CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 2 février 2012

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 2 février 2012
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 2e ch.
Demande : 10/01998
Date : 2/02/2012
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Jurica
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 3582

CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 2 février 2012 : RG n° 10/01998 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Enfin, la société Mécanorem ne saurait obtenir, sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, l'annulation de la clause de responsabilité du détenteur d'huiles polluées comme étant abusive, alors qu'il est de principe que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le contrat considéré a un rapport direct avec l'activité professionnelle de la partie qui les invoque, étant à cet égard observé que l'appelante est un professionnel de la fabrication de remorques de bateaux et qu'elle a produit le stock d'huiles usagées litigieux dans l'exercice normal de son activité ».

 

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/01998. ORIGINE : DÉCISION en date du 21 mai 2010 du Tribunal de Commerce de CHERBOURG-OCTEVILLE - R.G. n° 20080932 bis.

 

APPELANTE :

LA SAS MECANOREM

prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP TERRADE ET DARTOIS, avoués, assistée de Maître ROUX, avocat au barreau de VERSAILLES

 

INTIMÉE :

L'EURL SOCIÉTÉ NORMANDE DE RÉCUPÉRATION DU LUBRITFIANTS- SNRL

prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués, assistée de Maître LOUZEAU-DORY, avocat au barreau de CHERBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. CHRISTIEN, Président, rédacteur, Madame BEUVE, Conseiller, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 5 décembre 2011

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 2 février 2012 et signé par M. CHRISTIEN, Président, et Mme LE GALL, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Ayant confié, par contrat du 30 juin 2007, la gestion des déchets industriels banals de son site de Valogne à la société Véolia Propreté, la société Mécanorem fit appel à celle-ci en vue de d'évacuer divers déchets, dont quatorze fûts de deux cents litres chacun d'huiles usagées.

L'enlèvement et le traitements des huile usagées fut confiée à la société Normande de récupération de lubrifiants (ci-après la SNRL), laquelle a procédé à l'enlèvement des fûts le 23 octobre 2007.

Prétendant que l'huile collectée était polluée par la présence de polychlorobiphényles (PCB) à des taux supérieur à ceux admis par la réglementation et stipulés dans les conditions générales de ramassage reproduite sur le bon d'enlèvement, la SNRL a, par acte du 8 avril 2008, fait assigner en paiement de dommages-intérêts la société Mécanorem devant le tribunal de commerce de Cherbourg.

Statuant sur l'exception d'incompétence territoriale en faveur du tribunal de commerce de Paris soulevée par la société Mécanorem, les premiers juges se sont, par un premier jugement du 21 novembre 2008, déclarés compétents en vertu de la clause attributive de juridiction reproduite sur le bon d'enlèvement.

Saisie par un contredit de la société Mécanorem, la cour d'appel de Caen a, par arrêt du 26 février 2009, confirmé le jugement du 21 novembre 2008.

En cet état de la procédure, la société Mécanorem a appelé en garantie la société Véolia Propreté ainsi que la société SARP Industries, qui a effectué, antérieurement au ramassage des huiles usagées par la SNRL, des analyses n'ayant décelé aucune pollution, et elle a sollicité la jonction des interventions forcées avec l'instance principale.

Par jugement du 21 mai 2010, le tribunal de commerce de Cherbourg a :

- « rejeté la demande de jonction formée par la SNRL,

- déclaré la SNRL recevable et bien fondée,

- condamné la société Mécanorem à payer à la SNRL les sommes de 21.515,19 euros à titre de dommages et intérêts et de 3.600 euros arrêtée au 23 mars 2008 sauf à parfaire jusqu'à complet au titre de l'enlèvement des huiles polluées,

- dit que ces sommes produiraient intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

- condamné la société Mécanorem à payer à la SNRL une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Mécanorem aux dépens ».

 

La société Mécanorem a relevé appel de cette décision en demandant à la cour de :

« - Déclarer le jugement du tribunal de commerce de Cherbourg du 21 mai 2010 nul et de nul effet ;

Subsidiairement,

- Dire et juger nul et de nul effet le contrat qui serait résulté de la signature, par un préposé de la société Mécanorem, du bon d'enlèvement du 23 octobre 2007 ;

- Dire et juger abusif et, en conséquence, réputé non écrit l'article 4 des conditions générales de vente de la SNRL ;

En tout état de cause,

- Dire et juger que la société Mécanorem n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, tant contractuelle que délictuelle ;

- Dire et juger que la SNRL a failli à ses obligations réglementaires en termes de récupération et de conservation des huiles usagées ;

- Dire et juger que la SNRL ne rapporte pas la preuve de la pollution des huiles usagées collectées sur le site de la société Mécanorem ;

- Dire et juger que la SNRL ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre l'hypothétique pollution des 2.400 litres d'huiles collectées sur le site de la société Mécanorem, et la pollution des 27 tonnes d'huiles stockées par la SNRL ;

- Dire et juger que la carence fautive de la SNRL est à l'origine de son prétendu préjudice ;

- Dire et juger que la pollution de 27 tonnes stockées par la SNRL n'était pas prévisible lors de la collecte des huiles usagées de la société Mécanorem ;

- Dire et juger que la SNRL ne rapporte pas la preuve de son prétendu préjudice ;

En conséquence, débouter la SNRL de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner la SNRL à payer à la société Mécanorem la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ».

 

La SNRL conclut quant à elle devant la cour en ces termes :

« - Donner acte à la société concluante de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la nullité du jugement entrepris ;

- En tout état de cause, statuant sur le fond, dire que l'action de la SNRL est recevable et bien fondée ;

- Condamner la société Mécanorem à payer à la SNRL la somme de 21.515,19 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner en outre la société Mécanorem à payer à la SNRL, à titre de dommages et intérêts pour son préjudice de jouissance, la somme de 150 euros par semaine à compter du 23 octobre 2007, date de la collecte des huiles, soit 3.600 euros arrêtée au 23 mars 2008, sauf à parfaire jusqu'à complet enlèvement des huiles polluées ;

- La condamner au paiement des intérêts de ces sommes au taux légal à compter de la date de l'assignation en tant que de besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires ;

- Condamner la société Mécanorem à payer à la SNRL la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ».

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Mécanorem le 20 octobre 2010, et pour la SNRL le 29 avril 2011.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la nullité du jugement :

Il résulte des énonciations du jugement attaqué ainsi que des explications concordantes des parties et du dossier, notamment des notes en délibéré adressées au tribunal par chacune des parties, que l'affaire n'a été plaidée à l'audience du tribunal de commerce du 19 mars 2010 qu'en la seule présence du conseil de la SNRL et sur la seule question de la jonction des appels en intervention forcée à l'instance principale.

Or, le jugement attaqué ne s'est pas borné à rejeter la demande de jonction, mais a aussi statué sur le fond, alors que rien n'indique que la société Mécanorem ait été informée de la décision prise à l'audience précédente du 19 février 2010, où elle était défaillante, de renvoyer l'affaire au 19 mars suivant pour être plaidée sur le fond.

Pourtant, la procédure devant le tribunal de commerce étant orale, les premiers juges ne se trouvaient saisis que des seules prétentions reprises oralement à l'audience par le conseil de la SNRL, lesquelles se limitaient à solliciter le rejet de la jonction des appels en intervention forcée à l'instance principale.

De surcroît, cette méconnaissance de l'objet du litige ne peut être réparée par une simple requête en retranchement, dès lors qu'elle s'est accompagnée d'une violation du principe du contradictoire.

La cour ne pourra donc qu'annuler le jugement du 21 mai 2010.

Toutefois, étant saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, il lui appartient de statuer au fond en application des dispositions de l'article 562 du Code de procédure civile.

 

Sur l'existence et la validité du contrat d'enlèvement d'huiles usagées :

Ainsi que l'a précédemment retenu la cour dans son arrêt du 26 février 2009 statuant sur contredit de compétence, il ne peut se déduire des termes d'un courrier envoyé a posteriori le 11 janvier 2008 par la société Véolia Propreté à la société Mécanorem, énonçant que la première avait « mandaté » la seconde pour procéder au pompage des huiles usagées, l'existence d'une commande contractuelle relativement à la collecte des huiles usagées de la société Mécanorem à la société Véolia Propreté qui l'aurait ensuite sous-traitée à la SNRL.

À cet égard, l'existence d'une convention de gestion de déchets conclue antérieurement entre les sociétés Mécanorem et Véolia Propreté n'exclut nullement qu'un contrat distinct ait été directement conclu entre les sociétés Mécanorem et SNRL pour l'enlèvement des huiles usagées.

Au demeurant, la société Véolia Propreté a ultérieurement écrit, le 23 avril 2009, à la société Mécanorem en confirmant « qu'il n'existe, en ce qui concerne l'enlèvement et le traitement de ces huiles, aucun lien contractuel entre nos deux sociétés, ni même entre notre société et la SNRL ».

