CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 6 mars 2012

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 6 mars 2012
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 2e ch. civ.
Demande : 09/00828
Date : 6/03/2012
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 3/02/2009
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 3671

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 6 mars 2012 : RG n° 09/00828

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Les conditions particulières signées par madame X. le 3 juillet 2006 mentionnent que « les statuts de la Mutuelle du Mans Assurances IARD et les conditions générales n° 612c de l'assurance auto MMA vous ont été remises le 3 juillet 2006. Vous en avez pris connaissance avant la souscription du contrat ».

En signant ce document, madame X. a attesté avoir reçu les conditions générales ce que ses dénégations dans le cadre de la procédure non corroborées par d'autres éléments, ne peuvent remettre en cause. Elle ne saurait non plus exciper de ce que cette clause serait typographiée en caractères minuscules et noyée au milieu d'autres mentions dans la mesure où la police dans l'ensemble du document est identique et où il s'agit d'un paragraphe distinct situé juste au dessus de la signature du souscripteur. »

 2/ « En l'espèce, par application de la clause de déchéance de garantie contractuelle, la société les Mutuelles du Mans Assurances entend voir madame X. être déchue de tout droit à garantie sur l'ensemble du sinistre, qui représente un préjudice de plus de 35.000 euros pour la victime, alors que la garantie vol des objets contenus est spécifique et que son montant n'est que de 763 euros. Par sa conséquence sur la perte totale du droit à garantie, la clause d'indivisibilité, qui ne tient pas compte des garanties spécifiques souscrites, est disproportionnée et crée un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat. Elle procure un avantage à la société les Mutuelles du Mans Assurances qui a perçu des cotisations pour des garanties responsabilité civile, défense pénale et recours, vol (à valeur d'achat), incendie (à valeur d'achat), dommages tous accidents (à valeur d'achat), bris de glace, objets contenus (dans la limite de 763 euros), assurance du conducteur (jusqu'à 400.000 euros), zéro décote et qui se trouverait dispensé de toute obligation au paiement en raison de la production d'une facture de complaisance devant justifier du vol d'un objet dont la matérialité de la soustraction n'est pas contestée. La clause litigieuse étant abusive sera réputée non écrite. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 6 MARS 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/00828. Appel d'un Jugement (R.G. n° 07/04307) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 8 janvier 2009, suivant déclaration d'appel du 3 février 2009.

 

APPELANTE :

Compagnie d'assurances MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par la SCP CALAS Jean et Charles, en qualité d'avoué jusqu'au 31 décembre 2011, Assistée de Maître Catherine GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE :

Madame X.

Représentée par la SCP POUGNAND Hervé-Jean, en qualité d'avoué jusqu'au 31 décembre 2011 et d'avocat au barreau de GRENOBLE postulant à compter du 1er janvier 2012, Assistée de Maître DEJEAN, substituant Maître David ROGUET, avocats au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Régis CAVELIER, Président, Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Nadine LEICKNER, Greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 16 janvier 2012, - Monsieur CAVELIER, Président en son rapport, - Monsieur PARIS, Conseiller, - Madame BLATRY, Conseiller,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Mme X. a fait l'acquisition le 29 juin 2006 d'un véhicule Alfa Roméo [N.B. la minute jurica mentionne « Alpha »] qu'elle a assuré auprès de la société les Mutuelles du Mans Assurances en formule tous risques avec la garantie des objets contenus pour un plafond de 763 euros et l'option zéro décote qui permet le règlement en valeur à neuf sur présentation d'une facture d'achat.

Le 1er juillet 2006, Mme X. a déclaré le vol de son véhicule. L'assureur lui a versé une provision de 34.196 euros correspondant à la valeur à dire d'expert du véhicule automobile, déduction faite de la franchise contractuelle de 304 euros, le solde devant être réglé sur présentation de factures.

Après avoir diligenté une enquête notamment pour ce qui concernait l'ordinateur portable déclaré volé dans le véhicule, la société les Mutuelles du Mans Assurances a fait assigner Madame X. devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins d'obtenir le remboursement des sommes versées en excipant de la clause de déchéance du fait de l'établissement d'une fausse facture.

Par jugement du 8 janvier 2009 le tribunal de grande instance de Grenoble a débouté la société les Mutuelles du Mans Assurances de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 3 février 2009 la société les Mutuelles du Mans Assurances a interjeté appel de la décision.

Ayant fait remarquer que le vol avait eu lieu le 1er juillet 2006 alors que le contrat d'assurance avait été signé le 3 juillet 2006, par arrêt du 18 janvier 2011, la présente cour d'appel a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à s'expliquer sur la discordance de date entre le vol et la souscription du contrat d'assurance.

 

Par conclusions du 21 février 2011 la société les Mutuelles du Mans Assurances demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise,

- constater que la facture du magasin O. D. du 5 janvier est un faux en écriture privée,

- constater que M. et Mme X. ont transmis cette fausse facture à leur assureur afin d'établir l'existence et la valeur du matériel équipant leur véhicule,

- condamner Mme X. à lui verser la somme de 34.196 euros en remboursement de l'indemnité indûment versée,

- condamner Madame X. à lui verser la somme de 1.258,96 euros au titre des frais d'investigation engagés,

