CA RIOM (1re ch. civ.), 1er octobre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3978
CA RIOM (1re ch. civ.), 1er octobre 2012 : RG n° 11/02686
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2012-022375
Extrait : « Attendu que Mme X. a adhéré le 12 avril 1999 moyennant un taux de 0,45 % à l'assurance collective souscrite auprès de la CNP par le Crédit Agricole Centre France en garantie du risque « décès, IAD, ITD », lui assurant remboursement de deux emprunts contractés le 12 mai 1999 pour les sommes principales de 430.000 F, (65.648,85 euros) et 96.000 F (14.656,49 euros) ; qu'aux termes de l'article 4-2 des conditions générales du contrat, l'invalidité totale et définitive a été définie comme l'impossibilité définitive de l'assuré de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée lui donnant gain ou profit, de sorte que devant ses deux conditions à la fois cumulatives et alternatives, le tribunal de grande instance a tiré les conclusions qui s'imposaient de l'application de l’article L. 133-2 du code de la consommation, en jugeant que cette clause devait être interprétée dans l'intérêt de l'assuré qui se trouvait dès lors tenu seulement d'établir qu'il se trouvait dans l'impossibilité de se livrer à toute activité de nature à lui procurer un revenu, de sorte que cette disposition contractuelle ainsi interprétée, ne présentait pas le caractère d'une clause abusive ».
COUR D’APPEL DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er OCTOBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° : 11/02686. Jugement Au fond. Origine : Tribunal de Grande Instance de CUSSET, décision attaquée en date du 5 septembre 2011, enregistrée sous le n° 10/1111.
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : M. Gérard BAUDRON, Président, Mme Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Conseiller, Mme Corinne JACQUEMIN, Conseiller
En présence de : Mme Maryse de O., Adjoint Administratif, lors de l'appel des causes,
Mme Sylviane PHILIPPE, Greffier lors du prononcé
ENTRE :
APPELANTE :
Mme X. épouse Y.
représentée par Maître Barbara G. P., avoué/avocat, plaidant par Maître Sophie D., substituant Maître Annie C.-D., avocat au barreau de CUSSET-VICHY
ET :
INTIMÉE :
SA CNP ASSURANCES
représentée par la SCP Pascal A., avoué/avocat, plaidant par Maître E. P. du Cabinet d'avocats P. ASSOCIES, avocats au barreau de CUSSET-VICHY
Après avoir entendu à l'audience publique du 6 septembre 2012 les représentants des parties, avisés préalablement de la composition de la Cour, celle-ci a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le Président, à laquelle a été lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l’article 452 du code de procédure civile :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Vu le jugement rendu le 5 septembre 2011 par le tribunal de grande instance de Cusset et ayant débouté Mme X. épouse Y. de sa demande de prise en charge par la compagnie CNP Assurances du remboursement de l'emprunt qu'elle avait contracté auprès du Crédit Agricole, au motif que celle-ci n'était pas atteinte d'une invalidité totale définitive la plaçant dans l'incapacité de reprendre une activité professionnelle ;
Vu l'appel relevé par Mme X. le 24 octobre 2011 ;
Vu les dernières écritures de l'appelante, déposées le 3 janvier 2012 par lesquelles elle conclut à l'infirmation du jugement et demande à la Cour :
- de prononcer, par application des dispositions de l’article L. 132 du code de la consommation et de l’article 1174 du code civil, la nullité de la clause définissant l'incapacité totale définitive conditionnant la mise en œuvre de sa garantie, ou de juger, qu'au vu de son état physique elle se trouve dans l'impossibilité de retrouver effectivement une activité rémunérée et d'exercer une profession,
- de condamner en conséquence la compagnie CNP à prendre en charge les prêts de 65.648,85 euros et de 14.656,49 euros, ainsi qu'à lui régler sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 3.500 euros représentant 1.500 euros pour la procédure de première instance et 2.000 euros s'agissant de la procédure d'appel ;
Vu les dernières écritures de la compagnie CNP Assurances déposées le 6 mars 2012, concluant à la confirmation du jugement et à la condamnation de Mme X. à lui payer une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au motif que celle-ci ne remplit pas les conditions contractuelles rédigées de façon claire et sans ambiguïté conditionnant la mise en œuvre de sa garantie à un état d'invalidité totale et définitif alors qu'il résulte des examen et expertise médicaux qu'elle a subis, qu'elle ne se trouve pas dans l'impossibilité de se livrer à toute occupation ni activité rémunérée lui donnant gain et profit ;
A titre subsidiaire, toutefois, elle demande à la Cour de juger qu'une condamnation à une prise en charge des intérêts du prêt ne pourrait être prononcée que dans les termes et limites contractuelles au profit de l'organisme prêteur bénéficiaire du contrat d'assurance ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que Mme X. a adhéré le 12 avril 1999 moyennant un taux de 0,45 % à l'assurance collective souscrite auprès de la CNP par le Crédit Agricole Centre France en garantie du risque « décès, IAD, ITD », lui assurant remboursement de deux emprunts contractés le 12 mai 1999 pour les sommes principales de 430.000 F, (65.648,85 euros) et 96.000 F (14.656,49 euros) ; qu'aux termes de l'article 4-2 des conditions générales du contrat, l'invalidité totale et définitive a été définie comme l'impossibilité définitive de l'assuré de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée lui donnant gain ou profit, de sorte que devant ses deux conditions à la fois cumulatives et alternatives, le tribunal de grande instance a tiré les conclusions qui s'imposaient de l'application de l’article L. 133-2 du code de la consommation, en jugeant que cette clause devait être interprétée dans l'intérêt de l'assuré qui se trouvait dès lors tenu seulement d'établir qu'il se trouvait dans l'impossibilité de se livrer à toute activité de nature à lui procurer un revenu, de sorte que cette disposition contractuelle ainsi interprétée, ne présentait pas le caractère d'une clause abusive ;
