CA RENNES (3e ch. com.), 14 février 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3650
CA RENNES (3e ch. com.), 14 février 2012 : RG n° 10/05507 ; arrêt n° 55
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que la prestation administrative n'a tout d'abord pas été facturée, puis à compter du premier mai 2000 facturée au prix de 0,0381 Euros par kg de viande abattue ; que selon le compte rendu de la réunion entre les parties du 8 décembre 1998, le dossier BRIOVIANDE a été intégré dans l'activité BIGARD pour « un meilleur suivi des ventes et simplifier la facturation », les clients n'étant pas « opposés à recevoir une facture BIGARD », étant indiqué alors que « Sur le principe, Monsieur Y. et W. (BRIOVIANDE) sont d'accord » ; qu'en outre, BIGARD reprenait cette prestations à la suite du départ d'un salarié de BRIOVIANDE ; qu’il n’y avait aucun motif pour que les services réalisés alors par BIGARD soient sans contrepartie et qu'aucune marge bénéficiaire ne soit perçue ; qu'au surplus, le coût proposé était dans la fourchette des coûts pour des prestations de ce type réalisées par un abattoir, ce que reconnaît Monsieur Y. dans un dire à l'expert Monsieur B.,
Considérant que, contrairement à ce que soutient Maître GAUTIER dans ses écritures, les paiements faits par la société BRIOVIANDE à la société BIGARD avaient leur cause dans les prestations fournies, déterminées par les accords des parties et ne faisant pas l'objet de surfacturation,
Considérant que la demande ne peut prospérer tant sur le fondement principal de la répétition de l'indu que sur le fondement subsidiaire du déséquilibre dans les obligations des parties ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/05507. Arrêt n° 55.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, Mme Françoise COCCHIELLO, Conseiller, entendu en son rapport, et rédacteur, Mme Brigitte ANDRE, Conseiller,
GREFFIER : Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 22 novembre 2011
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 14 février 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTS :
Maître GAUTIER es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BRIOVIANDE
Représentée par la SCP BREBION CHAUDET, avoués à la Cour, assistée de Maître André ROLLAND, avocat au barreau de VANNES
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], Représentée par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués à la Cour, assistée de Maître Benoît TREGUIER, avocat au barreau de RENNES
Monsieur Y., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur B.
né le [date] à [ville], Représenté par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués à la Cour, assisté de Maître Benoît TREGUIER, avocat au barreau de RENNES
SOCIETE CIVILE AGRICOLE DES PINS (intervenante volontaire)
Représentée par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués à la Cour, assistée de Maître Benoît TREGUIER, avocat au barreau de RENNES
Société BRIOVIANDE SA représentée par son liquidateur, Monsieur F. Y.
Représentée par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués à la Cour, assistée de Maître Benoît TREGUIER, avocat au barreau de RENNES
Société LP INVESTISSEMENT SARL
Représentée par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués à la Cour, assistée de Maître Benoît TREGUIER, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Société GROUPE BIGARD SA
Représentée par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués à la Cour, assistée de la SELARL GOURVES ET ASSOCIES, avocats au barreau de QUIMPER
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société anonyme BRIOVIANDE est une société créée par F. Y., dont le capital est détenu par les membres de la famille Y. Elle a pour activité la production, la découpe et la commercialisation de porcs fermiers.
Des discussions ont été engagées à partir de l'année 1998 avec la société GROUPE BIGARD pour la reprise et l'intégration de la société BRIOVIANDE dans le groupe société GROUPE BIGARD.
Compte tenu des difficultés rencontrées par la société BRIOVIANDE, Maître GAUTIER a été désignée mandataire ad hoc de la société BRIOVIANDE le premier août 2003.
Étaient alors signés avec la société GROUPE BIGARD un contrat de fourniture de porcs sous label le 21 novembre 2003, un accord cadre le 12 décembre et un acte de cession partielle du fonds de commerce le 30 décembre 2003 pour la somme de 101.750 Euros. Le groupe des associés apportait également la somme de 285.000 Euros pour la consolidation financière.