En effet, la société Véolia Propreté, chargée d'une mission de gestion des déchets, a, s'agissant de l'enlèvement et du traitement de l'huile stockée sur le site industriel de la société Mécanorem, séparé les huiles souillées de diluants des huiles usagées et réalisé 4 prélèvements qu'elle a fait analysés par la société SARP Industries, se bornant, au vu des résultats de l'analyse, à mettre en contact son client avec la SNRL, société bénéficiant d'un agrément préfectoral pour assurer le ramassage d'huiles usagées dans le département de la Manche.

Il s'est ainsi noué une relation contractuelle directe entre les sociétés Mécanorem et SNRL, concrétisée par la signature par la première du bon d'enlèvement présenté le 23 octobre 2007 par la seconde puis par l'exécution de la prestation commandée, peu important que l'établissement d'un tel bon ait été exigé par la réglementation applicable au recyclage des huiles usagées.

Ce document, signé par les représentants des sociétés Mécanorem et SNRL et explicitement dénommé « contrat » dans les conditions générales figurant au verso, crée donc entre ces deux sociétés un lien contractuel direct faisant naître à la charge de chacune des parties des obligations relatives à l'enlèvement des huiles, mais aussi aux conditions d'échantillonnage contradictoire aux fins d'analyse en laboratoire et de responsabilité éventuelle du détenteur de stocks pollués.

La société Mécanorem ne dénie au demeurant nullement la signature de son préposé sur le bon d'enlèvement, lequel mentionne expressément que le signataire reconnaît « avoir pris connaissance des conditions générales figurant au verso et les avoir acceptées ».

Or, il est stipulé dans ces conditions générales que les huiles usagées « doivent respectées les caractéristiques suivantes : teneur en PCB < 50 mg/kg » et que « en cas de non respect des propriétés des huiles telles que définies (précédemment) et détecté lors de l'analyse préalable à l'élimination, (...) le détenteur/client responsable de ladite pollution se verra facturer les frais de stockage, de destruction et de décontamination, ainsi que le manque à gagner et/ou tous les frais inhérents, et ce pour l'ensemble du stock pollué ».

Contrairement à ce que la société Mécanorem soutient, elle a valablement donné son consentement au contrat qui s'est ainsi formé entre le détenteur d'huiles usagées et le ramasseur, et les obligations ainsi contractées ne sont ni dépourvues de cause, ni abusives.

En effet, l'appelante n'a pu commettre d'erreur ou avoir été trompée sur la nature, contractuelle, de l'engagement qu'elle prenait en signant le bon d'enlèvement, alors que ce document et les conditions générales de prestations dont elle a expressément reconnu avoir pris connaissance définissaient avec précision les obligations de chacune des parties.

De même, elle ne saurait prétendre que ces obligations seraient fondées sur une fausse cause, alors que son obligation de remettre des huiles non polluées par le PBC trouvait sa cause dans l'obligation de la SNRL de la débarrasser de son stock d'huiles usagées dans le respect des règles de police de l'environnement.

Enfin, la société Mécanorem ne saurait obtenir, sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, l'annulation de la clause de responsabilité du détenteur d'huiles polluées comme étant abusive, alors qu'il est de principe que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le contrat considéré a un rapport direct avec l'activité professionnelle de la partie qui les invoque, étant à cet égard observé que l'appelante est un professionnel de la fabrication de remorques de bateaux et qu'elle a produit le stock d'huiles usagées litigieux dans l'exercice normal de son activité.

 

Sur la responsabilité :

La société Mécanorem prétend par ailleurs n'avoir commis aucune faute et avoir au contraire strictement respecté la réglementation relative à l'élimination des déchets industriels.

Il résulte toutefois des dispositions de l'article 2 du décret du 21 novembre 1979 modifié que les détenteurs d'huiles usagées doivent recueillir celles provenant de leurs installations et les stocker dans des conditions de séparation satisfaisantes, évitant notamment les mélanges avec de l'eau ou tout autre déchet non huileux, et doivent pour ce faire disposer d'installations étanches permettant la conservation des huiles jusqu'à leur ramassage ou leur élimination.

En outre, l'autorité administrative, tenant compte des risques pour la santé et l'environnement induits par des pratiques d'élimination illicite de produits à base de pyralènes contenant des PBC au travers de la filière de récupération des huiles usagées, impose aux détenteurs et aux ramasseurs le respect scrupuleux de procédures garantissant l'exclusion de ces huiles contaminées de la filière de recyclage afin de les réorienter vers une filière d'élimination spécifique.

Ainsi, l'article 8 de l'annexe à l'arrêté ministériel du 28 janvier 1999 dispose que, lors de tout enlèvement, le ramasseur doit procéder contradictoirement à un double échantillonnage, avant mélange avec tout autre lot, en vue notamment de la détection des PCB, l'un des échantillons étant remis au détenteur et l'autre conservé par le ramasseur jusqu'au traitement du chargement.

C'est donc dans ce contexte réglementaire strict que le contrat d'enlèvement que la SNRL propose aux détenteurs d'huiles usagées rappelle les dispositions des articles 2 du décret du 21 novembre 1979 et 8 de l'arrêté du 28 janvier 1999, et oblige ses clients à ne lui remettre que des huiles respectant des caractéristiques de teneur en PCB inférieure à 50 mg/kg.

Or, il résulte des pièces produites que la SNRL a en l'occurrence effectivement procédé contradictoirement à un double échantillonnage scellé avant mélange avec tout autre lot, l'échantillon n° 0023964 A étant remis à la société Mécanorem tandis qu'elle conservait l'autre échantillon n° 0023964 B.

À cet égard, le représentant de la société Mécanorem ayant assisté aux opérations d'enlèvement a expressément reconnu, en signant le bon d'enlèvement, « que le prélèvement a été effectué de façon contradictoire et qu'il a été réparti en deux échantillons dont l'un lui a été remis ».

Il est également établi que la SNRL a procédé à l'analyse de la cuve contenant les huiles collectées au cours des journées des 23, 25 et 26 octobre 2007, afin de déterminer la présence éventuelle de produits polluants qui font obstacle au retraitement classique des huiles usagées, qu'un premier résultat a révélé le 31 octobre 2007 une teneur anormale en PCB évaluée à 350 mg/kg, qu'une deuxième analyse portant sur l'échantillon correspondant aux ramassages effectués le 23 octobre 2007 révélait des résultats anormaux avec un taux de 400 mg/kg de PCB, et que l'analyse de l'échantillon n° 0023964 B réalisé lors de l'enlèvement des huiles détenues par la société Mécanorem révélait à nouveau le 5 novembre 2007 un taux de PCB supérieur à 400 mg/kg.

Pour contester la pertinence de ces analyses, la société Mécanorem fait valoir que la société Véolia Propreté avait, préalablement à l'enlèvement des huiles usagées par la SNRL, fait réaliser des analyses par la société SARP Industries qui n'avaient rien révélé d'anormal, pas plus d'ailleurs que les analyses des fonds de fûts qu'elle a fait réaliser après que la SNRL l'eut informée du résultat de ses propres analyses.

Cependant, la société Mécanorem détenait une quantité très importante d'huiles usagées stockée dans quatorze fûts, et, selon les propres explications de l'appelante, la société Véolia Propreté n'a collecté que 4 échantillons dans des conditions ne permettant pas de garantir que le contenu de l'ensemble des 14 fûts a été analysé.

De même, l'analyse des huiles contenues dans le fond des deux fûts conservés par la société Mécanorem ne présente aucun caractère probant, les conditions dans lesquelles elle prétend avoir reversé dans ces deux fûts les huiles résiduelles restées dans les douze autres fûts après l'intervention de la SNRL étant ignorées.

En fait, seuls les échantillons prélevés contradictoirement et conformément à la procédure prévue dans l'arrêté ministériel du 28 janvier 1999 sont susceptibles d'apporter la preuve objective de la présence de PCB dans les huiles détenues par la société Mécanorem.

Or, usant de la faculté de faire procéder à une contre-analyse de l'échantillon n° 0023964 A prélevé contradictoirement, la société Mécanorem a confié celui-ci au laboratoire LCA qui a confirmé le 13 décembre 2007 la présence une contamination par une teneur en PCB de 380 mg/kg.

La société Mécanorem suggère que ce résultat ne pourrait être tenu pour probant dans la mesure où elle se serait dessaisie de l'échantillon n° 0023964 A au profit d'un représentant de la SNRL, mais, si elle a en effet volontairement remis cet échantillon pour expédition à un laboratoire agréé, elle s'est ravisée quelques minutes plus tard en reprenant l'échantillon, rien ne permettant par ailleurs de douter de l'intégrité des scellés apposés sur celui-ci lors de sa remise au laboratoire LCA.

De même, elle ne saurait tirer argument de la différence de concentration en PCB révélée par les deux analyses, l'existence de la contamination ayant été mise en évidence dans chacun d'eux.

Il est ainsi démontré que la société Mécanorem, qui stockait des quantités importantes d'huiles usagées sur son site industriel de Valogne dans des conditions ne garantissant pas l'absence de tout mélange ainsi que le révèle le courrier de la société Véolia Propreté du 23 avril 2009 soulignant que les fûts contenaient « des huiles usagées ainsi que des déchets en mélange », a commis une faute en faisant procéder à leur enlèvement alors que l'huile contenue dans au moins un des quatorze fûts stockés était contaminée par une teneur en PCB supérieure à celle stipulée au contrat.

 

Sur le préjudice :

Ainsi qu'en dispose l'article 4 des conditions générales d'enlèvement précédemment reproduit, le client responsable d'une contamination « se verra facturer les frais de stockage, de destruction et de décontamination, ainsi que le manque à gagner et/ou tous les frais inhérents, et ce pour l'ensemble des stocks pollués ».

L'ensemble des préjudices des préjudices invoqués par la SNRL étaient donc parfaitement prévisibles, puisque leur réparation était explicitement prévue au contrat.

Et, il ne saurait être fait grief à la SNRL d'avoir, par une prétendue carence fautive, été à l'origine de son préjudice, alors que celle-ci a parfaitement respecté les obligations qui lui incombaient, en procédant, conformément à la réglementation et aux stipulations de son contrat d'enlèvement, à un échantillonnage préventif des huiles collectées, avant tout mélange, de nature à permettre de déceler a posteriori un apport illicite de pyralènes, étant observé que ces exigences de traçabilité des huiles ramassées ne pouvaient aller, sauf à anéantir l'intérêt économique de la filière de recyclage des huiles usagées, jusqu'à lui imposer de conserver séparément les collectes réalisées quotidiennement chez chacun de ses clients pendant toute la durée des analyses réalisées par des laboratoires extérieurs agréés.

Dès lors, la SNRL, qui s'est à juste titre étonnée que la société Mécanorem conservait sur son site de Valogne des quantités d'huiles usagées d'un volume laissant supposer que celle-ci n'accordait pas une attention suffisante à leur collecte régulière de ses huiles usagées, est fondée à réclamer à celle-ci le remboursement des frais de décontamination.

En conséquence, la société Mécanorem devra payer, en réparation de ce préjudice dont la nature et l'importance sont suffisamment démontrées, les sommes suivantes :

- 15.341,62 euros hors taxe pour le transport aller-retour jusqu'au centre d'élimination, le nettoyage de la cuve polluée et la destruction des 27 tonnes d'huiles polluées,

- 50 euros hors taxe au titre des frais d'analyses,

- soit, au total, 15.391,62 euros hors taxe.

Étant une société commerciale ne justifiant pas se livrer à une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, la SNRL bénéficiera, au titre de ces postes de préjudice correspondant à des remboursements de prestations, d'une condamnation hors taxe.

Mais la SNRL subit également un préjudice résultant de l'impossibilité de recycler la totalité des 27 tonnes d'huiles usagées contenues dans la cuve polluée après la collecte des 2.400 litres d'huiles détenues par l'appelante.

Il lui sera à cet égard alloué, à titre de dommages-intérêts compensant son gain manqué, une somme de 2.597,67 euros hors taxe, soit 3.106 euros toutes taxes comprises.

En outre, l'inertie persistante de la société Mécanorem en dépit des nombreuses mises en demeure l'a contrainte à stocker ces huiles polluées dans l'attente de leur acheminement vers le seul centre de retraitement agréé au plan national pour traiter les produits contaminés par le PCB, ce qui lui a causé un préjudice croissant du fait de l'indisponibilité de sa cuve.

Toutefois, la cour considère que ce préjudice de jouissance sera exactement, intégralement et définitivement réparé par le paiement de dommages-intérêts d'un montant de 3.000 euros.

La société Mécanorem sera donc condamnée, en réparation du gain manqué et du trouble de jouissance, au paiement de dommages-intérêts d'un montant global de 6.106 euros.

La créance de condamnation de la SNRL étant de nature indemnitaire, elle produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

 

Sur les frais irrépétibles :

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la SNRL l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de la procédure et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Annule le jugement rendu le 21 mai 2010 par le tribunal de commerce de Cherbourg en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Mécanorem à payer à la société Normande de récupération de lubrifiants les sommes de :

- 15.391,62 euros hors taxe en remboursement des frais de décontamination,

- 6.106 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du gain maqué et du préjudice de jouissance ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jour d'un présent arrêt ;

Condamne la société Mécanorem à payer à la société Normande de récupération de lubrifiants une somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

Condamne la société Mécanorem aux dépens de première instance et d'appel ;

Accorde à la société civile professionnelle Parrot, Lechevallier et Rousseau, avoués associés, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER         LE PRESIDENT

N. LE GALL              J. CHRISTIEN