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CA RENNES (1re ch. B), 15 octobre 2010

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch. B), 15 octobre 2010
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 09/09111
Décision : 10/569
Date : 15/10/2010
Nature de la décision : Compétence
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 15/12/2009
Décision antérieure : CASS. COM., 18 octobre 2011
Numéro de la décision : 569
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3626

CA RENNES (1re ch. B), 15 octobre 2010 : RG n° 09/09111 ; arrêt n° 569

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que, si les pratiques restrictives de concurrence sont généralement constatées à l'occasion de relations commerciales fondées sur un contrat, il reste, qu'au travers de l'exécution du contrat, c'est le comportement d'un opérateur économique ayant une pratique injustifiée au regard du jeu normal de la concurrence qui est sanctionnée par l'action ouverte par l’article L. 442-6 du code de commerce ;

Considérant que l'action autonome du ministre chargé de l'économie, dont la finalité est la protection de fonctionnement du marché et de la concurrence et qui vise au rétablissement de l'ordre public économique, ne procède pas du droit subjectif des victimes mais tend à la nullité absolue de pratiques contraires à l'ordre public économique ; que le ministre exerce un droit propre et ne met pas en œuvre une action en nullité relative appartenant au contractant, lequel n'a pas à être attrait dans la cause, même s'il dispose du droit d'agir lui-même en annulation ;

Considérant que l'action du ministre aux fins de cessation de ces pratiques restrictives de concurrence et aux fins d'annulation des contrats qui sont le support de ces pratiques revêt la nature d'une action en responsabilité quasi-délictuelle, comme le rappelle le libellé de l'alinéa premier de l'article 442-6, I du code commerce (« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour tout producteur... ») ;

Que l'action du ministre relevant de la matière délictuelle, il peut, conformément aux dispositions de l’article 46 du code de procédure civile, former sa demande à son choix devant la juridiction du domicile du défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle du lieu dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G : 09/09111 ARRÊT N° 569

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise SIMONNOT, Président, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,

GREFFIER : Mme Marie-Noëlle CARIOU, lors des débats, et Mme Christine NOSLAND, lors du prononcé,

DÉBATS : A l'audience publique du 9 septembre 2010 devant Monsieur Jean-Pierre GIMONET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 15 octobre 2010 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

DEMANDERESSE AU CONTREDIT :

Société GALEC GROUPEMENT D'ACHATS DES CENTRES LECLERC

représentée par la SELARL AVOXA, avocats, substituant la SCP AMADIO - PARLEANI - GAZAGNES, avocats

 

DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :

MADAME LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

représentée dans le département de l'Ille et Vilaine par Monsieur X., Directeur Régional de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Représentée en vertu d'un pouvoir en date du 30 août 2010, par Mlle Y., agent contractuel à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le tribunal de commerce de Rennes a été saisi par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, représenté par le directeur départemental de la concurrence de la consommation et de la répression fraudes de Saint-Brieuc, d'une demande dirigée contre le Groupement d'achats des centres Leclerc (le GALEC) sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce, aux fins de constatations du caractère illicite de pratiques restrictives de concurrence et d'annulation de contrats passés avec deux fournisseurs, les sociétés LOC MARIA et G. PATISSIER, comme comportant des délais de paiement s'écartant, sans raison objective, du délai de 30 jours suivant la date de réception des marchandises, aux fins de cessation de ces pratiques et aux fins de condamnation du GALEC au paiement d'une amende civile de 300.000 euros :

Par jugement du 3 décembre 2009, le tribunal de commerce de Rennes :

- s'est déclaré territorialement compétent ;

- a dit qu'à défaut de contredit dans le délai prescrit par l’article 82 du code de procédure civile, il serait fait application de l'article 97 dudit code et qu'en conséquence l'affaire serait rappelée à l'audience du 4 février 2010 pour être plaidée sur le fond ;

- a débouté le GALEC de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- a réservé les dépens ;

Le 15 décembre 2009, la société coopérative anonyme à capital variable GALEC a formé un contredit contre cette décision, y exposant que :

- la demande du ministre des finances aux fins d'annulation de deux contrats ne peut que relever de la matière contractuelle, même si le ministre n'est pas partie aux contrats et si la nullité est d'ordre public, de sorte que sont applicables les règles de compétence des articles 42 du code de procédure civile (domicile du défendeur) ou 46 alinéa 2 (lieu de la livraison effective de la chose ou lieu d'exécution de la prestation de service),

- le litige se rapportant aux modalités de paiement du prix et non à la livraison de la chose ou l'exécution d'une prestation de service, seul peut être compétent le tribunal de commerce de Créteil, dans le ressort duquel se trouve son domicile (art. 42),

- l'action autonome du ministre des finances dont la finalité est la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui ne vise pas à la réparation d'un dommage, ne peut se voir appliquer les règles de la responsabilité délictuelle,

