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CA NANCY (2e ch. civ.), 14 novembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch. civ.), 14 novembre 2011
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch. civ.
Demande : 10/00051
Date : 14/11/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/01/2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3432

CA NANCY (2e ch. civ.), 14 novembre 2011 : RG n° 10/00051 et n° 10/00082

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les conditions générales du contrat prévoient que la fraction disponible du découvert peut évoluer « sur demande spécifique » de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé (qui est en l'occurrence de 15.000 euros). Toutefois, cette clause constitue, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, une clause abusive qui doit être tenue pour non-écrite. En effet, l'absence d'information, notamment quant aux nouvelles charges de remboursement résultant du dépassement du crédit initialement choisi par l'emprunteur, ainsi que l'absence de toute faculté de rétractation sont de nature à créer un déséquilibre économique significatif au détriment de l'emprunteur non professionnel. [...]

La Banque CASINO n'a donc pas agi dans le délai de deux ans, qui est venu à échéance le 12 avril 2009, et sa demande doit être déclarée forclose. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/00051. Dossier RG n° 10/82 joint au dossier RG n° 10/51 par ordonnance de jonction du 1er juin 2010. Décision déférée à la Cour : jugement n° 354/2009 du Tribunal d'Instance de VERDUN, R.G. n° 11-09-000282, en date du 30 novembre 2009,

 

APPELANTS :

Monsieur X.

demeurant [adresse], représenté par la SCP MERLINGE BACH-WASSERMANN FAUCHEUR-SCHIOCHET, avoués à la Cour

Madame X.

demeurant [adresse], représentée par la SCP MERLINGE BACH-WASSERMANN FAUCHEUR-SCHIOCHET, avoués à la Cour

 

INTIMÉE :

SA BANQUE CASINO

prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par Maître Thierry GRETERE, avoué à la Cour, assistée de Maître Monique LEGRAND LELOUP, avocat au barreau de MEUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 octobre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Céline BARBIER ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2011, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 14 novembre 2011, par Madame Caroline HUSSON, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, et par Madame Caroline HUSSON, greffier ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant l'offre préalable acceptée le 6 février 2007, la Banque CASINO a accordé aux époux X. un crédit dans la limite d'un montant maximum de découvert autorisé de 15.000 euros, le montant de la fraction disponible étant toutefois limité d'un commun accord à 3.000 euros.

Par acte d'huissier du 21 juillet 2009, les époux X. ont fait assigner la Banque CASINO devant le tribunal d'instance de Verdun afin de voir :

- déchoir la défenderesse du droit aux intérêts sur les sommes prêtées,

- ramener ainsi la créance au principal,

- déduire du principal les versements déjà effectués,

- déduire également les intérêts au taux légal sur les intérêts payés,

- condamner la défenderesse à une peine d'amende,

- ordonner la publication du jugement à intervenir sur le site internet de la banque et dans les pages du journal local,

- condamner la défenderesse à leur payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La Banque CASINO a conclu au rejet des demandes et a demandé que soit constaté l'accord des époux X. pour lui rembourser leur dette de 6.528,09 euros par des versements mensuels de 150 euros.

Par jugement rendu le 14 décembre 2009, le tribunal d'instance de Verdun a débouté les époux X. de toutes leurs demandes et les a condamnés à payer les dépens.

Le tribunal a motivé sa décision en relevant que l'offre préalable de crédit était régulière, de sorte qu'aucune déchéance des intérêts n'était encourue par la banque.

Les époux X. ont régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 4 janvier 2010. Ils demandent à la Cour d'infirmer le jugement déféré et, à titre principal, de déclarer la Banque CASINO forclose en sa demande en paiement ; subsidiairement, ils demandent à la Cour de prononcer à son encontre la déchéance de son droit aux intérêts, de dire qu'ils ne seront tenus qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, les sommes perçues au titre des intérêts qui sont elles-mêmes productives d’intérêts au taux légal devant leur être restituées, et de condamner la banque à leur payer les sommes de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Les époux X. soutiennent :

- que le financement qui leur a été accordé a dépassé le découvert autorisé de 3.000 euros dès septembre 2008, sans que la banque agisse en paiement dans les deux ans,

- qu'il appartient au prêteur de justifier que son offre de crédit comportait bien un formulaire de rétractation et qu'au recto comme au verso de ce formulaire figuraient les mentions requises par le code de la consommation,

- qu'il appartient également au prêteur de justifier qu'il a notifié à l'emprunteur, d'une part, les conditions de reconduction annuelle de l'offre de crédit au moins trois mois avant chaque anniversaire du contrat, d'autre part le décompte mensuel actualisé prévu par l'article L311-9-1 du code de la consommation,

- que le prêteur, à défaut d'apporter ces justificatifs, comme en l'espèce, doit être déchu du droit aux intérêts,

- que le prêteur est tenu d'un devoir de conseil et de mise en garde des emprunteurs non avertis sur le risque de l'endettement, ce qui implique qu'il se renseigne sur les facultés financières et les charges de ses clients, devoir qui n'a pas été rempli par la Banque CASINO, de sorte qu'elle doit être condamnée à des dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros en réparation de la faute ainsi commise.

 

La Banque CASINO conclut à la confirmation de la décision du premier juge et à la condamnation solidaire des époux X. à lui payer la somme de 7.175,20 euros en principal, avec intérêts au taux de 18 % sur 6.752,24 euros, ainsi qu'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir :

- que les époux X. ont souhaité disposer d'une première fraction disponible de 3.000 euros, puis de 6.000 euros, mais n'ont jamais dépassé le montant maximum du découvert autorisé fixé à 15.000 euros, de sorte que la demande en paiement formée par conclusions devant la Cour a été faite dans le délai de deux ans et qu'aucune forclusion n'est encourue,

- qu'ils ont signé le contrat de crédit de 2007, mentionnant tous les deux qu'ils ont reçu un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire détachable de rétractation,

- qu'en outre, le défaut de formulaire de renonciation n'est pas sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts mais par une amende,

- qu'elle a informé les emprunteurs des conditions de reconduction du crédit et leur a envoyé mensuellement l'état de leur compte,

- que c'est sur la base des déclarations des époux X. que l'offre de crédit leur a été faite, ces déclarations faisant apparaître que leur situation financière était saine.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les dernières écritures déposées le 15 mars 2011 par les époux X. et le 17 juin 2011 par la Banque CASINO,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 juin 2011.

 

Sur la forclusion de la demande en paiement :

L'article L. 311-37 du code de la consommation dispose que « les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ».

Dans le cas d'une ouverture de crédit utilisable sous forme de découvert en compte, le dépassement du découvert autorisé, dès lors qu'il n'a pas été ultérieurement restauré, manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion.

En l'espèce, le contrat de crédit stipule que les emprunteurs ont choisi de fixer la « fraction disponible » de leur crédit à la somme de 3.000 euros, soit des mensualités de remboursement de 80 euros.

Les conditions générales du contrat prévoient que la fraction disponible du découvert peut évoluer « sur demande spécifique » de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé (qui est en l'occurrence de 15.000 euros). Toutefois, cette clause constitue, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, une clause abusive qui doit être tenue pour non-écrite. En effet, l'absence d'information, notamment quant aux nouvelles charges de remboursement résultant du dépassement du crédit initialement choisi par l'emprunteur, ainsi que l'absence de toute faculté de rétractation sont de nature à créer un déséquilibre économique significatif au détriment de l'emprunteur non professionnel.

Or, suivant l'historique des écritures passées au compte, le plafond du crédit disponible, soit 3.000 euros, a été dépassé dès le 12 avril 2007 pour ne plus jamais être restauré par la suite.

Le premier acte interruptif de la forclusion est constitué par les conclusions que la Banque CASINO a notifiées le 17 juin 2011 en cause d'appel. En effet, devant le tribunal d'instance de Verdun, elle s'était bornée à demander qu'il soit pris acte d'un accord de paiement qu'elle aurait conclu avec les emprunteurs (accord d'ailleurs contesté par ces derniers) et, devant la Cour d'appel, elle s'est d'abord contentée, dans ses premières conclusions, de demander la confirmation du jugement de première instance qui n'avait prononcé aucune condamnation contre les époux X., les ayant seulement déboutés.

La Banque CASINO n'a donc pas agi dans le délai de deux ans, qui est venu à échéance le 12 avril 2009, et sa demande doit être déclarée forclose.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La Banque CASINO, qui est la partie perdante, supportera les dépens et sera déboutée de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles.

Il n'est toutefois pas inéquitable que les époux X. conservent eux aussi la charge de leurs propres frais de justice irrépétibles ; ils seront donc déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

DÉCLARE forclose la demande en paiement de la Banque CASINO ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la Banque CASINO aux dépens et autorise la SCP MERLINGE BACH-WASSERMANN & FAUCHEUR SCHIOCHET, Avoués, à faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame HUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,        LE PRÉSIDENT,

Minute en cinq pages.