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CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 1er mars 2012

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 1er mars 2012
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. fin. et com.
Demande : 11/01352
Décision : 12/74
Date : 1/03/2012
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/04/2011
Numéro de la décision : 74
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3653

CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 1er mars 2012 : RG n° 11/01352 ; arrêt n° 74

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que la clause stipulant le principe et le mode de calcul de l'indemnité due par le locataire auquel est imputable la résiliation du contrat est rédigée en caractères lisibles et apparents, et en termes compréhensibles ; qu'en apposant sa signature sur le formulaire d'acceptation de l'offre, Monsieur X. a reconnu en avoir pris connaissance ;

Attendu que cette clause stipule, pour les contrats n'entrant pas dans le champ d'application des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, que l'indemnité de résiliation due par le locataire défaillant est égale à la différence entre d'une part, la somme des loyers non encore échus et de la valeur résiduelle du bien loué, et d'autre part le prix de vente du véhicule restitué ;

Attendu qu'une telle stipulation constitue une clause pénale ; que comme telle, elle est susceptible d'être réduite dans les conditions de l'article 1152, alinéa 2 du code civil mais le fait, qui participe de sa nature comminatoire, de prévoir par avance la sanction de l'inexécution de ses obligations par l'une des parties contractantes, dans des termes qui ne procurent pas un enrichissement injuste pour la partie qui subit la défaillance, ne peut être regardé en soi comme caractérisant au détriment du non-professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu que l'appelant n'est pas fondé dans ces conditions à obtenir que cette clause soit déclarée non écrite ; Qu'elle ne revêt aucun caractère manifestement abusif, dès lors que la défaillance de son cocontractant prive de fait le bailleur du bénéfice escompté de l'exécution du contrat pour les besoins duquel il avait spécialement fait l'acquisition du véhicule choisi par le locataire, et que l'indemnité tient compte, pour le déduire, du prix de revente du véhicule récupéré ».

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

ARRÊT DU 1er MARS 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/01352. Arrêt n° 74. DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 29 mars 2011.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT :

Monsieur X.,

le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP LAVAL LUEGER, avocats postulants à la Cour d'Appel d'ORLÉANS, ayant pour avocat Maître Antoine PLESSIS, du barreau de TOURS, Aide juridictionnelle partielle numéro 2011/XX du [date], D'UNE PART

 

INTIMÉE :

La COMPAGNIE GÉNÉRALE DE LOCATION D'ÉQUIPEMENTS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, [adresse], représentée par la SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE, avocats postulants à la Cour d'Appel d'ORLÉANS, ayant pour avocat la SCP BDV AVOCATS ET ASSOCIES-BORDONE-DUBOIS-VIGNEUX, du barreau de TOURS, D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 avril 2011

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 5 janvier 2012.

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, du délibéré : Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier : Madame Geneviève JAMAIN, Greffier lors des débats.

DÉBATS : A l'audience publique du 2 FÉVRIER 2012, à laquelle ont été entendus Monsieur Thierry MONGE, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT : Prononcé le 1er MARS 2012 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ :

La Compagnie Générale de Location d'Équipements (la société CGL) a consenti le 22 juillet 2005 à Monsieur X. une location sur soixante et un mois avec option d'achat sur un véhicule Chrysler PT Cruiser. Elle lui en a notifié la résiliation le 4 janvier 2010 pour défaut de paiement de trois mensualités, et a obtenu le 11 janvier 2010 du juge de l'exécution une ordonnance de restitution signifiée le 4 février 2010 à laquelle Monsieur X. a formé opposition le 11 février 2010. Elle a ensuite saisi le 7 avril 2010 le tribunal de grande instance de Tours en réclamant la restitution de l'engin et la condamnation de son cocontractant à lui régler les loyers en souffrance et l'indemnité contractuelle de résiliation.

Par jugement du 29 mars 2011, le tribunal a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence au profit du tribunal d'instance de Tours invoquée par Monsieur X., constaté la résiliation au 5 janvier 2010 du contrat, condamné Monsieur X. à payer à la société CGL 1.695,27 euros au titre des loyers échus impayés, 169,53 euros au titre de l'indemnité de 10 % sur ces échéances, et 15.308,85 euros au titre de l'indemnité de résiliation sauf à en déduire le prix de vente du bien une fois celui-ci restitué, à justifier sous trois mois par le bailleur. Il a ordonné à Monsieur X. de restituer le véhicule dans les quinze jours à peine d'astreinte, et lui a refusé les délais qu'il sollicitait.

