CA DOUAI (2e ch. sect. 1), 13 septembre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3950
CA DOUAI (2e ch. sect. 1), 13 septembre 2012 : RG n° 12/02832
Publication : Jurica
Extrait : « En vertu de l'article D. 442-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont au nombre de huit, dont celle de Lille, pour les ressorts des cours d'appel de Douai, Amiens, Reims et Rouen ; La compétence exclusive, en première instance, des huit juridictions visées par l'article D. 442-3 du code de commerce est d'ordre public, et il suffit qu'une des parties fasse référence au droit des pratiques restrictives de concurrence pour que l'entier litige relève de l'un des tribunaux spécialisés ;
En l'espèce, il résulte de l'analyse de l'assignation que le moyen tiré de l'article L. 442-6 du code de commerce est soulevé par la société MOTOR BOX à titre principal, à l'appui de ses demandes ;
Contrairement à ce qu'indique la société AXA FRANCE IARD, l’article L. 442-6, 1° et 2° du Code de commerce vise de façon générale les partenaires commerciaux sans instaurer la moindre réserve concernant la nature ou la forme de leurs relations commerciales ; quoiqu'il en soit, il appartiendra au juge du fond de déterminer, par l'analyse des éléments de fait, si les sociétés AXA FRANCE IARD et MOTOR BOX sont des partenaires commerciaux et si les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce relatives aux négociations et au déséquilibre significatif des droits et obligations doivent s'appliquer ;
En conséquence, conformément aux dispositions de l’article D. 442-3 du code de commerce, la compétence exclusive et spécialisée du tribunal de commerce de Lille, pour l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, doit être retenue, le jugement déféré étant confirmé de ce chef, et le dossier renvoyé devant le tribunal de commerce de Lille pour qu'il soit statué au fond ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/02832. Jugement (R.G. n° 2001/02737) rendu le 15 mars 2012 par le Tribunal de Commerce de LILLE. REF : SD/CL Contredit de compétence/
DEMANDERESSE AU CONTREDIT :
SA AXA FRANCE IARD
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :
SARL MOTOR BOX
ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Bertrand CHARLET, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 13 juin 2012 tenue par Sandrine DELATTRE magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile ).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise RIGOT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Christine PARENTY, Président de chambre, Philippe BRUNEL, Conseiller, Sandrine DELATTRE, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Françoise RIGOT, adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement contradictoire du 15 mars 2012 du tribunal de commerce de Lille, qui s'est déclaré compétent, a enjoint à la société AXA FRANCE IARD de conclure au fond, prorogé l'affaire au grand rôle et réservé les dépens ;
Vu le contredit déposé au greffe par la société anonyme (SA) AXA FRANCE IARD le 29 mars 2012 ;
Vu les conclusions déposées le 7 juin 2012 pour la société à responsabilité limitée (SARL) MOTOR BOX ;
La société AXA FRANCE IARD a formé contredit aux fins d'infirmation du jugement entrepris, et demande à la cour de dire, d'une part, que le tribunal de commerce de Lille n'est pas compétent, d'autre part, que seul le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing est compétent ;
Elle fait valoir que les dispositions de l'article L. 442-6-I, 2° du code de commerce ne sont pas applicables en l'espèce, n'ayant jamais eu la moindre relation contractuelle ou de partenariat commercial avec la société MOTOR BOX, tandis que le texte invoqué ne concerne que les litiges opposant des personnes liées par un contrat ; elle précise qu'elle se substitue simplement à ses assurés dans le règlement de tout ou partie des factures émises envers eux par la société MOTOR BOX ;
La société MOTOR BOX sollicite la confirmation du jugement déféré en ce que le tribunal de commerce de Lille s'est déclaré compétent pour connaître du litige, et demande à la cour de débouter la société AXA FRANCE IARD de toute demande contraire, de renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Lille, de condamner la société AXA FRANCE IARD à lui payer 15.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil, 2.000 euros pour la couverture de ses frais irrépétibles, et à payer une amende civile de 3.000 euros sur le fondement de l’article 88 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l'instance ;
Elle soutient que le contenu de l'acte introductif d'instance expose clairement que la responsabilité de la société AXA FRANCE IARD est recherchée, à titre principal, sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 1° et 2° du code de commerce relatif aux pratiques restrictives de concurrence, qu'il ne s'agit pas d'une simple action en responsabilité fondée sur l’article 1382 du code civil, et que le tribunal de commerce de Lille a une compétence exclusive d'ordre public, dans les ressorts des cours d'appel de Douai, Amiens, Reims et Rouen, pour connaître de l'application de l’article L. 442-6 du code de commerce, que l'applicabilité de ces dispositions aux faits litigieux soit discutée ou non ;
La société MOTOR BOX ajoute que l'existence de relations contractuelles entre les parties est sans incidence sur l'applicabilité des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, lesquelles visent à sanctionner les pratiques commerciales abusives entre opérateurs économiques, indépendamment de tout lien contractuel ; ainsi la notion de partenaire commercial, inscrite à l’article L. 442-6-I du code de commerce, ne se cantonne pas à celle de cocontractant mais concerne plus largement les relations d'affaires ou économiques entre parties ; en l'espèce, c'est la tentative d'imposition de prix à la société MOTOR BOX par la société AXA FRANCE IARD qui est critiquée ;
Enfin, la société MOTOR BOX affirme que la procédure de contredit diligentée par la société AXA FRANCE IARD est abusive, ayant pour seule finalité de retarder l'issue du litige ; elle rappelle que cette dernière n'a soulevé l'exception d'incompétence devant les premiers juges que 6 mois après l'introduction de l'instance, et que, la compétence du tribunal de commerce étant d'ordre public, elle ne pouvait ignorer qu'elle n'aurait pas gain de cause ; elle est donc bien fondée à réclamer une somme de 15.000 euros de dommages-intérêts, ainsi que l'application d'une amende civile de 3.000 euros ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la compétence :
Par acte d'huissier de justice du 30 mai 2011, la société MOTOR BOX a assigné la société AXA FRANCE IARD devant le tribunal de commerce de Lille, demandant au visa notamment des articles L. 442-5, L. 442-6-I, 1° et 2°, D. 442-3 et D. 442-4 du commerce et 1382 du code civil, de constater que la société AXA FRANCE IARD, d'une part, est l'auteur de pratiques commerciales restrictives qui lui sont préjudiciables, d'autre part, qu'elle engage sa responsabilité du fait des actes de concurrence déloyale également préjudiciables, d'ordonner à la société AXA FRANCE IARD de cesser les pratiques litigieuses sous astreinte, et de la condamner à lui payer la somme de 226.701,83 euros en réparation des préjudices moral et économique subis ;
En vertu de l'article D. 442-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont au nombre de huit, dont celle de Lille, pour les ressorts des cours d'appel de Douai, Amiens, Reims et Rouen ;
La compétence exclusive, en première instance, des huit juridictions visées par l'article D. 442-3 du code de commerce est d'ordre public, et il suffit qu'une des parties fasse référence au droit des pratiques restrictives de concurrence pour que l'entier litige relève de l'un des tribunaux spécialisés ;
En l'espèce, il résulte de l'analyse de l'assignation que le moyen tiré de l'article L. 442-6 du code de commerce est soulevé par la société MOTOR BOX à titre principal, à l'appui de ses demandes ;
Contrairement à ce qu'indique la société AXA FRANCE IARD, l’article L. 442-6, 1° et 2° du Code de commerce vise de façon générale les partenaires commerciaux sans instaurer la moindre réserve concernant la nature ou la forme de leurs relations commerciales ;
Quoiqu'il en soit, il appartiendra au juge du fond de déterminer, par l'analyse des éléments de fait, si les sociétés AXA FRANCE IARD et MOTOR BOX sont des partenaires commerciaux et si les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce relatives aux négociations et au déséquilibre significatif des droits et obligations doivent s'appliquer ;
En conséquence, conformément aux dispositions de l’article D. 442-3 du code de commerce, la compétence exclusive et spécialisée du tribunal de commerce de Lille, pour l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, doit être retenue, le jugement déféré étant confirmé de ce chef, et le dossier renvoyé devant le tribunal de commerce de Lille pour qu'il soit statué au fond ;
Sur la demande de dommages-intérêts de la société MOTOR BOX :
La société MOTOR BOX estime que la procédure de contredit diligentée par la société AXA FRANCE IARD est abusive ;
Néanmoins, elle n'établit aucun acte de malice ou de mauvaise foi, ni dol de la part de la société AXA FRANCE IARD, tandis que l'appréciation inexacte par cette dernière de ses droits, n'est pas en soi constitutif d'une faute ;
En conséquence, la demande de dommages-intérêts formulée à ce titre par la société MOTOR BOX sera rejetée ;
Sur la demande de condamnation à une amende civile :
Pour les mêmes raisons, il n'y a pas lieu à application de l'amende civile prévue à l’article 88 du code de procédure civile ;
La demande formulée à ce titre par la société MOTOR BOX sera rejetée ;
La société AXA FRANCE IARD qui succombe sera condamnée aux dépens de contredit et déboutée de ses demandes ;
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société MOTOR BOX les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, sur contredit, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris qui a consacré la compétence du tribunal de commerce de Lille par application de l’article D. 442-3 du code de commerce,
Renvoie le dossier devant le tribunal de commerce de Lille pour qu'il soit statué au fond,
Rejette l'ensemble des demandes de la société AXA FRANCE IARD,
Rejette la demande de dommages-intérêts de la société MOTOR BOX,
Dit n'y avoir lieu à condamnation de la société AXA FRANCE IARD au paiement d'une amende civile,
Condamne la société AXA FRANCE IARD à payer à la société MOTOR BOX la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société AXA FRANCE IARD aux dépens de contredit.
Le Greffier Le Président
Françoise RIGOT Christine PARENTY