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TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 10 octobre 2000

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 10 octobre 2000
Pays : France
Juridiction : TGI Paris 1re ch. sect. soc.
Demande : 99/11184
Date : 10/10/2000
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 9/06/2009
Référence bibliographique : BRDA 2000, n° 20, p. 11 ; RJDA 2001/1, n° 94
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3973

TGI PARIS (1re ch. sect. soc.), 10 octobre 2000 : RG n° 99/11184

Publication : Site CCA ; BRDA 2000, n° 20, p. 11 ; RJDA 2001/1, n° 94 

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION SOCIALE

JUGEMENT DU 10 OCTOBRE 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/11184.

 

DEMANDERESSE :

Association CONSOMMATION LOGEMENT CADRE DE VIE (CLCV)

[adresse]

représentée par Maître Jérôme FRANCK avocat au barreau de PARIS, vestiaire M1815

 

DÉFENDERESSE :

Société CANAL SATELLITE

[adresse], représentée par Maître Jacques LE CALVEZ de la SCP LUSSAN BROUILLAUD, avocats au ban-eau de PARIS, vestiaire P0077

[minute page 2]

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Mme TAILLANDIER, Vice-Président, Président de la formation, Mme THOMAS, Juge, Mme GRIVEL, Juge, Assesseurs, assistées de Marielle MOREAU, Greffier

DÉBATS : A l'audience du 5 septembre 2000 tenue publiquement

JUGEMENT : Prononcé en audience publique, Contradictoire, en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société CANAL SATELLITE commercialise, par abonnement, un ensemble de services et de chaînes télévisuelles diffusées en numérique, par voie satellitaire.

Soutenant que les articles 2-1, 2-4, 3-4, 4-4, 5- 2 et 3ème alinéas, 6, 7-1, 7-2, 7-3, 8-3, 9-2, 9-3, 10-1, 10-2, 10-4, 10-6,11,11-2,11-5 et 11-6 du contrat d'abonnement proposé par celle-ci comportent des clauses abusives, l'association CONSOMMATION LOGEMENT CADRE DE VIE (CLCV) a, par acte en date du 9 juin 1999, fait assigner la société CANAL SATELLITE aux fins de voir, sous astreinte, ordonner la suppression de ces clauses, voir ordonner la publication de la décision à intervenir et voir la défenderesse condamner à lui verser la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile:

Aux termes de ses dernières écritures, en date du 2 mars 2000, elle a retiré sa demande relative aux articles 9-4, 10-6, 11, et 11-5, mais a étendu sa demande aux articles 13-2, 13-4, 13-6 du contrat version 11.99.

En réponse, la société CANAL SATELLITE, par des écritures en date du 28 janvier 2000, s'oppose à la demande, précisant avoir supprimé dans ses contrats, les dispositions relatives aux frais de prélèvement et de rejet.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] MOTIFS :

Attendu qu'à l'appui de sa demande, la CLCV invoque les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation et la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 98/01 en date du 31 décembre 1998 ;

Que la défenderesse soutient que plusieurs des dispositions attaquées ne rentrent pas clans le champ d'application des recommandations de la Commission, que d'autres sont conformes à la recommandation et ne présentent aucun déséquilibre an préjudice du consommateur ;

Qu'il y a lieu de procéder à l'examen de chacune des clauses en cause ;

 

Sur l'article 2 relatif à la durée du contrat d'abonnement :

Attendu que ce texte prévoit que la durée d'abonnement est de six ou douze mois et que la résiliation du contrat ne peut intervenir, à l'initiative de l'abonné, qu'à l'échéance normale de l'abonnement ;

Que la CLCV soutient que cet article provoque un déséquilibre entre les droits des parties, notamment lorsqu'il est combiné avec la clause de l'article 6 qui autorise la société CANAL SATELLITE à modifier, sans notification préalable, la composition du « bouquet » de chaînes thématiques et fait valoir qu'il peut exister une impossibilité de recevoir les émissions diffusées, selon le lieu où se trouve l'abonné ;

Que la défenderesse fait valoir que la modification des programmes prévue à l'article 6 est le fait des éditeurs ou des ligues de sport qui décident de mettre un terme à leur contrat ou à ne pas retransmettre une manifestation sportive et qu'elle ne peut être tenue responsable de décisions de tiers sur lesquelles elle ne peut agir et ce d'autant plus que les modifications envisagées ne constituent pas un élément substantiel du contrat ; qu'ainsi, la force majeure étant, en toute hypothèse, applicable, les dispositions de l'article 2 ne créent aucun déséquilibre ;

Mais attendu que si la force majeure peut toujours être invoquée par l'abonné, il n'en demeure pas moins que l'article 2 en ne donnant au consommateur la faculté de résilier son contrat qu'à la date anniversaire de celui-ci, ne lui permet pas d'y mettre un terme pour motifs légitimes notamment au regard des modifications de programmes qui peuvent intervenir ;

Que cette disposition, en ce qu'elle crée un déséquilibre entre le consommateur et le fournisseur qui lui, a toute latitude pour modifier ou interrompre la prestation, est contraire à l'article L. 132-1 du Code de la Consommation et doit être supprimée ;

[minute page 4]

Sur les articles 6, 9-3, 13-6 et 13-6 des contrats (selon les différentes versions) :

Attendu que ces dispositions sont relatives à la modification, la résiliation et l'interruption de certains programmes du chef de la société CANAL SATELLITE, qui pourront s'effectuer, pour certaines, sans information préalable de l'abonné et sans possibilité, pour celui-ci, de résilier son contrat ;

Que la demanderesse soutient le caractère abusif de ces clauses qui ouvre au fournisseur un droit discrétionnaire et arbitraire de modifier l'objet du contrat ;

Que la défenderesse fait valoir que les modifications qu'elle peut être amenée à opérer sont dues au comportement de ses cocontractants dont elle est tributaire et qu'il ne peut lui être imputé des agissements dont elle n'a pas la maîtrise ; qu'elle invoque également l'absence de caractère déterminant du choix de chaînes pré-identifiées, l'essentiel étant de fournir à l'abonné le programme susceptible de répondre à ses préoccupations ;

Mais attendu que s'il est, effectivement envisageable que la société CANAL SATELLITE soit contrainte, du fait de tiers, de modifier le « bouquet » choisi par le consommateur, ces modifications ne sauraient intervenir sans notification préalable et sans faculté de résiliation, au risque de violer l'intention du contractant que constitue le consommateur et de lui retirer toute liberté contractuelle ;

Que ces dispositions sont, à l'évidence abusives et qu'il y a lieu de faire droit à la demande de ce chef ;

 

Sur l'article 7-1 :

Attendu que cette disposition est relative au prix de l'abonnement et à ses variations qui interviendront, à la date anniversaire du contrat, après que la société défenderesse en ait avisé l'abonné par l'insertion; tous les deux mois, d'un avis dans le journal de la société « Le magazine des Abonnés » ;

Que la CLCV fait valoir que l'information d'une augmentation de tarif par ce mode collectif non individualisé est manifestement insuffisante et ne permet pas à l'abonné de décider en toute connaissance de cause et dans les délais, de la poursuite de son contrat ;

Que CANAL SATELLITE fait valoir, quant à elle, que les droits de l'abonné sont préservés et que l'information diffusée tous les deux mois est parfaitement satisfaisante, puisque paraissant tous les deux mois ;

Mais attendu que le prix de l'abonnement est un élément substantiel de la convention liant les parties et que le consommateur doit être informé de toute modification de celui-ci ;

Que cette information ne peut s'entendre que d'une démarche individualisée s'adressant à chaque abonné et ne peut se réduire à une note circulaire paraissant dans la revue éditée par la défenderesse ;

[minute page 5] Que là encore, la disposition attaquée revêt un caractère abusif qu'il convient de sanctionner, en ordonnant son retrait ;

 

Sur l'article 3-4 relatif au matériel nécessaire la réception des émissions :

Attendu que la demanderesse considère que cc texte, en ce qu'il exonère CANAL SATTELITE de toute responsabilité en cas de panne ou de dysfonctionnement du matériel, crée un déséquilibre pour le consommateur qui ne rapporter la preuve de son absence de faute ;

Mais attendu qu'ainsi que le souligne la défenderesse, cette clause ne vise que le matériel non fourni par elle-même et dont l'abonné est propriétaire ; qu'elle apparaît, dès lors justifiée ;

 

Sur l'article 6 relatif aux exonérations de responsabilité de la défenderesse :

Attendu que la CLCV fait grief à ces dispositions qui exonère la défenderesse de toute responsabilité, d'entraîner un déséquilibre pour le consommateur ;

Que CANAL SATELLITE fait valoir que n'assurant pas elle-même la diffusion des programmes, elle ne peut être tenue pour responsable des difficultés techniques rencontrées dans le fonctionnement des satellites émetteurs ;

Mais attendu qu'une telle clause exonératoire de la responsabilité apparaît abusive en ce qu'elle laisse le consommateur démuni de recours à l'encontre du professionnel qui n'exécuterait pas ses obligations contractuelles de fourniture de service alors qu'il appartient à ce professionnel d'appeler en garantie les tiers qu'il estimerait responsable de l'inexécution ;

Qu'elle est, au surplus abusive, en ce qu'elle présente un caractère général et recouvre l'intégralité de la prestation sans qu'il soit possible de rechercher si le professionnel pouvait prendre des mesures pour éviter le dysfonctionnement et y remédier ;

Qu'il y a lieu d'en ordonner la suppression ;

 

Sur les articles 4-4, 5-alinéa 2 et 3, et 13-6 :

Attendu que ces dispositions sont relatives à la responsabilité de l'abonné, en sa qualité de locataire ;

Que la demanderesse fait valoir que ces textes, par leur caractère de généralité et leur aspect forfaitaire privent le consommateur de la possibilité de faire la preuve de son absence de faute et met à sa charge le paiement d'un forfait dont il ignore le montant lors de la conclusion du contrat ;

Que la défenderesse n'a formulé aucune observation sur cette demande ;

[minute page 6] Attendu que la lecture de l'article 4-4 modifié fait ressortir que l'indemnisation forfaitaire a été supprimée et que l'indemnisation due par l'abonné doit s'effectuer selon les frais de remise en état ou la valeur de remplacement de l'appareil ; que cette clause ne revêt, dès lors, pas de caractère abusif ;

Qu'en revanche, la généralité des dispositions relatives à la disparition, la détérioration ou la destruction du matériel ne permet pas au consommateur de faire la preuve de son absence de [faute] ; qu'elle est contraire à l'article 1732 du Code Civil et constitue à l'évidence le déséquilibre sanctionné par l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ;

Que cette disposition doit également, faire l'objet d'une suppression ; Qu'il en va de même, en ce qui concerne l'article 5, qui institue la même généralité ;

 

Sur les articles 10-4 et 6, 13-2 et 4, relatifs au mode de preuve :

Attendu que la demanderesse fait valoir que par la clause selon laquelle l'abonné qui utilise comme mode de paiement la carte bancaire ou le prélèvement automatique, autorise CANAL SATELLITE à débiter son compte des montants correspondant aux programmes produits, services ou lots de jetons commandés, la société défenderesse prive le consommateur du bénéfice de l'exception d'inexécution ;

Que la défenderesse soutient qu'il n'existe, en l'espèce aucun déséquilibre, les textes mis en cause n'ayant pour seul objet que de rappeler la force obligatoire du contrat ;

Attendu, en effet, que rien n'interdit, dans les dispositions susvisées, pour le consommateur, de faire usage de l'exception d'inexécution du contrat, le cas échéant et qu'il n'y a pas, dès lors, abus de la part de la société défenderesse ;

 

Sur l'article 13-2 relatif à la preuve :

Attendu que cette disposition qui prévoit que les enregistrements informatiques et leurs reproductions constituent une preuve des opérations effectuées et font foi ne retire pas à l'abonné le droit de contester la facturation de la défenderesse et ne constitue pas un mode de preuve irréfragable ;

Qu'elle ne revêt aucun caractère abusif ;

 

Sur l'article 8-3, relatif au paiement à un tiers (CANAL PLUS) :

Attendu qu'aux termes de cet article, il est stipulé que la défenderesse est autorisée à retenir sur le montant du dépôt de garantie toute somme dont l'abonné serait encore débiteur vis à vis de CANAL PLUS, et ce, pour le compte de cette dernière ;

[minute page 7] Que la CLCV fait valoir que cette disposition est contraire à l'article 1165 du code civil et crée un déséquilibre significatif ;

Que CANAL SATELLITE soutient que cette clause doit s'interpréter comme un mandat donné par l'abonné de payer les sommes dues par lui à CANAL PLUS et ne rend pas celui-ci débiteur contre son gré ;

Qu'il ne résulte [pas] de la disposition attaquée, la création d'obligation nouvelle à la charge de l'abonné qui donne mandat à la défenderesse de régler un indu ;

Que cette disposition n'instituant aucun déséquilibre, il ne sera pas fait droit à la demande de ce chef ;

 

Sur article 13-2, anciennement 11-2 relatif au recours :

Attendu que cette disposition qui institue un délai d'un mois pour le consommateur pour former une réclamation, tend, selon la CLCV, à supprimer tout délai de prescription ;

Que la défenderesse soutient que cette clause institue un délai de réclamation amiable n'excluant nullement la possibilité, pour le consommateur, d'agir dans les délais légaux et ne prévoyant pas une déchéance ou une prescription particulière ;

Mais attendu que cette disposition qui ne précise pas que le délai d'un mois est un délai amiable laissant toute latitude à l'abonné pour exercer une action en justice, force est de constater qu'elle présente une ambiguïté qui peut être préjudiciable au consommateur qui est susceptible de considérer qu'il est forclos, passé le délai d'un mois dans sa réclamation, sous quelque forme que se soit ;

Que cet article dans sa formulation actuelle, doit, en conséquence être supprimé ;

 

Sur la publication et la demande de dommages intérêts :

Attendu que plusieurs clauses du contrat d'abonnement proposé par la société CANAL SATELLITE étant supprimées, il est de l'intérêt du consommateur d'avoir connaissance du présent jugement dont la publication sera ordonnée dans un magazine de télévision an choix de la demanderesse et dans la limite d'une somme de 15.000 francs ;

Que, par ailleurs, la CLCV, association de défense du consommateur est bien fondée à solliciter la réparation du préjudice subi par elle, du fait des - agissements de CANAL SATELLITE ;

Qu'il lui sera alloué une somme de 50.000 francs de ce chef ;

Que les circonstances de l'espèce conduisent à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au mot de la demanderesse à hauteur de la somme de 10.000 francs ;

Que l'exécution provisoire du jugement, compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 8] PAR CES MOTIFS :

Déclare abusives et non écrites les clauses critiquées par la demanderesse figurant aux articles 2-1 et 2-4, 3-4, 6, 9, 13-4 et 13-6 (selon les diverses versions du contrat), 7-1, 4-4, 5 alinéa 2 et 3 et 13-2 (anciennement 11-2).

En ordonne la suppression sous astreinte de 1.000 francs par clause présente passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement.

Condamne la société CANAL SATELLITE à payer à la demanderesse la somme de cinquante mille (50.000) francs à titre de dommages intérêts ;

Ordonne la publication du présent jugement dans un magazine de télévision au choix de la demanderesse et dans la limite d'une somme de quinze mille francs (15.000).

Rejette le surplus des demandes.

Ordonne l'exécution provisoire du jugement

Condamne la société CANAL SATELLITE à verser à la demanderesse la somme de dix mille (10.000) francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La condamne aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 10 octobre 2000.

Le Greffier                            Le Président

M. MOREAU                       C. TAILLANDIER