CA POITIERS (1re ch. civ.), 5 octobre 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3980
CA POITIERS (1re ch. civ.), 5 octobre 2012 : RG n° 12/01610
Publication : Jurica
Extrait : « Cependant, à supposer que la vente puisse être considérée par le juge du fond comme conclue entre un particulier et un professionnel, il convient de relever que l'Annexe 1 b) de l’article L 132-1 du Code de la consommation énonce que « les clauses ayant pour objet ou pour effet d'exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel ou d'une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque des obligations contractuelles ».
Etant observé que le bon de commande est signé directement entre Mme X. et la SARL ADS- S. AUTOMOBILES, que M Y., qui aurait mis en relation les parties contractantes n'est en aucune façon un professionnel de l'automobile et que si Mme X. a porté la mention « lu et approuvé » sur le bon de commande, celui-ci ne mentionne pas expressément l'existence d'un vice particulier mais uniquement la mention « prix marchand en l'état sans garantie sans contrôle technique », seul le juge du fond est à même d'apprécier si : - Madame X. avait ou non connaissance du vice eu égard à des attestations contestées dans leur contenu et leur objectivité, - la vente a été ou non conclue entre professionnels, selon l'appréciation qui sera fait du rôle joué par M Y. dans la transaction, - la clause doit ou non être considérée comme abusive. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 5 OCTOBRE 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01610. Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 19 mars 2012 rendue par le Tribunal d'Instance de La Rochelle.
APPELANTE :
Madame X.
ayant pour avocat la SCP DESCUBES BALLOTEAU, substituée par Maître BERTRAND, avocats au barreau de LA ROCHELLE
INTIMÉE :
SARL ADS S. AUTOMOBILES
ayant son siège social [adresse], agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, ayant pour avocat Maître Alain RIVAILLON, avocat au barreau de LA ROCHELLE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 910 alinéa 1, 785 et 786 du Code Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 4 septembre 2012, en audience publique, devant : Madame Isabelle CHASSARD, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette MARTIN-PIGALLE, Président, Madame Marie-Jeanne CONTAL, Conseiller, Madame Isabelle CHASSARD, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Pascale BERNARD,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Colette MARTIN-PIGALLE, Président, et par Madame Pascale BERNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 8 septembre 2011, Madame X. a acquis auprès de la Société S. AUTOMOBILES un véhicule d'occasion NISSAN PRIMERA de 2002 ayant 122.000 kms au prix de 3500 euros.
Le 1er octobre 2011, le véhicule s'est trouvé en panne alors que Madame X. circulait sur l'autoroute.
Une expertise non judiciaire a mis en évidence que la panne était due à une rupture de la courroie de distribution.
Par acte du 6 février 2012, Madame a fait assigner en référé la SARL ADS (S. AUTOMOBILE) aux fins de voir ordonner une expertise afin de :
- rechercher les causes de la panne et indiquer si les causes sont ou non antérieures à la vente,
- chiffrer les réparations,
Le juge des référés du Tribunal d'Instance de LA ROCHELLE, par décision du 19 mars 2012, a statué comme suit :
« DÉBOUTONS Madame X. de sa demande,
CONDAMNONS Mme X. à payer à la société ADS S. AUTOMOBILE la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de Procédure Civile.
CONDAMNONS Madame X. aux dépens. »
Le premier juge a notamment retenu que :
- la demande d'expertise n'était pas légitime en ce que Mme X. ne peut, en vertu du contrat, invoquer une garantie des vices cachés, l'acquéreur professionnel voulant faire son affaire de la remise en état du véhicule,
- la clause de non garantie est applicable entre professionnels de la même spécialité,
- Madame X. a signé le bon de commande en apposant la mention « lu et approuvé ».
LA COUR :
Vu l'appel général interjeté le 3 mai 2012 par Mme X.
Vu les dernières conclusions du 19 juillet 2012 de Mme X. présentant les prétentions suivantes :
« Vu les dispositions de l’article 145 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles 1641 et suivants du Code Civil,
Vu les articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation,
INFIRMER l'ordonnance du Tribunal d'instance en date du 19 mars 2012.
Et en conséquence,
ORDONNER une expertise technique avec la mission contenue dans les motifs.
Statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens. »
Vu les dernières conclusions du 21 août 2012 de la SARL ADS-S. AUTOMOBILES présentant les prétentions suivantes :
« Vu les articles 145 du CPC et 1641 et suivants du Code civil,
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel et débouter Madame X. de sa demande d'expertise ;
Subsidiairement, constater qu'il existe une contestation sérieuse sur l'application en l'espèce de l’article 1641 du code civil, se déclarer incompétent et renvoyer l'appelante à mieux se pourvoir ;
Condamner en outre Madame X. à payer à la SARL ADS-S. AUTOMOBILES la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner Madame X. aux entiers dépens de première instance et d'appel. »
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la demande d'expertise :
Le véhicule litigieux a été vendu le 8 septembre 2011, au prix de 3.500 euros, avec des conditions spécifiques, mentionnées à la main et de manière très apparente, sur le bon de commande et acceptées par l'acquéreur, à savoir : « Prix Marchand, en l'état, sans garantie, sans contrôle technique ».
Il avait en effet été acheté d'occasion par la SARL ADS S. AUTOMOBILES en 2008 au prix de 4.850 euros avec un kilométrage de 120.000 km.
Les parties s'opposent sur le fait que la vente ait été conclue ou non entre professionnels et donc sur l'opposabilité à Mme X. de la clause d'exclusion de garantie ainsi que sur la connaissance ou non du vice par Mme X., connaissance qui exclurait l'application de l’article 1641 du code de procédure civile.
Le litige doit cependant être apprécié au regard des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.
L’article 145 du Code de Procédure Civile énonce que « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instructions légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Dans le cadre de cette disposition, une expertise sollicitée peut être refusée si toute action future du demandeur à l'expertise est manifestement vouée à l'échec.
L’article 1643 du Code Civil dispose en effet à propos du vendeur : « Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ».
Cependant, à supposer que la vente puisse être considérée par le juge du fond comme conclue entre un particulier et un professionnel, il convient de relever que l'Annexe 1 b) de l’article L 132-1 du Code de la consommation énonce que « les clauses ayant pour objet ou pour effet d'exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel ou d'une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque des obligations contractuelles ».
Etant observé que le bon de commande est signé directement entre Mme X. et la SARL ADS- S. AUTOMOBILES, que M Y., qui aurait mis en relation les parties contractantes n'est en aucune façon un professionnel de l'automobile et que si Mme X. a porté la mention « lu et approuvé » sur le bon de commande, celui-ci ne mentionne pas expressément l'existence d'un vice particulier mais uniquement la mention « prix marchand en l'état sans garantie sans contrôle technique », seul le juge du fond est à même d'apprécier si :
- Madame X. avait ou non connaissance du vice eu égard à des attestations contestées dans leur contenu et leur objectivité,
- la vente a été ou non conclue entre professionnels, selon l'appréciation qui sera fait du rôle joué par M Y. dans la transaction,
- la clause doit ou non être considérée comme abusive.
Dès lors, toute action future de la part de Mme X. n'étant pas manifestement vouée à l'échec, la décision entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions, l'expertise étant par ailleurs utile afin que soit déterminées avec précision les causes de la panne du 1er octobre 2011 et que soit analysée l'existence éventuelle d'un vice caché antérieur à la vente.
Les dépens de la procédure d'instance et d'appel seront à la charge de la SARL ADS-S. AUTOMOBILES.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau :
Avant dire droit, ordonne une expertise :
Commet pour y procéder Z.
avec mission de :
- convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par lettre recommandée avec accusé de réception
- Se faire remettre sans délai par les parties ou par tout tiers détenteur les documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et en particulier l'expertise amiable du Cabinet C. du 11 janvier 2012,
- Recueillir les déclarations des parties et éventuellement celles de toute personne informée,
- procéder à l'examen du véhicule en cause, à l'adresse qui lui sera indiqué par Mme X. (en l'état du dossier au garage M., [...]
- rechercher les causes de la panne du 1er octobre 2011 et dire si les causes de la panne trouvent leur origine dans un défaut caché du véhicule préexistant à la vente
- décrire son état et vérifier si les désordres allégués existent,
* dans ce cas les décrire en précisant s'ils affectent les organes essentiels, en indiquer la nature et la date d'apparition,
* en rechercher les causes, dire s'ils sont de nature à rendre le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné, ou s'ils en diminuent l'usage, et s'ils étaient décelables par un acheteur non professionnel, et préciser si un défaut d'entretien ou une mauvaise utilisation du véhicule est totalement ou partiellement à l'origine des désordres,
* donner son avis sur l'attitude qu'aurait pu avoir l'acheteur s'il avait eu connaissance des vices et sur le prix qu'aurait eu la chose,
* déterminer si le véhicule est apte à la circulation,
- établir une chronologie des interventions effectuées sur le véhicule antérieurement et postérieurement à la vente,
- préciser si les éléments techniques portés à la connaissance de Mme X. lui permettaient en tant que non professionnelle d'avoir conscience du vice éventuellement pré existant,
- déterminer la valeur du véhicule au moment de la vente en l'état des éléments portés à sa connaissance,
- indiquer, le cas échéant, les travaux de réparation propres à remédier aux désordres, en évaluer le coût, l'importance et la durée, ou bien indiquer la valeur résiduelle du véhicule en cas d'impossibilité de réparation,
- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités encourues et évaluer s'il y a lieu tous les préjudices subis,
- Faire toutes observations utiles au règlement du litige,
Sur les obligations attachées au déroulement de l'expertise :
Dit que l'Expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès sa saisine.
Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat de la Cour d'Appel de POITIERS chargé du contrôle de l'expertise.
Dit que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations.
Dit que l'Expert devra tenir le magistrat de la Cour d'Appel de POITIERS chargé du contrôle de l'expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission.
Dit que l'expert est autorisé à s'adjoindre tout spécialiste de son choix sous réserve d'en informer le magistrat de la Cour d'Appel de POITIERS chargé du contrôle de l'expertise.
Dit que l'expert pourra en cas de besoin, remettre un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission.
Rappel aux parties qu'en cas de pré rapport :
- le délai (3 semaines minimum) pour adresser les dires fixé par l'expert est un délai impératif,
- les dires doivent concerner les appréciations techniques et que l'expert ne peut être saisi de questions de nature purement juridique.
Dit que l'Expert devra déposer son rapport définitif (accompagné des documents annexés ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis) et sa demande de rémunération au greffe de la Cour d'appel de POITIERS, dans le délai de rigueur de 6 mois à compter de sa saisine (sauf prorogation dûment autorisée), et communiquer ces deux documents aux parties
Dit que les parties disposeront d'un délai de QUINZE JOURS à compter de sa réception pour adresser au greffe (service des expertises) leurs observations sur la demande de rémunération.
Dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par Mme X. qui devra consigner la somme de 2.000 euros à valoir sur la rémunération de l'Expert, auprès du Régisseur d'Avances et de Recettes de la Cour d'Appel de POITIERS, avant le 20 décembre 2012 étant précisé que :
- la charge définitive de la rémunération de l'expert incombera, sauf transaction, à la partie qui sera condamnée aux dépens,
- chaque partie est autorisée à procéder à la consignation de la somme mise à la charge de l'autre en cas de carence ou de refus.
Dit toutefois que la personne ci dessus désignée sera dispensée de consignation au cas où elle serait bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et dit que dans ce cas copie de la décision d'aide juridictionnelle applicable à la présente procédure (sur demande d'AJ présentée antérieurement à la date de la présente décision) devra être déposée par elle au service des expertises avant le 20 décembre 2012,
Désigne le conseiller de la mise en état de la première chambre de la Cour d'Appel de POITIERS pour en surveiller l'exécution,
Condamne la SARL ADS S. AUTOMOBILES aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES AU DEROULEMENT DE L'EXPERTISE
- Le technicien doit respecter les délais qui lui sont impartis ou, à défaut, solliciter à l'expiration desdits délais une prolongation en exposant les raisons pour lesquelles les délais octroyés ne peuvent être respectés (art. 239 et 241 du Code de Procédure Civile)
- Le technicien peut demander communication de tous documents aux parties et aux tiers sauf au juge à l'ordonner en cas de difficulté. Les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. En cas de carence des parties, l'expert en informe le Juge qui peut en ordonner la production, s'il y a lieu sous astreinte, ou bien le cas échéant l'autoriser à passer outre ou à déposer son rapport en l'état (art. 243 et 275 du Code de Procédure Civile )
- Si l'expert se heurte à des difficultés qui font obstacle à l'accomplissement de sa mission ou si une extension de celle-ci s'avère nécessaire, il en fait rapport au Juge. Celui-ci peut en se prononçant proroger le délai dans lequel l'expert doit donner son avis (art. 279 du Code de Procédure Civile)
- Il sera tiré toutes conséquences de la carence des parties tant en ce qui concerne le déroulement des opérations d'expertise qu'en ce qui concerne le défaut de consignation (art. 271, 275 et 280 du Code de Procédure Civile)
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,