CAA PARIS (3e ch.), 5 avril 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3757
CAA PARIS (3e ch.), 5 avril 2012 : req. n° 11PA00634
Publication : Legifrance
Extraits : 1/ « Considérant qu'une décision par laquelle l'administration décide de ne pas engager de poursuites judiciaires devant les tribunaux compétents est insusceptible par principe de se rattacher à une procédure judiciaire ; que, par suite, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la décision litigieuse du 26 octobre 2009 du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI tant en ce qu'elle porte refus de poursuivre les investigations menées par la DGCCRF à l'encontre de la société Euronext Paris qu'en ce qu'elle porte refus de saisir le tribunal de commerce, sur le fondement de l'article L. 442-6 III du code de commerce, ou l'Autorité de la concurrence, sur le fondement de l'article L. 462-5 du même code ; qu'est à cet égard sans incidence la circonstance que M. X. et la société A. N. contestent les conditions tarifaires de formation du contrat de droit privé qu'ils ont conclu avec la société Euronext et ont à cet effet diligenté un recours indemnitaire à l'encontre de cette dernière devant le Tribunal de commerce, dès lors que le présent litige ne porte pas sur ledit contrat qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler ; qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'incompétence soulevée par le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et par la société Euronext Paris doit être rejetée ».
2/ « Considérant que l'application aux nouveaux entrants de conditions tarifaires nettement moins avantageuses qu'aux anciens opérateurs n'est contestée par aucune des parties et a été reconnue par la société Euronext devant le Tribunal de commerce de Paris ; que, toutefois, à supposer même que ce double tarif puisse être regardé comme une pratique discriminatoire, non justifiée par des contreparties réelles et créant de ce fait pour les cocontractants de la société Euronext, […], il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions litigieuses M. X. et la société A. N. avaient déjà, en application du III du même article L. 442-6, saisi le Tribunal de commerce de Paris de cette pratique ainsi que de l'abus de position dominante également allégué ; qu'en outre rien au dossier ne permet d'établir que M. X. aurait connu une situation déficitaire du seul fait de la nouvelle tarification ; qu'au demeurant, ainsi que le ministre l'indique dans son recours, M. X. ne conteste pas que la nouvelle tarification qui lui a été appliquée « est analogue à celle pratiquée sur d'autres marchés financiers tels qu'EUREX et CME sur lesquels A. N. réalise la majeure partie de ses interventions » ; qu'enfin M. X. pouvait lui-même saisir l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-5 II du code du commerce, comme il avait, ainsi qu'il a été dit et en application de l'article L. 442-6 III du même code, saisi la juridiction commerciale qui l'a débouté par jugement du 21 janvier 2011 dont il a relevé appel ;
qu'eu égard à ces circonstances, le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, décider de ne pas demander à ses services de poursuivre plus avant leurs investigations, au demeurant déjà assez approfondies, et de ne pas saisir l'autorité judiciaire, qui l'était déjà par l'intéressé, ou intervenir en cours d'instance devant le Tribunal de commerce de Paris, ainsi qu'il lui est loisible de le faire en application de l'article L. 470-5 du code du commerce ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 26 octobre 2009 au motif qu'elle était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ».
3/ « que, conformément aux dispositions de l'article L. 450-2 du code du commerce, ce procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire mais seulement des faits que son auteur a personnellement et matériellement constatés, soit, en l'espèce, d'une part, la coexistence de deux tarifications très différentes s'appliquant, à compter du 14 avril 2003, aux nouveaux entrants d'une part et aux opérateurs historiques d'autre part, et d'autre part, l'absence de transparence sur cette double tarification et ses conséquences pour les différents opérateurs en termes de concurrence ; qu'en revanche, ce même procès-verbal n'a pas de valeur probante en ce qui concerne la qualification juridique de ces faits, laquelle était susceptible d'être infirmée ou confirmée ultérieurement ; que celle-ci ne s'imposait de toute évidence pas au ministre qui pouvait la remettre en cause ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL ADMINISTRATIVE DE PARIS
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 5 AVRIL 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Requête n° 11PA00634.
DEMANDEUR : MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
DÉFENDEUR : Monsieur X. - Société A. N.
INTERVENANT : Société Euronext Paris
Mme VETTRAINO, Président. Mme Bénédicte FOLSCHEID, Rapporteur. M. JARRIGE, Commissaire du Gouvernement. SCP LYON-CAEN-THIRIEZ, Avocat.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le recours, enregistré le 4 février 2011, présenté par le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0919362/7-1 en date du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 26 octobre 2009 par laquelle il a refusé de poursuivre l'enquête engagée par ses services sur les pratiques anticoncurrentielles de la société Euronext Paris à la suite de la plainte déposée par M. X. le 27 octobre 2008, et lui a enjoint, dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement, d'engager la reprise de ladite enquête ou, s'il estime les éventuels manquements au droit de la concurrence suffisamment caractérisés, de saisir l'autorité judiciaire ou l'Autorité de la concurrence, enfin a mis à la charge de l'État la somme de 1.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande de M. X. et de la société A. N. présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2012 :
- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Maître Billard, pour la société Euronext Paris, et celles de Maître Sarrazin, pour M. X. et la société A. N. ;
Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 8 mars 2012, présentée pour M. X. et la société A. N. par la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;
Considérant que M. X., qui a suspendu le 31 janvier 2004 l'activité de négociateur pour compte propre sur des marchés financiers qu'il exerçait depuis l'année 2000 par l'intermédiaire de la société O. T., a créé le 23 mars 2004 une nouvelle société, la société A. N., pour exercer la même activité ; que les conditions tarifaires d'intervention sur les marchés appliquées par la société Euronext Paris à la société A. N. étant plus élevées que celles consenties auparavant à la société O. T., M. X. a adressé en octobre 2008 une plainte à la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DRCCRF) du Rhône, qui a dressé un procès-verbal le 24 novembre 2008 ; que la plainte de M. X. a ensuite été transmise à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; qu'à la suite de plusieurs relances du requérant qui s'enquérait des suites données à sa plainte, le directeur de cabinet du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi lui a adressé le 26 octobre 2009 une lettre l'informant que la DGCCRF n'entendait pas poursuivre les investigations ni déposer de conclusions au tribunal de commerce, au motif que les pratiques d'Euronext Paris ne semblaient pas contrevenir au droit de la concurrence ; qu'à la demande de M. X. et de la société A. N., qui avaient parallèlement saisi le tribunal de commerce d'une action indemnitaire à l'encontre de la société Euronext Paris, le Tribunal administratif de Paris, par jugement du 2 décembre 2010, a annulé la décision ministérielle du 26 octobre 2009 et enjoint au MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE d'engager la reprise des investigations diligentées par ses services sur les pratiques tarifaires discriminatoires dont se serait rendue coupable la société Euronext Paris à l'encontre des négociateurs pour compte propre nouvellement admis sur les marchés financiers ou, s'il estimait ces éventuels manquements au droit de la concurrence suffisamment caractérisés, de saisir l'autorité judiciaire ou l'Autorité de la concurrence ; que, par arrêt en date du 29 juillet 2011, la Cour de céans, sur recours du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré sous le n° 11PA00635, a ordonné le sursis à exécution du jugement du 2 décembre 2010 ; que, par le présent recours, le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande de M. X. et de la société A. N. présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date des faits litigieux : « I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires ou en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ; 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; (...) III.- L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. / Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. (...) La réparation des préjudices subis peut également être demandée. (...) » ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 450-1 du code du commerce dans sa rédaction alors applicable : « Des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'économie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions du présent livre. / Les rapporteurs du Conseil de la concurrence disposent des mêmes pouvoirs pour les affaires dont le conseil est saisi. (...) / Des fonctionnaires de catégorie A du ministère chargé de l'économie, spécialement habilités à cet effet par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la proposition du ministre chargé de l'économie, peuvent recevoir des juges d'instruction des commissions rogatoires. / Les fonctionnaires habilités mentionnés au présent article peuvent exercer les pouvoirs d'enquête qu'ils tiennent du présent article et des articles suivants sur l'ensemble du territoire national. » ; qu'aux termes de l'article L. 462-5 du même code dans sa rédaction à la date de la décision attaquée : « I.- L'Autorité de la concurrence peut être saisie par le ministre chargé de l'économie de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5, ou de faits susceptibles de constituer une telle pratique, ainsi que des manquements aux engagements pris en application de l'article L. 430-7-1 ou pris en application des décisions de concentration intervenues avant l'entrée en vigueur de ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence » ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la lettre du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI en date du 26 octobre 2009, qui constitue une réponse au courrier de M. X. daté du 6 août 2009 par lequel ce dernier s'enquérait auprès de la ministre de l'économie du délai dans lequel serait « bouclée » l'enquête en cours, peut être regardée, d'une part, comme une décision refusant de poursuivre les investigations diligentées par la DGCCRF en application des dispositions de l'article L. 450-1 du code du commerce à la suite de la plainte déposée par M. B en octobre 2008 en raison des manquements au droit de la concurrence dont sa société aurait été victime et, d'autre part, comme une décision de ne pas saisir la juridiction civile ou commerciale compétente ou l'Autorité de la concurrence, en application des dispositions du III de l'article L. 442-6 et de l'article L. 462-5 du code de commerce ;
Considérant qu'une décision par laquelle l'administration décide de ne pas engager de poursuites judiciaires devant les tribunaux compétents est insusceptible par principe de se rattacher à une procédure judiciaire ; que, par suite, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la décision litigieuse du 26 octobre 2009 du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI tant en ce qu'elle porte refus de poursuivre les investigations menées par la DGCCRF à l'encontre de la société Euronext Paris qu'en ce qu'elle porte refus de saisir le tribunal de commerce, sur le fondement de l'article L. 442-6 III du code de commerce, ou l'Autorité de la concurrence, sur le fondement de l'article L. 462-5 du même code ; qu'est à cet égard sans incidence la circonstance que M. X. et la société A. N. contestent les conditions tarifaires de formation du contrat de droit privé qu'ils ont conclu avec la société Euronext et ont à cet effet diligenté un recours indemnitaire à l'encontre de cette dernière devant le Tribunal de commerce, dès lors que le présent litige ne porte pas sur ledit contrat qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler ; qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'incompétence soulevée par le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et par la société Euronext Paris doit être rejetée ;
Au fond :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées en défense à la demande de première instance ;
Sur le bien fondé du jugement :
Considérant que les premiers juges ont annulé les décisions contenues dans la lettre du 26 octobre 2009 aux motifs « qu'il ressort des faits relevés dans le procès verbal établi le 24 novembre 2008 par la DRCCRF du Rhône dans le cadre de l'examen des conditions tarifaires pratiquées par la société Euronext Paris, que la société A. N. s'est vu appliquer par cette société, en tant que nouvel entrant sur les marchés financiers, des conditions tarifaires d'intervention moins avantageuses que celles appliquées aux anciens opérateurs admis avant avril 2003 ; que ces faits ne sont pas contestés en défense par le ministre et par la société Euronext Paris ; que, compte tenu de l'ampleur de l'écart constaté, à hauteur de près de 300 %, entre les deux modes de tarification, et des incidences pour les petits opérateurs d'une tarification en fonction du volume de l'activité, le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il n'y avait pas lieu, au vu de ces faits, de poursuivre des investigations complémentaires sur les pratiques tarifaires reprochées à la société Euronext ou de saisir l'autorité judiciaire ou l'Autorité de la concurrence » ;
Considérant que l'application aux nouveaux entrants de conditions tarifaires nettement moins avantageuses qu'aux anciens opérateurs n'est contestée par aucune des parties et a été reconnue par la société Euronext devant le Tribunal de commerce de Paris ; que, toutefois, à supposer même que ce double tarif puisse être regardé comme une pratique discriminatoire, non justifiée par des contreparties réelles et créant de ce fait pour les cocontractants de la société Euronext, ainsi que l'a estimé l'auteur du procès-verbal du 24 novembre 2008, un désavantage ou un avantage dans la concurrence au sens du 1° du I de l'article L. 442-6 du code du commerce dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits dénoncés par M. X., il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions litigieuses M. X. et la société A. N. avaient déjà, en application du III du même article L. 442-6, saisi le Tribunal de commerce de Paris de cette pratique ainsi que de l'abus de position dominante également allégué ; qu'en outre rien au dossier ne permet d'établir que M. X. aurait connu une situation déficitaire du seul fait de la nouvelle tarification ; qu'au demeurant, ainsi que le ministre l'indique dans son recours, M. X. ne conteste pas que la nouvelle tarification qui lui a été appliquée « est analogue à celle pratiquée sur d'autres marchés financiers tels qu'EUREX et CME sur lesquels A. N. réalise la majeure partie de ses interventions » ; qu'enfin M. X. pouvait lui-même saisir l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-5 II du code du commerce, comme il avait, ainsi qu'il a été dit et en application de l'article L. 442-6 III du même code, saisi la juridiction commerciale qui l'a débouté par jugement du 21 janvier 2011 dont il a relevé appel ; qu'eu égard à ces circonstances, le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, décider de ne pas demander à ses services de poursuivre plus avant leurs investigations, au demeurant déjà assez approfondies, et de ne pas saisir l'autorité judiciaire, qui l'était déjà par l'intéressé, ou intervenir en cours d'instance devant le Tribunal de commerce de Paris, ainsi qu'il lui est loisible de le faire en application de l'article L. 470-5 du code du commerce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 26 octobre 2009 au motif qu'elle était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, toutefois, qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur les autres moyens présentés par M. X. et la société A. N. tant en première instance qu'en cause d'appel ;
Sur la légalité des décisions du 26 octobre 2009 :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des articles L. 450-1, L. 442-6 et L. 462-5 précités du code du commerce, le ministre chargé de l'économie dispose du pouvoir de diligenter une enquête menée par ses services ainsi que, par voie de conséquence, de celui d'y mettre un terme ; qu'il n'est en revanche pas tenu, même s'il lui est loisible de le faire, de saisir la juridiction civile ou commerciale compétente ou l'Autorité de la concurrence ; que, par suite, M. X. et la société A. N. ne sont pas fondés à soutenir que les décisions litigieuses contenues dans la lettre du 26 octobre 2009 auraient été prises par une autorité incompétente ;
Considérant, en deuxième lieu, que les décisions du 26 octobre 2009 sont suffisamment motivées au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que le moyen manque ainsi en fait ; qu'il doit, par suite et en tout état de cause, être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si les parties s'opposent sur le caractère probant du procès-verbal en date du 24 novembre 2008, il est constant que ledit procès-verbal, qui porte la mention « dressé en application des articles L. 450-2, L. 450-3 et L. 470-6 du code du commerce », comporte une première partie intitulée « faits dénoncés » qui constitue de fait la consignation des déclarations de M. X., et une seconde partie intitulée « analyse de cette situation au regard de l'article L. 442-6 du code du commerce » qui procède, à ce stade de l'enquête, à une qualification juridique desdits faits ; que, conformément aux dispositions de l'article L. 450-2 du code du commerce, ce procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire mais seulement des faits que son auteur a personnellement et matériellement constatés, soit, en l'espèce, d'une part, la coexistence de deux tarifications très différentes s'appliquant, à compter du 14 avril 2003, aux nouveaux entrants d'une part et aux opérateurs historiques d'autre part, et d'autre part, l'absence de transparence sur cette double tarification et ses conséquences pour les différents opérateurs en termes de concurrence ; qu'en revanche, ce même procès-verbal n'a pas de valeur probante en ce qui concerne la qualification juridique de ces faits, laquelle était susceptible d'être infirmée ou confirmée ultérieurement ; que celle-ci ne s'imposait de toute évidence pas au ministre qui pouvait la remettre en cause ;
Considérant, en dernier lieu, que rien au dossier ne permet d'établir que le ministre aurait fait usage de ses pouvoirs à une autre fin que celle prévue par la loi, notamment, comme le soutiennent les requérants, pour faire échec à leur action entreprise devant le Tribunal de commerce de Paris de manière à couvrir les agissements de la société Euronext ; que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit par suite être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris, par le jugement attaqué du 2 décembre 2010, a annulé les décisions du 26 octobre 2009 ; que ledit jugement doit dès lors être annulé et la demande de M. X. et de la société A. N. présentée devant le Tribunal administratif de Paris rejetée ;
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X. et la société A. N. demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, que la société Euronext Paris, intervenant en demande, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X. et de la société A. N. la somme que la société Euronext Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 2 décembre 2010 est annulé.
La demande présentée par M. X. et la société A. N. devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Les conclusions de M. X. et de la société A. N. ainsi que celles de la société Euronext Paris présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
- 6176 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Modes de preuve
- 6241 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence d’attribution
- 6245 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Action du ministre