TGI VERSAILLES (4e ch.), 10 février 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3829
TGI VERSAILLES (4e ch.), 10 février 2009 : RG n° 07/02934 ; jugt n° 70
(sur appel CA Versailles (3e ch.), 28 octobre 2010 : RG n° 09/04787)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VERSAILLES
QUATRIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 10 FÉVRIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/02934. Jugement n° 70.
DEMANDEUR :
Monsieur X.,
demeurant [adresse], représenté par Maître Annie EHM-GAILLARD, avocat postulant et plaidant au barreau de VERSAILLES, C 228
DÉFENDERESSE :
LA MACIF,
dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Philippe RAOULT, avocat postulant et plaidant au barreau de VERSAILLES, C 172
[minute page 2]
ACTE INITIAL du 9 mars 2007 reçu au greffe le 21 mars 2007.
DÉBATS : A l'audience publique tenue le 10 décembre 2008, les avocats en la cause ont été entendus en leurs plaidoiries par Michèle VITEAU, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l'article L. 311-10 du Code de l'organisation judiciaire, assistée de Muriel EVRARD-DELCAMP Greffière, puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 février 2009.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur X. a été victime d'un accident corporel de la circulation le 22 juillet 1976.
La MACIF auprès de qui il avait souscrit un contrat de prévoyance familiale accident lui a versé en 1980 une indemnité au titre d'un taux d'IPP chiffrée à 47 %.
Son état s'est aggravé dans le courant de l'année 1999 et la caisse a le 23 mars 1999 retenu un taux de 70 % pour aggravation d'une hémianopsie latérale homonyme gauche et syndrome neurologique et anxio-dépressif.
Monsieur X. a alors demandé à la MACIF la prise en charge de cette aggravation au titre du contrat mais cette dernière lui a notifié un refus de prise en charge le 15 juin 1999 en indiquant que le contrat de protection familiale ne pouvait prendre en charge les suites d'un événement déjà réglé même dans un contexte d'aggravation. Elle a toutefois mis en place une expertise mais confirmé sa position par courrier du 21 juillet 2004.
Parallèlement, il s'est ensuite vu reconnaître par la caisse primaire assurance maladie le statut d'invalide 2ème catégorie à compter du 20 septembre 2001 à la suite d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 13 novembre 2003 qui a considéré que le syndrome dépressif majeur dont il était atteint constituait une affection différente de celle prise en compte au titre de l'accident du travail du 22 juillet 1976. Il a alors à nouveau demandé à la MACIF que cette situation soit prise en compte, ce qu'elle a à nouveau refusé par courrier du 17 décembre 2004.
L'intervention de la commission de médiation régionale a été sollicitée et le 25 mars 2005 et le médiateur a rendu un avis le 16 juin 2006 selon lequel, en ce qui concerne l'aggravation le refus de pris en charge de la part de la MACIF n'avait rien d'illicite et en ce qui concerne la prise en charge du syndrome anxio-dépressif, il s’agissait d'un état maladif non couvert par le contrat.
Par acte d'huissier délivré le 9 mars 2007 à personne, Monsieur X. a fait assigner la MACIF sur le fondement de l'article L. 112-4 du code des assurances pour la voir condamner au paiement des sommes de :
- [minute page 3] 146.619 euros correspondant aux arriérés de prestations depuis le 3 juin 1998, complétée par le versement d'une rente mensuelle viagère de 1.638 euros au titre de l'option 9 du contrat,
- 42.822 euros correspondant à l'arriéré de prestations complété par le versement d'une rente viagère mensuelle de 702 euros pour les conséquences de l'invalidité résultant d'un syndrome anxio-dépressif,
- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec recouvrement direct par Maître EHM-GAILLARD.
Il a aux termes de ses dernières écritures signifiées le 5 mars 2008 et visées par le greffe le 6 mars repris sa demande et fait valoir les moyens suivants :
- sur l'aggravation
L'article 9 du contrat signé en 1974 fait apparaître la précision que « en aucun cas la société ne peut être tenue de prendre en charge les suites d'un accident déjà réglé sur la base du présent régime même en cas d'aggravation ». Et ce contrat comporte une rubrique article 3 intitulée « risques exclus » dans laquelle rien n'est dit de la non prise en charge du risque en cas d'aggravation. Il a fait valoir le fait que cette exclusion n'était pas suffisamment mise en valeur dans le contrat ; le médiateur n'a pas retenu son argument mais a néanmoins indiqué dans le rapport qu'il a adressé à la MACIF que la clause ne correspondait pas aux exigences légales quant à la forme des exclusions. Or selon le protocole sur la médiation, il est expressément indiqué que l'avis rendu par le médiateur en droit ou en équité s'impose à la société concernée qui s'engage en outre à ne pas faire état devant les tribunaux d'un éventuel avis négatif.
En application de l'article L. 112-4 du code des assurances, les clauses édictant des nullités, déchéances ou exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ce, afin d'être d'une grande lisibilité pour l'assuré. Or la lecture du contrat fait apparaître en fin de contrat, le paragraphe inséré à l'article 9 en caractères très ordinaires parmi les autres clauses du contrat, ce qui ne pouvait qu'échapper à une lecture même très attentive par l'assuré.
La rédaction du contrat a d'ailleurs modifiée par la suite, ce qui prouve combien l'exclusion de garantie telle que présentée auparavant pouvait apparaître insuffisamment claire à la lecture des assurés.
- sur la prise en charge du syndrome anxio-dépressif
II ressort du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale que le syndrome dépressif majeur dont il est atteint constitue une affection différente de celle indemnisée au titre de l'accident du travail du 22 juillet 1976. Et selon le rapport de l'expert ce syndrome névrotique intense a nécessité une prise en charge spécialisée pendant plusieurs années a été la conséquence de circonstances déclenchantes à savoir le deuil de ses parents et l'interruption de son activité professionnelle qui a entraîné une atteinte narcissique conséquente qui se manifeste toujours.
[minute page 4] Or la MACIF doit sa garantie pour les accidents corporels définis dans le contrat de 1974 comme « toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de la victime provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure ». En l'espèce, si le tribunal retient cette définition, les conditions sont réunies puisqu'il y a lésion du corps humain (affection du système nerveux) attachée à un événement ponctuel et précis (deuil de ses parents et interruption de son activité professionnelle) constituant une cause extérieure.
Toutefois ce syndrome s'est développé en 1997 et est en fait soumis aux garanties du contrat régularisé en 1996 qui ne définit l'accident corporel que par distinction avec les accidents de travail ; c'est donc un concept moins défini et plus large qui doit recevoir application.
En tout état de cause, il est établi que ce syndrome résulte de deux causes qu'il n'a pu provoquer intentionnellement et qui sont extérieures et il ne présentait par ailleurs aucune prédisposition.
Par conclusions du 20 novembre 2007, la MACIF a ainsi répliqué :
- sur l'aggravation
L'article 9 de la police alors en vigueur stipulait qu'elle ne prenait pas en charge les suites d'un accident déjà réglées même en cas d'aggravation, étant précisé que seul le contrat produit par Monsieur X. en pièce 6 est applicable les autres polices correspondant à des contrats signés ultérieurement.
- sur le syndrome dépressif
Selon le contrat sont garantis les accidents définis comme « toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de la victime provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure ». Or en l'espèce il n'existe aucune atteinte corporelle non intentionnelle au sens contractuel qui soit à l'origine des manifestations dépressives et l'affection dont souffre Monsieur X. n'est en aucun cas un fait accidentel. C'est d'ailleurs ce que lui avait indiqué le médiateur qui a analysé la dépression comme étant un état maladif non couvert par le contrat.
Elle a donc conclu au rejet de la demande et sollicité la condamnation de Monsieur X. au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Maître RAOULT.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'aggravation :
La police souscrite par Monsieur X. prévoyait la prise en charge des accidents corporels. Elle comportait un article III « risques exclus » précisant qu'étaient exclus de la garantie les accidents résultant d'une intention de la part de la victime, de tout acte prohibé, d'un état d'ivresse.... cataclysmes.
[minute page 5] Elle comportait par ailleurs un article IX. de la police intitulé « règlement des prestations » relatif aux conditions dans lesquelles sont réglées les prestations qui prévoyait qu'en aucun cas la société ne peut être tenue de prendre en charge les suites d'un accident déjà réglées sur la base du présent régime, même en cas d'aggravation.
L'article L. 112-4 du code des assurances prévoit certes que les clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents et il est certain que les caractères de l'article IX sont identiques à ceux des autres articles.
Néanmoins, il est de principe que l'obligation relative aux caractères apparents de ces clauses ne concernent pas la définition du risque lui-même ni les conditions de la garantie.
Or en l'espèce, la liste de l'article III correspond à des catégories de risques exclus qui ont pour caractéristique commune de résulter de faits volontaires de la part de l'assuré ou de faits présentant les caractères de la force majeure alors que l'article IX indique quelles sont les modalités de règlements en précisant que lorsqu'un accident a donné lieu à prise en charge, il ne peut donner lieu à une nouvelle prise en charge, même en cas d'aggravation.
Les dispositions de l'article L. 112-4 ne sont donc pas applicables à cette clause.
Monsieur X. invoque par ailleurs le fait que le médiateur aurait considéré que cette clause était sans valeur et que cet avis s'imposerait à la MACIF mais dans l'avis qu'il lui a adressé, le médiateur a au contraire indiqué que la définition du champ de garantie n'avait rien d'illicite de sorte que cet argument ne peut être retenu.
La demande de Monsieur X. sera donc rejetée sur ce point.
Sur le syndrome anxio-dépressif :
Selon les termes du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale s'appuyant sur un rapport d'expertise du 20 juin 2003 dont la MACIF ne remet pas en cause les affirmations, le syndrome anxio-dépressif dont Monsieur X. demande la prise en charge est apparu une vingtaine d'année après l'accident du travail dont il a été victime en 1976 et il constitue une affection différente de celle indemnisée au titre de l'accident ; il en résulte que c'est le contrat que Monsieur X. indique avoir régularisé en 1996 sans contestation de la MACIF sur ce point qui s'applique.
Selon ce contrat la MACIF garantit les accidents corporels survenus à l'assuré à l'exception des accidents de travail et de trajet au sens de la sécurité sociale et d'une manière générale de tout accident résultant de l'exercice d'une activité professionnelle. Mais la définition de l'accident n'est pas précisée.
[minute page 6] Il est toutefois de principe que, comme cela figurait dans le premier contrat souscrit, l'accident se définit par rapport à la définition retenue par la législation des accidents du travail comme étant toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de la victime provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure. Et si les traumatismes psychologiques peuvent dans certains cas être considérés comme répondant à cette définition, il n'en est ainsi que lorsqu'ils sont la conséquence de faits revêtant une particulière gravité telles que agressions ou harcèlement par exemple ou encore deuils personnels survenus dans des conditions particulièrement dramatiques mais non lorsqu'ils sont la conséquence d'événements qui, pour éprouvant et difficiles à vivre qu'ils soient, font néanmoins partie des vicissitudes de la vie, comme le deuil de ses parents ou l'interruption du travail.
Il ne peut dans ces conditions être admis que le syndrome dépressif dont souffre Monsieur X. réponde à la définition contractuelle de l'accident prévue par la police de sorte que sa demande sur ce point sera rejetée.
Sur les frais de procédure
La demande de Monsieur X. qui succombe au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée et il sera condamné aux dépens.
Par ailleurs conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient en principe de mettre à la charge de la partie qui succombe une somme au titre des frais de procédure engagés et non compris dans les dépens. Il peut toutefois en être autrement pour des raisons d'équité. En l'espèce, il n'est précisément pas inéquitable de laisser à la charge de la MACIF la totalité de ses frais de procédure autres que les dépens. Sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
Rejette la totalité de la demande de Monsieur X.
Rejette la demande de la MACIF au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur X.
Autorise Maître RAOULT à recouvrer les dépens dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 février 2009, par Michèle VITEAU, Vice-Présidente, assistée de Muriel EVRARD-DELCAMP, greffière, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
Le greffier La Vice-Présidente
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