CA NÎMES (2e ch. com. sect. B), 9 février 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3649
CA NÎMES (2e ch. com. sect. B), 9 février 2012 : RG n° 10/01695
Publication : Jurica
Extrait : « Que la preuve d'un abus quelconque de dépendance au regard de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce n'est pas plus justifiée et la Cour relève qu'après avoir plaidé l'indépendance d'un agent commercial au visa de l'article L. 134-1 du code de Commerce « L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante », il y a sans doute quelque paradoxe à soutenir une totale dépendance en une notion assez voisine ;
Qu'il convient aussi de remarquer que ce texte L. 442-6 du Code de commerce en son alinéa I. 2° b (souvent modifié avec des variantes et dont la version citée par l'appelante n'est d'ailleurs pas exactement la version en vigueur au moment des faits de rupture) sanctionne des abus d'obligations à la charge d'une partie économiquement plus faible en une relation commerciale en cours, et n'a rien à voir a priori avec la rupture de relations commerciales ou le « déréférencement » qui rendent bien au contraire toute autonomie aux ex-parties contractantes ;
Attendu qu'en tout état de cause et en définitive, au regard de cette situation et de l'ensemble connu du dossier le tribunal a justement retenu qu'avec un préavis officiel d'un an, la preuve n'était pas rapportée d'une brusque ou déloyale rupture, ni d'un préjudice certain ».
COUR D’APPEL DE NÎMES
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE - SECTION B
ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/01695. Magistrat Rédacteur : Mr GAGNAUX/DP. TRIBUNAL DE COMMERCE D'AUBENAS 12 février 2010.
APPELANTE :
SARL A. PRODUCTIONS,
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social, représentée par la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU, avoués à la Cour, assistée de la SCP ROZES SALLELES PUECH GERIGNY, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SAS ED,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social situé, représentée par la SCP CURAT JARRICOT, avoués à la Cour, assistée de Maître Christian FEDDAL, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 octobre 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, M. Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller
GREFFIER : Mme Dominique RIVOALLAN, Greffier, lors des débats et Mme Jany MAESTRE Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS : à l'audience publique du 10 novembre 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 janvier 2012 et prorogé au 9 février 2012. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 9 février 2012, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 12 février 2010 par le tribunal de commerce de AUBENAS dans l'affaire opposant la SARL A. PRODUCTIONS à la SAS ED et la SA CARREFOUR,
Vu l'appel de la SARL A. PRODUCTIONS en date du 2 avril 2010 à l'encontre de la SAS ED et la SA CARREFOUR,
Vu la constitution en appel de la société CARREFOUR à l'encontre de laquelle la SARL A. PRODUCTIONS s'est désistée par conclusions en date du 23 juillet 2010, désistement faisant l'objet d'une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 2 septembre 2010 le constatant,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état par la SARL A. PRODUCTIONS (« la société A. production ») le 30 septembre 2011 et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état par la SAS (« la société ED ») le 26 novembre 2010 et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 14 octobre 2011.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Le 6 août 2008, la SARL A. PRODUCTIONS a assigné la société ED et la société Carrefour pour voir :
A titre principal :
- Dire et juger que le contrat existant entre la SARL A. PRODUCTIONS et les sociétés ED et CARREFOUR est un contrat d'agent commercial,
- En conséquence, condamner solidairement les deux sociétés assignées à lui payer la somme de 83.000,00 euros pour l'indemnité de rupture du fait de la résiliation du contrat d'agence commerciale existant entre elle et les sociétés ED et CARREFOUR,
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que la rupture des relations commerciales par les sociétés ED et CARREFOUR a été brutale,
- En conséquence, condamner les sociétés assignées solidairement à lui payer la somme de 83.000,00 euros pour l'indemnité compensatrice de préavis non respecté,
En tout état de cause :
- Condamner les sociétés ED et CARREFOUR solidairement à lui payer la somme de 72.928,00 euros correspondant au manque à gagner du fait du défaut d'exécution de bonne foi des relations contractuelles jusqu'à leur terme, outre la somme de 100.000,00 euros au titre de l'abus de leur puissance d'achat et en réparation du préjudice de la (sarl) A. PRODUCTION, et 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Le Tribunal de Commerce d'AUBENAS après s'être déclaré compétent a jugé que la SARL A. PRODUCTIONS n'était pas agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de Commerce et que à en croire de Registre du Commerce et des Sociétés d'AUBENAS la société A. PRODUCTION est courtier de marchandises car elle mentionne dans le paragraphe - activité exercée - : « opérations de courtage, commercialisation de fruits et légumes » ; que en conséquence la demande d'indemnité devait être rejetée ; que la demande d'indemnité pour insuffisance de préavis l'article L. 442-6, I, 5 du Code de Commerce met en place un délai minimum de préavis lors de la rupture de relations commerciales établies et qu'une brusque rupture n'était pas prouvée compte tenu d'un préavis d'un an ; que la bonne foi de la société ED dans le cadre de ses relations commerciales n'était pas contestable ; que enfin la baisse du chiffre d'affaires de ne résultait pas de la seule rupture des relations commerciales par la société ED, et que la participation de la société ED au chiffre d'affaires de la société A. PRODUCTIONS avait varié de façon importante entre les années 1994/1995 et 2007/2008,
Le Tribunal de Commerce d'AUBENAS a en définitive jugé par jugement en date du 12 février 2010, dont appel :
- CONSTATE la qualité de coutier de marchandises de la (sarl) A. PRODUCTIONS. DEBOUTE la (sarl) A. PRODUCTIONS de la totalité de ses demandes.