La société BRIOVIANDE déposait son bilan le 15 septembre 2004 et était placée en redressement judiciaire par jugement du 20 septembre 2004. Maître GAUTIER était désignée administrateur judiciaire. Un plan de cession des actifs subsistants était arrêté par jugement du 8 décembre 2004 au profit de la SCA LE GOUESSANT. Maître GAUTIER était désignée commissaire à l'exécution du plan.
La liquidation amiable de la société BRIOVIANDE était décidée par les associés le 13 mai 2005.
Plusieurs expertises judiciaires ont eu lieu ayant pour objet de déterminer les causes de la situation financière de la société BRIOVIANDE :
- Le juge commissaire a selon décision du 19 octobre 2004 confié une expertise comptable à Monsieur A.
- Sur demande de Maître GAUTIER es qualités, le juge des référés a ordonné une expertise comptable confiée à Monsieur B. le 19 décembre 2005.
Maître GAUTIER es qualités qui impute les difficultés financières rencontrées par la société BRIOVIANDE à la société BIGARD a engagé la responsabilité de cette société et l'a assignée, ainsi que la société BRIOVIANDE, par acte du 30 mai 2009, devant le tribunal de commerce de SAINT-BRIEUC.
F. Y., liquidateur amiable de la société BRIOVIANDE est intervenu volontairement à la procédure, ainsi que les associés, les consorts Y. et la société LP INVESTISSEMENTS, pour obtenir de la société BIGARD la réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 21 juin 2010, le tribunal de commerce de SAINT-BRIEUC a notamment :
- débouté Maître GAUTIER es qualités de sa demande contre la société GROUPE BIGARD,
- débouté les consorts Y. et la société LP INVESTISSEMENT de leurs demandes de dommages-intérêts,
- débouté les autres parties de leurs demandes,
- dit n’y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles,
- dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société BRIOVIANDE aux dépens qui comprendront les meures d'expertise.
Maître GAUTIER en a relevé appel, ainsi que la société BRIO VIANDE, les consorts Y., la société LP INVESTISSEMENTS.
La SCA DES PINS est intervenue volontairement devant la cour.
Par conclusions du 19 octobre 2011 auxquelles la cour se réfère pour l'exposé complet de son argumentation, Maître GAUTIER es qualités demande à la cour de :
- d'écarter des débats la consultation non contradictoire du cabinet BMA,
- réformer le jugement,
- condamner la société GROUPE BIGARD à lui payer la somme de 1.346.086 Euros outre les intérêts au taux légal à compter du premier janvier 2004,
- la condamner à lui payer la somme de 25.000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
- débouter la société GROUPE BIGARD de toutes ses demandes,
- condamner la société GROUPE BIGARD aux entiers dépens qui comprendront les honoraires et frais de Monsieur B.
Par conclusions du 7 octobre 2011 auxquelles la cour se réfère pour l'exposé complet de son argumentation, la société GROUPE BIGARD demande à la cour de :
* sur l'appel de Maître GAUTIER es qualités :
- confirmer la décision,
- condamner Maître GAUTIER es qualités à lui payer la somme de 25.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dire irrecevables les demandes relatives à la recherche de responsabilité de la société GROUPE BIGARD sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme,
- condamner Maître GAUTIER es qualités aux dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile,
* sur l'appel des consorts Y., de la société BRIOVIANDE, de la société LP INVESTISSEMENT et de l'intervention volontaire de la SCA DES PINS,
- dire irrecevable l'intervention volontaire en cause d'appel de la SCA DES PINS,
- confirmer le jugement,
- les condamner à lui payer la somme de 20.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens et dire que les dépens d'appel seront recouvrés avec le bénéfice du recouvrement direct par la société civile professionnelle d'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE, avoués.
Par conclusions du 20 octobre 2011 auxquelles la cour se réfère pour l'expose complet de leur argumentation, la société BRIOVIANDE, les consorts Y., la société LP INVESTISSEMENT et la SCA DES PINS demandent à la cour de :
- réformer le jugement,
- condamner la société GROUPE BIGARD à payer :
* à F. Y. : les sommes de 441.406 Euros et 25.000 Euros à titre de dommages-intérêts,
* à Mme Y., les sommes de 286.754 Euros et 25.000 Euros à titre de dommages-intérêts,
* à C. C. la somme de 19.680 Euros,
* à Fr. Y., la somme de 19.680 Euros,
* à S. Y. la somme de 19.680 Euros,
* à B. Y. fils mineur de Fr. Y. la somme de 3.280 Euros,
* à la société LP INVESTISSEMENT la somme de 111.520 Euros, ainsi que celle de 135.000 Euros au titre de l'augmentation de capital et celle de 100.000 Euros au titre de l'abandon de créance de la SCEA du LAGNOU, absorbée par LP INVESTISSEMENT,
* à la SCA DES PINS la somme de 50.000 Euros,
* à la société BRIOVIANDE, la somme de 208.301,96 Euros,
- dire que ces sommes porteront intérêts à compter du 26 juin 2002,
- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société GROUPE BIGARD à leur verser la somme globale de 20.000 Euros,
- condamner la société BIGARD aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
I - SUR LE REJET DE CONCLUSIONS ET D'UNE PIÈCE :
Considérant que la société GROUPE BIGARD demande par conclusions du 22 novembre 2011 le rejet de la pièce communiquée le 18 novembre et des conclusions communiquées les 18 et 21 novembre par Maître GAUTIER dont elle n'a pu prendre connaissance utile et qu'elle n'a pu discuter en raison de leur caractère « tardif », que Maître GAUTIER ne réplique pas sur ce point,
Considérant que des développements importants et techniques sont faits dans ces conclusions sur les surfacturations de découpe (conclusions du 18 novembre) et sur la qualification du document signé par les parties le 27 novembre 1998 (conclusions du 21 novembre) alors que l'ordonnance de clôture initialement prévue le 16 novembre avait été reportée à l'audience pour un problème antérieur de communication de pièces, que l'examen et la discussion de ces nouvelles conclusions ne pouvaient avoir lieu dans le temps qui restait aux parties avant la clôture et l'audience de sorte qu'elles doivent être écartées des débats, que la pièce 47 destinée à étayer les nouveaux développements de Maître GAUTIER doivent être également écartées pour ces mêmes motifs,
II - SUR LE REJET DU RAPPORT BMA DEMANDÉ PAR MAÎTRE GAUTIER ES QUALITÉS :
Considérant que la société BIGARD a versé aux débats un document établi en septembre 2009 par la société d'expertise comptable [B. M. et associés], intitulé « Consultation privée à la demande du groupe BIGARD - mise en cause de la société BIGARD dans le cadre de la procédure collective de la société BRIOVIANDE » ; que Maître GAUTIER en demande le rejet, le document n'ayant pas été établi contradictoirement,
Considérant cependant qu'il s'agit d'une pièce soumise à la libre contradiction des parties dans cette procédure, pièce dont il appartient à la cour d'apprécier la valeur probante comme celle de toutes les autres pièces produites par les parties dans ce litige ; qu'il n’y a pas lieu de l'écarter des débats,
III - SUR LA DEMANDE DE MAÎTRE GAUTIER ES QUALITÉS :
1) Sur la répétition de l'indu et subsidiairement, sur l'article L. 442-6-2° du Code de commerce :
Considérant que la société BRIOVIANDE soutient principalement qu'elle peut répéter des prestations de découpe et des prestations administratives surfacturées qu'elle ne devait pas payer et qui traduisent un déséquilibre significatif dans les prestations respectives des parties et soutient subsidiairement qu’il y a un déséquilibre entre les obligations des parties,
Sur la prestation « découpe » :
Considérant que la société BIGARD expose que les prix ont été précisés dans un contrat « gestion des documents et données » signé par les deux parties le 27 novembre 1998 et que les tarifs appliqués ne sont pas déconnectés des tarifs habituellement pratiqués, que Maître GAUTIER conteste tout caractère contractuel à ce document,
Considérant que peu important qu'il ait été établi à l'occasion de la demande d'un organisme certificateur et quelle que soit la dénomination que les parties ont pu en donner, ce document qui comporte les tâches accomplies par chaque partie, la facturation des prestations, les tarifs est signé par les représentants des parties et les oblige ; que l'expert, Monsieur B. l'indique d'ailleurs dans son rapport (p. 10),
Considérant par ailleurs, qu'il résulte de plusieurs courriers adressés par la suite au cours de l'année 2000 par Monsieur Y. à la société GROUPE BIGARD, que celui-ci n'a pas refusé « catégoriquement » les augmentations passées par BIGARD, mais a demandé que l'augmentation de certains coûts soient différée en raison des difficultés que la société BRIOVIANDE rencontrait avec ses clients en grande partie « en raison de la mauvaise épilation des porcs fermiers », « cause de non-vente, de retours, d'avoirs, de critiques très préjudiciables », qu'il a demandé que ces augmentations soient discutées, comme l'a souligné le tribunal de commerce ; que les factures émises par la société BIGARD n’ont jamais été, de surcroît, contestées,
Considérant au surplus que les comparaisons qui peuvent être faites avec les tarifs proposés par d'autres sociétés, notamment la COOPERL, sont inopérantes alors qu'elles portent sur des prestations différentes, dans un cas - découpe primaire c'est-à-dire demi-carcasse coupée en quatre morceaux, dans l'autre cas - abattage, découpe et désossage (découpe secondaire), alors que la société BIGARD procédait à des tâches supplémentaires (parties des commandes réalisées immédiatement après la découpe, vide avant et après traitement) qui ont évolué, qui ont rencontré des difficultés techniques supposant un investissement en matériel (telles que les installations d'épilation des porcs, d'échaudage) ; que de même, des charges d'exploitation ont augmenté qu'il fallait nécessairement répercuter ; que si Monsieur B. qui n'exclut pas l'existence de prestations supplémentaires retient un surcoût pour la découpe qu'il entend expliquer par le gain lié à l'effet de l'expérience et du volume qui aurait du jouer, ce coût ne présente aucun caractère excessif,
Considérant enfin qu'il convient de rappeler que les tarifs ont pu être discutés et que les factures émises par la société BIGARD et adressées à la société BRIOVIANDE n’ont jamais été contestées,
Sur les prestations administratives :
Considérant que Maître GAUTIER expose que ces prestations qui n’ont jamais été consenties ne devaient pas être supportées par la société BRIOVIANDE dont la société GROUPE BIGARD s'était approprié la clientèle et la marchandise, que la société GROUPE BIGARD indique la prise en charge a été faite avec le plein accord de Monsieur Y.,
Considérant que la prestation administrative n'a tout d'abord pas été facturée, puis à compter du premier mai 2000 facturée au prix de 0,0381 Euros par kg de viande abattue ; que selon le compte rendu de la réunion entre les parties du 8 décembre 1998, le dossier BRIOVIANDE a été intégré dans l'activité BIGARD pour « un meilleur suivi des ventes et simplifier la facturation », les clients n'étant pas « opposés à recevoir une facture BIGARD », étant indiqué alors que « Sur le principe, Monsieur Y. et W. (BRIOVIANDE) sont d'accord » ; qu'en outre, BIGARD reprenait cette prestations à la suite du départ d'un salarié de BRIOVIANDE ; qu’il n’y avait aucun motif pour que les services réalisés alors par BIGARD soient sans contrepartie et qu'aucune marge bénéficiaire ne soit perçue ; qu'au surplus, le coût proposé était dans la fourchette des coûts pour des prestations de ce type réalisées par un abattoir, ce que reconnaît Monsieur Y. dans un dire à l'expert Monsieur B.,
Considérant que, contrairement à ce que soutient Maître GAUTIER dans ses écritures, les paiements faits par la société BRIOVIANDE à la société BIGARD avaient leur cause dans les prestations fournies, déterminées par les accords des parties et ne faisant pas l'objet de surfacturation,
Considérant que la demande ne peut prospérer tant sur le fondement principal de la répétition de l'indu que sur le fondement subsidiaire du déséquilibre dans les obligations des parties,
2) Sur l'enrichissement sans cause :
Considérant que Maître GAUTIER es qualités expose que la société BIGARD qui avait appréhendé le fonds de commerce bien avant la cession du 30 décembre 2003, s'appropriant le fichier clientèle, facturant celle-ci, transférant le personnel et la totalité de l'activité industrielle et une partie de l'activité commerciale, s'est enrichie par ces transferts et que, corrélativement la société BRIOVIANDE s'est appauvrie,
Considérant que l'activité industrielle (abattage et découpe) a été transférée d'un commun accord à la société BIGARD, la société BRIOVIANDE rappelait dans ses écritures qu'elle quittait « dès le premier octobre 1998 son partenaire historique la COOPERL, abandonnait son établissement secondaire au sein de l'abattoir de cette coopérative et déménageait vers QUIMPERLE », « devait licencier la plus grande partie de son personnel de production situé à LAMBALLE »,
Considérant que l'activité commerciale est restée entre les mains d'un salarié de la société BRIOVIANDE, Monsieur W., jusqu’à la cession du fonds ; que c'est avec le plein accord de Monsieur Y. que le fichier clients a été utilisé par la société BIGARD à compter de l'année 2000 pour assurer la facturation et que les informations sur la facturation étaient mises à la disposition de la société BRIOVIANDE qui pouvait en prendre connaissance ; que comme le souligne l'expert, Monsieur B., cela s'inscrit « dans la logique d'intégration de BRIOVIANDE dans BIGARD » ;
Considérant qu’il apparaît que deux salariés, Madame S. et Monsieur T., ont été transférés de la société BRIOVIANDE à la société BIGARD le 31 décembre 2001 ; que Madame S. avait des attributions liées au suivi des taches de découpage, au suivi des relations entre les deux sociétés, et au suivi administratif des ventes, que Monsieur T. avait un emploi de découpeur viande ; que ce transfert concerne l'activité industrielle « externalisée », c'est-à-dire l'activité abattage-découpe, comme le souligne l'expert, ce qui est en logique avec les décisions des parties de confier l'activité d'abattage et de découpe à la société BIGARD ; que ces transferts ne concernent pas l'activité commerciale conduite intégralement par Monsieur W. jusqu’à son transfert avec le fonds de commerce, le 31 décembre 2003,
Considérant, pour la « marque » FERMIERS d'ARGOAT qui serait le « vecteur de BRIOVIANDE », qu'il convient de remarquer que la société BRIOVIANDE n'en était pas propriétaire de cette « marque », l'expert expliquant que la société BRIOVIANDE était membre du GROUPEMENT QUALITÉ DES FERMIERS DE L'ARGOAT et pouvant à ce titre utiliser le label « FERMIERS D'ARGOAT » ; qu'en outre, l'existence d'un litige à propos de cette marque ainsi qu'un projet réglementaire sur l'utilisation du terme « fermier » ne permettaient pas à la société GROUPE BIGARD d'en faire usage ; qu'au surplus, la cour observe que la société BRIOVIANDE se référait toujours à ce label dans les courriers qu'elle adressait à ses clients au cours des années 2000 à 2003 ; qu'il apparaît ainsi que la société BRIOVIANDE ne peut reprocher à la société BIGARD quoi que ce soit à cet égard,
Considérant enfin que la société BRIOVIANDE continuait à mener sa politique commerciale de prix et de négociation directe avec ses clients comme le montrent ses courriers adressés à différents centres LECLERC, à des sociétés de salaisons au cours des années 2000, 2001, 2002 et 2003,
que toutefois, selon BIGARD, « la cohabitation industrielle et commerciale qui se déroule sur le site de QUIMPERLE doit passer à une vitesse supérieure pur répondre aux besoins des marchés et donc préparer une augmentation des productions », ce qui implique que le développement commercial se fasse, selon le terme utilisé par Monsieur B., « sous l'étendard « BIGARD » et non plus BRIOVIANDE »; que la cour constate cependant que cette évolution n'a rien d'anormal, ayant lieu dans la logique d'intégration, et enfin, que rien, sinon de seules affirmations de Maître GAUTIER es qualités ne permet de dire que la clientèle de BRIOVIANDE a été affectée par les agissements de BIGARD,
