CA PARIS (25e ch. sect. A), 29 février 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 3428
CA PARIS (25e ch. sect. A), 29 février 2008 : RG n° 06/8568
Publication : Legifrance
Extrait : « que M. A., artisan qui a acquis un véhicule pour les besoins de sa profession, ne peut être considéré comme un consommateur et se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
VINGT CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 29 FÉVRIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/08568 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 avril 2006 - Tribunal de Grande Instance de SENS - R.G. n° 04/01552.
APPELANTE :
SA FIAT FRANCE anciennement dénommée Fiat Auto (France)
[adresse], représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour, assistée de Maître GAZAGNES Jean Marie, toque L36
INTIMÉS :
Maître François Pellegrini ès-qualité de mandataire liquidateur de la SAS Z.
[adresse], défaillant
Monsieur X. exerçant sous l’enseigne MJ PEINTURE
[adresse], représenté par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour, assisté de Maître B. avocat au barreau de Sens
Maître Cognet es-qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société Z.
[adresse], représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour, assistée de Maître D. Robert avocat au barreau de Créteil, PC 198
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 décembre 2007, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme GIROUD Présidente, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Pascale GIROUD, président, Madame Odile BLUM, conseillère, Madame Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, conseillère.
Greffière, lors des débats : Mme E.
ARRÊT : - réputé contradictoire - rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile. - signé par Mme Marie Pascale GIROUD , président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 14 avril 2006 par le tribunal de grande instance de Sens qui a :
- déclaré recevable l’action engagée par M. X.,
- prononcé la résolution pour vice caché de la vente intervenue le 23 mai 2001 entre la société Z. et M. X., portant sur un véhicule de marque Fiat, type Scudo, pour le prix de 17.427,10 € ,
- fixé la créance de M. X. au passif de la société Z. aux sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
* 17.427,10 €, montant du prix de vente,
* 2.694,23 € au titre du crédit souscrit pour l’achat du véhicule,
* 578 € au titre des frais de taxis ou véhicules de location,
* 400,86 € au titre des accessoires ajoutés au véhicule,
* 9.545 € pour préjudice économique,
* 1.500 € pour préjudice moral,
- condamné la société Fiat France au paiement de ces sommes,
- ordonné à M. X. de restituer le véhicule aux frais de la société Z. et de la société Fiat France, dans les 15 jours du paiement du prix par ces dernières,
- condamné solidairement F. Cognet, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Z., et la société Fiat France à payer la somme de 3.000 € à M. X. en vertu de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné solidairement F. Cognet, es qualités, et la société Fiat France aux dépens , en ce compris le coût de l’expertise ;
Vu l’appel relevé par la société Fiat France qui demande à la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 12 novembre 2007, d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau :
- au visa des articles 1147 du Code civil et des conditions de la garantie contractuelle, de débouter M. X. de toutes ses demandes,
- au visa de l’article 1648 du Code civil, de déclarer ses demandes irrecevables,
- subsidiairement, au visa des 16 et 237 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que des articles 1641 et suivants du Code civil, de prononcer la nullité du rapport d’expertise du 10 juin 2003, débouter M. X. de toutes ses demandes et lui enjoindre de restituer la somme de 33.025,19 € versée par la société Fiat France au titre de l’exécution provisoire du jugement,
- très subsidiairement, dire que le prix de vente à restituer à M. X. ne saurait être supérieur à sa valeur au 18 octobre 2002, établie suivant sa cote Argus officielle, soit 12.226 €, et sous réserve de son état,
- en tout état de cause, dire que le prix à restituer à M. X. ne saurait être supérieur au prix HT qu’il a payé à la société Z.,
- débouter M. Z. de toutes ses autres demandes d’indemnisation,
- condamner M. X. aux dépens de première instance et d’appel et à lui payer la somme de 5.000 € par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 septembre 2007 par F. Pellegrini, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Z., qui demande à la cour d’infirmer le jugement et de :
- déclarer M. X. irrecevable en sa demande de résolution de la vente du véhicule pour non respect du bref délai imposé par l’article 1648 du Code civil,
- le dire mal fondé en sa demande en résolution de la vente pour vices cachés,
- le dire mal fondé en sa demande en résolution de la vente en application de la garantie contractuelle,
- le débouter de l’ensemble de ses demandes,
- le condamner aux dépens de première instance et d’appel et à lui payer, es qualités, la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 14 novembre 2007 par M. X. qui demande à la cour de :
- débouter la société Fiat France de toutes ses demandes,
- déclarer irrecevables les demandes de F. Pellegrini, es qualités, par application de l’article 564 du Code civil, et subsidiairement les déclarer mal fondées,
- constater que la garantie légale de conformité lui est acquise par application des articles L. 211-1 à L. 211-17 et de l’article R. 211-4 du Code de la consommation,
- subsidiairement, dire que son action sur le fondement de la garantie légale a bien été engagée à bref délai à compter de la découverte du vice et dire que l’acquéreur qui assigne son vendeur en référé ne peut plus se voir opposer que la prescription de droit commun,
- plus subsidiairement, déclarer recevable son action par application des articles 1184 et 1604 du Code civil pour violation de l’obligation de délivrance,
- prononcer la résolution du contrat de vente aux torts du vendeur,
- fixer sa créance à la somme de 57.890,45 €,
- condamner la société Fiat Auto France à lui payer la somme de 57.890,45 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en référé,
- la condamner à lui payer la somme de 283,75 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- la condamner à lui payer la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société Fiat Auto France et F. Pellegrini, es qualités, aux dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais d’expertise.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que le 23 mai 2001, M. X., qui exerce l’activité d’artisan peintre, a fait l’acquisition auprès de la société Z., qui était alors concessionnaire de la marque Fiat, d’un véhicule utilitaire Fiat modèle Scudo pour le prix de 14.314,30 € HT, soit 17.427,10 TTC ;
Considérant que se plaignant de nombreuses pannes, M. X. a fait assigner la société Z. en référé le 10 janvier 2002, aux fins d’expertise ; que le juge des référés, par ordonnance du 31 janvier 2002, a désigné M. G. en qualité d’expert ; que le 2 mai 2002, la société Z. a fait assigner en référé la société Fiat Auto France aux fins de lui voir déclarer communes et opposables les opérations d’expertise ; que le juge des référés, a fait droit à cette demande par ordonnance du 6 juin 2002 ;
Considérant que le juge chargé du contrôle des expertises, par ordonnance du 5 décembre 2002, a donné acte à la société France Auto Fiat de son intervention volontaire et étendu la mission de l’expert à toutes investigations aux fins de rechercher la cause exacte des désordres affectant le véhicule, en ordonnant aux sociétés Z. et Fiat Auto France de consigner chacune la somme de 1.500 € à valoir sur la rémunération de l’expert ;
Considérant que le rapport d’expertise a été déposé le 10 juin 2003 ; que M. X., les 5 et 8 novembre 2004, a assigné le liquidateur judiciaire de la société Z. et la société Fiat France devant le tribunal de grande instance de Sens ; que le liquidateur judiciaire de la société Z. n’a pas constitué avocat ; que c’est en cet état que le jugement a été rendu ;
Considérant que F. Pellegrini, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Z., ne forme pas de demande nouvelle devant la cour mais se borne à contester la recevabilité et le bien fondé des prétentions de M. X. ; que les moyens de défense qu’il oppose sont parfaitement recevables ;
Considérant que M. X. fonde ses demandes à la fois sur la garantie contractuelle, sur la garantie légale de conformité prévue par les articles L. 211-1 à L. 211-1-17 du Code de la consommation, sur la garantie des vices cachés par application des articles 1641 et suivants du Code civil et sur la non conformité ;
Considérant, sur la garantie contractuelle, que M. X. prétend qu’elle est de deux ans en versant aux débats des documents publicitaires et des extraits du site internet de la marque Fiat ; qu’il soutient que par application de l’article L. 211-2 du Code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 17 février 2005), toute période d’immobilisation du bien d’au moins 7 jours vient s’ajouter à la durée de la garantie restant à courir, que le véhicule est immobilisé dans les locaux de la société Z. depuis le 17 avril 2002 et que le bref délai prévu à l’article 1648 du Code civil ne s’applique pas à la garantie contractuelle ;
Mais considérant que les conditions générales insérées dans le bon de commande du véhicule mentionne une garantie constructeur d’une année à compter de la livraison ; que cette garantie n’a été étendue à deux années que pour les ventes conclues à compter du 1er septembre 2001 ; que M. X., artisan qui a acquis un véhicule pour les besoins de sa profession, ne peut être considéré comme un consommateur et se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la consommation ; qu’en toute hypothèse la garantie contractuelle, qui permettait seulement le remplacement de pièces reconnues défectueuses, ne peut fonder une action en résolution de la vente ;
Considérant, sur la garantie légale de conformité résultant des articles L. 211-1 et suivants du Code de la consommation dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 17 février 2005, que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux contrats conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance ; que M. X. ne peut donc s’en prévaloir ;
Considérant, sur la garantie des vices cachés résultant des articles 1641 et suivants du Code civil, que F. Pellegrini, es qualités, et la société Fiat France soulèvent l’irrecevabilité de l’action de M. X. au motif qu’elle n’aurait pas été engagée à bref délai ;
Mais considérant que le véhicule a présenté des pannes à répétition entre le 1er août 2001 et le 30 avril 2002 ; que M. X. a assigné en référé expertise la société Z. dès le 10 janvier 2002 ; qu’il a ainsi satisfait aux exigences de l’article 1648 du Code civil relatives au bref délai et que dès lors c’est la prescription de droit commun qui court à compter de la date de la vente à l’égard de la société Z. ;
Considérant que la société Fiat France est intervenue volontairement devant le juge chargé du contrôle des expertises et que son intervention volontaire a été constatée par l’ordonnance du 5 décembre 2002 ; qu’il ne peut être reproché à M. X. de ne pas avoir assigné la société Fiat France en référé-expertise afin d’interrompre la prescription puisque cette société est intervenue volontairement ; qu’il en résulte que le bref délai a aussi été interrompu à l’égard de la société Fiat France et que c’est la prescription de droit commun qui court à compter de la vente à son égard ;
Considérant que M. X. ayant assigné au fond les 5 et 8 novembre 2004, son action est recevable à l’encontre de F. Pellegrini, es qualités, et de la société Fiat France ;
Considérant que la société Fiat France invoque la nullité du rapport d’expertise pour non respect du principe du contradictoire, faisant valoir que l’intégralité des ordres de réparation ne lui ont pas été transmis ni l’intégralité des pièces justificatives du préjudice allégué ; qu’elle reproche à l’expert un manque d’impartialité et d’objectivité ; qu’elle fait valoir que son rapport est insuffisant pour caractériser l’existence d’un vice caché ;
Considérant que F. Pellegrini, es qualités, prétend que M. X. ne rapporte pas la preuve d’un vice caché, l’expert n’ayant pas constaté contradictoirement les pannes alléguées et surtout n’en ayant pas déterminé les causes ;
Mais considérant que c’est par des motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a écarté le moyen de nullité du rapport d’expertise, retenu l’existence d’un vice caché rendant le véhicule impropre à l’usage auquel il était destiné, peu important le fait que la cause exacte des pannes n’ait pu être déterminée, et prononcé la résolution de la vente ;
Considérant que le tribunal a justement ordonné à M. X. de restituer le véhicule et dit que les société Z. et Fiat France devaient lui restituer le prix de vente, soit la somme de 17.427,10 € TTC qu’il a payée ;
Considérant, sur le préjudice, que c’est à tort que le tribunal a alloué à M. X. la somme de 400,86 €, celle-ci correspondant au coût d’une radio, d’une galerie sur le toit et d’un panneau adhésif « gardez vos distances », s’agissant d’accessoires qui ont été placés par lui et peuvent être repris et utilisés à nouveau ; que le préjudice moral, résultant des soucis et tracas causés par les vices affectant le véhicule sera indemnisé en son entier par la somme de 800 € ; que pour le surplus, le tribunal a exactement réparé le préjudice subi par M. X. tenant au crédit souscrit pour l’achat du véhicule, aux frais de taxi et de location qu’il a dû supporter et au préjudice subi dans l’exercice de sa profession, et écarté le surplus de ses demandes ; que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du jugement et non à compter de l’assignation en référé ;
Considérant que F. Pellegrini, es qualités, et la société Fiat France, qui succombent sur la quasi-totalité de leurs demandes, doivent supporter les dépens ; que vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, il y a lieu d’allouer la somme supplémentaire de 1.500 € à M. X. ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Réforme le jugement seulement en ce qu’il a alloué à M. X. les sommes de 400,86 € pour accessoires ajoutés au véhicule et 1.500 € pour préjudice moral,
Statuant à nouveau :
Déboute M. X. de sa demande au titre des accessoires ajoutés au véhicule,
Fixe la créance de M. X. au passif de la société Z. à la somme de 800 € au titre de son préjudice moral,
Condamne la société Fiat France à payer à M. X. la somme de 800 € pour préjudice moral,
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions,
Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du jugement,
Condamne la société Fiat France à payer la somme supplémentaire de 1.500 € à M. X. en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la société Fiat France et F. Pellegrini, es qualités, aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
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