CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 26 janvier 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3572
CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 26 janvier 2012 : RG n° 10/04914
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu, sur le fond, que l'article II-10.b des conditions générales du contrat de crédit est ainsi rédigé : « En outre, le prêteur pourra mettre fin au contrat et ainsi clôturer le compte, après envoi d'une mise en demeure à l'emprunteur par lettre recommandée dans chacun des cas suivants : (...) c) inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur au prêteur » ;
Attendu que l'article L. 311-13 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, énonce que « l'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation » ; que ces modèles, annexés à l'article R. 311-6 du même code, ne prévoient la résiliation du contrat par le prêteur qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans ses paiements ; qu'il s'ensuit que la clause précitée, qui édicte un cas de résiliation du contrat de crédit non prévu par les modèles types, a pour conséquence d'aggraver la situation de l'emprunteur ; qu'elle constitue donc une clause illicite ; qu'il convient d'ajouter que permettant au prêteur de résilier le contrat de crédit, même en l'absence de défaut de paiement de l'emprunteur, pour une inexactitude qui peut être involontaire ou sans conséquence, elle crée un déséquilibre significatif entre les parties, conférant à l'une d'elle un avantage excessif et discrétionnaire, parfaitement injustifié ; qu'elle constitue de ce fait également une clause abusive ;
Attendu que l'article L. 311-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, dispose que « le prêteur qui accorde un paiement sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur la capital restant dû » ; qu'en l'espèce, l'offre préalable présentée à l'acceptation de M. X. par la société Fidem n'étant pas conforme aux dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts est encourue ».
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION B
ARRÊT DU 26 JANVIER 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/04914. Rédacteur : Monsieur Louis-Marie Cheminade, président. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 juin 2010 (R.G. n° 11-10-000321) par le Tribunal d'Instance d'ANGOULÊME suivant déclaration d'appel du 2 août 2010.
APPELANTS :
1°/ Monsieur X.,
né le [date] à [ville], de nationalité française,
2°/ Madame Y. épouse X.,
née le [date] à [ville], de nationalité française,
lesdits époux demeurant [adresse], Représentés par la SCP Claire-Marie TOUTON-PINEAU et Rémi FIGEROU, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Irène THEBAULT, substituant Maître Bruno SEVESTRE, Avocats au barreau de RENNES,
INTIMÉE :
LA SA FIDEM,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], Représentée par la SCP Claire LE BARAZER et Laurène D'AMIENS, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Stéphane GAUTIER, Avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 novembre 2011 en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement n° 355/2010 rendu le 23 juin 2010 par le tribunal d'instance d'Angoulême, qui a déclaré les époux X. - Y. irrecevables en leurs demandes, qui a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et qui a laissé les dépens à la charge des demandeurs ;
Vu la déclaration d'appel des époux X. du 2 août 2010 ;
Vu les conclusions des appelants, signifiées et déposées le 6 octobre 2010 ;
Vu les conclusions de la société anonyme Fidem, signifiées et déposées le 8 avril 2011 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 2 novembre 2011 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Selon « Offre préalable d'ouverture de crédit accessoire ou non à des contrats de vente, utilisable par fractions, et assortie d'une carte de crédit et d'avis de débit » acceptée le 13 novembre 2004, la société Fidem a consenti à M. X. un crédit par découvert en compte d'un montant de 800,00 euros, remboursable au taux nominal de 16,56 % l'an par des mensualités de 40,00 euros.
Le 11 janvier 2010, les époux X. ont fait assigner la société Fidem devant le tribunal d'instance d'Angoulême pour faire déclarer illicite l'une des clauses du contrat de crédit, faire juger que le prêteur était en conséquence déchu de son droit aux intérêts, et le faire condamner à leur restituer les intérêts perçus depuis l'ouverture du compte, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement.
Par le jugement déféré, le tribunal a déclaré les époux X. irrecevables en leurs demandes, sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile, au motif que les intéressés ne justifiaient pas, à la date de l'introduction de l'instance, d'un intérêt né et actuel.
Attendu cependant que contrairement à ce qu'a estimé le premier juge et à ce que soutient la société Fidem devant la cour, dans la mesure où, en matière de crédit à la consommation, les clauses illicites sont sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts, les époux X., qui ont réglé et continuent de régler des intérêts, justifient, à la date de l'introduction de l'instance, d'un intérêt patrimonial légitime, né et actuel, à leur action ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de les déclarer recevables ;
Attendu, sur le fond, que l'article II-10.b des conditions générales du contrat de crédit est ainsi rédigé : « En outre, le prêteur pourra mettre fin au contrat et ainsi clôturer le compte, après envoi d'une mise en demeure à l'emprunteur par lettre recommandée dans chacun des cas suivants : (...) c) inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur au prêteur » ;
Attendu que l'article L. 311-13 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, énonce que « l'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation » ; que ces modèles, annexés à l'article R. 311-6 du même code, ne prévoient la résiliation du contrat par le prêteur qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans ses paiements ; qu'il s'ensuit que la clause précitée, qui édicte un cas de résiliation du contrat de crédit non prévu par les modèles types, a pour conséquence d'aggraver la situation de l'emprunteur ; qu'elle constitue donc une clause illicite ; qu'il convient d'ajouter que permettant au prêteur de résilier le contrat de crédit, même en l'absence de défaut de paiement de l'emprunteur, pour une inexactitude qui peut être involontaire ou sans conséquence, elle crée un déséquilibre significatif entre les parties, conférant à l'une d'elle un avantage excessif et discrétionnaire, parfaitement injustifié ; qu'elle constitue de ce fait également une clause abusive ;
Attendu que l'article L. 311-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, dispose que « le prêteur qui accorde un paiement sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur la capital restant dû » ; qu'en l'espèce, l'offre préalable présentée à l'acceptation de M. X. par la société Fidem n'étant pas conforme aux dispositions de l'article L. 311-13 du code de la consommation, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts est encourue ;
Attendu que les époux X. prient la cour de condamner la société Fidem à leur restituer les sommes perçues par elle au titre des intérêts, outre les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de leurs versements, à cesser de prélever des intérêts pour ceux non encore échus, et à leur remettre, dans les quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150,00 euros par jour de retard, un décompte détaillé des sommes perçues au titre des intérêts et des intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de leur versement ; que la société Fidem conclut au rejet de ces demandes, au motif que les appelants ne justifient pas lui avoir payé des intérêts, qu'ils ne précisent ni le montant ni la date de leurs éventuels versements, et que la condamner à fournir le décompte réclamé constituerait une inversion de la charge de la preuve ;
Attendu que la société Fidem, qui a remis à M. X. au mois de novembre 2004 une offre crédit qui a été acceptée, ne peut sérieusement soutenir que son cocontractant n'aurait jamais versé d'intérêts, ce qui signifierait qu'il n'aurait jamais utilisé l'ouverture consentie ; que par ailleurs, dans la mesure où le prêteur déchu de son droit aux intérêts a l'obligation de rembourser les sommes qu'il a reçues à ce titre, majorées des intérêts au taux légal (« les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur »), c'est lui qui a la charge, pour justifier de l'exécution de son obligation légale, de faire connaître les sommes qu'il a perçues, ainsi que la date de chaque versement, et de calculer les intérêts au taux légal dus sur les montants à restituer ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande, sauf à laisser à la société Fidem un délai raisonnable pour procéder aux recherches et calculs nécessaires, et à limiter l'astreinte dans le temps ;
Attendu que la société Fidem succombant en toutes ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; que par ailleurs, il serait inéquitable que les époux X. conservent à leur charge la totalité des frais irrépétibles exposés par eux à l'occasion de cette affaire ; qu'il convient de leur accorder une somme de 500,00 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Reçoit les époux X. en leur appel ;
Infirme le jugement n° 355/2010 rendu le 23 juin 2010 par le tribunal d'instance d'Angoulême ;
Statuant à nouveau :
Déclare les époux X. recevables en leur action ;
Dit que l'article II-10.b c) des conditions générales de l'offre préalable de crédit proposé par la société Fidem à M. X. et accepté par celui-ci le 13 novembre 2004 constitue une clause illicite ;
Dit en conséquence que la société Fidem est déchue de son droit aux intérêts au titre de ce contrat de crédit ;
Condamne par suite la société Fidem :
- à restituer à M. X. les sommes perçues par elle au titre des intérêts depuis l'acceptation du contrat de crédit précité, avec intérêts au taux légal sur ces intérêts à compter du jour de leur versement,
- à cesser de prélever les intérêts non encore échus ;
Dit que dans les quatre mois de la signification du présent arrêt, la société Fidem devra communiquer aux époux X. un décompte détaillé des sommes perçues par elle au titre des intérêts, avec la date de chaque versement, et des intérêts au taux légal sur ces intérêts à compter de chaque versement ;
Dit qu'à défaut de communication du décompte dans le délai imparti, la société Fidem devra payer aux époux X. une astreinte provisoire de 150,00 euros par jour de retard pendant trois mois, après quoi il sera à nouveau fait droit ;
Condamne la société Fidem à payer aux époux X. une somme de 500,00 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Fidem aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Signé par Louis-Marie Cheminade, président, et par Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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