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CA RENNES (2e ch.), 30 mars 2012

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 30 mars 2012
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 10/08756
Décision : 12/195
Date : 30/03/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/12/2010
Numéro de la décision : 195
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3773

CA RENNES (2e ch.), 30 mars 2012 : RG n° 10/08756 ; arrêt n° 195 

Publication : Jurica

 

Extrait (décision de première instance) : « Par jugement contradictoire du 20 octobre 2010, le tribunal de commerce de Saint Nazaire a : - Dit qu'il y a lieu de constater la faute lourde commise par la société Bouygues Telecom dans le cadre de l'exécution du contrat reconduit entre la société Bouygues Telecom et Monsieur X. ; - Dit illicite la clause contenue au visa IV-2 - Responsabilité de Bouygues Telecom : « toute perte de chiffre d'affaires, de clientèles, de profits ou de données... ne pourront donner lieu à réparation, notamment financière de la part de Bouygues Telecom » ».

Extraits (cour d’appel) : 1/ « Monsieur X. […] soutient avoir précisé que le motif de la résiliation se trouvait dans la création de son activité professionnelle et avoir reçu l'assurance d'une possibilité de reconduire son contrat à des fins professionnelles mais à d'autres conditions tarifaires et en bénéficiant d'un tarif préférentiel sur un autre téléphone, en patientant jusqu'au mois de juillet 2009. […]. Il produit divers documents attestant des formalités entreprises aux mois de mai et juin 2009, pour l'inscription de son activité au registre du commerce et des sociétés, pour la diffusion de tracts publicitaires et pour le marquage publicitaire d'un véhicule, avec notamment le numéro de téléphone correspondant à la ligne [06.YY].

Mais force est de constater qu'aucun de ses écrits et aucun des documents qui ont été adressés par la société Bouygues Telecom, en réponse à ses demandes, ne porte la moindre référence professionnelle et notamment le numéro SIREN de son entreprise inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 mai 2009. De même, aucun document ne porte mention de l'usage désormais professionnel auquel aurait été destiné la ligne téléphonique dont le contrat d'abonnement a été reconduit selon une nouvelle offre tarifaire ne comportant aucun signe distinctif professionnel. »

2/ « En vertu de l'article 1150 du code civil, le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

Au-delà de ses affirmations, Monsieur X. ne rapporte pas la preuve d'avoir conclu le renouvellement de son contrat de téléphonie en annonçant l'usage professionnel qu'il comptait faire de sa ligne. Il disposait des conditions générales applicables au contrat de service initial, depuis le mois d'août 2008, précisant les conditions applicables et les données nécessaires à la souscription d'un abonnement professionnel. Il n'a communiqué aucune donnée spécifique et il ne précise pas en quoi l'offre du 9 juillet 2009 s'avérait plus adaptée à son activité professionnelle. Cet avertissement ne ressort que de la lettre de réclamation qu'il a adressée le 8 août 2009, pour se plaindre de l'interruption de sa ligne et réclamer l'indemnisation du préjudice causé à son entreprise exerçant à l'enseigne « OSE Organisation ». Mais cette information est postérieure à la souscription du contrat. Elle n'en affecte pas la qualification et les conditions applicables à la sanction de son inexécution, caractérisée par la rupture du service de téléphonie dont se prévaut Monsieur X., sans alléguer un préjudice né d'un défaut d'information sur l'inadéquation de son forfait à l'usage qu'il prétendait alors en faire. […]

La société Bouygues Telecom oppose à bon droit le caractère imprévisible de ce préjudice, n'entrant pas dans le champ du contrat renouvelé le 9 juillet 2009, définissant l'engagement des parties quant à l'étendue de leurs obligations pour en garantir la bonne exécution et prévoir les modalités ainsi que l'étendue de la réparation en cas d'inexécution, en vertu de clauses dont la validité et la portée sont conditionnées par le caractère professionnel ou non du contrat. A défaut d'établir la souscription d'un contrat de téléphonie à usage professionnel, il y a lieu de débouter Monsieur X. de ses demandes tendant à la réparation du préjudice professionnel causé par l'interruption de sa ligne téléphonique, en infirmant le jugement déféré. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 30 MARS 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/08756. Arrêt n°195.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, Mme Isabelle LE POTIER, Conseiller,

GREFFIER : Mme Christine NOSLAND, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 14 février 2012, Madame LE BRUN, Conseiller, entendu en son rapport,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 30 mars 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

Société BOUYGUES TELECOM SA

représentée par la SCP GUILLOU RENAUDIN, avocats postulants, assistée de Maître François DUPUY, avocat plaidant

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

le [date] à [ville], représenté par la SCP GOURVES D’ABOVILLE et ASSOCIES, avocats postulants, assisté de la SELARL Karine VONCQ, avocats plaidants

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I - Exposé du litige :

Monsieur X. a souscrit le 4 juillet 2008 un contrat de téléphonie auprès de la société Bouygues Telecom, portant sur un forfait « 2 fois plus 1 h. + 1 h. », avec un engagement de 12 mois, pour la ligne n° [06 XX]. Une nouvelle ligne lui a été attribuée sous le numéro [06 YY], selon un courrier adressé le 9 août 2008 par ladite société.

Monsieur X. a décidé de résilier cet abonnement et adressé à cet effet une lettre le 23 avril 2009, en revendiquant une souscription au 5 août 2008 et pour une durée de 1 an expirant le 5 août 2009. La société Bouygues Telecom en a accusé réception le 25 avril 2009 et lui a précisé dans une lettre du 28 avril 2009, que cette résiliation serait effective le 5 août 2009, tout en invitant son client à faire appel à un conseiller de clientèle pour recevoir une offre personnalisée.

Après contact téléphonique avec une conseillère, Monsieur X. a décidé de reconduire son abonnement sur cette ligne, pour 24 mois. Cette reconduction a été demandée le 9 juillet 2009 et confirmée dans une lettre adressée par Bouygues Telecom le 13 juillet 2009, en lui faisant parvenir un nouveau téléphone mobile et l'informant d'un délai de réflexion de 7 jours pour en faire retour.

Monsieur X. prétend avoir bien précisé, à l'occasion de ce renouvellement, son intention d'utiliser la ligne dans le cadre de l'activité professionnelle qu'il était en train de créer depuis le 11 mai 2009, consistant dans l'organisation de ventes à domicile d'articles de lingerie et d'objets sexuels.

Il a constaté la défaillance de la ligne téléphonique à compter du 7 août 2009, alors qu'il avait mis en place un programme de publicité pour le lancement de son activité, avec marquage de véhicule et distribution de 35.000 tracts entre le 25 juillet et le 7 août 2009.

Après une lettre de réclamation du 11 août 2009 et une mise en demeure adressée par son conseil le 1 septembre 2009, il n'a récupéré l'usage de sa ligne téléphonique [06 YY] qu'à compter du 26 septembre 2009. Sans réponse à ses réclamations financières pour la réparation de ses préjudices professionnels, chiffrés initialement à 193.513,46 euros, puis à 237.554,66 euros et finalement à 146.089,06 euros, Monsieur X. a été autorisé à assigner la société Bouygues Telecom à bref délai.

 

Par jugement contradictoire du 20 octobre 2010, le tribunal de commerce de Saint Nazaire a :

- Dit qu'il y a lieu de constater la faute lourde commise par la société Bouygues Telecom dans le cadre de l'exécution du contrat reconduit entre la société Bouygues Telecom et Monsieur X. ;

- Dit illicite la clause contenue au visa IV-2 - Responsabilité de Bouygues Telecom : « toute perte de chiffre d'affaires, de clientèles, de profits ou de données... ne pourront donner lieu à réparation, notamment financière de la part de Bouygues Telecom » ;

- En conséquence, dit que la société Bouygues Telecom sera condamnée en réparation des différents préjudices subis par Monsieur X. à payer à ce dernier :

- Préjudice d'exploitation concernant la perte de clientèle 10.000 euros,

- Préjudice d'exploitation concernant les réunions manquées 1.430,40 euros,

- Préjudice d'image : 500 euros,

- Frais de publicité et marquage de véhicules 1.154,66 euros ;

- Condamné la société Bouygues Telecom au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- Débouté la société Bouygues Telecom de l'ensemble de ses demandes

- Condamné la société Bouygues Telecom aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 69,97 euros dont TVA 11,47 euros.

 

La société Bouygues Telecom a régulièrement déclaré faire appel de cette décision le 9 décembre 2010, à l'encontre de Monsieur X.

Elle a conclu le 28 octobre 2011, au visa des articles 1134, 1147, 1149 et 1150 du code civil, en demandant à la cour de :

- Déclarer la société Bouygues Telecom recevable et bien fondée en son appel ;

-Y faisant droit,

A titre principal

- Dire et juger que la société Bouygues Telecom et Monsieur X. ne sont pas liés par un contrat en rapport avec son activité professionnelle ;

- Constater que le préjudice invoqué par Monsieur X. n'était pas prévisible au sens de l'article 1150 du code civil ;

En conséquence,

- Débouter Monsieur X. de sa demande d'indemnisation basée sur un prétendu préjudice professionnel ;

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a omis de statuer sur ce point ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse ou la cour considérerait que Monsieur X. a informé la société Bouygues Telecom de l'usage de sa ligne téléphonique dans le cadre de son activité professionnelle,

- Dire et juger que la clause de l'article IV-2 des conditions particulières de service n'est pas abusive au sens de l'article L 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle n'est applicable qu'aux contrats conclus par des professionnels en rapport direct avec leur activité ;

- Dire et juger que Monsieur X. ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'il indique avoir fait un usage professionnel de sa ligne téléphonique en rapport direct avec son activité ;

- Dire et juger que la clause limitative de réparation contenue à l'article IV.2 des conditions contractuelles n'est pas illicite et est opposable à Monsieur X. dans le cadre d'une activité professionnelle ;

En conséquence

- Débouter Monsieur X. de ses demandes ;

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la clause limitative de réparation contenue à l'article IV.2 des conditions contractuelles abusive et illicite et non opposable à Monsieur X. ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Constater que Monsieur X. ne rapporte par la preuve tant de l'existence que du quantum du préjudice dont il sollicite la réparation ;

En conséquence,

- Débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation non démontrés et non fondées ;

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a octroyé une indemnisation à Monsieur X. ;

En tout état de cause,

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- Débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur X. au paiement des entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Guillou et Renaudin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Monsieur X. a conclu le 3 janvier 2012, au visa des articles 1134, 1146 et 1147, 1150 et 1151 du code civil, en demandant à la cour de :

- Constater la conclusion d'un contrat de fourniture de ligne téléphonique entre la société Bouygues Telecom et Monsieur X. dès le 24 juillet 2008 ;

- Dire et juger que la société Bouygues Telecom a eu connaissance de l'utilisation de la ligne téléphonique de Monsieur X. [06.YY] dans le cadre de son activité professionnelle, dès le mois d'avril 2009 et de façon incontestable dès le 11 août 2009 ;

- Dire et juger qu'il y aura lieu de faire application entre Monsieur X. et la société Bouygues Telecom des conditions générales afférentes à la fourniture d'une ligne téléphonique au titre d'une activité professionnelle ;

- Constater la faute lourde commise par la société Bouygues Telecom dans le cadre de l'exécution du contrat reconduit entre la société Bouygues Telecom et Monsieur X. à compter du 9 juillet 2009 ;

- Dire et juger illicite la clause contenue dans les conditions générales de service à l'article IV.2 - Responsabilité de Bouygues Telecom : « Toute perte de chiffre d'affaires, de clientèles, de profits ou de données et plus généralement tout préjudice immatériel quelle qu'en soit la nature ou la cause qui seraient subis dans le cadre d'une utilisation du service ou des services optionnels ne pourront donner lieu à réparation, notamment financière de la part de Bouygues Telecom » ;

- Dire et juger que la société Bouygues Telecom devra indemniser Monsieur X. des préjudices subis du fait de la suspension de sa ligne [06.YY] entre le 7 août 2009 et le 26 septembre 2009

- Condamner la société Bouygues Telecom à payer à Monsieur X. les sommes suivantes en réparation de ses différents préjudices :

* préjudice d'exploitation concernant la perte de clientèle : 10.000 euros,

* préjudice d'exploitation concernant les réunions manquées : 1.430,40 euros,

* préjudice d'image : 500,00 euros,

* frais de publicité et marquage de véhicule : 1.154,66 euros,

soit un total de 13.085,06 euros ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré abusive, en application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la clause contenue dans les conditions générales de service à l'article IV-2 - responsabilité de Bouygues Telecom ;

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté la faute lourde commise par la société Bouygues Telecom et déclaré illicite la clause contenue dans les conditions générales de service à l'article IV-2 - Responsabilité de Bouygues Telecom, en application des articles 1134, 1146, 1147, 1150 et 1151 du code civil ;

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Bouygues Telecom à indemniser Monsieur X. pour une somme totale de 13.085,06 euros ;

Y ajoutant

- Condamner la société Bouygues Telecom à payer à Monsieur X. une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Bouygues Telecom aux dépens de l'instance qui seront recouvrés par la SCP d'Aboville - De Moncuit Saint Hilaire conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

* * *

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2012.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

II - Motifs :

Monsieur X. se prétend victime d'une faute de la part de la société Bouygues Telecom dans l'exécution d'un contrat de téléphonie mobile, qu'il précise avoir souscrit le 24 juillet 2008 et reconduit à compter du 9 juillet 2009, en avertissant de son utilisation au titre de son activité professionnelle dès le mois d'avril 2009 et de façon incontestable dès le 11 août 2009.

Il se plaint d'une mauvaise information et d'une indifférence face à ses réclamations au mois d'août et au mois de septembre 2009. Sans explication sur la difficulté technique qui aurait empêché la réactivation de sa ligne dans un délai raisonnable après ses premières réclamations, Monsieur X. reproche à la société Bouygues Telecom d'avoir adopté une position d'attente qu'il qualifie de faute lourde, confinant au dol, dans l'exécution de ses obligations.

Ayant subi une interruption de la ligne entre le 7 août et le 26 septembre 2009, alors qu'il mettait en place son activité de ventes à domicile d'articles de lingerie et d'objets sexuels, il prétend à la réparation de divers chefs de préjudice qu'il chiffre dans le dispositif de ses conclusions conformément au jugement déféré, pour un total de 13.085,06 euros.

La société Bouygues Telecom évoque simplement une mauvaise prise en compte technique de la demande de réengagement de Monsieur X., au mois de juillet 2009, suivant sa résiliation du mois d'avril 2009. Et elle fait valoir l'indemnisation assurée par une remise sur le forfait ultérieur.

Elle prétend d'abord que le contrat de téléphonie n'a pas été conclu à des fins professionnelles et réfute à ce titre l'indemnisation du préjudice réclamé comme n'étant pas prévisible au sens de l'article 1150 du code civil

Elle fait valoir à titre subsidiaire une clause du contrat excluant pour les professionnels la prise en compte des préjudices réclamés. Cette clause est prévue à l'article IV.2 du contrat, elle stipule que Bouygues Telecom réparera les dommages directs qui pourraient être causés en cas de manquements à ses obligations au titre du contrat, mais en précisant que « toute perte de chiffre d'affaires, de clientèles, de profits ou de données et plus généralement tout préjudice immatériel quelle qu'en soit la nature ou la cause qui seraient subis dans le cadre d'une utilisation du service ou des services optionnels ne pourront donner lieu à réparation, notamment financière de la part de Bouygues Telecom ». Elle prétend que cette clause est opposable à Monsieur X. pour l'usage de sa ligne téléphonique dans le cadre de son activité professionnelle et qu'à ce titre elle n'est ni abusive, ni illicite.

 

Sur l'exécution du contrat :

Monsieur X. indique avoir pris contact avec une opératrice de la société Bouygues Telecom, pour connaître les conditions de l'offre privilégiée évoquée dans la lettre adressée le 28 avril 2009, prenant acte de la résiliation de son contrat, demandée le 25 avril 2009, à effet du 5 août 2009. Il soutient avoir précisé que le motif de la résiliation se trouvait dans la création de son activité professionnelle et avoir reçu l'assurance d'une possibilité de reconduire son contrat à des fins professionnelles mais à d'autres conditions tarifaires et en bénéficiant d'un tarif préférentiel sur un autre téléphone, en patientant jusqu'au mois de juillet 2009.

Sommation a été délivrée à la société Bouygues Telecom de produire le relevé des appels téléphoniques sortants, émis depuis la ligne téléphonique [06.YY]. Ce relevé établit l'appel du service clientèle, n° 641, le 7 mai 2009, puis le 11 mai 2009, pour des durées respectives de 38 secondes et 22 secondes, dont l'intimée relève la brièveté incompatible avec le contenu allégué. Un appel a été émis le 9 juillet 2009, vers le numéro 614 du service clientèle, d'une durée de 126 secondes. Un autre appel a été émis vers ce service le 24 septembre 2009, d'une durée de 149 secondes.

Les enregistrements de ces conservations ont été détruits au-delà du légal de trois mois prévu dans la déclaration effectuée auprès des services de la CNIL le 22 mars 2007. Monsieur X. ne peut dès lors apporter la preuve de leur contenu et par suite de l'information donnée quant à l'usage futur de sa ligne.

Il produit divers documents attestant des formalités entreprises aux mois de mai et juin 2009, pour l'inscription de son activité au registre du commerce et des sociétés, pour la diffusion de tracts publicitaires et pour le marquage publicitaire d'un véhicule, avec notamment le numéro de téléphone correspondant à la ligne [06.YY].

Mais force est de constater qu'aucun de ses écrits et aucun des documents qui ont été adressés par la société Bouygues Telecom, en réponse à ses demandes, ne porte la moindre référence professionnelle et notamment le numéro SIREN de son entreprise inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 mai 2009. De même, aucun document ne porte mention de l'usage désormais professionnel auquel aurait été destiné la ligne téléphonique dont le contrat d'abonnement a été reconduit selon une nouvelle offre tarifaire ne comportant aucun signe distinctif professionnel.

Il résulte du dossier informatique communiqué à Monsieur X., que des contacts ont été établis par le service clientèle, le 7 mai 2009 et le 9 juillet 2009, avec pour objet de gérer la résiliation, en prenant commande le 9 juillet 2009 d'un nouvel appareil téléphonique avec une remise commerciale de fidélité, tout en validant une nouvelle offre de forfait classic (1 h.), avec avantage de fidélité de 24 mois. La résiliation est intervenue le 5 août 2009, par suite d'une erreur de traitement du dossier et la réactivation de la ligne a été engagée dès le 7 août 2009, avec réattribution du numéro et en prenant contact avec le client pour l'informer d'un délai de 15 jours.

Mais la réactivation de la ligne n'a été effective que le 26 septembre 2009. Et la société Bouygues Telecom se contente de mentionner une mauvaise prise en compte de la résiliation suivie du renouvellement du contrat, proposé par ses services.

La facture du 9 août 2009 a soldé le compte de Monsieur X. au titre du forfait « 2 fois plus 1 h. + 1 h. », outre le coût du nouveau téléphone. La facture du 9 octobre 2009 a repris cet abonnement à compter du 24/9 et jusqu'au 8/11/2009, pour un coût mensuel de 27,90 euros. La facture du 9 novembre 2009 mentionne un forfait « classic » de 1 heure, pour un coût mensuel de 22,70 euros. Une remise de 27,90 euros a été mise en place sur les factures adressées à Monsieur X. entre le 9 décembre 2009 et le 9 avril 2010.

En vertu de l'article 1150 du code civil, le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

Au-delà de ses affirmations, Monsieur X. ne rapporte pas la preuve d'avoir conclu le renouvellement de son contrat de téléphonie en annonçant l'usage professionnel qu'il comptait faire de sa ligne. Il disposait des conditions générales applicables au contrat de service initial, depuis le mois d'août 2008, précisant les conditions applicables et les données nécessaires à la souscription d'un abonnement professionnel. Il n'a communiqué aucune donnée spécifique et il ne précise pas en quoi l'offre du 9 juillet 2009 s'avérait plus adaptée à son activité professionnelle.

Cet avertissement ne ressort que de la lettre de réclamation qu'il a adressée le 8 août 2009, pour se plaindre de l'interruption de sa ligne et réclamer l'indemnisation du préjudice causé à son entreprise exerçant à l'enseigne « OSE Organisation ».

Mais cette information est postérieure à la souscription du contrat. Elle n'en affecte pas la qualification et les conditions applicables à la sanction de son inexécution, caractérisée par la rupture du service de téléphonie dont se prévaut Monsieur X., sans alléguer un préjudice né d'un défaut d'information sur l'inadéquation de son forfait à l'usage qu'il prétendait alors en faire.

Monsieur X. s'étonne du défaut d'explication sur les difficultés techniques ayant empêché l'opérateur d'assurer, dans un délai raisonnable, la continuité de l'abonnement téléphonique que son service clientèle s'est efforcé d'assurer et a continué de promettre, à bref délai, entre le 7 août 2009 et le 26 septembre 2006. Il y voit la marque d'une inaptitude de la société Bouygues Telecom à la fourniture du service pour lequel elle s'était engagée. Et il impute son délai de réaction à une position d'attente dolosive alors qu'elle connaissait les réclamations de son client.

Quoique regrettable, cette carence d'information technique n'établit pas en elle-même le dol allégué par Monsieur X. Et cette rupture abusivement longue du service de téléphonie a été prise en compte par une remise correspondant à 5 mois du forfait initialement souscrit par Monsieur X. dont l'action tend exclusivement à la réparation du préjudice professionnel qu'il prétend imputable à cette faute contractuelle, au motif que la société Bouygues Telecom en était informée de manière certaine à compter du 11 août 2009.

La société Bouygues Telecom oppose à bon droit le caractère imprévisible de ce préjudice, n'entrant pas dans le champ du contrat renouvelé le 9 juillet 2009, définissant l'engagement des parties quant à l'étendue de leurs obligations pour en garantir la bonne exécution et prévoir les modalités ainsi que l'étendue de la réparation en cas d'inexécution, en vertu de clauses dont la validité et la portée sont conditionnées par le caractère professionnel ou non du contrat.

A défaut d'établir la souscription d'un contrat de téléphonie à usage professionnel, il y a lieu de débouter Monsieur X. de ses demandes tendant à la réparation du préjudice professionnel causé par l'interruption de sa ligne téléphonique, en infirmant le jugement déféré.

 

Sur les frais et dépens :

Monsieur X. qui succombe est condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

LA COUR :

Infirme le jugement déféré ;

Statuant de nouveau,

Déboute Monsieur X. de ses demandes ;

Déboute la société Bouygues Telecom de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Le Greffier,               Le Président,