;
Sur le titre Vivendi Universel :
Considérant que les actions de cette entreprise du CAC 40 ont accusé une légère baisse en fin d'année 2000, ont remonté en janvier 2002 avant de « plonger » jusqu'à la veille de l'année 2003, accusant à cette date un léger redressement ;
Considérant qu'une seule analyse financière de l'année 2001 est produite, datée du 7 septembre ;
Qu'elle décrit en substance la fragilité du groupe impliqué dans la télévision, les films et les disques, rappelle que le titre a chuté de 38 % depuis avril 2000 mais voit une timide lueur d'espoir pour 2003 et mentionne surtout que « les analystes restent pourtant encore majoritairement positifs sur un groupe bien sympathique » ;
Considérant qu'il ne saurait être fait grief à B* Capital de ne pas avoir suivi cet analyste à qui l'avenir a donné raison mais qui ne représentait pas, au moment de la rédaction de son article, l'opinion majoritaire ;
Considérant par ailleurs que le constat, en avril 2002, de la spirale infernale subie par le titre, qui avait chuté de 49 % en un an, rendait sa vente inopportune et justifiait l'attente d'une reprise, d'ailleurs amorcée aujourd'hui ;
Qu'il sera constaté que la société « Richelieu Finance », dans son rapport précité, suggère de conserver ces actions les estimant « de qualité » tout en notant les bonnes performances de la société aussi bien en terme de vente que pour réduire son endettement, confortant l'option choisie par B* Capital ;
Sur le titre Infogrames :
Considérant que sa plus forte chute est intervenue en milieu d'années 2000 puis en fin d'année 2001 ; qu'une reprise s'était cependant amorcée en janvier 2002 qui n'a été que de courte durée et que l'action a vu sa cotation la plus basse en janvier 2005 ;
Considérant cependant que la chute subie à compter de janvier 2002 n'était pas prévue par les analystes qui relevaient au contraire des signes positifs :
- l'explosion des ventes du groupe aux Etats Unis en décembre 2001,
- un renforcement et un assainissement du bilan après le rachat d'obligations,
- le lancement programmé de la « Xbox » et de la Game « Cube » en mars et avril,
- la reprise de la croissance du groupe en Grande Bretagne ;
Considérant qu'aucun reproche ne peut être fait à B* Capital pour avoir conservé ce titre en pariant sur son rétablissement ;
Qu'ici encore l'audit de la société « Richelieu Finance », s'il retient un « manque de visibilité » lié aux incertitudes afférentes à la mise sur le marché des « consoles de nouvelle génération », au « gearing » très élevé et aux problèmes de trésorerie conforte la position adoptée, en ne préconisant qu'une « revente sur rebond », suggérant ainsi que la société concernée peut se reprendre et qu'une vente des actions dans le contexte boursier (constant de 2002 à la date de son étude) serait inopportune ;
Sur le titre Altran :
Considérant que les actions de cette société ont chuté sensiblement en 2001, amorcé une remontée début 2002 avant de connaître une baisse continue et importante tout au long de cette année ;
Considérant que plusieurs analyses produites, datant de l'année 2001, expliquent que l'entreprise aurait un niveau de valorisation trop élevé, conséquence de sa bonne année 2000 ;
Considérant cependant que la mauvaise gestion reprochée ne concerne que la période postérieure à janvier 2002 ;
Que vendre en début d'année aurait été une erreur, l'action ayant remonté à cette date pour atteindre une pointe de 66,4 euros le 28 mars ;
Qu'il apparaît que la « terrible dégringolade » résulte de problèmes de transparence des comptes et de financement (analyse du 14 juin 2002), qualifiés d'habillage de bilan (article du 20 juin 2002) réduisant sa côte autour de 2,70 euros en octobre 2002 ;
Considérant qu'aucun investisseur ne pouvant parier sur la dégradation brutale et considérable de cette valeur, liée à des soupçons de délinquance financière avec mises en examen, il ne saurait encore être fait grief à B* Capital de ne pas s'en être séparé à la date optimale ;
Considérant qu'il apparaît ainsi qu'aucune faute de B* Capital n'est caractérisée, laquelle ne peut résulter de ses seuls résultats même inférieurs à ceux de l'indice boursier sur la même période ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sans que l'équité ne commande de majorer l'indemnité allouée par les premiers juges sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel ;
Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens avec distraction au profit de Maître Gilbert Thevenier dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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