- il a été jugé, en matière de compétence matérielle, que le ministre qui intentait une action sur le fondement de l’article 442-6 du code de commerce concernant des rapports entre commerçants ne pouvait se prévaloir de sa qualité de non-commerçant pour prétendre disposer du choix de saisir le tribunal de grande instance alors que seul le tribunal de commerce devait être déclaré compétent ;

- l'action du ministre n'est pas une action en responsabilité délictuelle puisqu'il ne demande pas la réparation d'un dommage ;

- si l’action du ministre devait être qualifiée d'action sui generis, les règles de compétence territoriale applicables ne pourraient être que celles du droit commun à savoir le tribunal du lieu du domicile du défendeur ;

A l'audience des plaidoiries, le conseil de la société coopérative anonyme à capital variable GALEC s'est référé aux moyens et prétentions du contredit ;

Le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, représenté à l'audience par madame Y., a sollicité la confirmation du jugement en faisant valoir que sa mission de protection de l'ordre public économique dans le cadre de l’article L. 442-6 du code de commerce qui établit une liste de délits civils plaçait le ministre dans une position différente de celles du justiciable ; il s'est référé à ses écritures prises en première instance par lesquelles il soutenait que les délais de paiement que le GALEC a imposés en tant que débiteur à ses fournisseurs étaient critiqués en ce qu'ils étaient contraires à un texte d'ordre public et constitutifs d'une faute que l’article L. 442-6 du code de commerce a érigé en faute délictuelle et que la demande de prononcé de la nullité des contrats visait seulement à rétablir l'ordre public économique violé par cette pratique à caractère délictuel ; il a fait valoir que le dommage s'était réalisé au lieu de la gestion administrative comprenant le recouvrement des factures, sis à Saint-Grégoire pour l'un des deux fournisseurs, la société LOC MARIA, soit dans le ressort du tribunal de commerce de Rennes ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant qu'aux termes de l’article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'époque des faits (2003-2005) :

« - I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :... 7° De soumettre un partenaire à des conditions de règlement manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartant au détriment du créancier, sans raison objective, du délai indiqué au deuxième alinéa de l'article L. 441-6... » ;

Que selon le paragraphe III du même article : « L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article ;

Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l'indu et le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d'euros. » ;

Considérant que l’article L. 442-6 du code de commerce sanctionne notamment la soumission par un commerçant d'un partenaire économique à des conditions de règlement manifestement abusives par des dispositions figurant au chapitre II - du titre IV du livre quatrième - du code de commerce intitulé « des Pratiques restrictives de concurrence » ;

Considérant que, si les pratiques restrictives de concurrence sont généralement constatées à l'occasion de relations commerciales fondées sur un contrat, il reste, qu'au travers de l'exécution du contrat, c'est le comportement d'un opérateur économique ayant une pratique injustifiée au regard du jeu normal de la concurrence qui est sanctionnée par l'action ouverte par l’article L. 442-6 du code de commerce ;

Considérant que l'action autonome du ministre chargé de l'économie, dont la finalité est la protection de fonctionnement du marché et de la concurrence et qui vise au rétablissement de l'ordre public économique, ne procède pas du droit subjectif des victimes mais tend à la nullité absolue de pratiques contraires à l'ordre public économique ; que le ministre exerce un droit propre et ne met pas en œuvre une action en nullité relative appartenant au contractant, lequel n'a pas à être attrait dans la cause, même s'il dispose du droit d'agir lui-même en annulation ;

Considérant que l'action du ministre aux fins de cessation de ces pratiques restrictives de concurrence et aux fins d'annulation des contrats qui sont le support de ces pratiques revêt la nature d'une action en responsabilité quasi-délictuelle, comme le rappelle le libellé de l'alinéa premier de l'article 442-6, I du code commerce (« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour tout producteur... ») ;

Que l'action du ministre relevant de la matière délictuelle, il peut, conformément aux dispositions de l’article 46 du code de procédure civile, former sa demande à son choix devant la juridiction du domicile du défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle du lieu dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

Et considérant que le dommage, de nature financière, a effectivement atteint la société LOC MARIA, au lieu du paiement, soit au lieu de sa gestion administrative exercée au lieu du siège social, à Saint-Grégoire, dans le ressort du tribunal de commerce de Rennes ; que les nécessités d'une bonne administration de la justice commandent que les mêmes pratiques mises en oeuvre par la société coopérative anonyme à capital variable GALEC à l'égard de la société LOC MARIA et de la société G. PATISSIER soient jugées dans une instance unique ; qu'il convient donc de confirmer le jugement ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Dit la société coopérative anonyme à capital variable GALEC non fondée en son exception d'incompétence ;

Rejette le contredit ;

Renvoie en conséquence la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Rennes ;

Condamne la société coopérative anonyme à capital variable GALEC aux frais du contredit ;

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT