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CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 19 janvier 2012

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 19 janvier 2012
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 10/05666
Date : 19/01/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/09/2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3552

CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 19 janvier 2012 : RG n° 10/05666 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Pour soutenir qu'ils ne sont redevables d'aucune somme à la société Sonnet et entrez, Mme X. et M. Y. font valoir que la clause qui prévoit, en cas d'inexécution par le consommateur de ses obligations, une indemnité de 40 % est disproportionnée et constitue une clause abusive, réputée non écrite conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Cependant, la clause pénale est la somme demandée pour sanctionner la négligence du cocontractant. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la somme versée constituait un acompte, paiement partiel à valoir sur le montant total de la dette qu'ils s'étaient engagés à payer en signant les devis. Or, aucune restitution n'est donc due à celui qui n'exécute pas le contrat. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B

ARRÊT DU 19 JANVIER 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/05666. (Rédacteur : Monsieur Patrick Boinot, conseiller). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 août 2010 (R.G. n° 11-10-0897) par le Tribunal d'Instance d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel du 23 septembre 2010,

 

APPELANTE :

LA SARL SONNET ET ENTREZ,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SCP Solange CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Katell LE BORGNE, substituant Maître Jean-Philippe POUSSET, Avocat au barreau de la Charente,

 

INTIMÉS :

1°/ Mademoiselle X.,

née le [date] à [ville], de nationalité française, technicien-géomètre, demeurant [adresse], (Aide juridictionnelle partielle 25 % numéro 2010/XX du [date])

2°/ Monsieur Y.,

né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse],

Représentés par la SCP Claire LE BARAZER et Laurène D'AMIENS, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Marie-Géraldine COUPEY, Avocat au barreau de la Charente,

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 novembre 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES :

Vu le jugement rendu le 25 août 2010 par le tribunal d'instance d'Angoulême, qui a dit que la société Sonnet et entrez avait failli à son obligation de conseil à l'égard de M. Y. et de Mme X. et qui, en conséquence, l'a condamnée à leur restituer le chèque de 5 840 euros en cas d'encaissement du chèque et à leur payer cette somme avec intérêts légaux à compter de ce jugement, qui a rejeté les autres chefs de demande des parties et qui a condamné ladite société à payer à Mme X. et M. Y. la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la déclaration d'appel interjeté par la société Sonnet et entrez le 23 septembre 2010 ;

Vu les dernières conclusions de l'appelante, signifiées et déposées le 12 octobre 2011 ;

Vu les dernières conclusions de Mme X. et M. Y., signifiées et déposées le 17 mai 2011 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 2 novembre 2011 ;

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la cour se réfère au jugement déféré qui en contient une relation précise et exacte.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la validité des contrats :

Selon l'article 1602 du code civil, le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige, tout pacte obscur ou ambigu s'interprétant contre lui. S'il appartient au professionnel, en application de cette disposition, d'expliquer précisément au cocontractant ce à quoi chacune des parties s'obligent et s'il est ainsi tenu d'une obligation d'information et doit solliciter les renseignements nécessaires, il appartient d'abord au cocontractant de fournir les renseignements nécessaires à la formation et à l'exécution correcte de ce contrat, spécialement quand ces renseignements lui sont expressément demandés ; devant avoir une attitude loyale à son égard, il ne peut déduire de sa propre défaillance la faute du professionnel.

Par son appel, la société Sonnet et entrez sollicite la réformation du jugement en faisant valoir que Mme X. et M. Y., qui ont signé deux devis sans avoir dit qu'ils avaient recours à un crédit à la consommation pour financer leur commande, ne peuvent lui reprocher d'avoir manqué à son obligation contractuelle d'information et de conseil.

Mme X. et M. Y. demandent la confirmation du jugement et la nullité des devis, en reprenant les motifs du jugement et en soutenant que la société Sonnet et entrez a manqué à son devoir de conseil et d'information. Pour ce faire, invoquant les dispositions de l'article 1602 du code civil, ils font valoir qu'ils ont signé, avec le représentant de la société Sonnet et entrez, deux devis ne comportant pas les mêmes mentions, qu'un seul était accompagné des conditions générales de vente et qu'ainsi, ils n'ont pas su à quoi ils s'engageaient ; que la société Sonnet et entrez était informée de ce qu'ils avaient recours à un crédit bancaire ; que l'absence de renseignement, sur les devis signés par eux, de certaines rubriques indispensables à l'établissement de la commande relève d'une faute du vendeur qui n'a pas clairement expliqué ce à quoi il s'obligeait ni ce à quoi étaient tenus les acquéreurs, alors qu'il lui incombait de s'assurer de la parfaite rédaction de ce document et qu'en agissant ainsi, il a manqué, en sa qualité de professionnel, à son devoir de conseil.

 

- Sur l'engagement de Mme X. et M. Y. :

Alors qu'ils avaient signé les devis et les conditions générales de vente jointes à l'un d'eux, ainsi qu'un échéancier de leurs versements, Mme X. et M. Y. n'ont pas renseigné certaines rubriques portées sur ces devis et considérées par eux comme indispensables à l'établissement de la commande. Or, ne démontrant pas, même s'ils l'affirment, que la société Sonnet et entrez était informée de ce qu'ils avaient demandé un crédit bancaire, ils ne peuvent lui reprocher une absence de renseignement sur des précisions qu'ils étaient invités à donner. Et Mme X., technicienne-géomètre et M. Y., mécanicien automobile, ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils n'ont pas su à quoi ils s'engageaient en signant deux documents intitulés « devis », au motif que certaines rubriques n'ont pas été renseignées. Pour le reste, ils relèvent inutilement qu'ils ont signé deux devis ne comportant pas les mêmes mentions et qu'un seul était accompagné des conditions générales de vente. Ainsi, puisqu'ils leur incombaient de renseigner certaines rubriques, cette absence de renseignement leur est imputable et ils ne démontrent ni la faute de la société Sonnet et entrez ni un manquement à son obligation d'information sur l'objet et les prestations contractuelles, qui auraient vicié leur consentement.

Dès lors, puisqu'ils se sont engagés en acceptant les devis avec versement d'un acompte et l'échéancier des versements, ils ne peuvent obtenir la nullité de ces devis et des contrats en résultant.

 

- Sur la reconnaissance d'une clause pénale :

Pour soutenir qu'ils ne sont redevables d'aucune somme à la société Sonnet et entrez, Mme X. et M. Y. font valoir que la clause qui prévoit, en cas d'inexécution par le consommateur de ses obligations, une indemnité de 40 % est disproportionnée et constitue une clause abusive, réputée non écrite conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Cependant, la clause pénale est la somme demandée pour sanctionner la négligence du cocontractant. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la somme versée constituait un acompte, paiement partiel à valoir sur le montant total de la dette qu'ils s'étaient engagés à payer en signant les devis. Or, aucune restitution n'est donc due à celui qui n'exécute pas le contrat.

En conséquence, la cour, infirmant le jugement, décide que les contrats ont été valablement conclus avec toutes conséquences de droit. Elle rejette en outre la demande de Mme X. et M. Y. en versement de dommages et intérêts pour préjudice matériel et préjudice moral, à défaut de justifier d'une quelconque faute de la société Sonnet et entrez qui serait la cause de tels préjudices.

 

Sur la résiliation des contrats :

Aux termes de l'article 1184, alinéa 1er, du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

La société Sonnet et entrez sollicite la résiliation des contrats litigieux aux torts exclusifs de Mme X. et M. Y. Ceux-ci, qui ont manifesté la volonté de ne pas donner suite aux devis, n'opposent aucun moyen à la demande de résiliation.

En conséquence, les contrats doivent être résiliés aux torts exclusifs de Mme X. et M. Y.

Pour être indemnisé des conséquences de cette résiliation, la société Sonnet et entrez, invoquant un préjudice économique, affirme mais ne prouve pas avoir subi un préjudice de cette nature qui résulterait du non-paiement de l'acompte alors que la présente décision, qui lui donne satisfaction, lui donne le droit d'exiger le paiement de cet acompte. En revanche, en ce qui concerne les frais résultant du rejet du chèque, la cour a les éléments d'appréciation suffisants pour fixer son indemnisation à la somme de 100 euros.

Concernant un préjudice commercial, la société Sonnet et entrez ne justifie pas que l'attitude de Mme X. et M. Y. aurait porté atteinte à son image de marque. Et le préjudice qu'a pu lui faire subir la présente procédure sera suffisamment indemnisée par la somme qui lui est allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Sur les autres chefs de demande :

Mme X. et M. Y., succombant en leurs prétentions, sont condamnés aux dépens. Ils sont également condamnés au paiement de la somme de 1.500 euros au profit de la société Sonnet et entrez en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement prononcé le 25 août 2010 par le tribunal d'instance d'Angoulême,

Et, statuant à nouveau :

Rejette la demande de Mme X. et M. Y.,

Prononce la résiliation des contrats résultant des devis signés avec la société Sonnet et entrez, aux torts de Mme X. et M. Y.,

Les condamne à payer à la société Sonnet et entrez la somme de 100 euros en indemnisation de son préjudice,

Rejette tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt,

Condamne Mme X. et M. Y. à payer à la société Sonnet et entrez la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, étant précisé que Mme X. bénéficie de l'aide juridictionnelle.

Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT