CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 24 février 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3676
CA SAINT-DENIS DE LA RÉUNION (ch. civ.), 24 février 2012 : RG n° 10/01451 ; arrêt n° 12/109
Publication : Jurica
Extrait : « Quant au prétendu caractère abusif de la clause figurant dans la convention de « prise en charge d'abonnés dans les immeubles collectifs », outre le fait qu'il est sans relation avec le présent litige, M. X. n'est pas recevable à s'en prévaloir n'étant pas lui-même partie à cette convention. »
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 10/01451. Arrêt n° 12/109. Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT PIERRE en date du 31 AOÛT 2007 suivant déclaration d'appel en date du 17 SEPTEMBRE 2007 [N.B. la minute Jurica mentionne 2009, ce qui semble une erreur matérielle, cf. ifnra] : R.G. n° 06/1846.
APPELANT :
Monsieur X.
Représentant : la SELARL LARIFOU (avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-RÉUNION)
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ VEOLIA EAU COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX
Représentant : Maître Rose-May FONTAINE (avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-RÉUNION)
CLÔTURE LE : 24 juin 2011
DÉBATS : en application des dispositions de l'article 779 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 9 décembre 2011.
Par bulletin du 30 décembre 2011, le président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Président : Mme Elisabeth RAYNAUD, Présidente de chambre
Conseiller : Monsieur Gérard GROS, Conseiller
Conseiller : Madame Anne JOUANARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Nadia HANAFI, Greffier, et que l'arrêt serait rendu le 24 février 2012 par mise à disposition au greffe.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 24 février 2012.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte d'huissier du 11 mai 2006 la société VEOLIA EAU-COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX, en abrégé la CGE a fait assigner Monsieur X. devant le tribunal de grande instance de Saint-Pierre (Réunion) pour l'entendre condamné à lui payer la somme de 10.937,60 euros au titre de factures d'eau non réglées pour la période du 24 novembre 2003 au 15 novembre 2005 outre 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 31 août 2007 assorti de l'exécution provisoire le tribunal l'a condamné à payer la somme précitée outre celle de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Selon déclaration reçue et enregistrée le 17 septembre 2007 au greffe de la Cour, il a interjeté appel de cette décision.
Radiée le 13 juin 2008 par le conseiller de la mise en état au visa de l'article 526 du code de procédure civile, l'affaire a été réinscrite au rôle après que l'appelant ait justifié avoir exécuté la décision entreprise.
Les parties ont conclu avant que l'ordonnance de clôture n'intervienne le 24 juin 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les dernières conclusions déposées le 8 novembre 2010 par l'appelant aux termes desquelles il demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et :
- au principal de déclarer irrecevable la société VEOLIA EAU-COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX en son action intentée contre lui au motif qu'il n'est pas personnellement titulaire du contrat signé au nom et pour le compte de la SARL C. ;
- à titre subsidiaire de constater que le compteur général appartient à l'association syndicale libre des propriétaires du lotissement C. et déclarer en conséquence la société susnommée irrecevable à agir contre lui ;
- à titre très subsidiaire, débouter la société intimée de ses demandes en l'absence de production de justificatifs du principe et du quantum de la créance réclamée et reconventionnellement la condamner pour manquement à son obligation de conseil à lui payer la somme de 98.128 euros pour la perte de chance d'éviter les surfacturations qu'il a subies ;
- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société intimée à lui payer la somme de 98.128 euros pour le préjudice qu'elle lui a occasionné en violant la convention pour la prise en charge d'abonnés dans les immeubles collectifs, signée avec la SARL C. ;
- à titre très infiniment subsidiaire, considérer les demandes de la société VEOLIA EAU comme abusives et l'exonérer du paiement des sommes qu'elle lui réclame ;
- à titre encore plus infiniment subsidiaire, opposer à la société VEOLIA EAU « la compensation pour les sommes réclamées (à M. X.) du fait des fautes commises par cette société » ;
- en tout état de cause condamner reconventionnellement la société VEOLIA EAU à lui payer :
* la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour son action abusive ;
* la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
* les entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Saïd LARIFOU avocat.
Vu les dernières conclusions déposées le 3 février 2011 par la société intimée tendant à voir :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner ce dernier à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Rose-May FONTAINE Avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appelant fait grief au premier juge d'avoir, pour rejeter la fin de non recevoir qu'il avait soulevée tirée de son défaut de qualité à répondre à l'action dirigée contre lui, retenu que par un arrêt du 26 octobre 2001 ayant autorité de chose jugée, la cour d'appel de ce siège avait considéré qu'il était personnellement engagé par le contrat d'abonnement souscrit le 13 mai 1993, alors que cette décision rendue dans une instance ayant eu un objet différent, ne pouvait avoir acquis autorité de chose jugée dans le présent litige.
Il convient de rappeler que seul le dispositif d'une décision de justice peut acquérir l'autorité de chose jugée à l'exclusion de ses motifs.
Or il doit être relevé que l'arrêt précité qui a eu à trancher un litige relatif à une demande en paiement de factures d'eau qui a opposé les mêmes parties pour une période de consommation différente de celle visée par la présente instance, ne contient dans son dispositif aucune décision sur la qualité de Monsieur X. à répondre à la demande de la société COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX de sorte que c'est par un motif erroné en droit que le tribunal a considéré qu'il y avait autorité de chose jugée.
Il résulte des pièces communiquées que l'actuelle demande de la société VEOLIA EAU-COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX est fondée sur un contrat d'abonnement signé le 13 mai 1993 par Mr X.
L'appelant soutient qu'en réalité il a agi en qualité de gérant de la SARL C. et qu'il ne s'est pas engagé à titre personnel.
Il convient cependant de constater que la convention en cause ne porte aucune mention permettant de démontrer que c'est en sa qualité de représentant légal, au nom et pour le compte de cette société qu'il a contracté.
La seule indication précisant que l'adresse de la concession sollicitée est celle du [...], ne peut suffire à établir que c'est une SARL du même nom qui s'est engagée.
L'autre convention dont se prévaut l'appelant intitulée « Convention pour la prise en charge d'abonnés dans les immeubles collectifs » conclue entre ladite SARL et la Compagnie Générale des Eaux à une date non déterminée tend uniquement à déterminer les modalités de comptage de l'eau pour l'ensemble du lotissement c'est à dire à permettre à cette compagnie de facturer directement les consommations correspondant à chacun des propriétaires ayant souscrit un abonnement avec compteur individuel, alors qu'en l'absence d'une telle convention seule le titulaire de l'abonnement général serait facturé et devrait ensuite récupérer la quote-part de chacun des co-lotis.
L'indication dans l'article 2 de cette convention qui est un modèle type, que le mandant est titulaire de l'abonnement relatif au compteur général, ne saurait avoir pour effet de modifier l'identité du souscripteur de l'abonnement initial qui en l'occurrence est bien M. X. lui-même lequel n'a pas accompli la moindre démarche pour faire transférer l'abonnement au nom de la SARL C. si comme il l'affirme cette dernière en était la véritable titulaire, étant observé qu'une telle diligence ne présentait pour lui aucun obstacle puisqu'il était le représentant légal de cette société.
En conséquence étant toujours personnellement titulaire du contrat d'abonnement du compteur portant le numéro XX, il ne saurait invoquer son défaut de qualité à répondre à l'action engagée par le prestataire.
La fin de non recevoir soulevée de ce chef sera écartée et l'action dirigée contre lui déclarée recevable.
M. X. invoque une seconde exception d'irrecevabilité tirée du transfert de propriété du compteur à l'association syndicale libre du [...] en vertu de l'article R. 442-7 du code de l'urbanisme et par voie de conséquence de son défaut de qualité à répondre à cette action qui doit être dirigée contre l'association précitée.
Il sera tout d'abord rappelé qu'une fin de non recevoir peut être soulevée en tout état de la procédure même pour la première fois en cause d'appel et qu'elle ne peut donc être écartée au motif qu'elle serait nouvelle pour ne pas avoir été invoquée en première instance comme le soutient la société intimée.
Sur le fond, le compteur installé par la société VEOLIA EAU reste sa propriété et ne devient pas celle du titulaire de l'abonnement de sorte que l'appelant ne peut affirmer que l'association syndicale libre du lotissement est devenue propriétaire de cette installation à sa place alors qu'il n'a jamais lui-même eu cette qualité.
Par ailleurs si dans le cadre de la réalisation d'un lotissement les acquéreurs de lots sont obligatoirement constitués en une association syndicale libre à laquelle sont ensuite dévolus par le lotisseur la propriété, la gestion et l'entretien des terrains et équipements communs, les modalités de ce transfert doivent être déterminées par le cahier des charges et les statuts de l'association.
Or si en l'espèce les statuts sont produits, le cahier des charges ne l'est pas et aucune disposition relative à la cession ne figure dans le premier de ces documents.
En tout état de cause, même si cette cession a effectivement eu lieu ce qui n'est pas établi, le fait que l'association syndicale puisse avoir en charge la gestion des équipements communs et notamment celle du compteur commun ne suffit pas à lui conférer le titre d'abonné car en effet encore faut-il que la société VEOLIA EAU ait eu connaissance de cette cession.
Il appartient à M. X. de justifier qu'il a fait signifier à la société VEOLIA ce changement de débiteur pour qu'il lui soit opposable.
A défaut d'accomplissement de cette diligence il ne peut s'en prévaloir et reste seul obligé par le contrat qu'il a signé.
Ce second moyen n'est donc pas fondé et sera écarté.
Sur le fond l'appelant reproche à la société VEOLIA de ne pas établir la preuve du montant des sommes qu'elle réclame.
Or il ressort des pièces communiquées que les factures dont le paiement est demandé concerne bien le compteur général n° XX objet du contrat d'abonnement qu'il a signé le 13 mai 1993 et dont il n'a à ce jour ni demandé la résiliation ni le transfert au profit d'un tiers.
Les sommes liquidées reposent sur les relevés semestriels effectués par les services de la société VEOLIA qui y sont mentionnés.
Une expertise a eu lieu en 2006 dans le cadre d'une précédente procédure lors de laquelle le fonctionnement du compteur lui-même n'a pas été mis en cause.
L'expert s'est borné à émettre des hypothèses sur les origines de la surconsommation sans cependant procéder à aucune vérification technique alors que les causes évoquées auraient pu être contrôlées.
Ainsi l'éventualité de fuites ou de « raccordements illicites » entre le compteur général et les compteurs divisionnaires aurait pu être établie ou écartée en faisant procéder à la fermeture momentanée de ces derniers pour contrôler si le premier continuait à débiter.
Quant à la comptabilisation des compteurs divisionnaires dont seuls trente sur les trente trois lots existants ont donné lieu à la souscription d'un abonnement auprès de la compagnie VEOLIA, il était également possible de se rendre sur les lots concernés afin de constater s'ils étaient équipés ou non d'un compteur.
Ces vérifications qui concernent le réseau en aval du compteur général dans le lotissement incombent à M. X. toujours titulaire du contrat d'abonnement voire à l'association syndicale et non à VEOLIA conformément à l'article 3 de la convention de comptage de l'eau précédemment évoquée.
En l'état la créance de la société intimée est justifiée et le jugement critiqué qui a fait droit à sa demande en paiement sera confirmé.
L'appelant invoque en dernier lieu différents manquements de la part de la compagnie VEOLIA EAU à laquelle il reproche d'avoir méconnu son devoir de conseil en installant un compteur général dont la pose n'était pas justifiée, d'avoir attendu seize ans pour l'informer de la possibilité de rétrocéder le compteur à la Commune ou encore de ne pas avoir respecté le contrat d'abonnement sur l'implantation du compteur ce qui l'a empêché d'intervenir et qui l'a obligé à payer depuis 1997 des factures alors qu'il ne possède aucune parcelle dans le lotissement et enfin d'avoir inséré une clause abusive dans le contrat en ce qu'elle exonère la compagnie de toute responsabilité au-delà de la limite du domaine publique.
Il convient tout d'abord de constater que si ces prétentions sont nouvelles pour être formulées pour la première fois devant la Cour, elles tendent à faire écarter la demande en paiement de la partie adverse ou à opposer la compensation par des dommages intérêts sur la base du même contrat que celui servant de fondement à la demande principale et que dès lors elles doivent être déclarées recevables en application de l'article 564 du code de procédure civile.
Sur le fond, les griefs développés par l'appelant sont dépourvus de pertinence alors que s'agissant d'un immeuble collectif comportant plusieurs lots, la pose d'un compteur général constituait une obligation pour la société VEOLIA en vertu du traité d'affermage qui la liait à la Commune de Saint-Pierre, que d'autre part elle n'avait aucune obligation de l'informer de la possibilité de rétrocéder à la Commune le compteur général et ce d'autant qu'elle n'a jamais évoqué cette possibilité mais uniquement celle de procéder à la rétrocession du lotissement et qu'enfin il ne démontre pas en quoi l'implantation du compteur litigieux aurait été effectuée en violation du contrat d'abonnement et l'aurait empêché d'intervenir sur le réseau alors qu'il n'a jamais entrepris la moindre démarche à cette fin.
Quant au prétendu caractère abusif de la clause figurant dans la convention de « prise en charge d'abonnés dans les immeubles collectifs », outre le fait qu'il est sans relation avec le présent litige, M. X. n'est pas recevable à s'en prévaloir n'étant pas lui-même partie à cette convention.
Il apparaît pour le moins surprenant de prétendre avoir subi un préjudice résultant de facturations injustifiées pendant plus de dix sept ans alors que durant cette période plusieurs condamnations ont été prononcées contre lui au titre de factures impayées relatives au même contrat d'abonnement dont il conteste être titulaire mais dont à ce jour il n'a jamais demandé la résiliation ni le transfert au profit du véritable bénéficiaire.
Ses prétentions ne sont pas fondées et il en sera intégralement débouté.
L'appelant qui succombe sera condamné à payer à la société intimée la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Rose-May FONTAINE Avocat.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort :
- Reçoit Monsieur X. en son appel.
- Dit et juge non fondées les fins de non recevoir soulevées par l'appelant, tirées de son défaut de qualité à répondre à l'action engagée par la société VEOLIA EAU-COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX et les rejette.
- Dit et juge non fondée la fin de non recevoir soulevée par la société intimée tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de l'appelant comme étant nouvelles en cause d'appel et la rejette.
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
- Y ajoutant, dit et juge non fondées les demandes en paiement de dommages-intérêts formées par l'appelant à l'encontre de la société intimée et l'en déboute.
- Condamne Monsieur X. à payer à la société VEOLIA EAU-COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Le condamne aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Rose-May FONTAINE Avocat.
Le présent arrêt a été signé par Mme Elisabeth RAYNAUD, Présidente de chambre, et par Mme Marie Josée CAPELANY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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