CA RENNES (3e ch. com.), 15 mai 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3858
CA RENNES (3e ch. com.), 15 mai 2012 : RG n° 10/06346 ; arrêt n° 247
Publication : Jurica
Extrait : « Mais, la location du site Internet personnalisé avait pour objet le développement de l'activité commerciale de la société locataire et était ainsi un rapport direct avec son activité, de sorte que la société LE DECK, en sa qualité de professionnel, ne peut se prévaloir de ces dispositions [132-1 C. consom.]. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 MAI 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G n° 10/06346. Arrêt n° 247.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, Mme Françoise COCCHIELLO, Conseiller, Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, entendu en son rapport et rédacteur
GREFFIER : Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 13 mars 2012
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 15 mai 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Société ARPALINE SARL
Représentée par la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant (avocats au barreau de RENNES), assistée de Maître Caroline RATURAT, Plaidant (avocat au barreau de NANTES)
INTIMÉS :
Maître ARNAUD Michel, es qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL LE DECK
Représenté par la SCP Luc BOURGES, Postulant (avocats au barreau de RENNES), assisté du Cabinet LB SOCIÉTÉ D'AVOCATS
Société LE DECK SARL
Représenté par la SCP Luc BOURGES, Postulant (avocats au barreau de RENNES), assisté du Cabinet LB SOCIÉTÉ D'AVOCATS
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Démarchée par la société AGME CONSEIL, distributeur, la société LE DECK exerçant l'activité de salon de remise en forme a conclu, le 3 janvier 2008, avec la société ARPALINE un contrat de location de site WEB portant sur la création, la mise à disposition et la maintenance d'un site Internet personnalisé. En contrepartie, la société LE DECK a versé, à titre de frais administratifs, une somme de 299 euros TTC et s'est engagée à verser 48 loyers mensuels de 95,68 euros TTC chacun.
Le 26 février 2008, la société LE DECK a signé le procès-verbal de réception du site internet. Les mensualités convenues ont été prélevées du 4 avril 2008 jusqu'au mois de décembre suivant.
Se plaignant de la rédaction du contrat et des conditions de référencement du site, la société LE DECK a, par lettre du 12 janvier 2009, demandé la résiliation du contrat et cessé le paiement des loyers.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 mars 2009, la société ARPALINE a proposé une solution transactionnelle, à savoir la résiliation du contrat en contrepartie du paiement des loyers échus. Le 10 mars 2009, la société LE DECK répondait : « Je ne suis pas satisfaite et souhaite couper le contrat avec ARPALINE ; Je ne veux plus rien payer. J'ai déjà payé 956,80 euros, ça suffit ».
Le 3 juillet 2009, la société ARPALINE a assigné la société LE DECK devant le tribunal de commerce de Nantes aux fins de :
- constater la résiliation du contrat signé le 3 janvier 2008 aux torts de la société LE DECK,
- la condamner au paiement de la somme de 4.202,92 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009 et de celle de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au mois de novembre 2009, la société ARPALINE a fait procéder à la fermeture du site litigieux.
Le 12 juillet 2010, le tribunal de commerce de Nantes a :
- rejeté la demande de la société ARPALINE,
- prononcé la résolution du contrat,
- condamné la société ARPALINE à rembourser à la société LE DECK la somme de 3.000 euros,
- rejeté le surplus des demandes principales et reconventionnelles.
Le 2 avril 2011, la société LE DECK a été mise en liquidation judiciaire, Maître Arnaud étant désigné en qualité de liquidateur. La société ARPALINE a déclaré sa créance pour un montant de 3.731,52 euros TTC.
Appelante du jugement rendu le 12 juillet [2010] par le tribunal de commerce, la société ARPALINE demande à la Cour de :
- constater la résiliation du contrat signé le 3 janvier 2008 aux torts de la société LE DECK ;
- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société LE DECK à la somme de 3.999,42 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 10 mars 2009 ;
- condamner Maître Arnaud, es qualités de liquidateur de la société LE DECK, au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître ARNAUD, es qualité de liquidateur de la SARL LE DECK, est intervenu volontairement à la procédure et présente les demandes suivantes :
- prononcer la nullité du contrat ;
- subsidiairement, prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement de l'article 1184 du code civil et ordonner le remboursement de la somme de 3.000 euros ;
- condamner la société ARPALINE à payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- le cas échéant, désigner tout expert,
- plus subsidiairement, réduire à un euros le montant des sommes dues à titre de pénalité sur le fondement de l'article 1152 du code civil ;
- condamner la société Arpaline à payer la somme de 7.500 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour l'appelante le 2 septembre 2011 et pour Maître Arnaud le 15 juillet 2011.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la demande de nullité du contrat :
La société LE DECK se prévaut de l'article L. 132-1 de la consommation pour conclure à la nullité du contrat au motif que son article 18 constituerait une clause abusive en ce qu'il prévoit la résiliation du contrat sous 8 jours à la suite du non-paiement d'une seule échéance de loyer avec restitution du site, paiement des loyers impayés majorés d'une clause pénale et paiement de la totalité des loyers restant à courir majorés d'une clause pénale.
Mais, la location du site Internet personnalisé avait pour objet le développement de l'activité commerciale de la société locataire et était ainsi un rapport direct avec son activité, de sorte que la société LE DECK, en sa qualité de professionnel, ne peut se prévaloir de ces dispositions.
La demande de nullité du contrat sera donc rejetée.
Sur la demande de résolution du contrat :
Les pièces produites ne démontrent pas que la non-conformité du site créé par la SARL ARPALINE aux engagements contractés.
En effet, le contrat contient seulement la stipulation suivante : « Arpaline s'engage à mettre tout en œuvre pour que le site soit bien positionné dans les pages des moteurs de recherche ou annuaires tels que Google, Msn, Yahoo... Arpaline n'a aucune obligation de résultats sur tels ou tels moteurs de recherche, due aux mutations fréquentes de ceux-ci. Cependant, Arpaline assure le suivi des positionnements régulièrement, et sur simple demande de l'abonné, peut établir un rapport. »
Le 26 février 2008, la SARL Le Deck signait le procès-verbal de réception du site et du matériel et se déclarait satisfaite du travail effectué.
Du mail qu'elle envoyait le 20 mars 2008, il ressort que celui-ci présentait quelques défectuosités auxquelles il était promis de remédier. Aucune réclamation n'a ensuite été envoyée avant la lettre du 12 janvier 2009, suscitée par un tiers, étant souligné que ce courrier critiquait davantage la formulation du contrat sur le plan juridique que l'efficacité des prestations elles-mêmes.
Dès lors, la société LE DECK ne démontre pas le défaut d'exécution ou la mauvaise exécution des prestations convenues de sorte que sa demande de résolution du contrat sera rejetée.
Tirant la conséquence du non-paiement des loyers, la société Arpaline a, en application des stipulations contractuelles, demandé au tribunal dès l'assignation du 3 juillet 2009 le constat de la résiliation du contrat et a cessé parallèlement d'exécuter ses obligations.
En conséquence, la résiliation du contrat, pour non-paiement des loyers, sera constatée au jour de l'introduction de l'action en justice, soit au mois de juillet 2009, les loyers échus à cette date et non payés s'élevant à la somme de 669,76 euros TTC.
La lettre du 2 mars 2009 ne peut s'analyser en une mise en demeure de payer faisant courir les intérêts moratoires. L'ouverture de la procédure collective a ensuite entraîné la suspension du cours des intérêts. La demande de paiement des intérêts sera donc rejetée.
Sur l'indemnité de rupture :
La société ARPALINE réclame une indemnité de rupture anticipée égale aux sommes restant à courir jusqu'à la fin du contrat, majorée de dix pour cent. Elle conteste la qualification de clause pénale de cette indemnité.
Cependant, le contrat conclu est expressément qualifié par les parties de contrat de location d'un site. La jouissance de ce site a été retirée à l'abonné et la société ARPALINE n'en a plus exercé la maintenance. Dès lors, la clause litigieuse s'analyse en une sanction contractuelle du manquement de l'une des parties à ses obligations, ce qui caractérise la clause pénale.
Cette clause pénale apparaît en l'occurrence manifestement excessive puisque le contrat de location a couru pendant à peine plus d'un an, que l'avantage qu'en a retiré la société locataire a été très réduit tandis que le préjudice subi par la société bailleresse, qui proposait d'ailleurs une résiliation amiable sans autre frais que le paiement des loyers échus, n'est pas établi. La clause pénale sera en conséquence réduite à la somme de 1.150 euros
Sur les demandes accessoires :
L'intimée succombant dans ses prétentions, sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 12 juillet 2010 par le tribunal de commerce de Nantes ;
Constate la résiliation, aux torts de la SARL LE DECK, du contrat de location de site WEB conclu entre la SARL ARPALINE et la SARL LE DECK ;
Fixe la créance de la société ARPALINE dans la liquidation judiciaire de la SARL LE DECK :
- à la somme de 669,76 euros TTC au titre des loyers échus impayés ;
- à la somme de 1.150 euros à titre d'indemnité de rupture anticipée ;
Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;
Condamne Maître Arnaud es qualités de liquidateur de la société LE DECK aux dépens de la procédure qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SARL LE DECK.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5899 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Développement de l’activité
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet