CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 12 avril 2012

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 12 avril 2012
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 2009/16311
Décision : 12/228
Date : 12/04/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/07/2009
Numéro de la décision : 228
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 3782

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 12 avril 2012 : RG n° 2009/16311 ; arrêt n° 228

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Considérant que le consentement des parties portait sur une fraction immédiatement disponible constituant le montant du crédit initial, de 3.000 euros ; Considérant que la clause contractuelle prévoyant que la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de la part de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au contrat, est nécessairement abusive et dès lors réputée non écrite puisque cette disposition contractuelle aurait pour effet de dispenser la SA LASER COFINOGA, lorsqu'elle entendait satisfaire une demande de fonds excédant le montant du crédit initial, de présenter à M. X. une nouvelle offre préalable de crédit conforme à l'article L. 311-8 du code de la consommation ; […] ;

Considérant en dernier lieu, que la sanction que constitue la forclusion biennale ne conduit nullement à une rupture de l'équilibre du contrat, expression de l'autonomie de la volonté puisqu'elle n'est que la sanction de l'inaction procédurale du préteur, dont l'action est, légalement, enfermée dans des délais stricts ».

 2/ « Considérant que les relevés produits par la société LASER COFININOGA montrent qu'elle augmentait unilatéralement le plafond, sans consentement de M. X. ; que ce n'est que lorsque la forclusion est encourue, qu'une offre préalable est adressée à M. X., puis que devant son refus de signer, que la déchéance du terme est prononcée ; Considérant que M. X. prouve par ce courrier du 31 mars 2006, le manquement de la société LASER COFINOGA à son devoir d'information et sa mauvaise foi contractuelle ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 12 AVRIL 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2009/16311. Arrêt n° 228 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 Juin 2009 rendu par le Tribunal d'Instance de BOBIGNY : R.G. n° 11-09-000205.

 

APPELANT :

Monsieur X.

demeurant [adresse], représenté par Maître Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0401, assisté de Maître Hervé DIAKISE, avocat au barreau de PARIS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS).

 

INTIMÉE :

SA LASER COFINOGA anciennement dénommée COFINOGA

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Mireille GARNIER de la SCP GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J136, assistée de Maître Coralie GOUTAIL plaidant pour le Cabinet CDG, avocat au barreau de PARIS, toque A 201.

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Alain SADOT, Président, Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, Madame Sabine LEBLANC, Conseillère, qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur Alain SADOT, Président - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Alain SADOT, président et par M. TL NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 5 novembre 2003, M. X. a accepté une offre préalable de crédit par découvert en compte d'un montant maximal de 3.000 euros de la société LASER COFINOGA, et a souscrit une assurance chômage.

Le 16 juin 2004, M. X. a perdu son emploi et l'assurance, en juillet 2005 a pris en charge 10 mensualités.

Un avenant portant la réserve disponible à 6.800 euros a été adressé pour signature à M. X. le 31 mars 2006, ce que celui-ci a refusé.

La déchéance du terme a été prononcée le 27 mai 2008.

Le 2 février 2009, la société LASER COFINOGA a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de BOBIGNY et par jugement du 2 juin 2009, M. X. a été condamné à payer à la société LASER COFINOGA la somme de 10.237.89 euros avec intérêts contractuels de 18.62 % à compter du 28 juin 2008, outre celle de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

M. X. a fait appel de cette décision le 16 juillet 2009.

 

Par conclusions du 2 novembre 2009, M. X. soulève la forclusion et demande de condamner la société LASER COFINOGA à lui payer la somme de 10.237.89 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier.

A titre subsidiaire, il demande de prononcer la déchéance du droit aux intérêts.

Enfin, il réclame le paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 37 al 2 et 75 de la loi du 19 juillet 1991.

Au soutien de ses demandes, il expose que la société LASER COFINOGA a tenté en mars 2006 de lui faire signer un avenant pour éviter la forclusion. Il soutient que la clause du contrat qui dispose « que la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de la part de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé » qui n'a pour objet que de dispenser le prêteur de soumettre une nouvelle offre préalable à l'emprunteur pour ce nouveau crédit, prive l'emprunteur des dispositions d'ordre public du code de la consommation et notamment de la faculté de rétractation prévue à l'art L. 132-1 du code de la consommation. Il prétend donc que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur et constitue donc une clause abusive réputée non écrite par l'art L. 132-1 du code de la consommation. Il expose que la réserve a été périodiquement augmentée par le prêteur unilatéralement. Il soutient que le dépassement de la somme de 3.000 euros, en juin 2004 constitue dès lors le point de départ du délai biennal de forclusion.

Sur la responsabilité de la société LASER COFINOGA, il invoque le fait que celle-ci ait :

- expédié une nouvelle offre 4 jours après la première signée,

- continué le crédit après dépassement du montant maximal,

- envoyé un avenant pour éviter la forclusion, sous couvert d'une évolution des mesures réglementaires,

- augmenté de façon unilatérale le capital disponible alors que l'emprunteur était au chômage,

- envoyé des publicités pour le convaincre d'utiliser les fonds disponibles.

Il soutient qu'il s'agit de fautes contractuelles et un manquement délibéré au devoir de conseil de la banque.

Sur la déchéance du droit aux intérêts qu'il invoque à titre subsidiaire, à compter de novembre 2004, il fait valoir un défaut d'information annuelle car elle ne précise pas les conditions de reconduction du contrat, au sens de l'art L. 311-9 du code de la consommation. Il prétend que la mention d'une reconduction dans 3 mois « aux conditions du contrat en vigueur à la date de la reconduction » est trop imprécise, notamment sur le taux effectif global.

Il rappelle enfin qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

 

Par conclusions du 1er mars 2010, la société LASER COFINOGA demande la confirmation du jugement.

A titre subsidiaire si une déchéance du droit aux intérêts était prononcée, elle demande la condamnation de M. X. au paiement de la somme de 4.465.68 euros, avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 2 février 2009.

Enfin elle réclame le paiement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A cet effet, la société LASER COFINOGA conteste la forclusion de son action. Elle prétend que le crédit consenti au sens de l'art L. 311-9 du code de la consommation, soit le découvert maximum autorisé, était de 15.000 euros et que la fraction disponible n'était que le montant utilisé du crédit consenti. Elle expose que le modèle type 2 du 19 décembre 2006 reprend cette distinction qui est donc valable. Elle prétend donc qu'une nouvelle offre n'est obligatoire que pour l'augmentation du crédit consenti, donc du découvert maximum autorisé.

Elle soutient donc que l'évolution du crédit dans la limite du crédit maximum consenti initialement ne peut constituer une défaillance de l'emprunteur.

Elle fait donc valoir que le premier incident de paiement non régularisé est du 9 février 2007 et que l'assignation du 2 février a interrompu le délai de forclusion. A titre subsidiaire, elle prétend que si de nouvelles offres de crédit auraient dû être signées, la sanction serait la déchéance du droit aux intérêts sur la partie du capital ayant excédé le montant maximal du découvert autorisé et non pas la forclusion. Dans cette hypothèse, elle réclame le paiement des sommes dues en octobre 2005, soit 1.883,92 euros + les utilisations ultérieures soit 7.886,49 euros - les versements postérieurs de 5.304,73 euros = 4.465,68 euros.

Elle invoque l'équilibre économique du contrat signé des parties.

La société LASER COFINOGA conteste en outre avoir failli à son devoir de conseil et soutient que la faute contractuelle n'est pas démontrée.

Elle rappelle que M. X. avait la maitrise de l'emploi du crédit permanent et qu'il pouvait refuser la reconduction annuelle, ce dont il s'est abstenu.

Elle soutient qu'elle a donné dans les délais, sur les relevés de compte, dans un encadré, l'information sur la reconduction du contrat et que ces relevés mentionnent de façon très lisible le solde du compte, le barème applicable, le taux effectif global et le taux du crédit. Elle affirme donc avoir respecté les prescriptions légales.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

SUR LA FORCLUSION :

Considérant que l'offre préalable de prêt consentie le 5 novembre 2011 par la SA LASER COFINOGA à M. X. est un crédit renouvelable par fractions, aux conditions suivantes : « le montant maximum du découvert autorisé par le préteur est fixé à 15.000 euros. Le montant que vous choisissez dans cette limite constitue la fraction disponible du découvert. Cette fraction disponible est de 3 000 euros » ;

Considérant que cette offre préalable définit le montant maximum du découvert autorisé par le préteur (15.000 euros) puis le paragraphe suivant énonce que la fraction immédiatement disponible choisie par l'emprunteur est d'un montant moindre (3.000 euros) ;

Considérant que cette dernière somme de 3.000 euros constitue le montant du crédit initial, que M. X. ne pouvait pas dépasser de manière inconditionnelle, car l'article II 4 subordonne son augmentation notamment à l'absence d'évolution de la situation financière de l'emprunteur, condition que le préteur se réservait la possibilité de constater à tout moment (article II-5 et II 6D du contrat) ;

Considérant que d'ailleurs les relevés versés aux débats montrent que le montant du plafond indiqué sur ceux-ci n'a jamais été 15.000 euros, mais 3.000 euros, puis 3.800 euros, puis 6.800 euros puis 5.300 euros ;

Considérant que jamais ces modifications de crédit n'ont fait l'objet d'une offre de crédit acceptée par M. X., celui-ci ayant même refusé de signer celle de 2006 ;

Considérant qu'en outre contrairement à ce qui est soutenu, l'offre préalable de crédit ne répond pas au modèle type n° 4 annexé à l'article R. 311-3 du Code de la consommation puisqu'elle ne comporte aucune mention quant aux fractions périodiquement disponibles du montant maximum autorisé ;

Considérant que le modèle type ne comporte aucune clause permettant à l'emprunteur de faire le choix d'une fraction immédiatement disponible puis de la modifier ensuite ;

Considérant que le consentement des parties portait sur une fraction immédiatement disponible constituant le montant du crédit initial, de 3.000 euros ; Considérant que la clause contractuelle prévoyant que la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de la part de l'emprunteur dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au contrat, est nécessairement abusive et dès lors réputée non écrite puisque cette disposition contractuelle aurait pour effet de dispenser la SA LASER COFINOGA, lorsqu'elle entendait satisfaire une demande de fonds excédant le montant du crédit initial, de présenter à M. X. une nouvelle offre préalable de crédit conforme à l'article L. 311-8 du code de la consommation ;

Considérant qu'enfin le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ;

Considérant que le délai biennal de forclusion prévu par l’article L. 311-37 du code de la consommation, court, dans le cas d’une ouverture de crédit d’un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le dépassement du montant convenu n'est pas régularisé ;

Considérant que cette situation constitue un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ;

Considérant que le montant du crédit autorisé de 3.000 euros a été dépassé au mois de juin 2004 et que la situation débitrice du compte n'ayant ensuite cessé de s'aggraver en raison de l'importance de retraits effectués et de l'insuffisance des dépôts réalisés ;

Considérant que la restauration de ce découvert de 3.000 euros n'a jamais été opérée par les remboursements effectués et qu'ainsi le premier dépassement du découvert non régularisé est intervenu en juin 2004 soit plus de deux ans avant l'introduction de l'instance devant le premier juge, par un acte extra-judiciaire du 2 février 2009 ;

Considérant en dernier lieu, que la sanction que constitue la forclusion biennale ne conduit nullement à une rupture de l'équilibre du contrat, expression de l'autonomie de la volonté puisqu'elle n'est que la sanction de l'inaction procédurale du préteur, dont l'action est, légalement, enfermée dans des délais stricts ;

Considérant que dès lors, le jugement entrepris sera infirmé et la demande de la société LASER COFINOGA déclarée irrecevable.

 

SUR LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE DE LA SOCIÉTÉ LASER COFINOGA :

Considérant que M. X. verse aux débats les nombreuses offres de crédit dont il a été personnellement destinataire, notamment 4 jours après celle qu'il avait acceptée, puis alors qu'il était au chômage, situation qu'il avait déclarée à la société LASER COPFINOGA afin que l'assurance prenne en charge ses mensualités ;

Considérant que dès lors, la société LASER COFINOGA a manqué à son devoir de mise en garde sur le risque de surendettement ;

Considérant que M. X. verse aux débats le courrier du 31 mars 2006 qui indique « Conformément à l'évolution des mesures réglementaires sur le crédit à la consommation, je vous ai fait parvenir en 2005, un avenant à votre contrat... » ;

Considérant que cet avenant portait à 6.800 euros, la fraction disponible choisie, alors qu'à la date du courrier, la forclusion était acquise puisque le premier dépassement est de juin 2004 et que par conséquent cet avenant n'avait pour objet que de couvrir cette forclusion, en trompant l'emprunteur sur son objet ;

Considérant que les relevés produits par la société LASER COFININOGA montrent qu'elle augmentait unilatéralement le plafond, sans consentement de M. X. ; que ce n'est que lorsque la forclusion est encourue, qu'une offre préalable est adressée à M. X., puis que devant son refus de signer, que la déchéance du terme est prononcée ;

Considérant que M. X. prouve par ce courrier du 31 mars 2006, le manquement de la société LASER COFINOGA à son devoir d'information et sa mauvaise foi contractuelle ;

Considérant que le préjudice de M. X. consisterait dans la différence entre ce qu'il a perçu et ce qu'il a versé au titre du contrat, que cependant s'il a reçu de la société LASER COFINOGA une somme totale de 11.120 euros, il n'a lui même remboursé que la somme de 7.794.46 euros, que dès lors il n'a subi aucun préjudice financier indemnisable et qu'il ne justifie pas d'un préjudice moral ;

Considérant qu'il serait cependant inéquitable de laisser à la charge de l'Etat, la totalité des frais irrépétibles que M. X. a pu engager pour faire valoir ses droits, que la société LASER COFINOGA sera condamnée au paiement d'une somme de 1.000 euros à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal d'instance de BOBIGNY,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes de la société LASER COFINOGA,

Déboute M. X. de sa demande de réparation des fautes contractuelles de la société LASER COFINOGA,

Condamne la SA LASER COFINOGA à payer au conseil de M. X. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'art 37 al 2 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur aide juridictionnelle.

Le greffier,     Le Président,