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CA VERSAILLES (3e ch.), 27 septembre 2012

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 27 septembre 2012
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 11/01906
Date : 27/09/2012
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/03/2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3964

CA VERSAILLES (3e ch.), 27 septembre 2012 : RG n° 11/01906

Publication : Jurica

 

Extrait : « La force majeure doit présenter les trois caractères, d'irrésistibilité, imprévisibilité, extériorité, qui, selon LA CENSE FORMATION ne sont pas réunies en l'espèce.

La maladie invoquée par Mlle X., peut constituer une force majeure, sans que soit méconnue la condition d'extériorité. Or les attestations médicales produites par le médecin traitant (Dr A.) et la psychothérapeute (Dr B.) qui ont suivi Mlle X., démontrent que Mlle X. souffrait d'une grave dépression, avec des symptômes de crises d'angoisse, crises de larmes, insomnies, sueurs froides, manque d'appétit, et ce depuis le mois juin 2006. Ces attestations n'ont pas été mises en doute dans leur origine et leur contenu.

Contrairement à ce qu'affirme LA CENSE FORMATION, ce ne sont pas les difficultés en anglais de Mlle X., qui expliquent son état, même si elles n'ont pas facilité son intégration durant le stage au Montana.

La dépression est une maladie ; caractérisée en l'espèce par les pièces produites. […]

Il convient donc de considérer que sa maladie constitue une force majeure, l'exonérant du paiement des prestations dont elle n'a pu bénéficier. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2012

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/01906. Code nac : 59B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 octobre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES (4e ch.) : R.G. n° 07/9910.

LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

Mademoiselle X.

née le [date] à [ville], Représentée par la SCP Melina PEDROLETTI (avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 00020837), Assistée de Maître Sophie JANOIS (avocat au barreau de PARIS)

 

INTIMÉE :

SARL Unipersonnelle LA CENSE FORMATION

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Pierre GUTTIN (avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 11000309), Assistée de Maître Christel ROSSE (avocat au barreau de VERSAILLES)

 

Composition de la Cour : En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 juin 2012, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annick DE MARTEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-José VALANTIN, Président, Madame Annick DE MARTEL, Conseiller, Madame Delphine BONNET, Vice-présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mlle X. a interjeté appel d'un jugement rendu le 27 octobre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES dans un litige l'opposant à la société LA CENSE FORMATION.

Mlle X. a signé avec la société LA CENSE FORMATION, centre de formation aux savoirs et aux brevets fédéraux de l'équitation éthologique, un contrat de formation professionnelle. Par ce contrat, LA CENSE FORMATION s'est engagée à lui dispenser une formation aux savoirs de l'équitation éthologique et à la préparer au BPJEPS mention équitation, pour une durée de 30 mois, du 1er septembre 2005 au 1er février 2008, moyennant un prix de 25.000 euros.

Le contrat comprenait une clause dite de « rupture anticipée » aux termes de laquelle : « En cas de force majeure, dûment reconnue, le stagiaire pourra résilier le présent contrat ».

Le 26 juillet 2006, Mlle X. a mis fin à sa formation.

La société LA CENSE FORMATION lui a réclamé le montant du solde de la formation soit 15.825 euros. En dépit de plusieurs mises en demeure, Mlle X. n'a pas réglé ce solde.

La société LA CENSE FORMATION a fait assigner Mlle X. devant le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES afin d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 15.825 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 septembre 2006.

* * *

Par jugement du 27 octobre 2009, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a condamné Mlle X. à payer à la société LA CENSE FORMATION les sommes de :

- 15.825 euros outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 26 novembre 2006 ;

- 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Le tribunal a ordonné l'exécution provisoire du jugement et condamné Mlle X. aux dépens.

Par acte du 10 mars 2011, Mlle X. a interjeté appel du jugement rendu.

* * *

Dans ses dernières conclusions visées le 17 août 2011, elle demande à la Cour d'infirmer la décision ; de dire que les circonstances qui l'ont obligée à rompre le contrat de formation professionnelles sont constitutives d'un cas de force majeure ; que la clause 12 du contrat, selon laquelle seul un cas de force majeure est susceptible de permettre au cocontractant non professionnel de rompre un contrat de formation professionnelle, est un clause abusive ; de débouter la société LA CENSE FORMATION de toutes ses demandes.

Elle soutient qu'elle a été malade au point de ne plus être capable de suivre la formation et que la résiliation unilatérale du contrat est justifiée par son état de santé.

Invoquant l’article L. 132-1 du Code de la consommation, elle considère que la clause 12 est abusive eu égard à la nature du contrat ; le contrat d'enseignement qu'elle a signé exclut en effet la possibilité de rupture pour motif légitime alors que sa durée est de 30 mois et que le coût de la formation est élevé ; qu'ainsi le contrat confère un avantage manifestement excessif au professionnel, au détriment du consommateur.

 

La société LA CENSE FORMATION, dans ses dernières conclusions visées le 5 août 2011, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement

- débouter Mlle X. de ses prétentions tendant à établir la force majeure ; Mlle X. n'a pas même procédé à la notification de la résiliation du contrat et les faits qu'elle invoque ne sont ni irrésistibles ni imprévisibles.

- dire que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de formation est abusive ;

- dire que l'argument tiré du caractère abusif de la clause 12 du contrat de formation professionnelle est une demande nouvelle ; irrecevable et qu'il n'est en tout état de cause pas fondé.

La cour renvoie à ces conclusions déposées et soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur le contrat de formation conclu entre les parties :

Le contrat est à durée déterminée. Il s'agit cependant d'une longue durée, deux ans et demi, dont une partie passée à l'étranger, dans un cadre tout différent.

L'admission telle qu'elle est énoncée par l'article 1 du contrat « de formation professionnelle » suppose que soit rempli un dossier par le candidat. Il est précisé par ce même article, que « le candidat a été évalué dans ses capacités techniques » par le responsable de la formation ; que le candidat devra satisfaire un examen dit « exigences préalables à l'entrée en formation BPJEPS ».

Il est constant que Mlle X. a satisfait à ces exigences et que LA CENSE FORMATION a donc pu s'assurer de son aptitude à intégrer cette formation.

Il est tout aussi constant qu'aux termes de ce contrat, la rupture anticipée à l'initiative du stagiaire ne peut intervenir (article 12) qu'en cas « de force majeure dûment reconnue ». Si tel est le cas, seules les prestations effectivement dispensées sont dues.

A titre principal, Mlle X. invoque la force majeure.

 

- Sur l'existence d'une force majeure :

Celle-ci n'a pas été « dûment reconnue » par LA CENSE FORMATION.

La force majeure doit présenter les trois caractères, d'irrésistibilité, imprévisibilité, extériorité, qui, selon LA CENSE FORMATION ne sont pas réunies en l'espèce.

La maladie invoquée par Mlle X., peut constituer une force majeure, sans que soit méconnue la condition d'extériorité. Or les attestations médicales produites par le médecin traitant (Dr A.) et la psychothérapeute (Dr B.) qui ont suivi Mlle X., démontrent que Mlle X. souffrait d'une grave dépression, avec des symptômes de crises d'angoisse, crises de larmes, insomnies, sueurs froides, manque d'appétit, et ce depuis le mois juin 2006.

Ces attestations n'ont pas été mises en doute dans leur origine et leur contenu.

Contrairement à ce qu'affirme LA CENSE FORMATION, ce ne sont pas les difficultés en anglais de Mlle X., qui expliquent son état, même si elles n'ont pas facilité son intégration durant le stage au Montana.

La dépression est une maladie ; caractérisée en l'espèce par les pièces produites.

S'agissant du caractère imprévisible de cette maladie, le docteur A. ne relève aucun antécédent dépressif et Mlle X. est décrite par ses nombreux amis, comme une personne « enthousiaste » (Mme W.), ayant bon caractère, témoignant d'une joie de vivre, de « confiance en elle », et « tellement drôle » (Mélanie Z.). Au demeurant les 9 premiers mois de formation se sont très bien passés.

Toutes les attestations produites décrivent également, et par contraste, le changement brutal, tant de son apparence physique - fatigue, maigreur, traits tirés - que de son attitude - souhaitant rester chez elle et dormir, buvant de manière excessive et inaccoutumée -.

Cet état, eu égard à son extrême faiblesse, ne lui a pas permis de rester au Montana, caractérisant ainsi l'irrésistibilité de l'événement ; elle a dû revenir dans sa famille, puis a tenté de reprendre son stage mais à dû abandonner, n'étant plus apte à poursuivre une telle formation qui requiert pour le moins une bonne forme physique. Dans cet état de faiblesse, largement décrit dans les pièces 19 et 20 par les psychothérapeutes M. et Mme C., elle n'a pu résister à sa maladie et reprendre son stage.

LA CENSE FORMATION a certes proposé à Mlle X. de continuer sa formation en France ; mais elle était alors inapte à poursuivre cette formation, quelles qu'en soient les modalités, eu égard à son état de santé.

Il convient donc de considérer que sa maladie constitue une force majeure, l'exonérant du paiement des prestations dont elle n'a pu bénéficier.

 

- Sur les frais irrépétibles :

Il est inéquitable de laisser à la charge de Mlle X. les frais non compris dans les dépens de l'instance. Il lui sera alloué la somme de 2.000 euros au titre des frais d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 27 octobre 2009 en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

Dit que l'état de santé de Mlle X., lors de l'interruption de son contrat, constitue une force majeure l'exonérant du paiement des sommes qui lui sont demandées par LA CENSE FORMATION ;

Déboute LA CENSE FORMATION de l'ensemble de ses demandes et rappelle que le présent arrêt constitue un titre pour la restitution des sommes qui auraient été versées en exécution du jugement ;

Y ajoutant,

Condamne LA CENSE FORMATION à payer à Mlle X. la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne LA CENSE FORMATION aux dépens de première instance et d'appel et autorise leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José VALANTIN, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,                     Le PRÉSIDENT,