- MET hors de cause la (sa) CARREFOUR.
- DIT ne pas y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- CONDAMNE la (sarl) A. PRODUCTIONS aux entiers dépens d'instance, (...).
* * *
Au soutien de son appel la société A. PRODUCTIONS APPELANTE reprend l'historique de sa naissance et de ses relations avec la société CARREFOUR (à l'encontre de laquelle elle s'est désisté en appel) et la société ED, explique être devenu la centrale de référencement de CARREFOUR-ED en RHONE-ALPES, avec une place centrale vis à vis des producteurs et mission de rechercher les offres des producteurs-fournisseurs, en négociant les prix, et les transmettre aux bases ED et CARREFOUR, de gérer et confirmer les commandes, d'organiser les transports et livraisons de marchandises.
Qu'à compter de l'année 2005, elle s'est vue privée de la majeure partie des commandes des bases des magasins ED et dès 2004, des instructions officieuses auraient été données pour limiter ses interventions et traiter directement avec les producteurs déjà connus par son entremise ;
Que la décision occulte de rupture a donc été prise en 2004, alors qu'officiellement, ED n'a mis un terme aux relations commerciales avec la SARL A. PRODUCTIONS, que par un courrier du 8 mars 2007, moyennant un préavis d'un an alors même que les relations commerciales duraient depuis plus de 14 ans.
Elle soutient qu'elle était agent commercial, les cocontractants ayant « manifestement un intérêt commun à la poursuite des relations »,et selon la rémunération de la SARL A. PRODUCTIONS en fonction du nombre de colis livrés, mandat permanent donné à un agent d'acheter des marchandises, en l'occurrence des fruits et légumes, doit être qualifié d'agence commerciale, avec négociation de façon permanente des prix et les contrats au nom et pour le compte de ED ; que le statut d'agent commercial n'est pas limité aux personnes physiques ; qu'elle est en conséquence en droit de demander indemnisation à ce titre pour la rupture brutale de son contrat d'agence commerciale en vigueur depuis 1993, préjudice accru du fait de la situation de dépendance économique à l'égard des sociétés ED et CARREFOUR, à la demande expresse desquelles la SARL A. PRODUCTIONS a été constituée.
Que la loi interdit certains comportements commerciaux et concurrentiels et notamment selon l'article L. 442-6 du code de commerce 5° « de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. [...] ».
Que la rupture brutale des relations commerciales par les sociétés ED et CARREFOUR avec la SARL A. PRODUCTIONS a eu aussi un effet néfaste sur les relations que cette dernière entretenait avec son réseau de Producteurs-fournisseurs dès lors que cette rupture engendrait une perte significative de débouchées commerciales pour ces derniers (entre 30 et 40 % selon les années) ; qu'en rompant les relations commerciales de manière occulte et progressivement à compter de 2004, la société ED a violé l'obligation légale de notifier la rupture, outre au regard de l'article 1134 alinéa 3 [du code civil], en n'exécutant pas ses obligations de bonne foi ;
Que la société ED a ensuite, en 2007, accordé en apparence et de manière trompeuse, un délai de préavis d'un an à la société A. PRODUCTIONS, alors qu'en fait la rupture était déjà programmée et en grande partie consommée.