Considérant que la demande formée sur l'action de in rem verso n'est pas fondée,
3) Sur la concurrence déloyale et le parasitisme :
Sur l'existence d'une demande nouvelle :
Considérant que la société BIGARD soulève la fin de non recevoir tirée de la demande nouvelle de Maître GAUTIER es qualités sur ces points ; que selon l'appelante, la demande faite sur ce fondement juridique différent tend aux même fins que celles soumises au premier juge,
Considérant que la demande présentée par Maître GAUTIER es qualités a un fondement juridique distinct du fondement invoqué initialement mais tend aux mêmes fins, c'est-à-dire à la réparation du préjudice que la société BRIOVIANDE allègue avoir subi à la suite du transfert injustifié du fonds de commerce de la société BRIOVIANDE au profit de la société BIGARD,
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme :
Considérant que la société BRIOVIANDE reproche à la société BIGARD d'avoir transféré une partie des activités de BRIOVIANDE, bloqué le processus d'intégration, pour laisser la situation de la société BRIOVIANDE se dégrader, la société se dévaloriser et acheter cette entreprise concurrente ensuite à très bas prix ; qu'elle lui reproche aussi d'avoir profité de ses efforts et de son savoir-faire en l'empêchant de développer sa marque « FERMIERS D'ARGOAT » et en imposant ses propres marques, notamment celle de « COCHON FERMIER DU PAYS », en obtenant « un accès au label qualité dont le GROUPEMENT QUALITÉ DES FERMIERS D'ARGOAT était détenteur »,
Considérant que les discussions sur l'intégration de la société BRIOVIANDE ont commencé en 1998 et que la société BIGARD et le « GROUPEMENT QUALITÉ DES FERMIERS D'ARGOAT » représenté par leur directeur Monsieur Y. ont signé dès le 20 juin 1998 une convention « abattage, découpe, transformation » d'une durée de cinq ans selon laquelle (article 1) « L'entreprise BIGARD était agréée comme « membre adhérant du groupement qualité par la section « porcs » et qu'elle était agréée pour l'utilisation des labels « porcs fermiers label rouge » ;
Considérant également qu'il a indiqué que les agissements reprochés à la société BIGARD dans le cadre de la demandé formée au titre de l'enrichissement sans cause n'étaient pas justifiés ;
Considérant au surplus qu'il doit être relevé que la situation de la société BRIOVIANDE s'était dégradée au long des années précédant la cession, sans qu'il soit possible d'en imputer les causes à la société BIGARD : qu'il ressort en effet des rapports d'expertise de Monsieur A. et Monsieur B. que Monsieur Y. avait pris la décision de garantir un prix minimum de revient aux éleveurs déconnecté des fluctuations du marché, ce qui supposait alors un développement de la filière porc label d'au moins 75 % de la production ; que tel n'a pas été le cas, que plusieurs tonnes de viande ont été déclassées, vendues à un prix inférieur au coût de production et d'achats des bêtes, qu'il en a résulté un impact négatif sur les résultats d'exploitation de la société BRIOVIANDE ; que Monsieur Y. en avait conscience, indiquant, dans les rapports de gestion aux assemblées générales ordinaires en 2001, 2002 et 2003, que la société était dans une période difficile, que le prix du porc était particulièrement bas, que la situation était en constante dégradation,
Considérant ainsi que Maître GAUTIER es qualités doit être déboutée de sa demande de réparation au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
IV - Sur les demandes de BRIOVIANDE représenté par son liquidateur amiable Monsieur Y., des consorts Y. de la société LP INVESTISSEMENT et de la SCA LES PINS :
A) Sur la demande de la société BRIOVIANDE :
Considérant que la société BRIOVIANDE met en cause la responsabilité de la société BIGARD en faisant état de la conduite fautive qu'elle a eue lors des pourparlers, de la surfacturation qu'elle a lui imposée, du non respect des engagements, et explique qu'elle a engagé des frais importants dans le cadre de la « cession », dans la gestion de ses relations avec BIGARD, dans le cadre du mandat ad hoc, de la procédure collective, que la société BIGARD conteste cette demande,
Considérant que le préjudice dont fait état la société BRIOVIANDE représenté par Monsieur Y. son liquidateur est celui que subit la collectivité des créanciers de la procédure collective et ne s'en distingue pas, qu'il importe peu que Maître GAUTIER n'en ait pas demandé réparation et qu'il ne fasse pas « double emploi »,
Considérant que la demande doit être rejetée,
B) Demande des associés :
Recevabilité de l'intervention et de la demande de la SCA LES PINS :
Considérant que la SCA LES PINS qui est intervenue devant la cour volontairement demande la réparation de ses préjudices, que la société BIGARD demande dans le dispositif de ses conclusions que l'intervention soit déclarée irrecevable et dans le corps de ses conclusions que ses demandes soient déclarées irrecevables, étant présentées pour la première fois en cause d'appel,
Considérant que la SCA LES PINS est intervenue volontairement devant la cour pour solliciter avec les autres associés de la société BRIOVIANDE la réparation du préjudice que lui font subir les agissements de la société BIGARD,
Considérant que n'étant pas partie en première instance, son intervention est recevable ; que sa demande procède directement des demandes originaires et tend aux mêmes fins de sorte qu'elle n'est pas nouvelle,
Sur le fond :
Considérant que les associés qui rappellent avoir consenti de lourds investissements (augmentation de capital, abandon de créance), estiment que les agissements fautifs de la société GROUPE BIGARD sont à l'origine directe du préjudice qu'ils subissent en raison de la perte de valeur des titres de la société BRIOVIANDE,
Considérant en l'espèce que le préjudice dont il est fait état est nécessairement absorbé par le préjudice social et n'en est pas distinct, que ce préjudice n’est pas personnel aux associés,
Considérant que la demande ne peut prospérer,
C) Demande en réparation du préjudice moral des époux Y. :
Considérant que les époux Y. indiquent avoir subi un préjudice moral, que la situation de cessation des paiements a eu des répercussions sur la confiance que leur accordait les tiers, sur leur vie familiale et personnelle, que la société BIGARD conteste tout préjudice « dont on ne saisit pas le fondement » dès lorsque BIGARD n'a pas conduit la société BRIOVIANDE au dépôt de bilan,
Considérant que la faute de la société BIGARD n'est pas établie, que le préjudice dont ils font état, partiellement distinct du préjudice collectif, ne peut faire l'objet d'une réparation, qu'ils seront déboutés de leur demande,
V - Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Considérant que succombant, Maître GAUTIER es qualités, d'une part, la société BRIOVIANDE, les consorts Y., la société LP INVESTISSEMENT et la SCA LES PINS d'autre part, seront condamnés à payer à la société BIGARD la somme de 5.000 Euros chacun au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles et supporteront les dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Écarte des débats les conclusions de Maître GAUTIER es qualités des 18 et 21 novembre 2011 ainsi que la pièce 47,
Dit n’y avoir lieu de rejeter des débats la pièce n° 207 communiquée par la société BIGARD,
Confirme le jugement déféré,
Y additant,
Déboute Maître GAUTIER es qualités de sa demande fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme,
Déboute la SCA LES PINS de ses demandes,
Condamne Maître GAUTIER es qualités à payer à la société BIGARD la somme de 5.000 Euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société BRIOVIANDE, les consorts Y., la société LP INVESTISSEMENT et la SCA DES PINS à payer à la société BIGARD somme de 5.000 Euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne Maître GAUTIER es qualités, la société BRIOVIANDE, les consorts Y., la société LP INVESTISSEMENT et la SCA DES PINS aux entiers dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT