CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. A), 9 septembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3462
CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. A), 9 septembre 2011 : RG n° 10/09113 ; arrêt n° 2011/ 347
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que le garant de livraison qui remplit une obligation qui lui est personnelle, est tenu dans ses rapports avec le constructeur, de la charge définitive de la dette qu'il a acquittée à la suite de la défaillance de celui-ci ; que le garant ne dispose pas d'un recours subrogatoire au sens de l'article 1251-3 du Code Civil.
Attendu que le CRÉDIT MUTUEL excipe des articles 6 et 7 figurant dans le contrat pour s'affranchir de son obligation de garantir.
Attendu que l'article 6 contenu dans le contrat vise à récupérer sur le bénéficiaire de la garantie non seulement le principal mais les intérêts.
Que cette clause visant les époux X., enseignants, ne pouvant à l'évidence être qualifiés de professionnels, doit être réputée non écrite car abusive au sens de l'article R. 132-1 du Code de la Consommation ; qu'il en va de même de l'article 7 du contrat fixant une amende conventionnelle à récupérer sur le bénéficiaire de la garantie. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 9 SEPTEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/09113. Arrêt n° 2011/347. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 1er avril 2010 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 09/00101.
APPELANTE :
CAISSE FÉDÉRALE DU CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN
dont le siège est [adresse], représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Maître Grégoire ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse]
représentés par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour, plaidant par Maître Christian BAILLON-PASSE, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 25 mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Frédérique BRUEL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président, Madame Frédérique BRUEL, Conseiller, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2011.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2011, Signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président, et Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Dans le cadre d'une opération immobilière réalisée à la [ville C.], les époux X. promoteurs, ont fait appel à LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN es qualités de garant d'achèvement.
Suite à la construction, des désordres sont apparus et un expert judiciaire, Monsieur A., a été désigné ; il a déposé son rapport le 23 décembre 2004.
Le Syndicat des Copropriétaires de l'ensemble immobilier LES Z. ainsi que certains acquéreurs, ont saisi le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE aux fins d'obtenir réparation de certains préjudices à l'encontre de toutes les parties à l'acte de construire.
Par Jugement en date du 17 janvier 2008, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a prononcé différentes condamnations et notamment condamné LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN à verser en sa qualité de garant d'achèvement :
- la somme de 2.870,40 euros au Syndicat des Copropriétaires correspondant aux travaux nécessaires à exécuter un local poubelles ainsi qu'une rampe d'accès pour handicapés
- 5.980 euros aux époux FORNET correspondant aux travaux nécessaires à exécuter un mur de clôture.
Le CRÉDIT MUTUEL a payé la somme globale de 8.850,40 euros par chèque du 14 février 2008.
Dans le cadre de cette instance, le garant d'achèvement avait formé des demandes reconventionnelles contre les époux X. pour récupérer les sommes versées en tant que garant.
Le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, n'ayant pas répondu à ces demandes, le Garant a déposé une requête en omission de statuer ; par Jugement en date du 1er avril 2010 le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a débouté LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN de sa demande en omission de statuer au motif « qu'il n'a pas été fait droit à cette demande puisqu'au contraire, il a été jugé que cette garantie était due par LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN aux époux X. qui n'étaient donc pas débiteurs d'une quelconque somme à son égard. »
LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN a interjeté appel à l'encontre de ces deux Jugements, en date du 14 mai 2010.
Vu les Jugements en date des 17 janvier 2008 et 1er avril 2010 du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE.
Vu les conclusions en date du 17 mai 2011 des époux X.
L'Ordonnance de clôture a été rendue le 18 mai 2011.
L'Ordonnance de clôture a été révoquée le 25 mai 2011 afin de recevoir les dernières conclusions en date du 23 mai 2011 de LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN.
La procédure a été reclôturée le 25 mai 2011.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Attendu que la recevabilité de l'Appel n'étant pas contestée, il sera statué directement sur le fond de l'affaire.
Sur la demande en omission de statuer :
Attendu qu'il convient de noter que dans son premier Jugement, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a bien tranché la demande de condamnation formée par le CRÉDIT MUTUEL à l'encontre des époux X.
Qu'en effet, en faisant droit aux prétentions des époux X. contre le CRÉDIT MUTUEL et en faisant jouer la garantie de la Caisse, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, fût-ce implicitement, a rejeté les demandes du CRÉDIT MUTUEL ; que c'est à juste titre que le Jugement en date du 1er avril 2010 a dit qu'il n'y avait pas d'omission à statuer.
Que ledit Jugement sera confirmé.
Sur la nature exacte du contrat dit de garantie d'achèvement et ses effets :
Attendu que selon LE CRÉDIT MUTUEL garant, en vertu de l'article R. 261-21, b du Code de la Construction, la garantie d'achèvement est un cautionnement vis à vis des acquéreurs en VEFA, ce n'est pas une assurance et il peut, en conséquence, récupérer les sommes versées en tant que garant d'achèvement ; que c'est d'ailleurs ce qui est prévu aux articles 6 et 7 de la convention le liant aux époux X.
Attendu selon les époux X. que la convention les liant au CRÉDIT MUTUEL est un cautionnement pur et simple et nonobstant les termes prévus à cette convention, admettre la demande du Crédit mutuel reviendrait à annihiler l'intérêt de la garantie d'achèvement.
Attendu qu'il n'est pas contesté que le contrat de garantie d'achèvement est un contrat de cautionnement et non un contrat d'assurance ; qu'aucune cause de réformation des jugements des 17 janvier 2008 et 10 janvier 2010 n'est donc encourue ; que lesdits Jugements seront confirmés en ce qu'ils ont simplement appliqué le contrat comme il se devait et ont, en vertu de ce contrat, condamné LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN à payer la somme mise à sa charge.
Attendu que la garantie d'achèvement, lorsqu'elle est donnée par un organisme financier prend la forme :
- soit d'une ouverture de crédit par laquelle celui qui la consent s'oblige à avancer au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble,
- soit d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.
Qu'il n'est pas contesté par le CRÉDIT MUTUEL qu'il s'agit au cas d'espèce d'une convention de cautionnement.
Attendu que si le CRÉDIT MUTUEL a dû financer les entreprises, ce n'est rien d'autre que l'application du contrat souscrit et pour lequel les époux X. lui ont payé des frais trimestriels ; qu'il a donc reçu une contrepartie financière.
Attendu que le garant de livraison qui remplit une obligation qui lui est personnelle, est tenu dans ses rapports avec le constructeur, de la charge définitive de la dette qu'il a acquittée à la suite de la défaillance de celui-ci ; que le garant ne dispose pas d'un recours subrogatoire au sens de l'article 1251-3 du Code Civil.
Attendu que le CRÉDIT MUTUEL excipe des articles 6 et 7 figurant dans le contrat pour s'affranchir de son obligation de garantir.
Attendu que l'article 6 contenu dans le contrat vise à récupérer sur le bénéficiaire de la garantie non seulement le principal mais les intérêts.
Que cette clause visant les époux X., enseignants, ne pouvant à l'évidence être qualifiés de professionnels, doit être réputée non écrite car abusive au sens de l'article R. 132-1 du Code de la Consommation ; qu'il en va de même de l'article 7 du contrat fixant une amende conventionnelle à récupérer sur le bénéficiaire de la garantie.
Attendu par ailleurs, que la garantie d'achèvement prend fin à l'achèvement de l'immeuble ; que ce dernier a eu lieu le 9 octobre 2006, selon les conclusions mêmes du CRÉDIT MUTUEL.
Que cependant, celui-ci a continué, au-delà de cette date, d'inscrire des sommes au titre des primes du contrat au détriment des époux X. sur le compte courant jusqu'en 2009 soit 669,24 euros ; qu'il convient de préciser que cette somme devra être annulée.
Attendu qu'il convient de condamner LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN à verser à titre de dommages et intérêts en vertu de l'article 1382 du Code civil, la somme de 1.000 euros aux époux X. en réparation du préjudice subi du fait de l'attitude fautive du CRÉDIT MUTUEL.
Attendu qu'il convient de condamner LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN à verser aux époux X. la somme de 1.500 euros en application de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.
Attendu que les dépens de première instance et les dépens de la procédure d'Appel dont distraction au profit des Avoués de la cause en application de l'Article 699 du Code de Procédure Civile, seront mis à la charge de LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par Arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
Déclare l'Appel recevable,
Confirme les Jugements du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date des 17 janvier 2008 et 1er avril 2010.
Dit que les sommes figurant en débit du compte numéro 0025XXX46, soit 669,24 euros, seront annulées.
Condamne LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN à verser à titre de dommages et intérêts en vertu de l'article 1382 du Code Civil, la somme de 1.000 euros aux époux X.
Condamne LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN à verser aux époux X. la somme de 1.500 euros en application de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.
Dit que les dépens de première instance et les dépens de la procédure d'Appel dont distraction au profit des Avoués de la cause en application de l'Article 699 du Code de Procédure Civile, seront mis à la charge de LA CAISSE FÉDÉRALE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANNÉEN.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,