CA ROUEN (2e ch.), 27 janvier 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 3499
CA ROUEN (2e ch.), 27 janvier 2005 : RG n° 03/03682
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'aux termes de l'article 4, intitulé « assurances, sous la rubrique C) « assurances décès », et sous le titre « risque garantis », le contrat prévoit que « la personne assurée, en cas de décès est également garantie en cas d'invalidité permanente et totale, c'est-à-dire si elle se trouve dans l'impossibilité absolue et définitive de se livrer à l'exercice d'une profession quelconques et, dans 1e cas où l'invalidité surviendrait après l'âge de 60 ans, si, de façon définitive, l'assistance d'une tierce personne est nécessaire pour effectuer les actes ordinaires de la vie courante » ; [...]
Attendu que l'incapacité dont Mme Y. reste atteinte est définitive ; que depuis le 30 novembre 2000, elle se trouve dans l'incapacité définitive d'exercer son emploi antérieur ; que son état de santé lui permet d'exercer une activité professionnelle adaptée ; Attendu que l'assurée ne se trouve pas en état d'incapacité temporaire totale de travail au sens du contrat d'assurance ; qu'en effet, elle est dans l'incapacité définitive, et non temporaire, de reprendre son emploi antérieur ; qu'elle n'est pas, depuis le 30 novembre 2000 dans l'incapacité médicalement constatée d'exercer une activité professionnelle ; Attendu que l'assurée ne se trouve pas en état d'invalidité permanente totale, au sens du contrat, c'est-à-dire dans l'impossibilité absolue et définitive de se livrer à l'exercice d'une profession quelconque ; Qu'il s'ensuit que l'assureur peut dénier devoir sa garantie ;
Attendu que les clauses litigieuses stipulent, non des exceptions de garantie, mais les conditions mêmes des garanties ; que ces clauses définissant les risques couverts, les conclusions de l'assurée, relatives au régime des clauses d'exclusion de garantie, sont inopérantes ;
Attendu que c'est vainement que l'assurée invoque les recommandations de la Commission des clauses abusives dès lors que celles-ci ne constituent pas des règles légales impératives ;
Attendu que les clauses définissant l'incapacité temporaire et l'invalidité permanente ne peuvent être considérées comme abusives en l'absence de démonstration d'un avantage excessif obtenu par l'assureur en contrepartie des risques garantis ; Attendu, en effet, qu'il n'est pas établi que le montant de la prime payée par l'assurée n'a pas été calculé en fonction de la délimitation des risques couverts au titre de l'incapacité temporaire et de l'invalidité ; qu'il n'est pas démontré que l'assureur n'aurait pas exigé une surprime pour garantir, en outre, l'incapacité définitive pour l'assurée de poursuivre son activité antérieure ;
Qu'il s'ensuit que les clauses litigieuses ne peuvent être considérées comme étant abusives ».
COUR D’APPEL DE ROUEN
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 27 JANVIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 03/03682. DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 5 juin 2003.
APPELANTE :
GAN EUROCOURGAGE VIE venant aux droits de la SA GAN
[adresse], représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour, assistée de Maître Agnès CHANSON, avocat au barreau du HAVRE
INTIMÉE :
Madame X. épouse Y.
représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour assistée de Me Philippe BOURGET, avocat au barreau du HAVRE
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 décembre 2004 sans opposition des avocats devant Madame BRUMEAU, Conseiller, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Conseiller.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BIGNON, Présidente, Madame BRUMEAU, Conseiller, Monsieur LOTTIN, Conseiller.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame DURIEZ, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 16 décembre 2004, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Janvier 2005
ARRÊT CONTRADICTOIRE : Prononcé publiquement le 27 janvier 2005, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Madame BIGNON, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Exposé du litige :
En contractant le 1er juillet 1983, par acte notarié, un emprunt auprès de l’UCB d'un montant de 295.000 F et d'une durée de 20 ans, destiné à financer l'acquisition d'un terrain, les époux Y. ont, le 1er juillet 1983, adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par l'établissement prêteur auprès de diverses sociétés d'assurances, dont la société Groupe des assurances nationales est l'apéritrice (ci-après l'assureur), en vue de garantir le remboursement de cet emprunt en cas de décès, d'invalidité permanente et totale et d'incapacité temporaire totale et perte de travail.
Le 3 décembre 1999, Mme Y. a déclaré à l'assureur un accident de travail dont elle avait été victime le 27 septembre 1998 et sollicité sa garantie.
L'assureur a opposé la déchéance du droit à garantie pour la période antérieure à la déclaration et a accepté devoir sa garantie à compter du 3 décembre 1999 jusqu'au 23 mars 2000, date à laquelle l'expert médical qu'il avait désigné avait estimé que Mme Y. pouvait reprendre une activité.
Par acte ordonnance rendue 1e 25 octobre 2000, le juge des référés a ordonné une expertise médicale à l'effet, notamment, de déterminer si la maladie dont souffrait l'assurée était de nature à rendre impossible toute activité professionnelle.
Après dépôt du rapport de l'expert commis, Mme Y. a obtenu du juge des référés un complément d'expertise à l'effet de déterminer si elle était dans l'incapacité physique de travailler entre le jour de l'arrêt de travail et le jour de l'expertise.
Après dépôt du rapport complémentaire, Mme Y., soutenant qu'elle était dans l'incapacité de reprendre sa profession antérieure, a assigné l'assureur pour obtenir sa condamnation à prendre en charge le remboursement des arrérages de l'emprunt pour la période allant du 27 septembre 1998 au 3 décembre 1999 et pour la période postérieure au 30 novembre 2000.
[minute page 4] Par jugement rendu le 5 juin 2003, le tribunal de grande instance du Havre a, sur le fondement des articles 1134 du Code civil, L. 113-2 du Code des assurances et L. 132-1 et suivants du Code de la consommation :
- condamné l'assureur à payer à Mme Y. la somme de 2.791,74 au titre des mensualités échues entre le 27 décembre 1998 et le 3 décembre 1999,
- condamné l'assureur à payer à l'UCB ou à rembourser à Mme Y. le tiers des mensualités échues à compter du 30 novembre 2000 jusqu'à ce jour et, sous réserve du non exercice de toute activité professionnelle par l'assurée, à garantir le paiement du tiers de celles à échoir jusqu' à la fin du contrat de prêt,
- condamné l'assureur à payer à Mme Y. la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi que celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné l'assureur à paye les dépens, y compris les frais d'expertise.
L'assureur a interjeté appel de cette décision.
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 19 janvier 2004 par l'assureur et le 25 octobre 2004 par l'assurée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, la Cour,
Attendu qu'au cours de la procédure de première instance, l'assureur a pris en charge les arrérages de l'emprunt pour la période allant du 23 mars au 30 novembre 2000 ; que le litige ne porte donc plus que sur la déchéance partielle du droit à garantie pour la période antérieure au 3 décembre 1999 et sur la garantie de l'assureur pour la période postérieure au 30 novembre 2000;
[minute page 5]
Sur la déchéance du droit à garantie pour la période allant du 27 septembre 1998 au 3 décembre 1999 :
Attendu qu'aux termes de l'article 4 de l'acte notarié, intitulé « assurances », « les accidents ou maladies qui seront déclarés après la fin du troisième mois d'incapacité de travail seront considérés comme s'étant produits au jour où la déclaration en aura été faite ; dans ce cas, aucune indemnité ne sera versée pour la période d'incapacité de travail précédant la déclaration » ;
Attendu que cette clause s'analyse en une déchéance ;
Attendu que, selon l'article L. 113-2 du Code des assurances, la déchéance pour déclaration tardive ne peut être opposée à l'assuré que si l'assureur établit que le retard dans la déclaration de sinistre lui a causé un préjudice ;
Attendu que l'assureur n'a jamais contesté la réalité de l'accident du travail dont a été victime Mme Y., et de la période d'incapacité temporaire totale de travail qui s'en est suivie ; qu'après avoir désigné son expert médical, il a pris en charge le remboursement de l'emprunt jusqu'à l'échéance du mois de mars 2000 ;
Que la circonstance que l'assureur ait été dans l'impossibilité de faire vérifier que l'état de santé de l'assurée entrait dans les prévisions du contrat ne caractérise nullement le préjudice allégué dès lors que, postérieurement, il n'a pas contesté que l'état de santé de l'assurée était en relation de cause à effet avec l'accident du 27 septembre 1998 et devoir sa garantie pour la période d'incapacité temporaire allant jusqu'au mois de mars 2000, puis jusqu'au 30 novembre 2000;
Qu'il s'ensuit que les dispositions du jugement ayant condamné l'assureur à prendre en charge les arrérages de l'emprunt seront confirmées ;
[minute page 6]
Sur la garantie de l’assureur pour la période postérieure au 30 novembre 2000 :
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le handicap de l'épaule gauche et de la région lombaire dont souffre Mme Y. la rend inapte aux professions sollicitant le rachis lombaire (travaux courbés, manutention), et nécessitant l'utilisation du membre supérieur gauche (côté non dominant) en élévation ;
Qu'il précise que son handicap fonctionnel est cependant compatible avec une activité professionnelle adaptée de type semi-sédentaire ;
Attendu que, dans le rapport complémentaire, l'expert indique que la pathologie de l'épaule gauche et du rachis lombaire entraînent une inaptitude à toute activité de travail physique, notamment celle exercée par l'assurée lors de son arrêt de travail le 27 septembre 1998 ; que, selon l'expert, cette inaptitude à l'exercice de la profession antérieure est totale et définitive et qu'a compter du 30 novembre 2000, une activité professionnelle adaptée était possible, l'état de santé de l'assurée étant consolidé ;
Attendu qu'aux termes de l'article 4, intitulé « assurances, sous la rubrique C) « assurances décès », et sous le titre « risque garantis », le contrat prévoit que « la personne assurée, en cas de décès est également garantie en cas d'invalidité permanente et totale, c'est-à-dire si elle se trouve dans l'impossibilité absolue et définitive de se livrer à l'exercice d'une profession quelconques et, dans 1e cas où l'invalidité surviendrait après l'âge de 60 ans, si, de façon définitive, l'assistance d'une tierce personne est nécessaire pour effectuer les actes ordinaires de la vie courante » ;
Attendu qu'aux termes de ce même article, sous la rubrique D), intitulée « assurance incapacité temporaire totale de travail », et sous le titre « risques garantis », le contrat dispose que « la personne assurée, en cas d'incapacité temporaire totale de travail est garantie si elle se trouve, par suite de maladie ou d'accident, dans l'incapacité physique constatée médicalement, de continuer son travail ou d'exercer une activité professionnelle » ;
[minute page 7] Attendu que l'incapacité dont Mme Y. reste atteinte est définitive ; que depuis le 30 novembre 2000, elle se trouve dans l'incapacité définitive d'exercer son emploi antérieur ; que son état de santé lui permet d'exercer une activité professionnelle adaptée ;
Attendu que l'assurée ne se trouve pas en état d'incapacité temporaire totale de travail au sens du contrat d'assurance ; qu'en effet, elle est dans l'incapacité définitive, et non temporaire, de reprendre son emploi antérieur ; qu'elle n'est pas, depuis le 30 novembre 2000 dans l'incapacité médicalement constatée d'exercer une activité professionnelle ;
Attendu que l'assurée ne se trouve pas en état d'invalidité permanente totale, au sens du contrat, c'est-à-dire dans l'impossibilité absolue et définitive de se livrer à l'exercice d'une profession quelconque ;
Qu'il s'ensuit que l'assureur peut dénier devoir sa garantie ;
Attendu que les clauses litigieuses stipulent, non des exceptions de garantie, mais les conditions mêmes des garanties ; que ces clauses définissant les risques couverts, les conclusions de l'assurée, relatives au régime des clauses d'exclusion de garantie, sont inopérantes ;
Attendu que c'est vainement que l'assurée invoque les recommandations de la Commission des clauses abusives dès lors que celles-ci ne constituent pas des règles légales impératives ;
Attendu que les clauses définissant l'incapacité temporaire et l'invalidité permanente ne peuvent être considérées comme abusives en l'absence de démonstration d'un avantage excessif obtenu par l'assureur en contrepartie des risques garantis ;
Attendu, en effet, qu'il n'est pas établi que le montant de la prime payée par l'assurée n'a pas été calculé en fonction de la délimitation des risques couverts au titre de l'incapacité temporaire et de l'invalidité ; qu'il n'est pas démontré que l'assureur n'aurait pas exigé une surprime pour garantir, en outre, l'incapacité définitive pour l'assurée de poursuivre son activité antérieure ;
[minute page 8] Qu'il s'ensuit que les clauses litigieuses ne peuvent être considérées comme étant abusives ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le jugement sera infirmé sauf en celles de ses dispositions ayant condamné l'assureur à payer à l'assurée le montant des arrérages de l'emprunt pour la période allant du 27 septembre 1998 jusqu'au 3 décembre 1999 ;
Que Mme Y. sera déboutée de sa demande tendant à la garantie de l'assureur pour la période postérieure au 30 novembre 2000, et de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Attendu que l'assureur, qui succombe partiellement, sera condamné à payer les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions ayant condamné la société Gan eurocourtage vie à payer à Mme Y., née X., la somme de 2.791,74 € au titre des mensualités échues entre le 27 septembre 1998 et 1e 3 décembre 1999 ;
Déboute Mme Y., née X., de ses demandes pour la période postérieure au 30 novembre 2000 ;
Déboute Mme Y., née X., de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Vu l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, Rejette les demandes ;
Condamne la société Gan eurocourtage à payer les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 6019 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Adéquation au prix
- 6364 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Invalidité permanente