Qu'elle sait cependant pertinemment que l'examen des motifs de la rupture est inutile dès lors qu'il s'agit d'une rupture de relations commerciales établies sans réclamer la résiliation du contrat pour inexécution contractuelle, et leur éventuelle légitimé ne saurait délier son initiateur de son obligation au versement de l'indemnité de rupture brutale des relations commerciales établies., la preuve n'étant pas par ailleurs rapportée d’un « prétendu déclin des productions fruitières de la vallée du Rhône vers des régions au foncier moins cher » ou de « prétendues incompétences de la société A. PRODUCTIONS en termes de négociations » ; Que la presse d'août 2009 a décrit précisément les dérives des magasins ED qui ont dû relever les prix pour maintenir leur marge ;
Que « si ED était de bonne foi pour prouver que les prix négociés par l'appelante étaient excessifs, elle produirait des preuves à l'appui, notamment les mercuriales (...) ; Que compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales, de la situation de dépendance économique et du secteur des fruits et légumes concernés et le fait que cette société a été créée à la demande expresse de CARREFOUR/ED en 1994, c'est un préavis de deux années qui aurait dû être respecté et non celui d'une année. »
L'indemnisation est donc due à l'appelante aussi car au sens de l'article déjà précité L. 442-6 du code de commerce, en sa partie I. 2° b « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 2° (...) b) D'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées, notamment en lui imposant des pénalités disproportionnées au regard de l'inexécution d'engagements contractuels. Le fait de lier l'exposition à la vente de plus d'un produit à l'octroi d'un avantage quelconque constitue un abus de puissance de vente ou d'achat dès lors qu'il conduit à entraver l'accès des produits similaires aux points de vente ».
* * *
La SARL A. PRODUCTIONS - APPELANTE - demande à la Cour in fine de ses dernières écritures de :
Vu les articles L. 134-1 et suivants, L. 134-12 et L. 442-6 du code de commerce, et l'article 1134 du Code civil,
Réformer intégralement le jugement entrepris ;
A TITRE PRINCIPAL :
- Constatant l'existence des éléments caractérisant la relation entre les parties en tant que contrat d'agence commerciale,
- DIRE ET JUGER que le contrat existant entre la SARL A. PRODUCTIONS et les sociétés ED et CARREFOUR est un contrat d'agent commercial ;
- En conséquence, CONDAMNER la société ED à verser à la SARL A. PRODUCTIONS la somme de 83.000 euros correspondant à l'indemnité de rupture du fait de la résiliation du contrat d'agence commerciale existant entre la SARL A. PRODUCTIONS et les sociétés ED et CARREFOUR ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- DIRE ET JUGER que la rupture des relations commerciales par les sociétés ED et CARREFOUR a été brutale et fautive comme étant intervenue de manière occulte ;
- En conséquence, CONDAMNER la société ED à verser à la SARL A. PRODUCTIONS la somme de 83.000 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis non respecté qui aurait dû avoir une durée de deux années.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :
- CONDAMNER la société ED à verser à la SARL A. PRODUCTIONS la somme de 72.928 euros correspondant au manque à gagner du fait du défaut d'exécution de bonne foi des relations contractuelles jusqu'à leur terme.
Subsidiairement, désigner tel expert qu'il plaira à la Cour si celle-ci l'estime nécessaire, aux fins d'évaluer l'indemnisation définitive due à l'appelante, à savoir l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ou l'indemnité de rupture de relations commerciales établies, ainsi que le montant du manque à gagner du fait du défaut d'exécution de bonne foi des relations contractuelles jusqu'à leur terme.
CONDAMNER la société ED à verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
* * *
La SAS ED SEULE INTIMÉE
Rappelle qu'historiquement en 1993, la société CARREFOUR a confié à Monsieur A., exploitant individuel, l'organisation de l'approvisionnement des bases et magasins ED de la région et que la société A. PRODUCTIONS est une société de courtage et a toujours agi en cette qualité ;
Que la société A. PRODUCTIONS n'agissait pas comme agent commercial, car n'exerçant pas une profession indépendante de nature civile et n'étant pas immatriculé au Registre spécial prévu par l'article 4 du décret 58-1345 du 23 décembre 1958 ;
Que la SARL A. PRODUCTIONS était une « société commerciale qui accomplit, conformément à son objet social, les activités de courtage de marchandises prévues par l'article L. 131-1 du Code de commerce ; que l'article 134-1 al. 2 du Code de commerce exclut des dispositions du chapitre IV intitulé « Des agents commerciaux » les personnes dont la mission de représentants fait l'objet de dispositions législatives particulières, dont et donc le courtage ; que la société A. PRODUCTIONS se prétend « centrale de référencement » et une centrale de référencement présente les caractéristiques d'un courtier et non d'un agent commercial ;
Subsidiairement, sur l'indemnité de résiliation (art. 134-12 du Code de commerce) la société ED explique qu’à défaut d'exclusivité elle ne pourrait être débitrice qu'en fonction des chiffres d'affaires qui la concernent ; que l'indemnité de résiliation prévue par l'article 134-11 du Code de commerce ne saurait réparer que le préjudice évalué au moment de la rupture, en fonction des données des marchés, de la concurrence, des usages récents liés aux transformations des procédés commerciaux, donc aussi préjudice limité à la marge dont la société A. PRODUCTIONS prouverait qu'elle a été privée ;
Que le recours à l'article 1134 du Code civil est inopportun car il revient à « solliciter deux indemnités, alors que chacun de ces textes a pour objet de réparer un seul et même préjudice : celui qui résulterait du fait de « rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie » ;
Que « La société A. PRODUCTIONS ne peut tout à la fois prétendre que la rupture des relations aurait commencé dès 2005 par la baisse spectaculaire de son chiffre d'affaires et que le préavis n'a commencé de courir que le 8 mars 2007, date de la lettre de ED prévoyant la rupture pour le 8 mars 2008 » ;
Qu’elle était libre d'acheter directement à d'autres producteurs que ceux avec lesquels elle avait traité précédemment par l'intermédiaire de la société A. PRODUCTIONS ; que « subsidiairement, la société A. PRODUCTIONS n'ayant pas produit les documents nécessaires à son évaluation, il y aura lieu de surseoir à statuer » ;
La société ED - intimée - demande à la Cour in fine de ses écritures de :
Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;
Confirmer le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamner la société A. PRODUCTIONS à payer 5.000 euros au titre de l'article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE,
Subsidiairement, sur l'éventuel droit à indemnité pour insuffisance de préavis,
Vu l'article 378 CPC,
Surseoir à statuer jusqu'à production par la société A. PRODUCTIONS de ses bilans et des documents nécessaires à l'évaluation du préjudice résultant prétendument de la cessation de ses relations avec la société ED ;
Condamner la société A. PRODUCTIONS à payer à la société ED 5.000 euros en application de l'article 700 du CPC ;
La condamner aux dépens, dont (distraction..)
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure d'irrecevabilité de l'appel que la Cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;
Attendu que l'article L. 134-1 du code de Commerce dispose :
L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.
Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières.
Attendu qu'en l'état de la dernière phrase de l'alinéa 1 de cet article le débat sur le fait que SARL A. PRODUCTIONS soit une personne morale est sans objet ;
Que l'immatriculation « au Registre spécial prévu par l'article 4 du décret 58-1345 du 23 décembre 1958 » est désormais par codification l'article R. 134-6 du Code de commerce ; qu'en droit positif il s'agit une simple mesure de police professionnelle qui ne subordonne pas la validité d'un mandat commercial à l'inscription de ce registre ;
Attendu que les accords des parties aient été poursuivis dans un intérêt commun n'est pas spécifique au contrat d'agent commercial ;
Que le paiement d'une commission constante de 0,11 euros forfaitaire par colis ne permet pas non plus de définir à lui seul un contrat d'agent commercial ;
Que la définition même par la société commerciale A. de sa mission et de son rôle, et même les origines selon elle de sa création par son co-contractant ne permettent pas de caractériser une profession indépendante et son statut de centre de référencement comme elle le revendique elle-même apparaît contradictoire avec le statut d'agent commercial ;
Que la SARL A. PRODUCTIONS n'a aucune exclusivité avec la société ED mais travaille comme intermédiaire pour d'autres clients et il n'est pas même allégué qu'elle travaille pour ses autres clients comme agent commercial ;
Qu'encore comme l'a souligné le tribunal elle a elle-même au registre du commerce et des sociétés mentionné dans le paragraphe - activité exercée - : « opérations de courtage, commercialisation de fruits et légumes » ;
Qu'enfin les correspondances adressées par la société ED font état sans opposition de sa part à cette seule notion de courtage, qu'aucun élément prouvé ne vient contredire en l'état de 14 ans d'activité sans contrat ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de débouter la SARL A. PRODUCTIONS de ses prétentions au statut d'agent commercial et des conséquences revendiquées de la rupture d'un tel contrat ;
Attendu que selon l'article L. 442-6 du Code de commerce Modifié par Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 - art. 48 JORF 3 août 2005 et applicable tel que jusqu'au 5 janvier 2008 et inchangé pour l'essentiel de longue date et depuis pour la partie qui nous concerne - Extraits -
I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (..)
