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TI LAVAL, 7 juillet 2009

Nature : Décision
Titre : TI LAVAL, 7 juillet 2009
Pays : France
Juridiction : Laval (TI)
Demande : 11-08-000204
Date : 7/07/2009
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 25/06/2007
Décision antérieure : CA ANGERS (1re ch. A), 8 mars 2011
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3706

TI LAVAL, 7 juillet 2009 : RG n° 11-08-000204

(sur appel CA Angers (1re ch. A), 8 mars 2011 : RG n° 09/02136 ; arrêt n° 102)

 

Extrait : « Concernant la clause contractuelle invoquée ci-dessus, elle peut être qualifiée d'abusive dans la mesure où elle renvoie à un certificat établi par le maître d'œuvre ou par l'architecte pour l'appréciation d'événements constituant une cause légitime de retard de livraison, ces derniers étant juge et partie et pouvant ainsi échapper à leur responsabilité. Le certificat de l'architecte ne peut donc à lui seul, sans éléments extérieurs, suffire à établir la réalité des intempéries. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE LAVAL

JUGEMENT DU 7 JUILLET 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-08-000204.

 

DEMANDEURS :

Monsieur X.

[adresse],

Madame X.

[adresse],

représentés par Maître DUPUY, avocat au barreau de LE MANS

 

DÉFENDEUR :

Office Public d'Aménagement et de Construction de SARTHE HABITAT

[adresse], représenté par Maître ROTH avocat au barreau de METZ

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Frédérique EMILY

Greffier : C. SABLE

DÉBATS : Audience publique du : 2 juin 2009

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte notarié du 7 octobre 2004, M. et Mme X. ont acquis auprès de l'office public d'aménagement et de construction de la Sarthe, dénommé Sarthe Habitat, un appartement, un parking et une cave dans une résidence située [adresse].

La livraison devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2005.

Le procès-verbal de réception, avec réserves, a été régularisé le 11 mai 2006.

Par acte d'huissier en date du 25 juin 2007, M. et Mme X., invoquant le retard de livraison, ont fait assigner Sarthe Habitat devant le tribunal d'instance du Mans aux fins de voir condamner ce-dernier à leur payer, avec exécution provisoire, :

- la somme de 4.550 euros au titre de la perte des loyers ;

- la somme de 4.129,74 euros au titre des frais intercalaires ;

- la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 mars 2008, le tribunal d'instance du Mans s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance de Laval.

A l'audience du 2 juin 2009, les parties ont été entendues en leurs explications.

M. et Mme X. ont maintenu leurs demandes portant à 2.000 euros la demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme X. ont invoqué le retard de livraison de l'immeuble et ont contesté que ce retard fut dû à des intempéries. Ils ont invoqué le caractère abusif de la clause du contrat prévoyant que les intempéries seraient constatées par l'architecte qui devenait ainsi à la fois juge et partie. M. et Mme X. ont précisé que les critères de prise en compte des intempéries n'avaient jamais été précisés, et que les compte-rendu de chantier ne faisaient que très rarement référence aux intempéries et au contraire démontraient que les travaux n'avaient pas été interrompus les jours d'intempérie. Ils ont expliqué qu'il s'agissait de vérifier que les intempéries avaient réellement empêché les ouvriers d'intervenir sur le chantier ce qui n'était pas établi.

M. et Mme X. ont soutenu qu'il résultait des comptes-rendus de chantier que le retard était imputable au manque d'effectifs et non aux intempéries.

A titre subsidiaire, ils ont demandé que seules les intempéries antérieures au 31 décembre 2005 soient prises en compte.

Il convient de se référer aux conclusions de M. et Mme X. du 3 mars 2009 pour un plus ample exposé de leurs demandes et moyens.

Sarthe Habitat a sollicité le rejet des prétentions de M. et Mme X. et la condamnation de ces derniers à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[minute page 3] Sarthe Habitat a expliqué qu'une clause du contrat prévoyait la suspension du délai de livraison en cas d'intempéries et précisait bien que les parties s'en rapporteraient sur ce point à un certificat établi par l'architecte ayant la direction des travaux.

Sarthe Habitat a indiqué qu'elle fournissait le certificat de l'architecte ainsi que les relevés météorologiques. Elle a soutenu que les comptes-rendus de chantier ne permettaient pas de retenir d'autres causes de retard.

A titre subsidiaire, Sarthe Habitat a précisé que les frais intercalaires n'étaient pas justifiés pas plus que leur paiement. Elle a argué du fait que les demandeurs auraient dû se renseigner sur la date de livraison de l'immeuble avant de mettre leur appartement en location.

Il convient de se référer aux conclusions du 2 février 2009 pour un plus ample exposé des demandes et moyens de Sarthe Habitat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les intempéries :

L'acte notarié de vente en l'état futur d'achèvement du 7 octobre 2004, prévoit que « la livraison de l'ensemble des logements devra intervenir au plus tard le 31 décembre 2005 le tout sous réserve de survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension du délai de livraison.

Pour l'application de ces dispositions, seraient considérées comme causes légitimes dudit délai : … les intempéries ...

Pour l'appréciation des événements ci-dessus évoqués, les parties, d'un commun accord, déclarent s'en rapporter dès à présent, à un certificat établi par l'architecte ou le maître d'œuvre ayant la direction des travaux, sous sa responsabilité. »

Le procès-verbal de réception des travaux a été signé le 11 mai 2006.

Concernant la clause contractuelle invoquée ci-dessus, elle peut être qualifiée d'abusive dans la mesure où elle renvoie à un certificat établi par le maître d'œuvre ou par l'architecte pour l'appréciation d'événements constituant une cause légitime de retard de livraison, ces derniers étant juge et partie et pouvant ainsi échapper à leur responsabilité.

Le certificat de l'architecte ne peut donc à lui seul, sans éléments extérieurs, suffire à établir la réalité des intempéries.

Il est versé aux débats des feuilles de suivi météorologique de chantier.

Ces documents sont toutefois insuffisants à établir l'arrêt effectif des entreprises sur le chantier. Il peut en effet être constaté des contradictions entre les jours d'intempérie évoqués et les comptes-rendus de chantier qui ne font pas état d'arrêts du chantier. Ainsi par exemple, les comptes-rendus de février 2005 (14 jours d'intempérie) et de mars 2005 (10 jours d'intempérie) ne mentionnent aucun arrêt de chantier. De la même façon, alors que du 18 octobre au 21 octobre 2005 des intempéries sont relevées, le compte-rendu du 20 octobre 2005 n'en fait aucunement mention et décrit un chantier en fonctionnement. Par contre, des [minute page 4] remarques sur le retard pris par certaines entreprises et sur la nécessité de renforcer les effectifs apparaissent.

Sarthe Habitat ne verse pas aux débats un document de la caisse des congés du bâtiment attestant, par entreprise, du nombre de jours d'intempéries pris en charge.

Dès lors, la preuve des intempéries et de l'arrêt effectif du chantier n'est pas rapportée, la charge de la preuve pesant sur Sarthe Habitat.

 

Sur les préjudices :

Il y a lieu de considérer que M. et Mme X. sont bien fondés à invoquer un retard de livraison de quatre mois et dix jours soit 130 jours.

Il est justifié de ce que l'appartement acheté a été mis en location. Il est en location depuis juillet 2006 pour un loyer évalué à 650 euros par mois.

M. et Mme X. ont perdu une chance de louer cet appartement dès janvier 2006 et jusqu'à la mi-mai 2006. Il leur sera alloué à titre de dommages et intérêts la somme de 1.500 euros.

L'Office de gestion « Perspective » atteste de ce que le retard de livraison a occasionné des frais intercalaires supplémentaires pour un montant de 4.129,74 euros. Sarthe Habitat sera condamnée à payer à M. et Mme X. cette somme à titre de dommages et intérêts.

Il n'apparaît pas inéquitable que Sarthe Habitat, dont la responsabilité est reconnue, supporte ses frais irrépétibles.

Il serait au contraire inéquitable que M. et Mme X., qui ont dû engager des frais pour faire valoir leurs droits, supportent leurs frais irrépétibles. Sarthe Habitat sera condamnée à leur payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sarthe Habitat supportera la charge des dépens.

L'ancienneté du litige justifie que l'exécution provisoire du présent jugement soit ordonnée à hauteur de la moitié des condamnations prononcées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

JUGE que la société Sarthe Habitat est responsable du retard de livraison de l'immeuble vendu à M. et Mme X. ;

CONDAMNE la société Sarthe Habitat à payer à M. et Mme X. la somme de 5.629,74 euros à titre de dommages et intérêts ;

[minute page 5] CONDAMNE la société Sarthe Habitat à payer à M. et Mme X. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Sarthe Habitat aux dépens ;

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur de la moitié des condamnations prononcées.

Le Greffier,    Le Président,