[minute page 3] Attendu que l'État d'invalidité de Mme X. doit s'apprécier « in concreto » afin de déterminer au vu de sa santé et de sa situation personnelle si elle est en mesure de reprendre une activité rémunérée adaptée à sa situation, étant précisé que l'examen médical pratiqué par le docteur B. le 14 février 2006 n'est pas déterminant puisque son état de santé n'était alors pas consolidé ;
Attendu que Mme X., âgée de 61 ans, a présenté en 2004 un cancer de l'endomètre et subi une opération chirurgicale nécessitant une hystérectomie élargie avec curage ganglionnaire iliaque externe et primitif et omentectomie, dont la récidive découverte l'année suivante a imposé la mise en place d'un traitement complémentaire par radio curiethérapie puis chimiothérapie, (la contraignant depuis à une surveillance carcinologique périodique), ainsi qu'une éventration médiane de la paroi abdominale opérée en 2006 avec mise en place d'une plaque ; qu'elle présente toujours, selon l'expertise effectuée le 8 juillet 2009 par le Docteur A., commis par le tribunal de grande instance de Cusset, « une asthénie des douleurs des membres par neuropathie périphérique imputable à la chimiothérapie, une aggravation de troubles imputable à la chirurgie pelvienne et une éventration sur la cicatrice de laparotomie qui nécessitera dans l'avenir une reprise chirurgicale, et impose un traitement antalgique régulier ; que de plus celle-ci a développé « une pathologie fonctionnelle polymorphe » à rattacher à un état dépressif réactionnel à une affection médicale grave ayant nécessité un traitement lourd, se traduisant par un sentiment de dépréciation physique et moral qui, certes, aggravée par des difficultés conjugales qu'elle a rencontrées, justifie le suivi d'un traitement psychotrope (anxiolytique associé un temps à un antidépresseur).
Attendu que Mme X. qui, avant de cesser toute activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation de ses enfants, avait travaillé comme secrétaire puis vendeuse en parfumerie jusqu'en 1992, ne peut de toute évidence mettre en avant cette expérience pour trouver un nouvel emploi, d'autant qu'en raison de son âge et de son état de santé elle a été admise à une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail à compter du 13 avril 2011 ;
Attendu que le tribunal de grande instance qui s'est uniquement basé sur une phrase figurant dans la conclusion du rapport d'expertise selon laquelle « les séquelles « médicales et psychiques » ('), de Mme X. ne la mettaient pas dans l'impossibilité totale et définitive de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée lui donnant gain au profit », n'a pas pris en compte la constatation faite auparavant par le docteur R. dans le même rapport, selon lequel « compte tenu des séquelles physiques de l'affection de Mme X., de son âge, de l'absence d'activité professionnelle depuis 1992 et de l'absence de formation professionnelle, sa reprise d’une activité rémunératrice semble maintenant illusoire », ce qui est d'ailleurs illustré par sa tentative de mise au travail dans une autre branche d'activité, à savoir l'aide aux personnes, qu'elle a été contrainte d'abandonner, puisque son état physique, et notamment l'éventration abdominale qu'elle avait subie lui interdisait les efforts des soulèvements ; qu'elle n'est pas en mesure d'envisager sérieusement une autre reconversion professionnelle, d'autant que l'expert considère que son état de santé, entraînant un taux d'incapacité de 70 %, non seulement n'est pas susceptible de s'améliorer, mais encore est susceptible de rechute ;
Qu'en conséquence, l'état physique et psychique de Mme X., son âge, et l'absence de formation professionnelle, la mettent manifestement dans l'incapacité d'exercer toute activité rémunérée lui donnant gain ou profit, et dès lors qu'un taux d'invalidité de 100 % n'est pas exigé par les dispositions contractuelles, et que la commune intention des parties consistait à garantir le remboursement de l'emprunt contracté en cas d'aléa qui est survenu sous forme d'une maladie grave, et définitivement incapacitante au sens explicité supra, la CNP doit garantir, dans le cadre des dispositions [minute page 4] contractuelles, le remboursement des deux emprunts contractés auprès du Crédit Agricole en réglant directement les sommes dues à cette banque ;
Attendu que la compagnie CNP, qui succombe en ses prétentions, supportera la charge des dépens des procédures de première instance et d'appel et devra payer à Mme X. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sous réserve de ce que celle-ci renonce, en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L. 133-2 du code de la consommation, 1135 et suivants du Code civil,
Infirme le jugement ;
statuant de nouveau :
Condamne la compagnie CNP Assurances à garantir, au profit du Crédit Agricole Centre France le remboursement des deux emprunts contractés le 12 mai 2009 par Mme X. épouse Y. ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la compagnie CNP Assurances aux dépens des procédures de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Mme X. épouse Y. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à condition que celle-ci renonce, en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée.
Dit qu'il sera fait application, pour les dépens d'appel, des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Mme PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé.
Le greffier Le président
- 6007 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Illustrations
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