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (...) ;
Attendu que sur ce point il y a lieu de relever :
- que l'idée de la SARL A. PRODUCTIONS est celle d'un complot déloyal contraire à la bonne foi des contrats (« instructions officieuses », « décision occulte de rupture », « la baisse du recours d'ED à A. PRODUCTIONS ne peut être causée que par une décision unilatérale de ED qui ne l'en a pas informé en 2004, 2005 et 2006 », préavis d'un an en 2007 « en apparence et de manière trompeuse ») ;
- que pourtant dès au moins le 13 octobre 2006 explicitement la société ED écrivait expressément et sans masque à Monsieur A. (dirigeant historique et fondateur de la SARL A. PRODUCTIONS ) que « Il n'a jamais été signé de contrat entre A. Productions et Ed ; la relation portant sur une activité de courtage pour le compte de Ed. Les factures en attestent,
Le mode d'approvisionnement par courtage des années 1993 a été progressivement abandonné car il ne répondait pas à l'efficacité optimale recherchée par E d ; (..) Notre Directeur des Achats Fruits & Légumes, Mr X., n'a jamais caché à Mr A. notre volonté de diminuer la prestation de A. Productions, soit parce que certains producteurs ont clairement exprimé le désir de travailler directement avec nous, soit parce qu'il a fallu prendre en compte le déclin des productions fruitières de la Vallée du Rhône vers régions au foncier moins cher moins cher (Plaine de la Crau, Gard, Roussillon).
Enfin notre organisation centrale d'achats Fruits & Légumes Ed a été depuis lors sensiblement renforcée pour être à même de traiter directement avec les producteurs français,
Nous restons néanmoins à votre disposition pour évoquer avec notre Directeur Achats F L [Fruits et Légumes], Mr X., vous-même et Mr A., une réorientation de notre collaboration pour autant qu'elle soit possible. »
- que la concurrence des régions du Sud - de même d'ailleurs que de pays du sud comme l'Espagne le Maroc ou même l'Amérique du Sud - est un phénomène connu et dénoncé, de même que la volonté affichée et revendiquée des producteurs de se passer si possible d'intermédiaire non seulement pour éviter le paiement de commission mais surtout dans la perspective de mieux négocier et plus cher leur production, avec notamment des partenariats direct avec les grandes surfaces ;
- que à défaut d'accord la société ED a déclaré mettre un terme définitif aux relations commerciales, avec un délai de préavis d'un an, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 mars 2007 ;
- que si on se reporte aux comptes on constate que le chiffre d'affaires de la SARL A. PRODUCTIONS avec la société ED a toujours été variable en chiffres mais aussi en pourcentage du chiffre d'affaire global de la SARL A. PRODUCTIONS
Année Nbe de colis. % ED
94/95 171.955 35,23
95/96 217.761 45,85
96/97 517.204 34,25
97/98 693.485 36,39
98/99 538.395 32,02
99/00 718.194 32,83
00/01 564.008 28,31
01/02 408.955 24,25
02/03 415.397 20,70
03/04 177.363 15,70
04/05 404.082 26,29
05/06 278.811 25,36
06/07 116.147 17,86
07/08 73.883 11,41 Année de rupture définitive
Attendu que si on se réfère à ces extraits de compte résultant du dossier de la SARL A. PRODUCTIONS, on constate comme l'a fait le tribunal une très grande variation d'une année sur l'autre du nombre traité de colis avec la société ED ; que la Cour relève aussi que depuis 1996 où le pourcentage est très élevé 45,85 % - mais pour un nombre de colis peu important 217.761 -, le nombre de colis augmente parfois de façon très importante (1999/2000 - 718.194 colis) mais avec la même année une baisse à 32,83 % ; que de façon globale le pourcentage d'A. avec la société ED diminue de façon constante, ce dont on déduit que la relation directe, certaine et automatique des 2 co-contractants invoquée par la société appelante est une vue de l'esprit ; qu'elle a elle même toujours vu des variations importantes et globalement à la baisse, avec parfois des chutes importantes caractéristiques d'un marché par nature instable selon les saisons et années, devenu aussi de plus en plus difficile, selon risque qu'elle connaissait et assumait déjà avant les difficultés relationnelles et la rupture des relations commerciales avec la société ED ;
Qu'elle a beau jeu de critiquer la politique globale et le cas échéant les difficultés de la société ED ou d'appeler au secours de son argumentation le témoignage d'un seul ex dirigeant du Groupe CARREFOUR - Monsieur Y.- qui témoigne notamment :
- que la société A. a été créée pour « satisfaire exclusivement » les plate forme ED (alors que Monsieur A. exerçait en nom personnel et travaillait déjà avec une structure du Groupe Carrefour bien avant 1994, et alors que l'exclusivité est assez relative dés l'origine à en croire les chiffres de pourcentage supra - moins de 30 % en moyenne sur 14 ans, d'autant que l'on ignore si Monsieur A. a ou non conservé une activité professionnelle en nom propre ou créé d'autres structures commerciales que rien ne lui interdisait) ;
- que la SARL A. PRODUCTIONS avait selon ce témoin pour vocation de « négocier journellement les prix et quantités auprès des producteurs, de centraliser les offres et de les transmettre à la direction commerciale Fruits et légumes de ED, cette dernière plate-forme, par plate forme [sic] retournant les commandes à la SARL A. PRODUCTIONS (...), attestation unique et singulière qui contre la volonté de l'appelante accrédite à cet égard l'idée de courtage entre les producteurs et les différentes plate-formes ED et non d'agent commercial mandataire de ED ;
- que la SARL A. PRODUCTIONS aurait constitué commodément par son action un « vivier de fournisseurs », oubliant sans doute encore et aussi la volonté de au moins certains fournisseurs eux même de traiter sans intermédiaire et le développement pour l'essentiel par la société ED de nouveaux réseaux dans d'autres régions de France si ce n'est à l'étranger, et l'existence de concurrents de la SARL A. PRODUCTIONS ;
Que la preuve d'un abus quelconque de dépendance au regard de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce n'est pas plus justifiée et la Cour relève qu'après avoir plaidé l'indépendance d'un agent commercial au visa de l'article L. 134-1 du code de Commerce « L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante », il y a sans doute quelque paradoxe à soutenir une totale dépendance en une notion assez voisine ;
Qu'il convient aussi de remarquer que ce texte L. 442-6 du Code de commerce en son alinéa I. 2° b (souvent modifié avec des variantes et dont la version citée par l'appelante n'est d'ailleurs pas exactement la version en vigueur au moment des faits de rupture) sanctionne des abus d'obligations à la charge d'une partie économiquement plus faible en une relation commerciale en cours, et n'a rien à voir a priori avec la rupture de relations commerciales ou le « déréférencement » qui rendent bien au contraire toute autonomie aux ex-parties contractantes ;
Attendu qu'en tout état de cause et en définitive, au regard de cette situation et de l'ensemble connu du dossier le tribunal a justement retenu qu'avec un préavis officiel d'un an, la preuve n'était pas rapportée d'une brusque ou déloyale rupture, ni d'un préjudice certain ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort,
Dit recevable l'appel de la SARL A. PRODUCTIONS,
Statuant dans la limite de l'appel soutenu contre la seule société ED,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de leurs autres prétentions,
Condamne la SARL A. PRODUCTIONS à payer à la société ED la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SARL A. PRODUCTIONS aux dépens d'appel,
Dit que la SCP CURAT JARRICOT pourra recouvrer contre la partie ci dessus condamnée ceux des dépens dont il aura été fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Arrêt signé par Monsieur FILHOUSE Président de Chambre et Madame Jany MAESTRE Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,