Monsieur X. a relevé appel le 28 avril 2011.

Il conclut à l'irrecevabilité de la demande en restitution, au motif, tiré de l'article 152 du décret du 31 juillet 1992, qu'elle est formulée sur la base d'une décision caduque, puisque CGL a saisi la juridiction du fond plus de deux mois après la signification de l'ordonnance du juge de l'exécution. Il soutient au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation que les clauses 5 et 17 du contrat prévoyant et organisant sa résiliation et l'indemnité qui en découle doivent être réputées non écrites parce qu'abusives, car elles sont peu compréhensibles et conçues dans l'intérêt exclusif du bailleur, et il en déduit le nécessaire rejet de la demande en paiement de cette indemnité. Il soutient que l'indemnité de 10 % des échéances impayées ne peut être demandée pour les contrats relevant du champ d'application du code de la consommation, comme la location litigieuse puisque le montant de l'opération est inférieur à 21.500 euros en retenant la différence entre la valeur du bien loué et le montant de l'option d'achat. Il demande à pouvoir régler l'arriéré de loyers en deux années, et réclame 1.500 euros pour procédure abusive.

À titre subsidiaire, il demande à la cour de réduire l'indemnité de résiliation en faisant valoir que le contrat a été résilié sans démarche amiable après seulement trois impayés alors qu'il était un client fidèle, qu'il avait honoré 51 des 61 mensualités, et que l'indemnité aboutit à lui faire payer la valeur totale du véhicule. Exposant avoir mis en vente sa maison et son camping-car, et percevoir 1.000 euros de revenus mensuels, il sollicite un report de sa dette de deux ans.

La société CGL conclut à la confirmation du jugement entrepris. Elle indique solliciter la restitution du véhicule dans le cadre de l'appréhension en vertu d'un titre exécutoire de l'article 140 du décret du 31 juillet 1992, et non pas en vertu de l'ordonnance caduque. Elle conteste que les clauses querellées soient abusives. Elle nie que l'opération relève des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation au vu du montant du crédit, calculé en incluant loyers et option finale d'achat. Elle récuse tout abus dans le prononcé de la résiliation du contrat, et objecte que la clause pénale n'a ici rien d'excessif. Elle s'oppose à l'octroi de délais de grâce et a fortiori de dommages-intérêts.

Il est référé pour le surplus aux dernières conclusions récapitulatives des parties, respectivement déposées et signifiées le 22 décembre 2011 s'agissant de Monsieur X., et le 29 novembre 2011 s'agissant de la société CGL.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 5 janvier 2012, ainsi que les avocats des parties en ont été avisés.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur l'application de la loi relative au crédit à la consommation :

Attendu qu'il résulte des articles L. 311-3.2° et D. 311-1 du code de la consommation en leur rédaction applicable en la cause, antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, que sont exclus du champ d'application des dispositions relatives au crédit à la consommation les prêts, contrats et opérations de crédit dont le montant est supérieur à 21.500 euros ;

Attendu que cette somme s'entend du montant du crédit ; qu'en l'espèce, celui-ci s'établit au prix d'achat TTC du véhicule soit la somme de 33.027 euros, dont il n'y a pas lieu de déduire sa valeur de rachat stipulée au titre de la promesse de vente, le rachat du véhicule par le locataire en fin de contrat constituant au demeurant une option et donc une simple éventualité ;

Attendu que le contrat est ainsi exclu du champ d'application des dispositions invoquées par l'appelant au soutien de son moyen tiré de l'illicéité de la stipulation d'une indemnité de 10 % acquise au bailleur sur les loyers échus impayés, laquelle ne revêt par ailleurs aucun caractère manifestement excessif avéré et a ainsi été allouée à bon droit par les premiers juges ;

 

Sur la résiliation du contrat :