- débouter Mme X. de l'intégralité de ses prétentions,

- condamner Madame X. à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait observer qu'il n'existe aucune discordance puisqu'un contrat a été souscrit la veille du vol, soit le 29 juin 2006, afin d'assurer le véhicule sinistré. Elle fait valoir que Mme X. a eu régulièrement connaissance des conditions générales du contrat d'assurance, que celles-ci lui sont donc que opposables, que les conditions de l'article L. 133-1 du code de la consommation ont été parfaitement respectées pour ce qui concerne la clause d'exclusion de garantie, que Mme X. est d'une totale mauvaise foi en transmettant à la compagnie une facture qu'elle savait fausse, que la clause d'indivisibilité de la déchéance de garantie ne peut pas recevoir la qualification de clause abusive en ce qu'elle n'emporte pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

 

Par conclusions du 19 avril 2011 Mme X. demande à la cour de :

- juger la clause d'indivisibilité de la déchéance de garantie inopposable,

- confirmer la décision entreprise,

- constater que la compagnie d'assurances ne conteste pas la signature du contrat le 29 juin 2006,

- juger la clause de déchéance abusive et par conséquent non écrite,

- dire que la société les Mutuelles du Mans Assurances n'exécute pas de bonne foi le contrat,

- dire que la clause de déchéance est une clause pénale et en réduire ses effets à l'euro symbolique,

- débouter la société les Mutuelles du Mans Assurances de ses demandes,

- condamner la société les Mutuelles du Mans Assurances aux dépens de première instance et d'appel que la société Pougnand pourra recouvrer en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme X. fait valoir que la réalité du vol n'est pas contestée et qu'elle ne nie pas avoir fait établir une facture de complaisance dans le seul but de pallier l'impossibilité pour elle de retrouver la vraie facture de l'ordinateur volé. Elle indique que la clause de déchéance, sur laquelle porte le litige, lui est inopposable, abusive, contraire au principe d'exécution de bonne foi des contrats et est, en tout état de cause, assimilable à une clause pénale. Elle conteste avoir reçu les conditions générales du contrat et fait valoir que les conditions particulières ne comportent pas cette clause de déchéance. Elle estime cette clause abusive des lors que le vol du véhicule est avéré et que le litige ne porte que sur un ordinateur, qu'au surplus le contrat prévoit deux garanties distinctes, le remboursement du véhicule et le remboursement des objets qui y sont contenus. Elle invoque la non d'exécution de bonne foi du contrat par la compagnie d'assurances qui profite de sa maladresse pour refuser de rembourser la garantie principale du véhicule soit la somme de 34.000 euros. À titre subsidiaire elle fait valoir que cette clause de déchéance totale est une clause pénale dont les effets peuvent être réduits par application de l'article 1152 du Code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2011.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Aux termes de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Au soutien de sa demande en remboursement de l'indemnité qu'elle lui a versé, la société les Mutuelles du Mans Assurances excipe de la déchéance de tout droit à garantie de madame X. prévue aux conditions générales du contrat « lorsque, vous faites, en connaissance de cause, de fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences d'un sinistre ».

 

1 - Sur l'opposabilité de la clause :

La mise en œuvre de cette clause suppose que soit établie la remise par la société les Mutuelles du Mans Assurances de ces conditions générales au moment de la transmission par madame X. à l'assureur de la facture litigieuse constituant selon lui la fausse déclaration.

Les conditions particulières signées par madame X. le 3 juillet 2006 mentionnent que « les statuts de la Mutuelle du Mans Assurances IARD et les conditions générales n° 612c de l'assurance auto MMA vous ont été remises le 3 juillet 2006. Vous en avez pris connaissance avant la souscription du contrat ».

En signant ce document, madame X. a attesté avoir reçu les conditions générales ce que ses dénégations dans le cadre de la procédure non corroborées par d'autres éléments, ne peuvent remettre en cause. Elle ne saurait non plus exciper de ce que cette clause serait typographiée en caractères minuscules et noyée au milieu d'autres mentions dans la mesure où la police dans l'ensemble du document est identique et où il s'agit d'un paragraphe distinct situé juste au dessus de la signature du souscripteur.

 

2 - Sur le caractère abusif de la clause :

L'article L. 132-1 du code de la consommation prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce, par application de la clause de déchéance de garantie contractuelle, la société les Mutuelles du Mans Assurances entend voir madame X. être déchue de tout droit à garantie sur l'ensemble du sinistre, qui représente un préjudice de plus de 35.000 euros pour la victime, alors que la garantie vol des objets contenus est spécifique et que son montant n'est que de 763 euros. Par sa conséquence sur la perte totale du droit à garantie, la clause d'indivisibilité, qui ne tient pas compte des garanties spécifiques souscrites, est disproportionnée et crée un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat. Elle procure un avantage à la société les Mutuelles du Mans Assurances qui a perçu des cotisations pour des garanties responsabilité civile, défense pénale et recours, vol (à valeur d'achat), incendie (à valeur d'achat), dommages tous accidents (à valeur d'achat), bris de glace, objets contenus (dans la limite de 763 euros), assurance du conducteur (jusqu'à 400.000 euros), zéro décote et qui se trouverait dispensé de toute obligation au paiement en raison de la production d'une facture de complaisance devant justifier du vol d'un objet dont la matérialité de la soustraction n'est pas contestée.

La clause litigieuse étant abusive sera réputée non écrite.

Le jugement du Tribunal de Grande Instance de Grenoble sera donc confirmé par substitution de motifs.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré, conformément à la loi

Confirme le jugement rendu le 8 janvier 2009 par le Tribunal de Grande Instance de Grenoble en toutes ses dispositions

Condamne la société les Mutuelles du Mans Assurances aux dépens de première instance et d'appel

Accorde droit de recouvrement à la SCP Pougnand dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

Signé par le Président, Régis Cavelier et par le Greffier, Denise Girard, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT