TGI BRIEY, 27 février 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 345
TGI BRIEY, 27 février 2003 : RG n° 02/00321
(sur appel CA Nancy (1re civ.), 1er décembre 2005 : RG n° 03/01169 ; arrêt n° 2492/05)
Extrait : « Dès lors que la résolution a été prononcée, la SA ENDUIEST est fondée à solliciter l'allocation de dommages et intérêts. En l'espèce, le contrat passé entre les parties a prévu une clause pénale selon laquelle, en cas d'annulation du contrat après les sept jours de rétractation, une somme équivalente à 40% du contrat d'entreprise sera acquise à la société.
S'il est admis, par les cours et tribunaux, sur le fondement de l'article L. 132-1 Code de la consommation, que le juge puisse considérer une clause comme abusive, même en l'absence de décret interdisant la clause, il n'apparaît pas en l'espèce que cette clause pénale ait pour objet ou pour effet de créer, au détriment de Mme X., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, question sur laquelle la défenderesse a formé une demande subsidiaire sans argumenter.
Néanmoins, par application de l'article 1152 C. civ., il y a lieu d'estimer, pour une retenue de 40 % du prix du contrat, qu'il existe une disproportion manifeste entre le montant de la peine conventionnellement fixée et celui du préjudice effectivement subi par la SA ENDUIEST qui, en dehors du démarchage, n'a pas eu à débuter les travaux et n'a engagé aucune dépense particulière. La clause sera ramenée à 10 %. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIEY
JUGEMENT DU 27 FÉVRIER 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 02/00321.
DEMANDERESSE :
SA ENDUIEST
dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Philippe MAUREL, avocat au barreau de BRIEY, Maître Sandrine AUBRY, avocat au barreau de NANCY
DÉFENDERESSE :
Mme X. veuve Y.
demeurant [adresse], représentée par la SCP MALLET-TISSOT, avocats au barreau de BRIEY (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Débats, prononcé : Président : Monsieur Michel ALBAGLY, Vice-Président
Greffier : Madame Josette CASTAGNOLI, faisant fonction de greffier
DATE DE PRONONCÉ : 27 février 2003
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DES FAITS :
Par assignation délivrée à mairie le 1er mars 2002 à Mme X., la SA ENDUIEST prise en la personne de son représentant légal a constitué avocat, a demandé la résolution judiciaire du contrat passé entre les parties (art. 1184 C. civ.) aux torts du co-contractant et sollicité la condamnation de cette personne à lui régler :
- la somme de 4.427,12 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure
- celle de 1.550 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
- celle de 1.250 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile outre les dépens dont distraction au bénéfice de la SCP AUBRUN-FRANCOIS et AUBRY, avocats aux offres de droit par application de l'article 699 NCPC.
A l'appui de ses réclamations, la SA ENDUIEST a exposé que Mme X. lui a passé contrat de travaux de réfection de façade, qu'elle s'est toujours refusée à lui régler le premier acompte et n'a jamais voulu respecter ses engagements.
Mme X. veuve Y. a constitué avocat le 8 mars 2002. Elle a fait valoir, qu’à la suite d'un démarchage à domicile, étant âgée, invalide et dépourvue de ressources, elle n'a pas su apprécier la portée de ses engagements et a été victime d'un abus de faiblesse au sens de l'article L. 122-8 Code de la consommation. En outre, au vu du contrat, elle a estimé que la SA ENDUIEST devait se charger de l'ensemble des démarches administratives ce qui ne fut pas le cas. De telle sorte que le dossier de demande de prime à la rénovation de façade n'a pas été constitué. En raison des délais d'instruction de la demande, elle considère que c'est à bon droit qu'elle a refusé de régler l'acompte.
Elle a conclu que la résolution judiciaire doit être prononcée aux torts de la SA ENDUIEST qui sera condamnée à lui régler une somme de 763 € en réparation de l'inexécution fautive. A titre infiniment subsidiaire, sur le fondement des articles 1152 C. civ., L. 132-1 Code de la consommation, parce qu'elle l’estime abusif, Mme X. a demandé que l'article 14 du contrat passé entre les parties soit réputé non écrit. Elle a conclu au débouté des réclamations de la SA ENDUIEST et sa condamnation à lui régler les dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
La SA ENDUIEST lui a répondu, par conclusions récapitulatives du 19 septembre 2002, que les dispositions sur l'abus de faiblesse ne sont pas applicables au cas d'espèce, que Mme X n'est pas une personne particulièrement vulnérable, qu'elle a signé le contrat en toute connaissance de cause, que la société de la cause a une réputation honorable, que le caractère élevé du prix est sans emport, que la déclaration de travaux ne devait être faite qu'après versement du premier acompte, qu'elle ne s'est jamais engagée à effectuer des démarches relatives à l'obtention d'une subvention, qu'enfin la clause pénale est juridiquement valable, qu'elle ne saurait être écartée sur le fondement des clauses abusives à défaut de texte particulier sur ce point. Elle a maintenu ses réclamations.
Vu les conclusions de Mme X. du 4 décembre 2002 ;
Vu les conclusions responsives de la SA ENDUIEST du 6 décembre 2002 ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2003 ;
L'affaire a été plaidée à l'audience du 30 janvier 2003 et mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] LA DÉCISION :
Sur la résolution judiciaire du contrat :
Il est constant que le 19 mars 2001, Mme X. a passé contrat à la SA ENDUIEST de travaux de réfection de façade pour un montant de 11.067,80 €.
Selon les termes du contrat, le versement du premier acompte devait intervenir le 29 mars 2001 au plus tard.
Or il est admis, d'une part, que Mme X. n'a pas usé de la faculté de rétractation qui lui était offerte par le contrat et, d'autre part, qu'elle n'a pas versé ce premier acompte ni aucune autre somme.
Dans un courrier en date du 28 juin 2001, Mme X. a fait l'aveu de ses difficultés financières. Elle n'a alors pas évoqué un abus de faiblesse ni ne s'est prévalue de la nullité du contrat.
Si Mme X. était âgée de 65 ans 1/2 au moment de la signature du contrat, invalide à 80%, non imposable, probablement d'une santé précaire, il ne ressort nullement des pièces produites aux débats qu'elle ait été affectée, le 19 mars 2001, de faiblesse ou d'ignorance intellectuelle de telle manière qu'elle ne jouissait pas d'une aptitude normale au raisonnement.
Il y a lieu de considérer que le médecin qui l'a examinée le 20 septembre 2002, soit plus d'une année après les faits, ne retient nullement un affaiblissement voire une altération des capacités intellectuelles de Mme X.
Il y a lieu de considérer ensuite que le 28 juin 2001 Mme X. a écrit à l'entreprise pour expliquer la situation ce qui montre qu'elle gère directement ses propres affaires.
Si Mme X. fait conclure que les personnes qui l'ont démarchée, « au prétexte d'une aide de la commune au ravalement des façades privées, l'ont incitée, ainsi du reste que de nombreuses autres personnes, à contracter », il s'agit d'allégations dénuées de tout fondement.
Si le contrat passé entre les parties prévoit que l'entrepreneur se chargera du nettoyage de fin de chantier comme des démarches administratives, Mme X. ne démontre pas que, par cette dernière mention, il faille entendre, comme condition déterminante du contrat, que la SA ENDUIEST devait renseigner un dossier de subvention.
Comme c'est le cas dans les contrats de cette nature, cette mention faisait référence à la déclaration de travaux qui incombe effectivement à l'entrepreneur.
Par voie de conséquence, la SA ENDUIEST a pleinement démontré que c'est Mme X. qui n'a pas exécuté ses obligations en refusant de régler le premier acompte convenu entre les parties.
Par application de l'article 1184 C. civ., la résolution du contrat passé entre les parties sera prononcée aux torts de Mme X. à compter du 29 mars 2001.
Sur les dommages et intérêts :
Dès lors que la résolution a été prononcée, la SA ENDUIEST est fondée à solliciter l'allocation de dommages et intérêts.
En l'espèce, le contrat passé entre les parties a prévu une clause pénale selon laquelle, en cas d'annulation du contrat après les sept jours de rétractation, une somme équivalente à 40 % du contrat d'entreprise sera acquise à la société.
S'il est admis, par les cours et tribunaux, sur le fondement de l'article L. 132-1 Code de la consommation, que le juge puisse considérer une clause comme abusive, même en l'absence de décret interdisant la clause, il n'apparaît pas en l'espèce que cette clause pénale ait pour objet ou pour effet de créer, au détriment de Mme [minute page 4] X., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, question sur laquelle la défenderesse a formé une demande subsidiaire sans argumenter.
Néanmoins, par application de l'article 1152 C. civ., il y a lieu d'estimer, pour une retenue de 40% du prix du contrat, qu'il existe une disproportion manifeste entre le montant de la peine conventionnellement fixée et celui du préjudice effectivement subi par la SA ENDUIEST qui, en dehors du démarchage, n'a pas eu à débuter les travaux et n'a engagé aucune dépense particulière. La clause sera ramenée à 10 %.
Mme X. sera condamnée par conséquent à régler à la SA ENDUIEST une somme de 1.106,78 € à titre de dommages et intérêts outre intérêts légaux à compter de la signification du présent jugement.
Dès lors que la SA ENDUIEST bénéficie de l'application de la clause pénale et ne justifie pas d'un préjudice distinct, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur l'article 700 du NCPC :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA ENDUIEST les frais engagés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en conséquence de condamner Mme X. à lui régler la somme de 1.000 euros TTC au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Sur les dépens :
Mme X. sera condamnée aux dépens.
Alors qu'il est demandé la distraction des dépens au bénéfice de la SCP AUBRUN FRANCOIS et AUBRY, avocats aux offres de droit par application de l'article 699 NCPC, il y a lieu de rappeler que ce droit est lié à la postulation laquelle, si la plaidoirie est libre, est limitée au barreau rattaché au tribunal de grande instance saisi. En conséquence, il ne sera pas fait droit à cette demande.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort :
PRONONCE la résolution du contrat d'entreprise passé entre Mme X. et la SA ENDUIEST prise en la personne de son représentant légal le 19 mars 2001 et ce, à compter du 29 mars 2001;
CONDAMNE en conséquence Mme X. à régler à la SA ENDUIEST la somme de 1.106,78 € à titre de dommages et intérêts outre intérêts légaux à compter de la signification du présent jugement ;
DÉBOUTE la SA ENDUIEST de sa demande de dommages et intérêts complémentaires ;
CONDAMNE Mme X .à régler à la SA ENDUIEST prise en la personne de son représentant légal la somme de 1.000 € TTC sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
CONDAMNE Mme X. aux dépens.
Ainsi jugé les jour, mois et an susdits.
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6303 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Construction - Contrat d’entreprise (droit commun)