Attendu qu'il est reconnu par Monsieur X., et constant aux débats, qu'il ne s'est pas acquitté des échéances de loyer exigibles au 25 octobre, au 25 novembre et au 25 décembre 2009 ; que la société CGL lui a notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 janvier 2010 qu'elle prononçait la déchéance du terme en vertu de l'article 17a. du contrat, qui le prévoit en effet en cas de défaut de paiement d'un seul loyer, et la circonstance que Monsieur X. fût un client fidèle et qu'il ait satisfait à ses obligations pendant la plus grande partie de la location ne retire rien au fait que sa défaillance était caractérisée, ni ne constitue de mauvaise foi la société CGL, qui s'est au demeurant prévalue de la déchéance du terme au troisième impayé consécutif ;

 

Sur la demande de restitution du véhicule :

Attendu que la société CGL sollicite de la juridiction du fond la restitution du véhicule sur le fondement de l'article 18 du contrat, à titre de conséquence de sa demande de résiliation du contrat de location, et non pas en vertu de l'ordonnance rendue le 11 janvier 2010 par le juge de l'exécution, dont les parties conviennent qu'elle est caduque ; que ce chef de prétention est recevable ; qu'il est aussi fondé, la résiliation impliquant cette restitution ;

 

Sur le caractère prétendument abusif de la clause d'indemnité :

Attendu que la clause stipulant le principe et le mode de calcul de l'indemnité due par le locataire auquel est imputable la résiliation du contrat est rédigée en caractères lisibles et apparents, et en termes compréhensibles ; qu'en apposant sa signature sur le formulaire d'acceptation de l'offre, Monsieur X. a reconnu en avoir pris connaissance ;

Attendu que cette clause stipule, pour les contrats n'entrant pas dans le champ d'application des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, que l'indemnité de résiliation due par le locataire défaillant est égale à la différence entre d'une part, la somme des loyers non encore échus et de la valeur résiduelle du bien loué, et d'autre part le prix de vente du véhicule restitué ;

Attendu qu'une telle stipulation constitue une clause pénale ; que comme telle, elle est susceptible d'être réduite dans les conditions de l'article 1152, alinéa 2 du code civil mais le fait, qui participe de sa nature comminatoire, de prévoir par avance la sanction de l'inexécution de ses obligations par l'une des parties contractantes, dans des termes qui ne procurent pas un enrichissement injuste pour la partie qui subit la défaillance, ne peut être regardé en soi comme caractérisant au détriment du non-professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu que l'appelant n'est pas fondé dans ces conditions à obtenir que cette clause soit déclarée non écrite ;

Qu'elle ne revêt aucun caractère manifestement abusif, dès lors que la défaillance de son cocontractant prive de fait le bailleur du bénéfice escompté de l'exécution du contrat pour les besoins duquel il avait spécialement fait l'acquisition du véhicule choisi par le locataire, et que l'indemnité tient compte, pour le déduire, du prix de revente du véhicule récupéré ;

Attendu que faute de pouvoir connaître cette dernière valeur, puisque Monsieur X. n'a toujours pas restitué l'engin, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont condamné à la somme, dont le calcul est conforme, de 15.308,85 euros, en indiquant qu'il y aura lieu d'en déduire le montant du prix de vente du bien restitué, à justifier par le bailleur dans le délai de trois mois à compter de la restitution du véhicule ;

 

Sur les délais :

Attendu que Monsieur X., retraité dont les revenus mensuels sont modestes et ne couvrent pas les charges de son ménage, est malheureux et de bonne foi ; qu'il justifie avoir mis en vente son habitation et son camping-car, et peut dans ces conditions bénéficier d'un report d'exigibilité de sa dette, que le prix attendu de ces biens devrait lui permettre de solder ;

 

Sur les dépens et l'indemnité de procédure :

Attendu que Monsieur X. succombe pour l'essentiel et supportera les dépens d'appel ; que l'équité justifie de ne pas mettre à sa charge d'indemnité de procédure ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur X. de sa demande de délais

et statuant à nouveau de ce chef :

AUTORISE Monsieur X. à se libérer de sa dette à l'expiration d'un délai de douze mois avant lequel elle ne sera pas exigible,

PRÉCISE que ce délai ne porte pas sur la restitution du véhicule, laquelle s'impose à lui d'ores-et-déjà,

CONDAMNE Monsieur X. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à la loi relative à l'aide juridictionnelle,

DIT n'y avoir lieu à indemnité de procédure,

ACCORDE en tant que de besoin à la SCP d'avocats Desplanques & Devauchelle le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre et Madame Geneviève JAMAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT